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[RP semi fermé] Un renard et un Lys sous l'astre nocture

Sindanarie
"L'alcool purifie tout, comme le feu."
(Roger Fournier, A nous deux)


Une Etincelle déçue, peut-être, une. Sans doute, même. Le regard sinople de la Carsenac glisse sur elle avant de revenir dans se perdre dans la danse des flammes. Reposant, enivrant, apaisant spectacle... Machinalement, la Vicomtesse a reporté la dextre sur son ventre pas encore gonflé par la vie qu'il abrite pourtant. Le discours se dévide en retour, comme un écheveau de paroles. Peu à peu, la Carsenac se laisse aller, se détend. Pour un peu, elle se sentirait s'humaniser de nouveau. Retrouver les bonheurs simples, comme la chaleur de ce feu qui brûle devant elle. La chaleur, elle la sent, mais ne ressent plus le plaisir qui autrefois l'accompagnait. Tout a changé, malheureusement, et le monde est devenu gris. Tellement triste.

Même les guerres et missions prolongées ne lui avaient ordinairement pas porté pareils coups. Etre loin de chez elle, loin du Comté qu'elle chérissait, loin de personnes qu'elle appréciait avait parfois été douloureux, mais au moins il y avait du sentiment. Depuis l'abandon de Pierre-Louis de Villefort, Sindanarie vivait en ombre, comme en secret. Sans trop se mêler à ses Frères et Soeurs, qui pour certains savaient sa douleur sans pour autant en connaître l'origine, elle faisait passer les jours. Parfois un verre dans une quelconque taverne la déridait un peu. Le plus souvent, elle s'était cantonnée dans la solitude des camps et des remparts, chargeant sans espoir quand le combat s'annonçait inéluctable ou était nécessaire pour tenir ces ennemis engagés dans une guerre civile à distance de provinces encore épargnées. Elle ne s'en moquait pas, non... Sur le plan intellectuel, elle vivait encore. Mais il y avait comme une pierre au centre de sa poitrine.

Et arrive la question qui fait mal. Proposition d'alcool... Aristote, créer des tentations pareilles relevait de la torture ! Souvent, le Traître avait répété à la Vicomtesse qu'il prétendait aimer qu'il fallait prendre soin d'elle, éviter les chevauchées autant que possible, éviter qu'elle se mette en danger, et éviter qu'elle boive. Même la mirabelle avait été prohibée. Mais ce temps où elle devait tant faire attention devait bien être révolu, n'est-ce pas ? Il l'avait condamné lui-même, en la trompant entre les cuisses généreusement ouvertes de son ancienne fiancée. Le pincement au coeur à cette pensée, à cette image fut tel que la dextre du Lys tressaillit, alors que tout mouvement l'avait abandonnée depuis des instants qui lui avaient paru sortis du temps. La pierre s'alourdit encore, tant que pour un peu elle se serait inclinée en avant pour compenser le retour de la douleur. Peut-être se laissa-t-elle légèrement aller, sans en avoir conscience. La douche était froide, le réveil difficile. Une catin et un traître...

Sans balancer plus, l'encore assez jeune femme hocha la tête. Oui, un verre de vin lui ferait le plus grand bien, le doute n'était pas, ou plus, permis sur la question. Aussi se leva-t-elle, espérant n'avoir rien laissé filtrer sur son masque, d'ordinaire si neutre et si maîtrisé, de ses émotions encore vives malgré les mois écoulées depuis la tromperie dont elle avait été la dupe. Un pâle sourire vint orner ses lèvres alors qu'elle répondait, simplement :


Je vous suis, Etincelle.

Seule une prière monta ensuite vers le Très-Haut, dans le secret de l'âme de la Licorne. Par pitié, ô mon Créateur, par pitié, fais qu'elle ne relève rien de ce que j'ai pu laisser paraître ! Qu'ai-je fait, Seigneur, qu'ai-je fait ? Libera me, Domine, a dolore mea ! Libère-moi, Maître, libère-moi de ma douleur !
_________________
--Elric_lesang
["When I come back from a mighty quest
I have no need for sleep or rest
I head to a tavern for a drink
And get so drunk I cannot think
A wench by my side and a jug of mead
These are the things that I most need
So I sit back and sing this song
And drink and party all night long" *
Alestorm, Wenches and Mead]


