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[RP semi fermé] Un renard et un Lys sous l'astre nocture

--L_etincelle
[Un bureau ... un écritoire ... le milieu de la nuit]

Dans le petit bureau éclairé d'une simple chandelle, la pointe de la plume grattait le vélin précieux sur lequel l'étincelle rousse couchait quelques mots. Si cette lettre arrivait à bon port peut-être que tout changerait. Si cette lettre se posait dans les bonnes mains alors peut-être que le Royaume de France connaitrait sa plus grande intrigue. A l'heure où les alliances se créaient et les complots se préparaient, voilà que l’Écarlate en inspirerait peut-être un.
Alors que l'encre noire s'étalait avec régularité sur le papier, la Flammèche mettait en ordre ses idées. Une conversation tout à fait anodine avec sa tutrice mère, avait aboutit à de grands préceptes pour changer le monde, le Royaume de France et à plus petite échelle son Comté.
La modération n'étant pas un trait de la jeune enfant, à peine rentrée chez elle, elle avait formulé d'abord à haute voix ses idées pour se décider enfin à les noter.
La nuit était noire lorsque les notes s'étaient muées en message codé, que seule une personne avisée pourrait déchiffrer.
A présent les rayons du soleil pointaient au Levant tandis que la petite main gracieuse signait et scellait sa requête.


Citation:
Au Lys Charmant !

Fleure immaculée ! Laissez moi vous conter l'étrange rencontre au détour d'un chemin.
En me promenant dans les prés verdoyant mais mal odorant, je fis la rencontre d'une jongleuse unijambiste.
Elle m'emmena sous le chapiteau de son cirque que je côtoyais chaque jour à chaque spectacle. Là, la mine déconfite, elle me montra un tas de fumier que je n'avais alors pas vu jusque là et me dit.

"Mon enfant voit comme l'illusion et le spectacle ont laissé place à la perfidie et à la souillure. Autrefois je lançais ici mes lames affutées, les animaux était gras et les rires se mêlaient au travail de chacun...
Maintenant, Regardes ce cirque comme il est souillé d'immondices pourtant c'était un lieu fertile pour la créativité et le commerce qui devait assurer mon petit avenir et celui de mes enfants.
Mais la créature sans nom a pris possession des âmes qui le faisaient vivre jusque là sans appât du gain.
Leur esprit corrompu tous voulurent être la vedette de chaque représentation, sans faire attention à leur voisins et les rapports entre artistes se sont détériorés, les bêtes sont affamées et plus aucun rire ne se fait entendre sous la toile. "

La bouche ouverte d'étonnement je contemplait la borgne. Oui l'infirme était borgne...
Que me voulait-elle ? pourquoi me montrer tout cela ? Moi qui aimait tant ce cirque. Mon incrédulité et ma tristesse dussent se lire sur mes traits car la borgne s'empressa d'ajouter.

"Mon enfant, tu es jeune et forte et j'ai vu dans tes yeux que tu aimes ce cirque autant que moi. Aussi ai-je besoin de toi pour m'aider à le purifier. Cours ! Par delà les forêts et ruisseaux, au delà des près et vallées, vit une fleure immaculée qui pourra te prêter main forte dans ton entreprise. Demande lui son aide, c'est une fleur pure et si tu sais la cueillir elle approuvera et t'apportera son concours."

Que pensez-vous de cette histoire ?
L'étincelle rusée.


Un éclair argenté scintilla dans le clair obscure de la pièce. Une longue et fine mèche de cheveux roux tomba sur le bureau. L'étincelle s'empressa de la lier à la cire encore tiède. Le destinataire pourrait ainsi savoir qui elle était.
La chaise racla doucement le sol. La porte du bureau s'ouvrit et aussitôt le vieux majordome entra. Les prunelles vertes de la gamine se posèrent sur le visage marqué de l'homme âgé.

- J'espère que c'est là la bonne solution.

Le temps d'un soupire...
Le vieil homme ne dit mot, ce n'était pas son travail. Cependant l'étincelle descella une pointe de fierté dans les yeux sombres de son valet.


-Apportes ça à qui de droit et ne revient qu'avec une réponse. Ne lui remet qu'en main propre.

L'homme s'inclina et à reculons sans un bruit sortit de la pièce. Même la porte en chêne n’émit pas un son.
Seule à présent, La gamine se retourna alors vers la fenêtre les yeux levés vers la lune si ronde. Sa main pale se posa alors sur son médaillon.


-J'espère vraiment que c'était une bonne idée... sinon je nous ferais tuer Souffla-t-elle, semblable à une prière.
--Le_lys
[Un camp, un feu et une surprise]

Le Lys qui s'ignorait encore comme tel n'était pas, contrairement à la plupart des fleurs, inactif. Il ne se contentait pas d'une beauté d'apparence, et la sienne avait d'ailleurs été largement entamée par divers coups. Le Lys se drapait pour l'heure d'un manteau de ciel, fleur d'azur parmi un champ de ses jumelles, au milieu de la pénombre de cette soirée d'automne, et était assis en tailleur à côté d'un feu. Les tentes de ses semblables avaient fleuri tout autour, sous d'épaisses murailles qui leur étaient tout acquises. Après tout, ne donnaient-ils pas leur sang pour elles ? Le Lys était donc assis à côté d'un feu et affûtait, d'un geste aussi précis que méthodique à force de répétition, la lame qui servirait sans doute sous peu, de nouveau. Et la soirée aurait été aussi calme que morne avant son retour auprès de l'être aimé, terriblement blessé de nouveau dans cette guerre qui n'épargnait décidément personne, si un vieil homme ne s'était pas présenté à lui. Un regard sinople l'avait détaillé avant que la fleur ne déplie sa tige pour remettre au fourreau la bâtarde et prendre le pli qui lui était tendu, sans un mot.

Ce fut le sceau qui attira d'abord l'attention du Lys. La cire était vierge de marque distinctive, il n'avait donc probablement pas affaire à un noble. Même lui avait sacrifié à l'usage en se faisant réaliser un sceau distinctif, un qui lui permettrait d'authentifier ses volontés pour l'enfant à venir. Pas de sceau distinctif sur la missive, donc. Et à la cire s'était mêlée une mèche de cheveux, coupée nettement. Soit par la volonté de l'expéditeur, soit sous contrainte. Les doigts du Lys jouaient machinalement avec alors que son esprit vagabondait. Cheveux roux, longs comme ceux d'une fille, fins comme ceux d'un enfant ou d'une jeunette de bonne famille. Le Lys ne connaissait pas beaucoup de rousses. Un autre lys l'était, et de forts liens les unissaient. Ce lys-là n'aurait pas eu à lui envoyer une mèche pour se faire reconnaître, trois mots auraient suffi. Il y avait la bourgmestre, également, qui avait fait ses armes municipales alors que le Lys versait dans la politique. Mais ce n'étaient pas non plus ses cheveux... De toute façon, ces deux rousses-là étaient trop vieilles. Celle-ci était jeune. Alors qui ?

Mettant de côté ce mystère, le Lys décacheta le pli pour se trouver, sa lecture achevée, face à plus grande ombre encore. Qu'était ce message ? Une plaisanterie ? Un cirque, une unijambiste, souillure et décrépitude, pestilence, ruine d'une grandeur passée, et un Lys ? Aristote, mais qu'était donc ce charabia ? Un instant, le Lys resta sans comprendre. Deuxième lecture. Il devait y avoir une clef... Quelque chose pour en faciliter la compréhension. On n'aurait pas pris la peine de le trouver, si loin de ce qui était encore et malgré tout chez lui, pour lui faire tenir une succession de phrases insensées. Il y avait une clef. Ce devait même être une clef évidente, pour qu'il la perçoive sans l'ombre d'un doute. Il fallait sans doute prendre un peu de distance, se détacher de l'histoire contée. Et un premier élément lui sauta aux yeux. L'unijambiste ne pouvait être qu'une personne, du moins le Lys n'en connaissait qu'une. Il l'ignorait borgne, mais en temps de guerre, cela avait le temps de changer. Lui-même ne comptait-il pas quatre cicatrices de plus que lors de son départ du... Oh ! C'était cela, la clef. Son départ du cirque ! Le cirque n'était autre que ce qu'il avait laissé derrière lui juste avant le début de cette guerre.

Un sourire nouveau passa sur le visage du Lys. Tout prenait son sens. Troisième lecture. Cette fois, il saisissait le propos. Un frisson crispa le bout de ses doigts, une canine agaça sa lèvre inférieure pour réprimer le mélange d'amusement et de désolation qui l'envahissait. Ainsi, c'était bien ce qu'il craignait, son Comté semblait courir à la ruine. Ce qu'il avait aperçu là où il avait encore son mot à dire le lui avait bien fait sentir, mais à ce point... Il avait espéré que ce ne soit pas le cas, mais l'Etincelle lui faisait sentir l'inverse. Et dis-moi, Lys en quête duquel s'est mise une enfant, face à une tempête, que fait un capitaine à qui reste encore ne serait-ce qu'un seul mousse ? Il se bat.

Le Lys se battrait. A sa façon, pour ses convictions, pour le Comté qu'il aimait et servait depuis qu'il y avait plongé ses racines pour la première fois, en faisant agir l'Etincelle en son nom s'il le fallait. Le Lys déraciné et bientôt implanté ailleurs allait mener son baroud d'honneur, comme lorsqu'il menait sa barque et son Rêve (son illusion ?) avec un succès que personne n'avait cherché à lui contester. Il reprendrait cette place qu'il n'aurait pas dû quitter, il réparerait les dommages que son départ avait contribué à causer. Il serait ce qu'on lui avait reproché de ne pas être. Il serait le fer et la flamme, oubliant les concessions qu'il avait pu faire. Il serait ce qu'il avait espéré en son successeur. Il reprendrait la tête de ce qu'il avait créé pour rendre à sa terre sa grandeur et pour faire chanter la gloire de ce Comté sans pareil.

Restait uniquement la question du nom de l'Etincelle. Une fillette rousse proche de la Poussinette, cela restreignait les poss... Oui. Vu. Il l'avait vue, le Lys en était sûr. La petiote avait même dû l'interroger... Une ou deux fois. Elle avait été embringuée dans une liste menée par un petit paon qui avait assez de panache pour essayer de lui tenir la dragée haute. Ou était-ce dans la liste menée par une bâtarde rousse avec qui le Lys avait eu de sévères querelles ? Elle avait déjà été amenée à faire de la politique, en tout cas. Mais son nom échappait au Lys. Le regard sinople remonta vers le vieil homme qui lui avait apporté le pli si ingénieusement traduit dans une langue aussi sibylline que limpide. Et une seule question passa les lèvres de la fleur :


L'Etincelle a un nom ?

Pas de réponse. Le vieux était patient et peu causant. Un bon point pour la jeune fille, qui avait déjà compris la vertu première que devaient avoir ceux que l'on s'attachait. Tout de même... Un messager de cet âge... Il fallait qu'il soit attaché depuis toujours à l'expéditrice. Il devait être lié à elle depuis toujours. Placé auprès d'elle par des parents, peut-être, ce qui supposait une extraction d'une certaine hauteur. Il serait toujours temps de creuser, plus tard, la question. Hochement de tête et nouveau sourire, entendu, du Lys.

