--Carenza
[Tout vient à point pour qui sait attendre]
Attendre...
Seule chose qu'ils leur restaient à faire, depuis ses deux derniers jours, dans une ville comme Argentan où la monotonie bien ancrée de l'hiver ne semblait offrir à ses habitants que peu d'occupations pour la contrer. Là où il n'y avait rien d'autre à faire que de rester cloîtrer dans une chambre louée le temps d'un séjour forcé avec l'espoir de voir enfin arriver ce pourquoi on attendait.
Attendre... Chose aisée pour qui savait faire preuve de patience. Et cette aptitude, cette qualité... Carenza en disposait. Elle était de ceux qui savait attendre calmement, supportant les choses avec sang-froid. Mais tout le monde ne pouvait pas en dire autant. La patience est telle une fleur qui ne pousse pas dans tous les jardins. Elle s'apprend. Se cultive dans le temps.
Alors qu'en était-il de la patience d'un enfant ? Pas grand chose, pour ne pas dire qu'elle se faisait quasi inexistante.
Les questions se faisaient à répétition.
Qu'est ce qu'on fait maintenant ? Et pourquoi reste t-on là ? Quand rentre-t-on ?...
Incessantes, et tellement normale.
Tant de temps s'était écoulé depuis qu'ils avaient eu à quitter la Normandie, privant ainsi Erwan et Briana de leur confort, de leur famille, de leurs amis. Quels enfants, aussi chéris qu'ils l' eurent été depuis leur naissance, n'auraient alors pas fait preuve d'impatience, si pressés qu'ils étaient de pouvoir retrouver père et mère qui leur manquaient tant ? Aucun assurément.
Mais voilà que la réponse donnée à cet énervement, ce bouillonnement intérieur se répétait inlassablement. Elle aurait aimé qu'il en soit tout autre, mais elle n'était pas maîtresse des évènements. Elle se contentait alors de mettre quelques mots sur leur ressenti afin de rendre l'attente plus supportable.
" Faites preuve d'encore un peu de patience les enfants. Le Vicomte sera bientôt là et enfin nous rentrerons et retrouverons vos parents..."
S'en suivait un signe rassurant. Un sourire s'étirant d'un bout à l'autre des lèvres de la nourrice. Mais l'empreinte qui se faisait sur le faciès des chérubins étaient toute autre. Se dessinait sur leurs minois enfantin une moue synonyme de leur grande déception.
" Je sais à quel point vous avez hâte. Mais je sais aussi que vous êtes capable d'attendre..."
Voilà qui était un bon début d'apprentissage pour ce qui concernait la patience. Et il leur faudrait l'apprendre. Elle y veillerait.
Les yeux posés sur Briana parti rejoindre sa poupée, et sur Erwan qui cherchait à savoir que faire, l'attention de la nourrice fut détournée lorsqu'à la porte de leur chambre on vint frapper. Au travers s'était fait entendre la voix de la jeune fille travaillant là :
" Une missive Dame !... Pour vous !"
A ces mots, Carenza s'était avancée, ouvrant la porte sur la maigre silhouette venue lui porter son courrier.
"Je vous remercie. Vous pouvez à présent disposer "
Refermant la porte derrière elle, elle décacheta la missive et sans prendre la peine de s'asseoir fit lecture des nouvelles lui parvenant.
Citation:
Bonjour à vous Dame Carenza
L'escorte des enfants de De Courcy est arrivée sur Argentan.
Faite en sorte qu'ils soient prêt à partir ce soir. Il n'y a pas urgence mais ma charge m'oblige à ne point rester loin de la Normandie.
Nous passerons par Lisieux ou je dois également escorté un Conseiller Ducal se endant sur Rouen.
Bien à vous .
Pierre de Courtalain.
L'escorte des enfants de De Courcy est arrivée sur Argentan.
Faite en sorte qu'ils soient prêt à partir ce soir. Il n'y a pas urgence mais ma charge m'oblige à ne point rester loin de la Normandie.
Nous passerons par Lisieux ou je dois également escorté un Conseiller Ducal se endant sur Rouen.
Bien à vous .
Pierre de Courtalain.
Des nouvelles dont elle s'empressa d'informer Briana qui avait soudainement délaissée sa poupée, et Erwan, tous deux posant sur elle regards emplis d'interrogations.
" Les enfants... Voici une bonne nouvelle. Notre escorte se trouve à Argentan et nous invite à la rejoindre au plus vite afin que nous puissions partir dès ce soir. Alors dépêchons ! Bouclons les malles et partons ! Oh ! Et Briana... Veillez à ne pas oublier votre poupée... Imaginez comme elle serait triste de se voir abandonnée."
Les moues s'étaient transformées en large sourire, et le silence s'était vu brisé par de grands éclats de rires. Enfin, le voyage allait pouvoir se poursuivre et la fin de leur périple se faisait de nouveau un peu plus proche.