Aux cuisines, l'ambiance est plus légère. Le flacon fait l'ivresse ! Et l'intendant des Cars est déjà bien entamé. Le godet de vin qu'il fait tourner devant lui lui donne probablement l'air du dernier des pochetrons, mais qu'importe ! La joie est là, et le vieillissant Elric se sent d'humeur bavarde. Ses yeux ont retrouvé un certain éclat alcoolisé, plus vif que le regard terne qu'il adopte en général pour tromper l'adversaire, vieux reste de ses années de mercenariat. Et il lance enfin la question qui l'intéresse, maintenant que les deux vieillards de service ont à son goût sympathisé sous l'oeil tour à tour amical et agacé, quand le regard d'Elric se fait trop insistant, de la cuisinière dévouée qui les a approvisionnés en vin jusque là.

Bon, c'bien joli tout ça, mais tu l'as récupérée comment, ta gamine ? C'est pas ta fille, ça s'voit, et pourtant tu t'serais vu la couver des yeux...

Hum. C'est peut-être un brin direct. Alors celui qui gère les Cars reprend, un sourire au coin des lèvres, sans se douter que dans un instant il va étaler des souvenirs lointains, les souvenirs d'une époque plus paisible, plus calme, plus insouciante. Aussi reprend-il, sans s'appesantir sur les lieux où ses mots vont le ramener :

'Fin, j'te demande ça... Tu vas m'dire que c'est très, très indiscret, alors j'm'en vais t'raconter comment j'ai écopé d'la mienne. Bah oui, hein, j'l'ai pas tirée de mon chapeau, la Sinda. J'connaissais son père, on était d'vieux amis. Pratiquement, on a grandi ensemble, lui et moi. Eleuthère, qu'il s'appelait.

Eleuthère et les cheveux qu'il entretenait si amoureusement, bouclés, noirs comme la nuit, long et soyeux. Presque une chevelure de femme... Et ces épaules. Carrées. Il était grand, Eleuthère, bien plus grand qu'Elric. Il le dominait de la tête. Il n'était pas mince, non, mais il avait une carrure à attirer l'oeil des femmes et à repousser les ardeurs belliqueuses des hommes. Et ses yeux... Elric se souvenait d'avoir tellement ri le jour où son ami était revenu dans leur ville après avoir été renvoyé du séminaire, quand Eleuthère lui avait joué la dernière entrevue qu'il avait eue avec un quelconque prélat. Le prélat insinuant qu'il répandait le péché par les oeillades fondantes qu'il était capable de distribuer pour s'attirer la sympathie de tel ou telle, du curé à la blanchisseuse, sans l'ombre d'un remord... Aristote ! Qu'il avait ri ! Et ce seul souvenir lui retroussait encore le coin des lèvres quand il reprit :

T'aurais dû l'voir... L'avait de l'allure. Une sacrée allure, même ! Ma p'tiote en a pas mal, mais lui, ça n'avait rien à voir. Et puis son nom lui allait bien. T'sais d'où qu'ça vient, Eleuthère ?

Souvenirs de l'école paroissiale. Sacristie grisâtre remplie de gamins, tous mâles forcément, qui n'avaient strictement rien à carrer des cours du pauvre curé, et balançaient de petits cailloux en travers de la salle aussitôt qu'il avait le dos tourné. Ca sentait la craie poudreuse, la sueur, les garçons. L'enfance prétendument studieuse. Le sourire de l'intendant s'élargit alors que sa voix se teinte de, peut-être, un brin de nostalgie :

D'un mot grec qui veut dire liberté. C'pas mal, pour commencer dans la vie, j'trouve. Lui, il s'est pas mal débrouillé. Il aurait dû finir dans les ordres, sauf qu'il a été viré du séminaire à, j'sais pas, dix-sept ans p't-être. Il aimait les armes, alors on est partis vadrouiller avec les armes à la main. Il était doué, il savait se gagner la fidélité des hommes. Il a monté une petite troupe. On était, quoi ? Vingt dans les premiers jours, cent aux plus grands, et une trentaine quand il a connu la mère de Sindanarie. C'tait une nobliote, on assurait la protection d'ses parents, qu'avaient peur de je n'sais quoi. Eleuthère s'est entiché d'Eloïse d'Elicahre, c'tait son nom. Pis après, j'te fais pas un dessin. L'est tombée en cloque, est morte en couches et Eleuthère a récupéré le bébé. Et comme il gérait la troupe, il me l'a confiée. J'l'ai élevée, j'lui ai appris les armes, puis la monte, puis la lecture et l'écriture. J'ai veillé sur elle, pis aujourd'hui c'est elle qui s'occupe de moi. Et maintenant...