Donnez-moi un instant. Installez-vous, n'hésitez pas, il doit encore y avoir à manger et à boire. Réclamez-vous de moi, au besoin.

Et sur ce, le Lys laisse le messager pour entrer dans sa tente. Après tout, il a une réponse à rédiger... Bientôt sa main s'est abattue sur ce qu'il cherche, car, par ses multiples fonctions, la fleur Immortelle a toujours de quoi écrire à proximité. Le Lys ressort et se place à l'écart, dans la lumière du feu, et les mots fusent, rapides, alors qu'une mine presque enjouée apparait de nouveau sous les mèches brunes qui se dégagent de la tresse de la fleur. Il y a, malgré la noirceur du tableau, quelque chose de frais dans cette lettre... Et la réponse ne pourra pas être aussi amusée que le Lys le souhaiterait. On ne peut pas toujours faire ce que l'on préfère. La lettre est bientôt cachetée, la pointe d'un stylet dessine dans la cire encore chaude de quoi se faire reconnaître. La fleur qui lui sert pour l'occasion de nom, esquissée en quelques incisions. Sourire du Lys, en pensant qu'il aurait pu s'allier à une famille portant cet emblème... Ironie du sort. Tige de nouveau dressée, il se dirige vers l'envoyé et lui remet le pli de réponse, lui glissant au passage quelques pièces pour pourvoir aux frais de son retour. Question de principe... Et bientôt, le mutique et le Lys repartent chacun à leurs occupations normales, le second retournant au chevet de l'être aimé, le premier repartant vers un certain Comté, la lettre avec lui.

Citation:
A l'Etincelle rusée,

Si votre lettre me parvient, je suppose que je suis censée être le Lys de votre conte. Cependant, j'ai peine à croire que l'unijambiste m'ait recommandée à vous : nous avions eu quelques profonds différends avant de quitter, l'une comme l'autre mais pour des raisons opposées, le cirque dont vous me donnez des nouvelles.

Triste est l'histoire tracée par votre plume... Triste, et malheureusement prévisible. Certains prédisent la ruine de tout cirque si le bon gestionnaire mais mauvais jongleur parvenait à obtenir de le diriger. Que cet apprenti jongleur déferait ce que ses prédécesseurs s'étaient acharnés à construire, s'arrogeant des mérites qui étaient leurs mais pas siens. Etincelle, voici ce que j'en pense... Il semble que le cirque que nous aimons manifestement autant l'une que l'autre aie besoin d'un grand coup de ménage.

Ce cirque, je l'ai connu vivant, je l'ai connu secoué de querelles et toujours en mouvement, et dans vos mots il me parait agonisant, pourrissant déjà dans ses propres déchets. J'ai vu les combats de ses artistes, mais chacun alors se préoccupait uniquement de l'avenir du cirque. Si cela a changé, il faudra le nettoyer afin qu'y fleurisse de nouveau le rire. Est-ce pour cela que l'unijambiste vous a indiqué qu'il vous fallait chercher un lys ? Et si je suis celui-là, comme vous semblez le croire, vous devez savoir que mes racines se sont déplacées et que c'est au Nord qu'elles me tiennent à présent. Pour combien de temps, je ne saurais vous le dire. D'où je suis, je ne peux rien pour vous directement. Qu'attendez-vous donc d'une âme perdue dans une vallée d'ombre et de larmes ?

Le Lys vous salue, Etincelle. Puisse le Très-Haut vous garder.
--L_etincelle
[C'est long d'attendre longtemps...]

Soupire... Les prunelles vertes rivées sur l'horizon... Soupire... Toujours aucun mouvement de poussière... Soupire... Les yeux plissés... Soupire... Non décidément toujours rien...

- M'dame ?! vous ne vous rassasiez pas tant que c'est chaud ? Interrogation...
- Hum ?! ... Pardon ?! ... Ah... Euh ... Oh ... oui bien sur ... manger ... Oui merci Bertille c'était délicieux. Mensonge...
- ... Euh... M'dame ?! vous n'avez touché à rien de votre assiette ... Scepticisme...
- Euh... Et bien... Euh... j'anticipe. Allez oust ! Sors et laisses-moi... Orgueil...
- Bien... M'dame. Défaite...
- Oh attend ! C'est elle la chef !
- Oui M'dame ? Fatiguée...
- Rappelles-moi depuis combien de temps est-il parti ? Interrogation...
- Un jour de plus qu'hier... donc sept jours M'dame. Sait-elle compter ?
- Ah... Quoi c'est tout ???? Bon... et bien... laisse -moi maintenant ! Autoritaire...
- Oui M'dame Irritée mais parfaitement hypocrite...

La lourde porte se referma doucement sur le bureau toujours occupé par l'étincelle. Immédiatement les prunelles vertes se remirent en quête d'un signe à l'horizon. sept jours ? si peu, elle avait pourtant l'impression qu'il était parti depuis une éternité. Nouveau soupire...
C'était là le quotidien de la maison depuis le petit matin où la lettre avait pris la route en direction du Lys parfait...
L’incandescente se retourna vers son plateau repas, négligemment trempa le doigt dans la sauce du plat, le porta à la bouche et ferma les yeux un instant. Le liquide épais et tiède descendit le long de sa gorge, les épices délicates, le miel sucré... Hum... depuis quand n'avait-elle pas pris un vrai repas. Sept jours. La faim lui tenaillait les entrailles, semblable à une brulure, et se manifesta par un grondement sourd émit de son ventre.
Elle se jeta sur son assiette. Au moins pendant ce temps ne pensait-elle pas à son valet en mission. En satisfaisant son appétit elle libérait son esprit des tracasseries telles que : Et s'il se faisait prendre ? Et si la lettre était découverte ? Et si on savait que c'était elle l'auteur de cette lettre ?

Non ! pendant les quelques minutes qu'il lui fallut pour engloutir le contenu de son assiette, rien n'avait perturbé le plaisir de chaque bouché. Une fois n'est pas coutume, l’Écarlate débarrassa elle même son repas. En sortant du Bureau elle eu l'impression de mettre le nez dehors pour la première fois depuis bien longtemps. Il lui fallut même quelques minutes pour se remémorait le chemin le plus court vers les cuisines...

Pêché de Gourmandise est un fléau. Alors qu'elle remontait en silence vers son "poste de contrôle" à savoir le bureau, son estomac, pendant sept jours négligé, se rappela à elle. Quelques crampes plus tard, la flammèche décida de s'arrêter sur le sofa de son petit salon, juste quelques minutes.


* Le temps d'un songe...
L'étincelle rousse courait à en perdre haleine poursuivie qu'elle était par des acrobates, des jongleurs et des magiciens. Elle tenait fermement sur sa poitrine d'enfant un petit morceau de vélin cacheté d'un Lys parfait.
Comment était-elle arrivée icelieu ? pourquoi ces gens la poursuivaient-ils ? Aucune idée, la dernière chose dont elle se souvenait s'était d'être tombée dans un plat en sauce avec son valet en tenue d'apparat qui dansait la bourré sur les bords de l'assiette.
Un rapide coup d’œil derrière elle, les artistes se rapprochaient, ils hurlaient...


M'dame ! M'dame ! M'dame

Quelques bousculades plus tard, l'étincelle ouvrit enfin les yeux face à une Bertille qui la tenait fermement par les épaules.

- Hum... Oui ... quoi ??... Es-tu devenue folle ?
- Il est là, il est revenu ! il est dans le Bureau ! M'dame il vous attend et c'est urgent !

Nul besoin d'être complétement réveiller pour savoir de qui elle parlait. L'étincelle bondit sur ses deux pieds et se précipita vers le lieu mentionné. En passant devant une des grandes fenêtres elle remarqua que le soleil disparaissait au couchant. Depuis combien de temps dormait-elle ? Peu importe il y avait pour l'heure des préoccupations plus importantes. Ouvrant la lourde porte en chêne, elle trouva son valet, droit comme un i derrière le fauteuil du bureau. Un enveloppe cacheté de cire était posée sur l'écritoire. Ses prunelles s'attardèrent sur son majordome. Sentiment de soulagement. Il semblait sain et sauf et même si l'envie était présente, de part et d'autre, il n'y eu pas de grandes effusions. Tout au plus un sourire timide échangé et la gamine prit place sur le fauteuil. Avec attention elle lut le parchemin. Une... Deux... Trois fois peut-être... Ce n'était peut-être pas un oui mais ce n'était nullement un non. Aussi faudrait-elle qu'elle soit plus explicite. Prendre quelques instants de réflexion, organiser les idées principales...
La plume d'oie plongée dans l'encre noir. Et comme sept jours auparavant, la pointe gratta le vélin précieux...


- Vas donc te reposer. Demain ! Elle sera prête. Pourras-tu y retourner ?... Pas vraiment une question, mais il le savait et ne répondit pas et se dirigea doucement sans un bruit vers la porte en chêne, avant qu'il ne l'eut clos il eut le loisir d'entendre ces quelques mots. Et ... Merci ... Que ferai-je sans toi ? Ce que l'étincelle ne vit pas c'est qu'un sourire affectueux étirait les lèvres du vieil homme.

Le plume gratta le papier toute la nuit, et ce n'est qu'au petit matin que la fine mèche de cheveux roux fut scellée à la cire et au Vélin.


Citation:
Au Lys Charmant !

Tout d'abord je tenais à vous remercier d'avoir répondu à mon plis et ce malgré celle que je suis, je pense que vous m'avez reconnu.
L'unijambiste borgne n'est certes pas la plus délicate personne dans ce bas monde, cependant, et malgré vos différents elle ne tarie pas d'éloges sur votre personne. C'est bien elle qui m'a demandé de vous solliciter. Comprenez son tracas, quoiqu'on en dise elle l'aime ce Cirque. Et tout comme vous et moi elle a du mal a accepter sa décadence.

Je suis également au regret de vous dire que j'avais édulcoré mon histoire, afin de ne pas la rendre trop pénible pour vous qui êtes si loin. Mais le Cirque est entre les mains d'une Ribaude, d'un mécréant et d'une nobliote. Leur égo les dépasse de beaucoup. Ils sont dans la démesure. Et les finances sont au plus mal. Je crois même que le Cirque perd de l'argent. J'ai bien peur que les représentations ne deviennent de plus en plus chères. Ce serait une catastrophe.

Pour le moment, je connais vos engagements et j'ai bien conscience qu'il vous est impossible de revenir ici. Plus tard nous pourrons peut-être envisager de nous rencontrer mais pour le moment, peut-être pourriez-vous me prodiguer quelques conseils de nettoyage. La tache ne me fait point peur et je suis prête à suer sang et eau pour la besogne.
Ah! et je tenais à vous l'annoncer, il me semble que pour certaines choses il nous faille un traitement radical et définitif.

Que le Trés Haut veille sur vous Lys immaculé.
L'étincelle Rusée.


Le valet était là, à son poste attendant non sans impatience sa nouvelle mission.
-Va mon ami...
Aussitôt dit aussitôt fait.
--Le_lys
[Mais tout vient à point à qui sait attendre !]

