Assis sous un arbre, Valentin lisait. Il aimait parfois s'ecarter de la foule, de la ville et des tavernes pour se recueillir, lire et mediter, songeant au passe, a ses amis lointains, a ceux retrouves, a la betise des hommes. Ce jour, il avait choisi de lire un pamphlet philosophique directement lie a la vie de Moulins. Qu' on pouvait ecrire ici sans jamais rien en dire mais un livre reste, traverse le temps, les epoques, touche parfois peu d'hommes ou encore le plus grand nomble. Un livre, c est un roman, un histoire, une verite, peu importe, il vehicule une idee, une pensee parfois aux yeux de certains vide de sens mais aussi pour d'autres l'illumination, comme un reveil de la conscience..un pas vers la lumiere. Voici donc le pamphlet qu'il lisait :
De l'esprit de Bellac par Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montescul
Un jour, un matin le paysan Millito vient a Bellac. La gorge seche, l'ane porte son lourd fardeau, il a besoin de repos, le paysan aussi. Celui approche de la taverne, on y discute, on y boit. Il ne veut pas deranger. Le tavernier le sert et voila un seigneur arrogant, Baccus, pour lui gacher son plaisir :
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Hey toi Manant ! D' ou viens tu ? ben quoi, on ne se presente pas. As tu perdu ta langue ?
Des rires imbeciles au milieu des amis du seigneur pretentieux mais Millito n'en a que faire..Il leve la tete et salue, boit sa chope et profite de l instant de repit que la vie lui offre. Chaque gorgee de la biere traverse sa bouche, sa gorge et vient balayer les muqueuses seches qui l'empechent de parler. Mais le seigneur provocant revient a la charge confiant prenant le silence pour de la crainte. Sa main vient alors prendre brusquement son epaule
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Hey, le gueux je te parle, oui toi ! Tu viens, tu bois et tu nous embetes ici de ton odeur pestilencielle. Tu nous agaces, nous provoques par ta simple venue. Ca n est pas un endroit pour toi ici ! Nous avons l'habitude d'etre entre nous. Bellac est Notre ville tu entends, ici c est Notre Taverne, et la tu bois Ma chope devant Ma compagne..
Et voila que le seigneur bouscule Millito, le chahute, le pousse, la biere se renverse. Les badots rigolent de leurs dents gatees. Le maire sourit, approuve et laisse faire, ca l'amuse, le conforte, ca lui va bien comme ca, apres tout, son electorat est la.
Millito a la force de ceux qui savent reflechir sans repondre, comprendre sans reagir, s excuse pour la biere renversee puis sort retrouver son ane. Le seigneur malveillant leve les mains en l'air, d un air victorieux, rit a s en epoumonner puis attrape sa compagne rouquine, une grande claque sur les fesses et l embrasse de toute sa bave.
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Non mais, ce rat la qui vient devant nous, perturber notre quietude.. !
Millito dehors voit les rues desertes, il prend son ane et part en quete d'un abri pour la nuit, lui qui songe a s'installer ici, voila la barbichette qui le gratte soudain. Il medite, marche, marche des heures, loin des rires idiots..
Une cabane dans la foret fera l'affaire, Millito y vit reclut, se lavant dans la riviere, sa petite culture pour subvenir a ses besoins quotidiens. On vient le chercher quand il faut defendre.
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Hey toi la haut, descend, l ennemi est a nos portes. Prend ce baton et ce bouclier et file rejoindre les autres. Surtout garde les rangs et la ferme !
Notre Millito quitte sa cabane, son ane, sauve la vie d'un prince. Un coup qu'on allait porter dans le dos d'un seigneur, Millito l'a pris, a sa place mais l'ennemi a fui. Alors apres avoir botte l'ennemi, le seigneur reconnait Millito :
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Hey toi la, que t avais je dit ? nous n avons pas besoin de toi ici ! Nous sommes bien, entre nous Bellac est a nous et rien qu'a nous ! J'ai Moi sauve la vie du Prince, pas toi..
Lui botte alors les fesses et Millito s'effondre, sur le sol, la douleur au visage. Personne pour le relever, personne sauf..Un noble pour lui sourire, lui tendre la main. Millito s'inquiete, peut etre un mauvais tour ? Mais le regard du noble cette fois est bienveillant et Millito accepte, se releve.
Le noble le regarde, le considere un instant puis s'en va. Mais Millito ne le quitte pas du regard jusqu au moment ou il le perd de vue et s en retourne a sa cabane de bois en haut des arbres.
L'hiver arrive, six mois ont passe, les reserves s'epuisent et Millito n'a d'autre choix que de se rendre au marche, il entend :
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Chers concitoyens, Moi fort de mes quinze mandats, moi qui vous sauve, moi qui vous guide, moi qui vous forme....Je viens ici present vous offrir un seizieme mandat, par mon illustre personne..
Millito s'etonne, quelle democratie offre quinze mandats a un maire ? quelle evolution cela peut il bien procurer a une ville ?Tout juste garde t on ses amis pres de soit pour avoir leurs votes, qu'on les flatte, les recompense..qu'on les fait boire et hop le tour est joue..le voila reelu..
Ce sera la premiere revelation de Millito, il a compris le fonctionnement de la ville et voila deja la milice qui revient vers lui. A sa tete le seigneur malveillant, matraque a la main.
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Hey dis moi toi, pour qui vas tu voter ? Pour lui j espere ! Sinon tu verras ce qu il t en coutera, et de ma main je te chasserai, tu m entends? de ma main !
Et Millito acquiesse, baisse la tete, souleve ses sacs et charge son ane. Au loin, il croise le regard du noble. Il le salue et d'un geste de la tete celui-ci lui repond Ce noble lui qui tres vite a compris le jeu de la politique a Moulins, le jeu des amis, de la mafia, de la calomnie, des mensonges..voit en ce Millito la sagesse d'un grand. Courageux Millito..
L'hiver passe alors, Millito n'a plus faim, n'a plus peur, le soleil vient lui redonner espoir, il sort a nouveau, se rejouit des premieres fleurs, les respire, gambade puis s arrete net :
Devant lui le Seigneur provocant trousse son propre frere, la scene est horrible ! Millito s en ecoeure, ne dit rien et s enfuit, poursuivi par le seigneur qui prend son epee mais a vouloir l embrocher oublie de remonter ses braies et s etale.
C'est qu a force de chasser les nouveaux, la ville elle-meme, prise par l'ennui avait fini par se suffir a elle meme. Qu'en se renfermant dans cet obscurantisme culturel, ce racisme exacerbe, les habitants forniquaient entre eux et on cachait ca et la quelques enfants fruits de la consanguinite.
Cache alors derriere un arbre, la main devant la bouche, Millito reprend son souffle. Dans la taverne, il avait bien croise dix personnes, au marche les meme dix personnes, Il avait compris que cette ville ne laissait pas sa place aux nouveaux, que le systeme etait en place. Du maire a sa milice, d'un ville qui s'appauvrit et se vide, les morts ne sont pas remplaces...Comme un chacal qui attend son tour pour avoir sa part de chair, le fourbe caresse le maire en attendant de prendre sa place un jour, une fois pour voir..Qu'on vienne a parler de ca et voila la milice qui se fache, tape..mais notre Millito est un costaud, et si tant est qu il a toujours su tenir sa langue, un jour a ce noble ouvre son coeur. Ce noble qui l'avait aide a se relever enfin fini par se presenter :
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Bonjour Millito, je suis Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montescul, ecrivain et j aimerais que tu me racontes ton histoire...
Fin
Valentin tourna la derniere page et finit par fermer le livre, _________________