La main de l'intendant se tend vers le pichet, qui a déjà été sévèrement entamé, et il ressert une généreuse ration à Harchi, avant de remplir son propre godet. Fini de rire, les choses sérieuses peuvent commencer. Et après avoir levé son verre à Aristote sait quoi, Elric tendit une main grande ouverte en direction de son homologue, car celui-ci ne devait pas avoir un rôle auprès de la petite Penthièvre bien différent de celui qu'il avait lui-même eu avec Sindanarie, et lança :

A toi !

A confidences, confidences et demi. Harchi, ouvre-toi !

["Quand je reviens d'une glorieuse quête/Je n'ai besoin ni de sommeil ni de repos/Je vais à la taverne boire un verre/Et finis si ivre que je ne pense plus/Une femme à côté et un pichet d'hydromel/Voilà ce dont j'ai le plus besoin/Alors je me cale et chante cette chanson/Et bois et fais la fête toute la nuit" (traduction littérale). Paroles intégrales ici et musique .]
--Harchi


La confidence est contagieuse...
de Lucile Vallières Extrait d’ Une femme

Le liquide alcoolisé avait le don d'enivrer les deux hommes âgés, déliant les langues et réveillant de vieux souvenirs enfouis au plus profond de leurs esprits. Qu'il était étrange de les voir là assis tous les deux, sympathisant et rigolant sous le regard mi-amical mi-agacé de la Bertille. Qui se serait aventuré à dire il y a quelques heures de cela que les deux hommes s'entendraient comme larrons en foire tandis que leurs deux lumières conversaient seules de choses sérieuses à l'étage ? Non vraiment personne n'aurait tenu ce pari. Et pourtant...
Harchi, dans une posture décontractée, les jambes étendues sous l'immense table de chêne qui décorait cette cuisine, écoutait le récit de son nouvel ami de beuverie.

Durant un court instant, les opales du vieux soldat disparurent derrière leurs volets de chair. Ainsi donc le vieux Elric avait hérité comme lui d'un nouveau né dont il devait faire l'éducation. L'un était soldat, l'autre était mercenaire pourtant, et malgré leur métier d'arme, ils n'avaient pas hésité à "s'encombrer" d'un bébé qui deviendrait à n'en pas douter, leur raison de vivre, leur lumière, leur tout. Le cœur du Valet palpita un peu plus fort. Le récit du mercenaire avait éveillé en lui de nombreux souvenirs et pas forcément les plus heureux. Mais la confidence appelle la confidence et le vin l'y aidant, Harchi s'exprima d'une voix grave teintée d'émotion.


- Me concernant c'est une autre histoire...

Et les opales fixaient un point lointain tandis que les souvenirs surgissaient à la surface.

- J'étais soldat, j'avais une femme et une fille. La voix se serra d'avantage - Et puis j'ai perdu, une bataille, puis nous avons perdu la guerre. Je fut fait prisonnier et j'eus tout perdu. Je n'avais plus goût à rien. Nombre de fois j'ai voulu mourir, puis mon esprit fut envahi par l'idée de la vengeance. Rendre chaque perte, chaque coup devenait une obsession à tel point que je n'en dormais plus.
Un beau jour, peut-être trois mois après mon arrestation, on m'informa que le collège de la Noblesse des vainqueurs avait pris une décision me concernant. Apparemment, insatisfaits de ne pas avoir réussi à me briser, de briser ma volonté.


Une pause fut faite dans le récit. Ces souvenirs étaient amer et pendant longtemps il avait tout fait pour les oublier. Ce soir pourtant, avec tristesse, il constatait qu'il suffisait d'un peu de vin pour qu'ils reviennent plus vivaces que jamais.

- Comprends moi bien, c'était ma chance...
Ils avaient décidé à l'unanimité de me confier la garde du nouveau né d'un de leur puissant. Ainsi chaque jour je devrais servir un membre de ceux qui m'avait tout pris. Il pensait que cela me briserait totalement et définitivement.
...
Malheureusement, je n'ai eu qu'une envie. De tuer ce bébé. Elle était si fragile, si facile et à porté de mes mains.