Mal. Le Lys avait mal, terriblement. Il ne sentit d'ailleurs, pendant plusieurs jours, que douleurs et élancements vrillant tout son corps à partir de sa jambe droite. C'était elle qui avait pris le coup... Elle qui l'avait, une nouvelle fois, trahi, elle qui la clouait sur une civière au milieu des autres lys tombés dans une charge qui resterait dans les annales de cette guerre. Il fallait oser se jeter sur des assiégeants en nombre supérieur, plusieurs soirs de suite, sans répit, enchainant les assauts. Le dernier soir, le Lys était tombé pendant le quatrième. Le dernier, aussi. Il ne s'était réveillé que plus tard, sous une tente, au milieu de l'odeur immonde de sa blessure. Sang, métal, cuir, sueur, fluides divers, et cette odeur des malades... Des blessés. Le Lys était blessé. Difficile à admettre quand on avait la fierté aussi vive que la sienne l'était. Et pourtant, cette douleur lancinante, sans répit, le lui rappelait. Plusieurs jours, donc, il fut sans pouvoir réagir en aucune manière au monde qui l'entourait, soumis entièrement aux soins des médicastres qui officiaient pour éviter une infection de plus, un décès supplémentaire.

Un jour, enfin, le Lys émergea de sa torpeur suffisamment longtemps pour voir que plusieurs lettres l'attendaient. La première qu'il lut lui causa une douleur sans nom, alors que sa main se crispait sur son ventre. La perte d'un être qui n'était même pas encore né et, surtout, le possible sinon probable trépas de la moitié de sa famille. Remise sur ses pieds par sa seule volonté, il fut bientôt rallongé de force par le médicastre. Interdiction de bouger, la jambe devait se remettre. Alors le Lys s'était laissé aller aux larmes, une fois n'était pas coutume, dans son impuissance à réagir autrement. Il faudrait qu'une lettre parte en direction de son Comté, pour soutenir cette parente de son mieux, malgré la distance qui s'était établie avec elle. Et de nouveau, le Lys avait sombré dans une torpeur rythmée par les élancements.

Quand il se réveilla finalement, quand les médicastres n'eurent plus l'impression de devoir lui infliger dose d'opiat sur dose d'opiat, le Lys, une jambe raidie par une cicatrice en formation, se souvint de ce deuxième pli qui l'attendait. A tâtons, il la chercha, se laissant aller en arrière sur sa paillasse quand il l'eut trouvée. Avant même d'analyser ce qu'il voyait, ses doigts retrouvaient la douceur soyeuse de la mèche prise dans la cire. Un sourire passa sur les lèvres de la fleur. C'était elle, l'Etincelle, la Scintillante. Mine de rien, elle était un rayon de Soleil, cette petite. Bien sûr, le Lys était ravi et immensément heureux du fait que son mariage approchait à grands pas, malgré la perspective inquiétante d'aller en boitant jusqu'à l'autel, mais... Mais cette jeune fille lui donnait des nouvelles de son Comté, des nouvelles sous un angle qu'elle n'attendait pas. Elle avait un côté rafraichissant, une certaine candeur encore. Sans plus guère attendre, la cire fut brisée, le contenu révélé aux yeux du Lys, qui se plissèrent vers la fin de la lettre. Sans doute l'Etincelle voyait-elle déjà se monter intrigue sur intrigue, complot sur complot... C'était sans compter avec les méthodes du Lys. Il y avait tellement simple pour se donner les moyens d'agir. Des méthodes aussi discrètes qu'efficaces, qu'il avait appliquées, qui avaient montré leur succès directement et indirectement.

Et d'un coup, l'évidence frappe. Non, ce ne sera pas un complot, mais... Mais cela pouvait en avoir l'apparence. Il fallait garder cette correspondance discrète, et si le langage pour le moins imagé dont l'Etincelle et le Lys usaient était de nature à masquer une bonne partie de leurs propos à qui n'en connaissait ni émetteur, ni destinataire, ni clef, cette même discrétion rendrait ces lettres suspectes à des yeux non avertis. D'où la prime réaction du Lys, se redressant sur sa paillasse au mépris de sa jambe, qui, dans un violent élancement, lui rappela son état présent. Et cette réaction se traduisit par (attention au juron) :


Merdre... C'est là depuis quand ? Quelqu'un y a touché ?

Une fois le Lys rassuré, ne restait plus qu'à répondre... Et la réponse fut. Une fois qu'il eut récupéré son nécessaire d'écriture, les phrases se succédèrent, s'enchainèrent, tracées par une plume tressautant parfois sous un accès de douleur. Mais, aussitôt que la cire eut coulé pour sceller ses mots et que le stylet s'y fut enfoncé pour tenter de dessiner la fleur qu'il était devenu, l'autre préoccupation majeure revint. Nouvelle question à un médicastre qui passait, montrant la missive décachetée de l'Etincelle :

Le messager qui a apporté ceci ? Est-il revenu ?

Oui, il l'était. Il était même revenu chaque jour pour voir si une réponse devait être transmise. Soulagement du Lys. De fait, bientôt, le valet vieillissant, reflet d'un intendant vicomtal, repartait vers celle qu'il servait, porteur du message du Lys.

Citation:
Etincelle rusée,

C'est l'un des principes que je sers : à tout innocent je me dois. Et, au su de votre jeune âge, je doute que vous ayez déjà versé dans une quelconque perversion. Par ailleurs, je n'ai pas souvenir que vous ayez été mêlée à une quelconque affaire m'interdisant de vous prêter attention... Dès lors, il n'y avait aucune raison que je ne vous réponde pas.

Si j'avais des conseils à vous prodiguer pour mener à bien la reconstruction du cirque, je commencerais par là : sachez vous entourer. Ayez des yeux et des oreilles partout, chez les artistes et chez les gardes, autour de chaque feu de camp, dans chaque taverne des environs, dans chaque rassemblement qui intéresse le cirque. N'ayez que peu de personnes de confiance avec vous, mais soyez sûre que chacune de ces personnes donnerait tout pour vous. Voyez-vous cette Rousse qui mène la garde ? Ne prenez avec vous que des gens qui ont le même dévouement pour vous qu'Elle envers la Diplomate du cirque. Mais surtout, surtout ! gardez à l'oeil ceux dont vous vous défiez. Ils doivent vous être plus proches que vos amis les plus intimes, vous devez toujours les voir, toujours savoir ce qu'ils font et ce qu'ils projettent.

Méfiez-vous également des clans déjà établis. Les jongleurs forment une grande famille qui n'a rien à voir avec celle des lanceurs de couteaux... Vous voyez ce que je veux dire, je pense. En revanche, soyez proche, même si vous ne les estimez guère personnellement, de ceux qui font entrer le public. Aidez-les, proposez-leur vos services ou ceux des personnes compétentes qui vous sont dévouées. Ah, j'allais effectivement l'oublier : des personnes qui vous entourent, ne montrez que les plus brillantes, les plus emblématiques, les plus rassembleuses.

Ces conseils sont évidemment très vagues, mais je ne peux rien de plus pour vous. Il me faudrait connaître la composition du directoire du cirque (car il doit changer incessamment, si ma mémoire est bonne) pour pouvoir vous en donner de plus précis. Il me faut d'ailleurs vous demander une petite précision. Dans votre lettre, vous parliez de mesures radicales à prendre. Envers quoi ? Et quel genre de mesures ?

Une dernière chose. Je ne pourrai pas rentrer vous prêter main forte avant la fin de la guerre, vous le savez. Cependant, si elle devait arriver sous peu, comme la dernière annonce royale y appelle en rappelant ses conditions, je ne pourrai pas pour autant reprendre le chemin du cirque avant plusieurs semaines. Une charge qui aurait sa place dans les légendes chevaleresques m'a fait passer de l'azur au carmin, et les médicastres m'interdisent de trop bouger avant une quarantaine de jours. Même si je compte leur fausser compagnie au moins une fois, ils ne se laisseront probablement pas faire une seconde fois.

En attendant, si vous vous contentez des quelques mots que je pourrai vous envoyer et vous montrez franche avec moi (ne rêvez pas, j'ai d'autres sources sur la situation du cirque et les ai réveillées à réception de votre première lettre), je continuerai dans la mesure de ce que vous et moi estimerons nécessaires. Mais après tout, puisque nous nous laissons guider par l'intérêt supérieur du cirque, j'ose espérer que vous en attendez aussi peu de gloire que moi.

Le Lys vous salue, Etincelle, et vous prie de lui pardonner d'avoir mis si longtemps à vous répondre. Puisse le Très-Haut vous garder en meilleur état que lui.
--L_etincelle
[Elle attend que l'horizon bouge
Elle attend que changent les gens
Elle attend comme un coup de foudre
Le règne des anges innocents
Inexorablement, elle attend... ]
(*)

[Quelques jours auparavant...]

Les prunelles vertes ne pouvaient se détacher du papier froissé. Déjà quinze jours que son valet était parti, elle avait cru devenir folle ne le voyant pas revenir. Les pires scénario se bousculaient dans son petit crâne. Et l'espace de quelques heures elle s'était surprise en train d'imaginer sa vie sans lui. Sans celui pour lequel elle ressentait un amour infinis. Oh ! pas un amour charnel non, ni même l'émoi que causerait un sentiment amoureux. Non ! Lui c'était l'homme de sa vie, semblable à un père, un frère, un ami ! Celui qui veillait sur elle depuis sa tendre enfance, celui qui avait mis sa vie entre parenthèses pour qu'Elle, elle puisse grandir. Celui qui avait renoncé à tout plaisir, à tout bonheur pour que l'étincelle devienne flamme.
La frêle petite main dessina le contour de chaque lettre. Un fin sourire fleurit alors sur le visage enfantin. Il allait bien il était en vie et il pensait à elle. Elle lui manquait et il le lui faisait comprendre en latin.


Citation:
Dulcis Filia Solis (**)

Le Lys est blessé. Je reste auprès de lui. Ne vous inquiétez pas outre mesure, je vais bien et suis plutôt bien accueillis. D'autant plus que personne ne m'a demandé le motif de ma venue. Ne répondez pas à cette missive Dulcis Filia Solis, sachez juste que je vous informerai dans les plus brefs délai de l'état de santé du Lys. Les Médicastres pensent qu'il s'en sortira, je leur fais confiance. Pour le moment il dort attendant, j'en suis certain, avec impatience le moment de fleurir à nouveau.

Angelus custos, tua. (***)


Rassurée sur l'état de son ami, elle s’inquiétait maintenant pour le Lys. Lui, c'était loin d'être un ami, leur naissance et leurs convictions en faisaient même des ennemis naturels. Cependant, étrangement, L'étincelle était préoccupée. La missive contenait peu d'information. Ce qu'elle devinait c'est qu'il semblait inconscient, et malgré le petit pincement au cœur qu'elle ressentait à présent, elle ne pouvait empêcher son coté sombre de penser : " Un lys à terre est un lys de moins contre le Ponant. "
Une grimace tordit son visage enfantin, elle s'en voulait d'avoir ces idées mais d'un autre coté, c'était sa famille en face...
Nouvelle moue. Cœur et raison partagés. Puis comme si elle chassait les mauvaises pensées elle agita une main au-dessus de sa tête. Cette guerre n'était pas sa priorité. Le plus important était le reste et ce pourquoi elle avait pris contact avec ce Lys. Aussi décida-t-elle de ne plus se réjouir, ni même de penser à la tournure des évènements. Le Lys lui offrait assistance pour la réfection d'un cirque trop vieux gouverné par des pantins. C'est tout ce qui importait dans le présent et le futur...


[un retour attendu !]

Les jours avaient continué à défiler plus ou moins rapidement. L’incandescente s'était rendue aux urnes, se pâmait dans quelques boutiques et tavernes de la capitale. Un retour à la vie "publique" doucement mais surement.
une routine, un train-train quotidien. Une mise en lumière du paraître et une dissimulation des réels desseins. Tout avec lenteur et application. Une vie normale finalement.
Tous les cinq jours l'écarlate était informée de l'état de santé de sa fleure devenue préférée, un billet soigneusement envoyé par son fidèle valet agrémenté de quelques mots de latin qui lui confirmaient à chaque fois que cette séparation forcée et prolongée était difficile pour lui comme pour elle...

Encapuchonnée à la sortie de la messe dominicale, la gamine tenait fermement dans sa main, dissimulée sous son manchon, le dernier morceau de vélin envoyé, il avait très exactement 5 jours et si elle ne se trompait pas, et si son fidèle ne dérogeait pas à la règle, ce jour elle en recevrait un autre.
Le temps s'était rafraichis, la Saint Nicolas approchait avec toute l'allégresse et la joie que cela transmettait. Pourtant la Rousse ne ressentirait pas de joie plus grande qu'à la découverte de ce message tant attendu. Aussi traversa-t-elle la ville, le pas pressée et contrairement à tous, ne s'arrêta pas une seconde pour regarder les vitrines du confiseur ou du tisserand.

Bertille accueillit sa maitresse un large sourire édenté sur le visage. Une seule signification : Le parchemin était arrivé. En moins de temps qu'il ne le faut pour l'écrire, la porte du bureau claquait au premier étage. Et quelle ne fut pas la surprise de la Rouquine lorsqu'elle réalisa que mieux qu'un vélin, son valet se tenait debout derrière la chaise, à sa place habituelle, un plis soigneusement attaché attendait sur l'écritoire. Une fois de plus, point de déballage de grand sentiment, ni d’effusion de bonté. Juste leurs yeux scellés entre eux l'espace de quelques minutes. Bien plus de choses transpirent d'un regard que d'une phrase. Puis la rouquine réitéra ce rituel qui devenait familier. Après une lecteur attentive à son tour, elle prit un papier et une plume.


Citation:
Au Lys Charmant.

Vos conseils me sont précieux et je m'appliquerais à les suivre dès la cire de cette lettre refroidie. Sachez déjà que je commence doucement à sortir de ma torpeur et à paraître publiquement. Même si mon public actuel se résume à une chèvre, un chien et un bourricot.
Il est difficile de savoir s'entourer quand une ribaude propose ses charmes à quiconque lui fournira information.

Pour le directoire du Cirque, sachez que ce n'est pas encore parfait mais déjà bien mieux que le mécréant. Un noble fils de... Vous devez certainement le connaitre de part votre engagement. Si vous voyez ce que je veux dire.
Sachez enfin, Cher Lys que l'aube n'a point brillé de mille feux sur le Cirque. A peine quatre matins. Mais je vous avoue que j'aurai rêvé de trois fois mieux.
Oh, et vous ai-je raconté l'histoire de ce bovin qui par cinq fois c'est échappé ?... Non, alors je vous la conterai quand nous nous rencontrerons. D'ailleurs à ce propos, pensez-vous que je puisse venir vous visiter sans inconvénient ? Je connais de très bons médicastres peut-être pourraient-ils vous examiner ? et je vous apporterai quelques douceurs de Paris... Enfin je ne veux point m'imposer.

Quant aux mesures radicales dont je faisais mention, c'était afin pour vous informer que certain numéro du cirque n'ont que trop duré et qu'il faudrait sans doute les retirer de l'affiche, définitivement. Je pense notamment à la Nobliote et son singe savant. (un vrai érudit celui-ci).

Enfin sachez que je n'espère aucune gloire à tout ceci. Sinon je m'en serai retourner dans mon pays afin de briller par les armes. J'aime le Cirque, j'aime les artistes (peut-être pas tous je vous l'accorde). Je veux juste qu'il retrouve de sa superbe. Il fut un temps ou c'était l'un des meilleurs cirques du Royaume, je regrette amèrement cette époque.

L'étincelle vous salue. Que le Très-Haut veille sur vous Lys charmant.


L'écarlate relu les quelques mots, point certaine qu'ils soient très clairs. Mais si le Lys l'acceptait alors elle pourrait s'expliquer. Les prunelles vertes se posèrent sur le vieux majordome qui tendait déjà la main afin de remplir sa nouvelle mission. Les doigts de l'enfant se posèrent sur son avant bras.

- Doucement mon ami, prend donc un peu de repos, cela ne sera point grave si la lettre ne part que mercredi.

Le valet obéit et ce n'est qu'après l'office du mercredi que le plis partit.

(*) Extrait de Elle attend de Jean-Jacques Goldman.
(**) Douce fille du Soleil
(***) Votre ange gardien.
--Le_lys
Dire que le Lys était d'une humeur massacrante relevait de l'euphémisme. Non seulement il était d'humeur massacrante, mais il s'était en prime décoré d'une, ou deux selon les points de vue, cicatrice supplémentaire, due à sa seule rage. Le départ d'une certaine Vicomté s'était fait dans un fracas intérieur et un vaste silence extérieur, les quelques habits serrés dans une grande besace, la matrice de sceau précieusement calée dans le creux d'une main bandée. C'était décidé, il la ferait monter en bague pour ne jamais plus avoir la possibilité de choisir de la laisser en quelque lieu que ce soit. Symbole, stupide peut-être, mais symbole tout de même. Libre demeurerait encore longtemps le Lys. C'était chose sûre. De Chinon, qu'il avait désormais investie à plein temps, le Lys ressassait jour après jour, brûlant intérieurement de colère, retrouvant pourtant ses masques froids et indifférents. Ainsi allait la vie, la fleur avait été naïve et le payait, c'était dans l'ordre des choses.

Le Lys, donc, avait fini par recevoir la lettre de l'Etincelle. Un sourire avait furtivement étiré ses lèvres pincées. Quelque chose allait lui occuper l'esprit... Jambe raide, il s'était installé dans un coin d'une taverne avec de quoi répondre, une chope de bière à portée de main. Finies, les privations. Terminées. Une gorgée après l'autre, le liquide descendait au rythme du regard sinople suivant les lignes tracées par la jeune fille. Lecture lente, pour en saisir le sens. Cette lettre-là était la plus obscure, sans aucun doute. Si la toute première avait laissé le Lys perplexe, celle-là atteignait des sommets de langage sibyllin. Il y avait pourtant des mots qui éveillaient un écho dans l'esprit du Lys. L'aube et le rêve... Complétés par le bovin. D'accord. Les listes qui s'étaient présentées aux élections comtales. Trois chiffres associés. Quatre, trois, cinq. Autant que de conseillers, ce ne pouvait pas être un hasard. Répartition des postes, donc. Net avantage à un homme que l'on avait pensé soutenu par des brigands... Et qui pourtant réussissait à obtenir une majorité, relative certes, après leur départ. Intéressant.

Quoi d'autre ? Remerciement pour les conseils. Se produire devant des animaux... Etait-ce littéral ? Nouvelle ombre de sourire. Cette petite avait vraiment un côté aussi rafraichissant qu'intéressant. Retirer de l'affiche. D'accord, bouter l'adversaire politique du champ électoral. Une grosse défaite de leur part suffirait sans doute... Encore faudrait-il y parvenir, et que la victoire soit sans bavure. La suite... Médicastres ? Ah non, hors de question. Le Lys en avait assez vu. Et même si la proposition venait sans doute d'un bon sentiment, il n'était pas prêt à faire - encore - le sacrifice de son orgueil. En revanche... Une rencontre serait moins difficile à gérer que ces lettres. Plus discrète, plus volatile. C'était bien connu : les paroles s'envolent, les écrits restent. Moins il resterait d'archives de cette correspondance, mieux ce serait, à coup sûr. Des tractations pouvant aboutir en politique, il ne fallait pas de trace.

Seulement... Accuser réception était une chose, proposer un lieu de rendez-vous était plus délicat. Hors de question que la petite rousse vienne la visiter à Chinon. Trop de monde l'y connaissait désormais, échapper aux regards y tenait du miracle. Et son boitement n'arrangeait pas l'affaire, cela rendait sa silhouette et sa démarche plus reconnaissables. En revanche, il lui faudrait se rendre jusqu'à ce Comté, sous peu... Alors le Lys finit par reprendre la plume abandonnée après les lettres désabusées ou rageuses qu'elle a tracé la veille et le jour même, et par livrer au feuillet quelques mots. Pas beaucoup, car il leur faudra garder quelques sujets de conversation, n'est-ce pas ? Pas trop, mais juste assez, du l'espère-t-il, pour deviner l'endroit où il propose une rencontre. Et bientôt, une fois le pli scellé et décoré de la manière habituelle, le messager peut repartir... Il finirait par connaître tous les chemins menant du Limousin à la Touraine, c'était évident.


Citation:
Etincelle rusée,

J'espère bien vous entendre. Si c'est le cas, alors effectivement la situation aurait pu être pire, même si j'aurais rêvé de mieux. Par sentiment, sans doute, ce qui est stupide mais tellement humain. Il faudra voir si le nouveau Directeur arrive à assainir un peu le cirque, même si je le soupçonne d'avoir le verbe plus haut que le coeur et l'ambition plus grande que les réalisations.

Si mes conseils ont pu vous être de quelque utilité, tant mieux... Songez néanmoins à diversifier un peu votre public. Les animaux ne comprennent pas toujours la valeur de ceux qu'ils regardent. Les hommes, eux, y parviennent de temps à autre.

Enfin, si vous voulez venir jusqu'à moi, il vous faudra vous rapprocher de la guerre, et je doute que ce soit dans vos intentions immédiates. En revanche, je pourrais rentrer inspecter un domaine : j'ai été au loin pendant si longtemps, il faut bien que je vérifie que mon intendant se tire bien d'affaire. Et puis, il me faudra bientôt rendre mes hommages au nouveau Directeur du cirque. Voici donc ce que je vous propose : près d'une conjonction coordinative (Car elles vont toujours à plusieurs) se dressent, si l'on peut dire, les restes ruinés d'une antique demeure, qui devait être d'un grand luxe, et une ancienne nécropole. Quel meilleur endroit, quelle meilleure évocation pour orienter notre discussion sur ce que nous pouvons faire pour éviter pareille fin à notre cirque ? Pas besoin d'y être foule. Vous, moi, un homme avec vous, un homme avec moi. Eux seuls avec des armes, nous deux pourrons sans doute nous en passer. Egalité : cela vous conviendrait-il ?