Les opales se plantèrent dans les yeux sombre d'Elric.

- Mais ce jour-là, elle, Mahelya âgée de deux peut-être trois mois en avait décidé autrement.
Ce jour là quand je me suis penché vers elle pour... enfin ... Elle a plongé ses grands yeux verts dans les miens et à éclater de rire, de sa petite voix cristalline... Elle ressemblait tellement à ma propre fille... je n'ai pas pu... je n'ai pas pu ... et pour me racheter de l'acte impardonnable que j'allais commettre sur cet enfant qui ne m'avait rien fait, je me suis donc dévoué à elle. Parce qu'elle était devenue le soleil de mes ténèbres.
--Elric_lesang
["La peur est un cri, la terreur est un murmure."]

"J'avais une femme et une fille"... Affreuse phrase, qui donne le début et la fin d'une histoire. Les prunelles sombres de l'intendant se baissèrent un instant. Hors de question qu'Harchi lise la compassion que cette seule phrase avait fait naître en lui. Point n'était besoin qu'il prenne pour une insulte ce qui n'était rien d'autre que de la compréhension. Lui n'avait jamais été jusqu'aux épousailles... Il avait juste renversé - culbuté - des femmes qu'il appréciait à peine dans des bottes de foin, buissons et autres lieux entourant les rencontres fortuites autant qu'éphémères. Avoir une femme lui était étranger, et quant à avoir une fille (une fille de sang, s'entend), il n'en avait guère plus d'expérience. Il pouvait cependant imaginer la déchirure de perdre une partie de soi, comme celle qu'il avait vécue quand Aliénor était morte ou quand Sindanarie était partie voler quelque temps de ses propres ailes.

Il imaginait, oui, et il comprenait sans doute, le vieil intendant aux paupières abaissées devant la douleur du discours. Et quand il les releva, ce fut pour tomber sur le regard clair d'Harchi. Tuer la petite... Oui, horrible tentation, mais tellement humaine... Un enfant qui n'est pas le sien, pas désiré, pas légitime, pas convenable, déshonorant, facteur d'opprobre ou symbole d'oppression, un tel enfant n'était-il pas le plus lourd fardeau que puisse porter un homme ou une famille ? Et devant pareille tache ou souffrance, n'était-il pas naturel de chercher à s'en défaire ? Harmonie, voilà le mot qui résumait l'instant où deux hommes âgés déjà en viennent à revoir ce qui a été le plus important dans leur vie, malgré les obstacles et les douleurs. Et l'intendant de repartir, pensivement, tout entier abandonné à cette harmonie tranquille :


J'vois c'que tu veux dire. Les grands-parents de ma p'tiote ont failli la trucider alors que sa mère v'nait tout juste de mourir. Les suites des couches... Ca a dû être un carnage. J'avais jamais vu Eleuthère aussi étrange qu'après ça. Et ces foutus Elicahre, donc, ont voulu massacrer Sindana...

La voix de l'intendant mourut dans sa gorge avant que le nom de la petite qu'il avait élevée n'en sorte en entier. Au dehors, grand bruit. Un fracas, un gémissement, puis un hurlement immense, inarticulé, douloureux comme s'il avait été arraché de tripes à vif, brisèrent la quiétude de la nuit. Sursaut d'Elric. Le godet qu'il portait à ses lèvres lui échappe et roule sur la table, répandant son contenu. Un autre jour, il se serait préoccupé de nettoyer, mais là, il grogne à peine, debout déjà :

C'était quoi, ça ?

Brutalement repoussée, la table grince sur le sol. Elric Lesang est debout, furieux, inquiet, tourne les talons et file, court vers l'extérieur. La voix, il l'a reconnue, il l'aurait reconnue entre dix mille, il n'a aucun doute quant à son origine. Et pour que sa Carsenac en arrive à un pareil cri désarticulé, il ne pouvait que s'être passé quelque chose de grave. Déclic. Il se rue vers l'extérieur, jurant comme un perdu :

B*rdel, c'est la mienne !