Vous pardonnerez que je fasse court, il faut bien que nous conservions des sujets de discussion pour notre rencontre.

Le Lys vous salue, Etincelle. Puisse le Très-Haut vous garder.
--L_etincelle
- Bertille ?! Amènes-moi un linge trempé s'il te plait.
- Votre lèvre s'est rouverte M'dame ?
- Non... Encore une fois c'est l'épaule qui picote.
- Eau froide alors ! j'arrive.

La Flamboyante se regardait dans le miroir de sa chambre. L’œil à l'origine noir avait viré au violacé piqueté de bleu et de jaune pisseux, la fente sur sa lèvre supérieure semblait cicatriser doucement enfin quand elle ne se rouvrait pas sans cesse, la bosse sur son front était dissimulée par une mèche de long cheveux roux. Ces blessures ne lui faisaient plus mal, du moins pas autant que les premiers jours. Seul l'hématome sur sa clavicule était douloureux et la réveillait encore la nuit. Enfin quand ce n'était pas les cauchemars qui s'en chargeaient.
Depuis ce fameux jours, et sur les conseils de son sage valet, la jeune fille n'avait pas remis le nez dehors, attendant patiemment des nouvelles de la fleur immaculée.

Dix jours que son fidèle était parti. Dix jours de solitude. Terrible absence de regard... Difficile insuffisance de mots.
Mais elle devait se montrer forte, n'était-ce pas elle qui l'avait obliger à partir alors que celui-ci ne demander qu'à rester auprès de l'étincelle le temps de sa guérison ? Ne lui avait-elle pas assuré qu'elle ne craignait rien et se sentait en sécurité ? Ne lui avait-elle pas menti en lui affirmant qu'elle n'avait pas peur ?
La peur ... Sentiment bien étrange pour l’incandescente qui ne l'avait alors jamais ressenti, même pas ce jour noir. Elle n'avait fait preuve que de courage. La peur ... Émotion vicieuse, n'était apparue qu'après, une fois qu'elle fut bien à l'abri derrière la porte de sa maison.
Les prunelles vertes se perdirent dans l'horizon poussiéreux qui s'assombrissait.


- Votre linge est prêt ... Dulcis Filia solis. (*)

Un sursaut. La voix qui venait de raisonner était grave, douce, réconfortante et tellement connu de la jeune fille. Lentement, pour ne pas se rendre compte que ce n'était là qu'une manifestation de son esprit, elle se retourna. L'homme sage était là, devant elle. Quelques plis supplémentaires aux coins des yeux. Lui aussi était ravi de la revoir.
Comme toujours, pudeur des sentiments était de mise. Pas d'embrassade, ni d'accolade. Juste leur yeux unis dans un langage qu'eux seuls comprenaient.


- Montrez-moi cette épaule.

Tendre autorité qui lui avait fait défaut ces dix derniers jours. Sans râler, la Flamboyante s'exécuta. Et tandis qu'avec une infinie douceur son valet tentait d'apaiser la douleur, elle, elle avait un plis à lire, auquel il faudrait sans doute apporter réponse.
Dans un silence presque religieux, ou seul le léger frottement du lin trempé sur la peau délicate se faisait entendre, les émeraudes balayaient avec avidité le vélin. Si dans son dernier message la gamine s'était montré très hardie à manier les mots, elle n'était rien comparée au Lys charmant. Comprendre le message s'avérait plus difficile que ce qu'elle avait escompté. La fleur acceptait l'entrevue, mais... Conjonction de coordination ???? L'interrogation occupa nos deux amis une bonne partie de la soirée. Et même à l'heure du souper, aucun des deux n'avaient compris.
Puis la lumière jaillit, telle une révélation.


- Mais bien sur !! n'est-elle pas Vicomtesse ?

- Si Filia, Si ... Mais pourquoi cette questi... Oh mais bien sur c'est évident !
- Un vélin ! Vite mon ami ! une réponse va partir !

Une fois de plus, la jolie plume d'oie grattait frénétiquement le précieux papier. La réponse serait courte. Nulle besoin de fioriture pour dire oui.

Citation:
Au Lys Charmant.

C'est avec une grande joie que je reçois votre missive. Votre réponse favorable à une rencontre me fait plaisir. Je vous avoue qu'il m'a fallu un peu de temps pour comprendre le lieu du cette entrevue, mais après nombreuses hypothèses, et un éclaire de génie la localisation m'est apparue évidente.

Aussi je vous propose qu'on ce retrouve sur les terres de l'ancienne nécropole sous vos conditions, à savoir un homme armé chacune. (ce qui m'arrange en vérité, je ne dispose pas vraiment d'une armée)
Nous pourrions nous retrouver à la prochaine nuit de la pleine lune. Une rencontre en plein jour risquant d'être espionnée. Cela vous convient-il ?

Dans l'attente de notre rencontre prochaine, L'étincelle rusée vous Salue Lys charmant ! Que le Trés-haut veille sur vous.

PS : Il est possible que je sois encore quelques peu défigurée, lors de notre entrevue. Ne vous formalisez pas, il s'agit là juste d'une mauvaise rencontre dans les coulisses du cirque. Nous en rediscuterons.


La lettre fut scellée, la fine de mèche de cheveux roux prise dans la cire. Une rencontre ... Voilà qui donnait le sourire à l'incandescente. Le majordome semblait également ravi. La gamine soupçonnait son valet de prendre énormément de goût à tous ces voyages.
Une fois de plus leurs yeux parlaient plus que leurs bouches.


- Mon ami pourras-tu porter ce plis dès demain ? Tu prendras la monture du petit. Elle est en pleine forme... Trop ... Courir lui fera le plus grand bien.

Et le lendemain matin, à peine le soleil levé, un nuage de poussière virevoltait à la sortie de la ville.

_____________
(*) Douce fille du Soleil en latin
--Le_lys
Je pars.

Ordinairement, le Lys parlait peu. Il parlait peu et ne craignait pas la solitude... Or il était seul. Et il venait de prononcer deux mots, contre son habitude. Deux mots, seul. Il ne parvenait pas encore à complètement combler le vide laissé par la trahison de l'être qu'il avait probablement le plus aimé en ce monde. Et la solitude, autrefois si familière, pesait à la fleur délaissée, déracinée par elle-même et par un orgueil qui ne souffrait pas qu'elle partage qui lui était promis. Touraine maudite... Le Lys la remplissait, jour après jour, de souvenirs, de visites au médicastre qui affirmait, après examen de la longue cicatrice qui barrait la cuisse droite du genou à la hanche, que sous peu il serait rétabli, de lettres envoyées ou reçues, de promenades à cheval pour reprendre l'habitude de plier la jambe et rétablir son assiette, de soins prodigués au destrier Orphée. Orphée, qui avait si bien rempli son office et ramené le Lys d'entre les morts...

Quand l'émissaire était arrivé, il avait juste tendu le pli, sans un mot. Le Lys l'avait pris avec une ombre de sourire et s'était calfeutré dans la chambre de l'auberge qu'il avait investie. Pas de témoins pour la lecture de ces lettres. Il avait pensé, un temps, à les brûler à mesure qu'il les recevait, mais... Mais si c'était un piège, ourdi pour quelque obscure raison, il lui fallait conserver la preuve, indéniable, que non seulement l'Etincelle était venue le chercher, mais qu'il n'avait en plus donné que des indications minimes. Il y avait fort à parier que la jeune rousse avait procédé de même manière de son côté... Si la confiance devait un jour s'installer entre les deux correspondants, peut-être ces lettres seraient-elles toutes détruites. L'heure n'en était toutefois pas venue. Et le Lys descendit sans avoir rédigé de réponse, une fois n'étant pas coutume. Il n'y aurait pas de missive pour accepter le rendez-vous, juste une petite aumônière contenant de quoi financer le retour du messager. Quelques mots, finalement, furent seuls délivrés à celui-ci en guise de réponse à transmettre à l'Etincelle.


Vous lui direz que j'y serai. Merci.

Merci d'avoir fait le voyage, merci de m'avoir donné une perspective, merci de lui transmettre son accord pour une entrevue... Qu'importait. Le Lys n'avait pas l'intention de développer ce qu'il y avait derrière ce remerciement. La bourse changea de main. Et le messager put repartir. La fleur, elle, s'apprêta bientôt à prendre sa suite. Elle voyagerait léger. Pas besoin de beaucoup de choses... Après tout, elle allait faire d'une pierre nombre de coups. D'une, vérification de la tenue des domaines par Alice. De deux, allégeance au nouveau Comte du Limousin et de la Marche. En partant vite, elle y serait à temps. De trois, confession auprès de l'Abbesse de Bourganeuf. Il lui fallait soulager son âme... De quatre, reprendre contact, pendant la fin de sa convalescence, avant de retourner au front s'il existait toujours alors, avec sa cousine, ses amis, les membres de son Rêve. Et préparer son retour chez elle.


[A la pleine Lune, dans un enchevêtrement de ruines nimbé d'ombres et de lumière]

Ils sont deux. Le Lys est accompagné d'un homme un peu plus grand que lui. Tous deux drapés de capes noires, ils avancent, ombres sous la clarté blafarde de la Lune. Le plateau se révèle à eux. Dispersées sur la vaste étendue d'herbe, ses ruines ont longtemps servi de carrière aux habitants de la région. Du regard, le Lys le parcourt, jusqu'à ce que ses yeux habitués à l'obscurité décèlent un mouvement. Une silhouette frêle est là, au côté de celle, mieux connue, du messager. Du doigt, le Lys les désigne à son comparse, avant de lever majeur et index puis de les écarter. Le geste est simple, rapide, mais tous deux le connaissent. Ils l'ont pratiqué des années côte à côte. Et ils sont sur leur terrain...

Sans guère plus de bruit que celui de leurs capes bruissant dans la légère brise, le Lys et l'ombre qui la suivait se séparent. Chacun d'un côté, ils contournent, à distance raisonnable, les deux personnes qui les attendent. Ils contournent et n'épient pas ceux avec qui ils ont rendez-vous, non : ils scrutent les alentours, le moindre mouvement qu'aurait pu faire naître leur manoeuvre. Il s'agit uniquement d'être sûrs d'être seuls. Ils s'éloignent, s'éloignent encore l'un de l'autre. Silence et bruissements de tissu, frôlements de vent, hululements, course de mulots, craquements de bois sous leurs pieds. Rien d'anormal.

L'ombre la plus fine finit par faire volte-face. Elle se rapproche, claudiquant légèrement, des deux silhouettes qui attendent. L'autre silhouette, un peu plus grande et, surtout, plus carrée, en fait de même peu après, quand son inspection lui semble suffisante. Elles convergent, tranquillement, vers celles qui les attendent. Bien sûr, le Lys n'est pas armé... Mais il a fait porter une deuxième épée à celui qui l'accompagne. Un seul homme armé l'accompagne bien, une épée à la ceinture, une sanglée dans son dos. Les termes du contrat sont respectés, et en cas d'embuscade, il ne pourrait pas être dit qu'il aurait donné sa vie sans se battre une dernière fois. Déformation professionnelle, peut-être, due aux diverses expériences du Lys. Quoi qu'il en soit, ils se rapprochent, lentement mais sûrement. Et quand ils arrivent à distance pour parler sans avoir à hurler, le mentor accélère le pas pour rejoindre, contournant l'Etincelle et son escorte, la fleur. Tous deux arrivent de concert à portée plus fine de la jeune fille et du messager. Un instant, le Lys reste muet. Il laisse enfin échapper un murmure :


L'Etincelle, je présume ?

Aucune erreur n'est plus possible : ses mots laissent entendre la voix de celle que le Lys est, sous l'illusoire abri de la capuche qui noie ses traits dans l'ombre.

Le sort en est jeté.
Mahelya
C'est bien moi !

Maintenant que sa voix avait confirmé son identité, il était temps pour elle de faire tomber la capuche noire qui lui masquait le visage.
Une cascade de boucles rousses virevolta doucement au gré du vent en cette nuit de pleine lune, tandis que la chaude étoffe sombre glissait sur le sol.
Mahelya dévoilait ainsi son "nouveau visage". Une fine cicatrice encore rougie, fendait sa lèvre supérieure, son œil n'était plus noir mais virait au jaune pisseux, le plus important, du moins pour cette rencontre, c'était son bras maintenu en écharpe. Montrer une de ses faiblesses à quelqu'un en qui on n'avait pas totalement confiance n'était pas une idée judicieuse.
Pas le choix c'était ainsi.
La Rouquine s'était fait accompagner par son homme de main, de toujours, le fidèle Harchi. Lentement sans geste brusque, il se rapprocha de sa "Maitresse".
Sans se retourner, celle-ci leva la main pour arrêter son geste. Pas de menace. Enfin pour le moment mais allez savoir...
Les prunelles émeraudes étaient toujours fixées sur les deux silhouettes qui leur faisaient face. La jeune fille accomplit un pas en leur direction. Son visage arborait une expression calme presque sereine.
Elle s'adressa à la silhouette qu'elle avait reconnu comme étant le Lys.


Si vous avez l'intention de nous occire ?! ... je vous en prie faites donc ... Mais faites le vite ! Comme vous le voyez, je crois avoir eu mon lot de tortures pour les semaines à venir.
D'autant plus qu'à deux contre un et demi, vous avez toutes vos chances. Je ne risque pas de grandement vous gêner.


Un silence lourd s'installa au milieu des ruines. Mahelya soupçonnait que chacun évaluait toutes les possibilités qui s'offraient à lui. Elle, elle n'en avait aucune, elle était un peu limitée niveau mouvement et serait sans doute la première visée… Harchi pourrait peut-être s'en tirer, enfin à condition que le Lys ne soit pas de la partie, ce qui n'était pas sur. Rien dans leurs conditions n'interdisait à l'homme de main de venir avec plusieurs armes. Et si Elle-même avait exploité cette faille en glissant dans le dos d'Harchi sa fine dague, le Lys a n'en pas douter, en avait fait autant.
L'immobilité ambiante dura encore quelques instants.
Puis, comme si de rien n'était, un sourire fleurit sur les lèvres de la Rouquine, tiraillant un peu les chairs meurtries.
A l'évidence personne n'avait envie de briser le statu quo... Du moins pour le moment...
Doucement, elle fit un pas de plus en leur direction, en prenant soin de maintenir tout de même entre elle et le Lys une distance de sécurité, pour ne pas risquer un accident. Un quiproquo était si vite arrivé, et la tension dans l'air à cet instant confirmait à la jeune fille que tous étaient sur leur garde en quête du moindre mouvement de menace.
Affichant toujours un sourire sincère, La petite main blanche et valide de Mahelya se tendit en avant, prête à être empoigner.


Et vous, vous êtes le Lys n'est-ce pas ?
_________________
Sindanarie
La réaction de l'Etincelle laisse un instant le Lys sans voix. D'une part, parce que la jeune fille se découvre sans sourciller. D'autre part, parce qu'elle montre une figure maltraitée. Pas le visage de la gamine un peu renfermée qui suivait la bâtarde d'un défunt Grand Maître de France en politique limousine, non. Il est serein mais marqué, presque fermé. Et sa remarque glace, curieusement, le Lys. Comment peut-elle penser qu'il lui fera du mal ? Il n'en a pas de raison... Il n'en a aucune raison. Alors, comme on laisse venir à soi une bête sauvage, le Lys ne bouge pas. Ne dit pas un mot. Attend une marque de confiance. Marque qui ne tarde pas à venir, d'ailleurs : la petite se rapproche, entre dans sa distance, tend la main, demande confirmation de qui elle est. Comme si elle ne le savait pas. La jeune femme qui est devant elle est-elle bien le Lys ?

Lui-même.

Une main avait été tendue avant même que Sindanarie ait eu le temps d'achever ses mots. Un bref instant, la jeune femme resta sans bouger, considérant la main tendue. Sous la capuche, l'ombre d'un sourire naissait. Entre dames, on ne se fait pas de baise-main, alors quoi ? Fallait-il la serrer ? Peu adepte du contact humain, hormis avec ceux dont la Carsenac se considérait comme proche, la Vicomtesse hésitait sur la conduite à tenir, mais ses yeux revinrent, comme attirés par un aimant, vers le visage tuméfié. A son tour, sa dextre se tendit, non pour prendre celle de la petite rousse, mais pour lui relever le menton et, le tenant fermement, le guida pour faire légèrement pivoter la tête. Le cou ne semblait pas touché. Les plaies et marques, elles, n'étaient pas l'oeuvre d'un grossier maquillage. Seulement d'une brutalité infâme envers l'Etincelle. A quand cela remontait-il ? Quelques jours, à coup sûr, au vu de la teinte de son oeil. combien exactement ? Cinq, six, une semaine peut-être ? Le temps que le noir devienne jaune et que la plaie de la lèvre se referme. Cet examen fait, elle proféra dans un grondement :

Qui a osé ? Qui est la raclure de fond de crachoir qui vous a fait ça ?

Le terme pouvait avoir l'air alambiqué... Mais qu'était-on être d'autre quand on s'attaquait de la sorte à une gamine ? Il fallait le reconnaître, elle n'était pas plus que cela, la rousse, du haut de ses, quoi ? Onze, douze ans ? Fluette, et manifestement pas rompue aux armes. S'attaquer à un adversaire pareil était même indigne d'un enfant de son âge... Secouant la tête, la Carsenac relâcha le menton de la petite, alors que deux phrases de la Charte de son Ordre lui revenaient en mémoire. "Un Chevalier de la Licorne se doit de lutter contre tout criminel. Un Chevalier de la Licorne se doit de porter secours à tout innocent dans le besoin, même au péril de sa vie." Tu ne le sais pas encore, fillette, mais tu viens de passer sous ma protection. Et lui vient de devenir mon ennemi, parce qu'il est criminel de s'en prendre à quelqu'un qui ne peut pas se défendre. Le tout se traduisit par un murmure.

S'il croise mon chemin, j'en fais mon affaire, Etincelle.

La dextre du Lys se retira finalement, un index restant en retrait pour suivre la ligne du menton de l'Etincelle. Un regard à Eric, un signe de tête, et deux capuches tombèrent en un coup. Le visage fermé d'Elric émergea d'un côté, et celui, pâle et légèrement amaigri, froid surtout, de Sindanarie se révéla sous la lumière de l'astre nocturne, encadré de quelques mèches brunes échappées de sa tresse. Un sourire sans gaieté se dessina sur ses lèvres, alors qu'elle reprenait, froidement :

Je n'ai pas coutume d'occire ceux qui demandent mon aide, jeune fille. C'est contre mes principes. J'ose espérer que vous n'en avez pas douté.

Coup d'oeil à Elric. Ils s'étaient mis d'accord. Un signe suffirait à lui demander de s'éloigner si l'Etincelle souhaitait un peu d'intimité pour leur premier échange. Un léger signe de tête de l'intendant et mentor suffit pour l'assurer qu'il était paré à toute éventualité. Un clin d'oeil furtif y répondit, puis la Vicomtesse se retourna vers sa correspondante et lança finalement :

Vous vouliez me parler, donc ? Si vous commenciez par me rappeler votre nom exact ?
_________________
Mahelya
Lorsque la main du Lys se posa sur le visage de la jouvencelle, un grognement rauque lui parvint de derrière elle. Mais ayant déjà anticipé la réaction de son valet, la main fine et blanche était déjà tendue en sa direction, afin d'interdire tout geste malheureux. Certes se faire tripoter le faciès n'était pas des plus agréable - *imaginez une main tenant fermement votre menton, obligeant vos bas-joues à remonter, forçant la bouche à s'ouvrir en un "O" parfait : Une belle imitation de la carpe en somme* - mais il n'y avait pas non plus mort d'homme.
Docile elle se laissa donc manipulée et ne put retenir un gloussement sans joie au terme employé par la Licorneuse pour définir son agresseur.


- Raclure de fond de crachoir ? ... Intéressant, personnellement je préfère ne pas lui donner de nom... enfin si vous y tenez tant, sachez que c'est un certain Francis, plus communément appelé le Paillard... Peut-être l'avez vous déjà croisé... Il traine souvent ses guêtres en Limousin... En tout cas soyez assuré que Je vous remercie de votre implication dans cette affaire. "Mais voyez, mon ombre ? il passe ses nuits à le chercher et certainement pas pour lui causer du beau temps et du bon-vivre en Limousin" aurait certainement finit sa phrase, si elle n'avait pas retenu les mots avant qu'ils ne franchissent ses lèvres. Mahelya avait l'intuition que d'avouer un futur meurtre n'était pas la meilleure chose à faire en cet instant.

Le ton employé était neutre, presque détaché. Pourtant l'horreur qu'elle avait vécu ce jour là lui vrillait encore les entrailles, et le soir, à la nuit tombée, seule dans sa chambre, elle laissait les perles d'eau salée couler abondamment, de rage ou de tristesse cela dépendait des ses états d'âme. Rage de ne pas s'être battue, et tristesse de se sentir déshonorée bien que pour cette partie elle n'en avait aucune idée.
Si la peur qui la torturait depuis lors s'invita dans les prunelles émeraudes, se fut bien furtivement.
Alors que la main se retirait, La Rouquine s'en saisit afin de la serrer vivement mais brièvement. Après tout le Lys n'avait pas le monopole des contacts non désirés. Un point partout, balle au centre.
Les couvres-chef des deux silhouettes tombèrent enfin. Un nouveau sourire de compassion cette fois, se dessina sur le visage juvénile.


- Et bien, je ne suis peut-être pas au meilleur de ma forme, mais vous ne semblez pas en meilleur état. On ne vous nourrit pas au combat ? Puis balayant la pique assassine de son interlocutrice, le Flammèche enchaina. Par les temps qui courent, il faut bien se méfier de tout et tout le monde... N'en suis-je pas la preuve vivante ? Et ... Vous ... Ne me dites pas que vous-même ne doutez point de moi ? Harchi, a bien remarqué votre manège de vérifier les alentours... Sachez Vicomtesse, que je n'ai pas pour habitude de poignarder, les personnes qui me viennent en aide. Surtout quand cette aide sert des intérêts communs... n'est-il pas ?