C'était bien la sienne, allongée au sol, tordue, souillée de sang, inconsciente peut-être. Pas un regard alentour pour savoir ce qui se passe, pas un regard en arrière pour voir si Harchi l'a suivi. En un bond, le mentor arrive au côté de sa presque-fille, il s'agenouille, il vérifie qu'elle vit. Et quand il touche son cou pour prendre son pouls, il voit les paupières se relever sur deux yeux sinople habités par la terreur la plus pure, alors que le corps de la Carsenac se recroqueville dans un spasme et que ses lèvres remuent à peine sans émettre plus qu'un souffle.

Harmonie rompue.
--Harchi


La terreur que l'esprit ressent devant le corps a rendu fous d'innombrables immortels.
de David Herbert Lawrence Extrait du Le Serpent à plumes

*Écoutes donc ma confidence Elric, car jamais plus tu n'entendras ces mots sortir de mes lèvres. Oui j'ai désiré plus que de raison attenter à la vie de ma lumière, et chaque jour pèse sur mes épaules le poids de la culpabilité et de mes remords.* A confidence, confidence et demie, voilà le vieil intendant était servi, et le vieux soldat, aussi étrange que cela puisse paraître soulageait un petit peu sa conscience. Son compagnon de beuverie du soir, avait appris sur lui, une chose que personne ne savait. Et, il préférait en crever, que plus personne n'entendrait de sa voix cassée par l'émotion. Et les opales restaient invariablement scellées à leur miroir tandis que le vieux valet attendait un quelconque jugement sur ses sentiments passés. Pourtant la sentence jamais ne fut prononcée, et bien mieux ce fut de la compassion qui sortit des lèvres de l'ombre du Lys.N'y avait-il donc sur terre aucun bourreau capable de punir sa faiblesse passée, son manque de discernement ?

Harchi écoutait avec attention et un silence d'or, la compassion de son interlocuteur. En son fort intérieur il aurait aimé que l'homme lui en mette une, lui hurle dessus, lui demande comment l'espace d'un instant, il avait pu songer à s'en prendre à ce qu'il y avait de plus pure en ce monde : Un enfant. Oui il aurait aimé qu'on lui fasse regretter plus encore cet instant d'égarement. Mais. Rien. Ou plutôt si un nom, un nom de famille avait éveiller en lui des souvenirs refoulés jusqu'à il n'y a pas si longtemps.


- Elicahre... Elicahre mais je connais ce...


Mais la phrase resta inachevée, et le ton angoissé à peine remarqué, tandis qu'un cri perçant raisonnait à l'extérieur de la bâtisse de pierre. Un cri qui transcendait les murs, élevait au garde à vous la pilosité du plus vaillant et chevronné des soldats. Un cri funeste. Un cri qui aurait déchiré même l'Enfer. Avant qu'il n'ait pu comprendre ce qu'il se passait, l'intendant des Cars avait bondi et s'était précipité dehors. IL ne fallu que quelques secondes au vieux soldat pour lui emboiter le pas et se saisir au passage de sa fidèle lame, fièrement accrochée au mur dans l'entrée.

Avant que les opales se fussent acclimatées à la nuit noire, Harchi entendit la remarque d'Elric, Le Lys était couché. C'est alors que la frénésie et la rage emplirent les veines du guerrier, si la Fleur était courbée qu'en était-il de sa petite étincelle. Démentes, les prunelles balayaient l'obscurité.
Dans le ciel un nuage se retira des rayons de la lune et là, laissant ainsi la clarté du rayon d'argent éclairer l'entrée du village. Là, contre le mur de la maison, il vit le petit corps à la chevelure de feu étendu en boule sur le sol. Mais ce qui lui vrilla définitivement les entrailles c'était la silhouette familière qui se penchait au-dessus : Francis.

Son sang ne fit qu'un tour, et c'est l'arme brandit qu'il s'élança sur l'adversaire.


- Francis ton heure a sonnée. Je t'avais prévenu de ne jamais revenir. Maintenant je te réclame son dû !