Cette fois, ce fut avec un sourire chaleureux qu'elle gratifia le Lys.

- En tout cas je vous remercie vivement de vous être montrée à ce rendez-vous.
Effectivement je tenais à m'entretenir avec vous.


La petite main s'agita en direction de son vieux soldat, et aussitôt celui-ci recula de deux pas, dans le silence le plus total. L’Étincelle ne se sentait pas en danger devant le Lys fatigué.

- Mon identité ? biensur... je me nomme Marie-Amelya mais tout le monde m'appelle Mahelya ou encore Mahe. Fille d'Holaf de Penthièvre et de Gunelle. S'il vous faut une preuve, je dois encore possédé la reconnaissance de paternité à la maison... Et sans doute quelques rares souvenirs agréables en sa présence à vous conté.
Dame Prudence de Champlecy plus connue sous le sobriquet de Poumona, fut nommée à la demande expresse de mon cher père, Nourrice en chef de moi. Et il m'a été rapporté que George le Poilu, Félon du royaume serait mon Oncle a un degré éloigné.
Voilà ...
Oh non j'allais oublié ... Guilhem-horvy, fils de Poumona vit sous mon toit après l'abandon de sa mère. Je me suis moi-même confié la mission de l'éduquer.
...
Ainsi les choses sont claires et toutes deux nous savons que tout cela nous oppose déjà.
Cependant, je n'ai que faire de cette guerre, des rancœurs et des jaspinades (*) qui en découlent. Je suis ici et maintenant devant vous pour, et uniquement pour le Bien du Limousin.
J'ai nombre de choses à vous dire, et bien que je sais pertinemment que votre homme de main et le mien sont sans doute au courant de tout, j'aimerai vous parler seule à seule. Enfin si cela vous sied ?


Bavarde la Rousse ? si peu. Elle dévisageait le Lys en attente d'une réaction. Peut-être n'avait-elle pas besoin de dire tout cela. Cependant une bonne collaboration débute toujours par la confiance entre les protagonistes.
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(*)Jaspinades = disputes en Berrichon.
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Sindanarie
["Was macht ein Mann, der zwischen Mensch und Tier nicht unterscheiden kann ?" *
Rammstein, Tier]


Le Paillard, Francis... Ni le nom ni le surnom ne disaient rien à la Carsenac. Non qu'elle ne connaissait pas les bas-fonds de la société, elle les avait assez fréquentés dans des temps désormais reculés pour savoir que ces appellations étaient fréquentes, sinon génériques. Pas le temps de s'y attarder, à peine celui de secouer la tête pour faire signe qu'elle ne connaissait pas l'individu : la petite recommença à parler aussitôt qu'elle eut serré la main de Sindanarie. Un véritable torrent de paroles s'abattit sur la Vicomtesse découverte.

Sourire sans joie, encore, à l'évocation du front. S'il n'y avait eu que le manque de nourriture, gamine... S'il n'y avait pas eu ces plus de deux mois de convalescence étalés en trois fois, s'il n'y avait pas eu le chagrin d'avoir été trahie, s'il n'y avait pas eu ces Frères et Soeurs disparus, mal en point, blessés, désespérés pour certains, ces blessures et cicatrices des corps et des âmes, alors oui, la nourriture aurait été un souci de première importance. Sauf que l'intendance des Ordres royaux avait ceci d'impressionnant : elle parvenait toujours à approvisionner les hommes et femme défendant la Couronne, même s'il fallait parfois faire marcher la solidarité des troupes pour parvenir à tenir jusqu'au ravitaillement suivant.

Et l'Etincelle enchainait. Douter d'elle ? Bien sûr. Sinon Elric n'aurait pas son épée dans le dos... Et ils n'auraient pas vérifié qu'il n'y avait personne d'autre. Certes. M'enfin, il y avait une nuance nette entre se défier de quelqu'un et imaginer une personne connue pour un engagement strict enfreindre ses principes de base. La généalogie se déroule, implacable. Les relations s'enchainent. Le sourire va et vient sur les traits de la Carsenac. Amusée ? Peut-être. L'ironie de la situation lui apparait pleine et entière. Aussi, quand la petite rousse achève, la brune ponctue-t-elle simplement sa tirade de :


Vous ne manquez pas de cran, Mahelya. C'est déjà ça... Et ça explique sûrement l'état dans lequel vous vous trouvez.

Rester seules. Rien à perdre, n'est-ce pas ? Rien qu'un peu de vie. Quelques années qui ne seraient guère plus productives que les précédentes. Haussement d'épaules à cette idée. Le silence de la nuit est entrecoupé des mille bruits qui font dresser l'oreille à la Carsenac. Sans se départir de son calme, elle répond simplement :

C'est bon. Nous pouvons rester seules. Evitez juste de vous étriper mutuellement.

Léger sourire, presque affectueux, à Elric, et hochement de tête pour entériner ce qu'elle vient de dire. Puis, sans guère se préoccuper de ce qui peut lui arriver (car, l'ayant élevée, il doit bien être capable de se débrouiller seul face à une homme manifestement du même âge que lui), la Vicomtesse revient à son hôte sur les terres des Cars et conclue :

Donc, Etincelle ? Vous m'excuserez, je me suis habituée à ce surnom. Et il vous va plutôt bien. Enfin. De quoi vouliez-vous me parler ? Surtout, voulez-vous que nous retrouvions un intérieur pour en discuter plus confortablement ?

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* Littéralement : "Que fait un homme qui ne fait pas de différence entre personne et animal ?". Paroles ici et chanson .

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Mahelya
Le Lys avait parlé, et l'entretien serait privé. Les émeraudes se tournèrent doucement vers Harchi. Bien que le vieux soldat essayer de garder un visage impassible, pour la jeune fille qui partageait sa vie depuis sa plus tendre enfance, elle savait que pour Lui, la perspective de la laisser seule avec un membre de Licorne ne l'enchantait guère. Lentement elle s'approcha de lui et lui fit une bise sur la joue. Étrange quand on savait qu'aucun contact charnel n'était échangé entre l’Étincelle et son Valet. Mais la jeune fille profita de cette soudaine proximité pour glisser quelques mots au creux de son oreille.

- Ne t'en fais pas, je ne risque rien. Les prunelles enfantines glissèrent quelques instants sur l'homme de main de la Fleur Immaculée. Un fin sourire s'esquissa sur le visage aux tâches de rousseur, étirant la cicatrice rougie fendant ses lèvres.- Essais plutôt de te faire un ami. Le ton était sans doute un peu taquin. Mais il n'était pas impossible que les deux hommes d'un âge certain aient beaucoup de choses à partager. Ou peut-être allaient-ils s'égorger. De toute façon la Rouquine ne se faisait aucune inquiétude, son Harchi savait se défendre, malgré le poids des années qui pesait sur son corps.
Rapportant son attention sur le Lys, la jeune fille s'avança d'un pas. Puis d'un autre, le tout était d'inviter son contact à parler en marchant. Le fond de l'air était frais en ce début du mois de décembre, et rester sur place garantissait presque d’attraper la mort.

Mahelya commença donc à marcher lentement, au hasard, dans ces terres qui lui étaient inconnues. S'assurant qu'elles s'étaient assez éloignées des deux hommes, la voix douce et enfantine se mit à raisonner sous l'astre rond de la nuit.


- Je voulais vous parler du Limousin cher Lys. je ne vous connais que très peu mais je pense que nous avons les mêmes idéaux et les mêmes ambitions pour notre Comté. Et je pense surtout que nous nous méfions des mêmes personnes. Bien que le Comté soit tenu, de main de Maître par l'enfant royale, j'ai un bien mauvais pressentiment quant à l'avenir. Je sais que vous avait été une excellent dirigeante pour notre Comté, même si à l'époque je n'ai pu m'empêcher de pointer du doigt les faiblesses de votre programme électoral.

La jeune fille se tourna vers la jeune femme. Un sourire timide se dessinait sur son visage tandis que les épaules se haussaient lentement. Puis Mahelya cessa de marcher et se planta devant Sindanarie, les prunelles vertes encrées dans celle de la Fleur.

- Je pense sincèrement qu'avec vos idées et mes connaissances, nous pourrions réaliser de grandes choses pour notre Terre. Parce que oui, j'ai choisi de vivre en Limousin, et de ce fait cette terre est devenue la mienne... Et j'espère qu'un jour, cette union sera réciproque et qu'on oubliera qui je suis.

La fin de la phrase avait été murmuré, et le cœur de la jeune fille se serrait. Difficile de ne trouver sa place nulle part.
Les deux corps restèrent encore un peu immobiles puis le plus frêle reprit sa longue et lente marche, tandis que la voix cristalline continuait son monologue expliquant de long en large la situation des terres Limousines à celle qui l'avait quitté pour le front. Rien ne fut oublié, si bien que les deux femmes étaient sans doute restées, isolées environ deux bonnes heures. Et malgré le fonctionnement continu de ses muscles, le petit corps de la Flammèche commençait sérieusement à ressentir la morsure glacial de la nuit. Après quelques instants de silence et tandis que la Fleur et l’Étincelle rejoignaient doucement leurs hommes de main. Mahelya se risqua reprendre une nouvelle fois la parole.


- Je suppose chère Fleur que vous avez gardé mes lettres ? Tout comme je l'avoue j'ai gardé les votre. Je rebondis donc sur votre proposition d'un peu plutôt quant à trouver un intérieur. Que diriez-vous si je vous menais chez moi, j'aurai surement un doux breuvage à vous proposer et nous pourrions détruire cette correspondance ensemble ?

[Direction Limoges, Rue de la Justice]

Le Lys avait accepté l'invitation, et c'est donc dans le Bureau que la jeune fille et la jeune femme se trouvaient à présent. Elles avaient laissé leurs hommes de main au rez-de-chaussée, à la cuisine à s'enivrer de divers vins autour d'histoires de guerres et de combats.
L'avantage d'acquérir un vieux bâtiment administratif que plus personne n'utilise désormais, c'est que les murs sont en pierre et qu'il y a un nombre incalculable de petites pièces.
Le bureau de la Flammèche se trouvait à l'étage de la bâtisse, éclairé par une fenêtre sur rue, les anciens propriétaires y avaient même fait construire une cheminée. Les flammes dansaient joyeusement dans l'âtre. Mahelya s'était accroupie juste devant le foyer, lançant de façon régulière tous les vélins qui avaient été échangés.


- Au moins comme ceci, il n'y aura plus de trace de cette correspondance. Je suppose que personne ne sait que vous êtes à Limoges en ce moment même n'est-ce pas ?

La réponse semblait évidente... Elle-même ne racontait pas tout... Même à Harchi... Oui elle avait des secrets même pour lui, dont un qui l'empêchait de trouver le sommeil la nuit.
Le regard émeraude se perdit dans la contemplation des flammes tandis que les souvenirs de son agression lui revenaient en mémoire. Ses mains se mirent à trembler. Elle avait beau essayer de toutes ses forces, elle ne se rappelait pas de tout. Juste l'odeur envahissait encore parfois ses narines , comme-ci Francis se trouvait toujours à proximité d'elle. Que lui avait-il fait ? Qu'était-elle maintenant ? Avait-elle gardé son honneur ?
Timidement le regard inquiet glissa sur la Licorne.


- Nous avons tous des secrets... Filet de voix bien mal maitrisé. Une profonde inspiration remplit les poumons de l’incandescente qui ne brillait guère plus depuis quelques jours. - Dites ... Puis-je vous en confier un ? à vous ? Nul ne le connait...
Je ne sais s'il m'a déshonoré... Celui qui... Enfin Francis... Mon esprit refuse à s'en souvenir...

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Sindanarie
[Limoges - Dans le calme d'une belle bâtisse]

Un feu. De la chaleur. De la lumière. Rien à voir avec l'obscurité des ruines situées dans la Vicomté des Cars, dont les quatre protagonistes s'étaient éloignés après une longue discussion entre jeune fille et un peu moins jeune femme, c'était évident. De l'ombre, l'Etincelle et le Lys passaient à la clarté. Les lettres, vérifiées, brûlaient joyeusement. Bientôt plus aucune trace ne pourrait en être retrouvée. La Carsenac regardait l'âtre. Un moment de calme... Un moment où elle n'était plus rien d'autre qu'une femme regardant danser des flammes.

Hormis Elric, personne ne le sait.

Et sans rien relever de plus, ni rien ajouter, Sindanarie serait retombée dans le silence si la rouquine n'avait pas lancé un nouveau sujet de conversation. Un sujet délicat, au ton qu'elle avait adopté. de la gêne ? Pour une gamine aussi franche et tranchée, c'était étonnant. Détournant le regard du feu, la Vicomtesse fixa la jeune Limougeaude. Et les mots mis sur le problème de Marie-Amelya sont enfin égrenés.

Grimace.

Pourquoi fallait-il que ça tombe sur elle ? Le sujet des hommes et de l'honneur était particulièrement délicat pour la Carsenac, qui portait en son sein le début d'une nouvelle vie... Un enfant qui ne connaîtrait pas son père pour des raisons d'honneur, qui déshonorerait sa mère, qui connaitrait l'opprobre qu'elle aurait voulu lui éviter si son fiancé était resté dans le droit chemin. Les paupières de la jeune femme se baissèrent un instant, un frisson parcourut la main qui, par réflexe, allait se porter vers son ventre. Non. Il ne fallait pas le montrer. Secret, jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus le cacher. Et avant... Répondre. Gagner un peu de temps. Se mettre les idées en place. Comment expliquer ça à une enfant effrayée ? Par des faits, une réalité crue ? Avec des ménagements ? Onze ans, douze ans... Bientôt elle serait en âge de penser à se marier. Elle devait bien savoir...


S'il vous a déshonorée ?

Grommellement. Aristote, pourquoi moi ? Pourquoi faut-il que ces choses-là me tombent dessus ? Qu'ai-je fait de plus que ce dont vous m'avez déjà punie, ô Très-Haut ? Tant pis pour la délicatesse...

S'il a introduit une partie de lui entre vos jambes, si vous avez eu mal à cet endroit et si vous avez saigné de l'entrecuisse, vous êtes probablement, comment dire... Déflorée. Sinon, vous avez toutes chances d'être encore vierge.

Ca, c'est fait. C'était peut-être brutal, mais c'était clair. Pourvu, cependant, que la jeunette ne lui demande pas de vérifier ce qu'il en était... C'aurait été le pompon. Le clou du spectacle. La bonne raison de commettre le péché suprême en s'ôtant la vie. Surtout, ne pas laisser le temps à l'Etincelle de le lui demander.

Quoi qu'il en soit, personne ne le saura de mon fait. Je vous promets le silence.

Les mots fusent, neutres mais saccadés. Parce que ça lui fait tout de même quelque chose de se dire que l'on peut s'attaquer à cette gamine... Une petite attachante, qui à première vue ne faisait rien pour mériter pareille agression. Mais que pouvait-on contre la nature humaine ? Contre ses perversions et ses vices ? Prier... Guère plus, hormis arrêter les mauvais et nuisibles du type de ce Francis. Le Paillard... Bon surnom, judicieux au moins.

Les prunelles de la Vicomtesse se détachent de celles de la rousse pour se plonger de nouveau dans les flammes. Les derniers vélins achèvent de se consumer. Bientôt, il n'y aura plus aucune trace de ce qu'elles ont échangé. Même les mèches de cheveux y passent. L'odeur n'est pas des plus agréables, mais qu'importe. Aucune trace ne doit subsister. Les doigts de la Carsenac s'entrelacent, et elle finit par repartir :


Je vous remercie, en tout cas, de m'avoir mise au courant de la situation du Comté. Je ne peux pas revenir actuellement pour plus qu'une visite très rapide... Mais d'ici quelques semaines, quelques mois peut-être, je pense que la guerre touchera à son terme. A ce moment-là... Ca changera. Je reviendrai.

Et ce n'était pas forcément une bonne nouvelle. Sindanarie se rendait bien compte que ses jugements étaient désormais plus tranchés, ses prises de position plus vives, ses répliques et ripostes plus cinglantes. Alors restait à savoir ce que cela donnerait en politique... Si elle se relançait, si elle retrouvait son Rêve, elle lui impulserait sans doute une dynamique différente de celle qu'elle avait jusqu'alors suivi, infléchie ou, plutôt, plus droite. Et cette pensée aboutissait à un furieux besoin de parler, au moins un peu, ce qu'elle ne tarda guère à s'accorder :

Etincelle... J'ai changé. On me connaissait pour un style assez consensuel, pour être à l'écoute de tous et entendre tous les avis avant d'arrêter le mien. Je crains désormais d'avoir tendance à imposer mes opinions. Je suis devenue plus directe, plus brutale. J'ai appris à... A rentrer dans le lard de ceux qui me résistent ou insultent les choses et les personnes en qui je crois et qui me sont chères. Si nous travaillons ensemble pour le Limousin, un jour, si je reviens de cette guerre, vous devez savoir que je ne ferai plus aucun cadeau, ni aux miens, ni à vous, ni aux autres.

Sourire sans joie. Oui, elle avait changé. Beaucoup trop. Restait juste à voir si ce serait irréversible.
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Mahelya
Les émeraudes s'embrasaient à trop contempler la danse des flammes dans l'âtre de la Cheminée du 16 rue de la Justice à Limoges. La question de son honneur avait été posée à une parfaite inconnue et le regard s'était immédiatement fait fuyant. Était-ce bien prudent ? Malgré la situation somme toute cocasse, la Rouquine était restée immobile. Statue marmoréenne accroupie devant les Flammes attendant le verdict de sa mauvaise rencontre. La Vicomtesse s'était exprimée, froide, distante, brutale, franche. Si le palpitant de la jouvencelle se serra d'avantage, le minois n'en laissa rien transpirer et c'est donc un visage peint de neutralité qu'elle offrit à son invitée lorsqu'elle se redressa. *Mahelya ... Marie-Amélya, ni femme, ni enfant... Sur qui comptais-tu pour te remonter le moral ? te prendre dans ses bras ? et te dire que tout irait bien maintenant ? La vicomtesse n'est pas là pour ça ! Mais pour le Limousin ! Te considères-tu plus importante ? * L'orgueil en prit un coup mais bien plus notable, un sentiment de vide envahit les entrailles de la gamine. *Seule tu étais et seule tu resteras, tel est le prix à payer pour le sang rance qui coule dans tes veines!* L'écho des derniers mots prononcés par la brune disparaissait contre les pierres de la bâtisse lorsque l'Incandescente s'exprima enfin.

- Je vous remercie cher Lys de m'avoir ... renseignée sur la chose de mon hymen.

Façon très habile de l’Étincelle de dire avec politesse qu'elle n'était pas plus avancée à présent. Et le sourire qui crispait les muscles de son visage depuis le jour de son agression, fleurit de nouveau sur ses traits fins. C'était sa façon de donner le change, de créer l'illusion que tout allait bien et qu'elle était forte. Et ça fonctionnait très bien. Jamais personne ne s'inquiétait de son état, de ses humeurs... Seule... Un jour. A jamais. Et le sourire de s'élargir. Doucement la silhouette frêle prit place dans un fauteuil qui siégeait devant la cheminée, invitant de la main son hôte à en faire de même.

- Et bien cher Lys, j'espère que vous nous reviendrez bientôt. Afin que l'on puisse tous travailler main dans la main au glorieux du Limousin...
Je possède déjà quelques idées, qu'il me faudrait avec vous étudier, enfin lorsque vous reviendrez pour de bon sur vos Terres. Bien entendu... Je pense que la Guerre vous monopolise l'Esprit bien plus que de raison.


Inlassablement le flot de paroles continuait à se déverser, intarissable, ininterrompu. C'était toujours ainsi que la Rouquine avait fonctionné. Meubler par la parole, le vide de son cœur. Quelques rires gras venant des cuisines, étouffés par le parquet ponctuaient parfois le discours de la Flammèche. Les deux hommes de main semblaient finalement s'être trouvés quelques points communs. Il est toujours plus facile de tomber d'accord autour d'un bon verre de vin. Si elle s'en était aperçu, un vrai sourire aurait alors illuminé le visage au teint de craie de la jeune fille. Amusée certainement par le retournement de situation entre ses deux là. Mais elle était concentrée sur les tous derniers mots de la Carsenac avant qu'elle ne tombe dans le silence et auxquels elle avait choisi de répondre en dernier.

- Je ne vous demande aucun cadeau. Ni à moi, ni à personne ! je ne vous demande rien ! Si ce n'est de reprendre la tête du Limousin. Vous avez changé dites-vous ? plus directe, plus brutale c'est cela ?... Et bien entourez-vous de vos opposés afin d'équilibrer. Ne vous méprenez pas sur moi, je ne suis pas de la dernière pluie, j'ai connaissance de tous les rouages de la Politique depuis que je sais prononcer "Maman".
La Politique est loin d'être un monde rose, ce n'est que des intrigues et des complots, des manipulations et des réflexions sur comment mentir avec panache et crédibilité. Vos colistiers sont la première couleuvre que vous devrez faire avaler aux Limousins. Votre Programme la deuxième.
Nul parti n'a jusque là réussi à se tenir à ses idéaux en toutes circonstances. Pourtant c'est d'un parti transparent dont je RÊVE, moi...


Et le regard se perdit une fois de plus dans les flammes de la cheminée. Oh oui alors la politique était un monde pourri, obligatoirement, mais à ce petit jeu, il faudrait être les moins entachés.

Le gosier de la jeune fille, après ce long discours était complétement asséché. Doucement elle se leva et afficha le même faux-sourire qu'à l'accoutumée. Quand on est mort et vide à l'intérieur, il est difficile de s'en réjouir.


- Quelle Maîtresse de maison je fais, je ne vous ai même pas proposée de boire un délicieux nectar de ma Terre d'origine. Désirez-vous un verre de vin ? je vous propose de m'accompagner dans la cave, elle est à l'extérieur de la bâtisse, mais juste à coté. Nous n'en n'avons pas pour longtemps. Dites oui s'il vous plait !
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