Déjà, le vieil homme perdait la raison, ne pensant qu'à une chose : "si l'une d'elle meurt ce soir, tu ne t'en sortira pas vivant, et bien habile celui qui arrivera à t'identifier, une fois que j'en aurais fini avec toi.".
Déjà le goût amer du fer, remplissait la gorge du vieux valet, tandis qu'à grandes enjambées il se dirigeait vers l'immondice qui par trois fois l'avait déjà défié. Ce soir était le défi de trop. Ce soir le sang coulerait ! Ce soir, l'affront et les douleurs seraient payées. Et au prix fort.
--Le_paillard
    Every breath you take
    Chaque respiration que tu prends
    And every move you make
    Et chaque mouvement que tu fais
    Every bond you break
    Chaque lien que tu brises
    Every step you take
    Chaque décision que tu prends
    I'll be watching you
    Je te regarderai (*)

Loin de l'avoir oublié, il savait se faire discret.
C'est donc, camouflé que depuis des jours il observait ses allers et venus.
Attendre le moment propice pour réaliser enfin son cruel dessein.
N'est-ce pas quand les roses sont à peine fleuries qu'elle sont les plus belles ? Et cette rose-là, il avait bien l'intention de la cueillir. Tourment de son âme quand ses boucles de feu virevoltaient innocemment au gré de la brise hivernale. Ce soir là, elle s'était absentée et comme un lion en cage attendant sa pitance, le paillard faisait les cents pas. Abattu, découragé, désœuvré, affamé.
Pourtant, lueur d'espoir, elle était revenue peu de temps après, oui mais voilà elle était accompagnée.
Il commençait à se dire que le grand soir n'était pas arrivé quand elle sortit enfin, en compagnie d'une autre femme insignifiante à ses yeux d'obsédé.
Le plan s'était établi en un fraction de seconde dans son esprit tourmenté. La Rousse l'avait remarqué et avait tenté d'avertir son amie. Mais le poing lourd l'avait déjà assommée et envoyé valsé contre l'épais mur de pierre. Dans la foulé le second poing avait surgit et s'était logé dans les chaires tendres d'une brune sous l'astre nocturne, lui coupant le souffle sous la force. Petit brindille venue s'échouer sur un roc. Il avait frappé juste, le cri qui déchirait la nuit l'en avait informé, aussi ne bougerait-elle pas pendant qu'il s'occuperait de l'autre. Il ne prit pas la peine de contempler le corps qui s'affalait lourdement sur le sol. Il avait d'autres projets, d'autres envie. Et elles étaient à portée de main à présent. Une petite victoire pour lui.

    Oh, can't you see
    Oh, ne vois-tu pas
    You belong to me?
    Que tu m'appartiens?
    How my poor heart aches
    Comme mon pauvre coeur a mal
    With every step you take
    Pour chaque décision que tu prends (*)

Satisfaction et auto-félicitations, il a réagi rapidement et la situation lui revient de droit entre les mains. Les deux complices neutralisées, l'une assommée, l'autre blessée au bas ventre, implacable comme stratégie la voilà immobilisée. Doucement, de son pas lourd et trainant il s'approche de la gamine allongée. L'autre gémis encore et déjà son souffle s'affaiblit, mais il n'en a que faire, elle n'est plus rien pour lui, pas même une ombre dans son tableau idyllique, tandis que son Esprit imagine déjà les délices et les supplices qu'il s'apprête à faire subir à la petite Étincelle. La petite intrigante qui sans s'en apercevoir l'avait tout entier séduit. Petite coquine, te voilà bien moins maline.
Il s'approche encore et se penche sur le corps inerte, sûr de sa victoire, sûr de son désir qu'il allait enfin assouvir. Mais s'est sans compter sur l'apparition inattendue des deux hommes de main, qu'il avait l'espace d'un instant complètement oublié, aveuglé par sa folie, par son envie. Le premier ne le remarque pas ce qui n'est pas le cas de son vieil ennemi. Un rayon de lune plus tard et le voilà l'arme au poing près à en découdre avec lui. Un rictus nait sur le visage de Francis. Ce soir est bien un grand soir, mais sans doute plus grand qu'il ne l'avait imaginé. Le soldat se rapproche et une dague apparait pour la première fois dans les mains de l'imparfait, éclairée d'un rayon lunaire.

- Approche donc vieillard, une fois que tu ne seras plus là, elle sera à moi. Viens ... Approche mon mignon ... que je te règle ton compte. Une bonne fois pour toute !


Sans attendre d'avantage, le corps élancé du paillard se lance à sa rencontre. La pointe d'argent, menaçante en direction du visage marqué par le temps.

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(*) Chanson Every Breath You Take, de The Police
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