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[RP] Chez Platon le Chat

Fandango
Cela faisait plusieurs jours que Fandango dormait à la belle étoile. Mais, aujourd’hui, ras-le bol du vent durant la nuit, des giboulées, de la température et de tous les caprices du temps ! Il se rendit donc en ville pour y trouver une auberge, peu lui importait laquelle, tant qu’elle avait un toit et des murs.
C’est ainsi qu’il se retrouva devant un bâtiment nommé « Chez Platon le Chat ».

Alors qu’il poussait la porte dans un grincement presque sinistre, s’apprêtant à lancer une vanne à l’aubergiste qui devait se trouver dans le coin, le Tzigane entendit un raffut provenant de l’étage, comme si quelqu’un se défoulait dans une chambre. Ce foutoir fut suivit, à peine quelques secondes après, d’un cri que Fan reconnu directement. C’était la voix de la Rouquine. Que lui arrivait-il ? Était-elle agressé ? S’était-elle blessée ?
Ne perdant pas une seconde, sans même saluer Sanctus et la petite qui se trouvaient dans la pièce, le Tzigane fonça à l’étage, fit son possible esquiver le chat qui gratter à la porte et, sous le coup de la panique, l'enfonça d’un violent coup d'épaule.

C’est alors qu’il la vit, Ivori, recroquevillée par terre, tachant le sol de son sang qui semblait pour le moins alcoolisé. Cette scène fit remonter un très mauvais souvenir à la surface. Ne cherchant pas à connaître le pourquoi du comment, Fan bondit dans la pièce et se précipita près de la rousse. Là, ne sachant pas trop quoi faire, il se mit à brailler :

J’ai besoin d’aide ! Y a quelqu’un ? ! Une femme est en danger !
Rhooo ! Bordel ! Ramenez-vous !

Fan espérait que quelqu’un allait se ramener vite fait dans la chambre, un médecin de préférence ... mais n'importe qui s'y connaissant plus que lui ferait l'affaire.
Puis regardant Ivy, toujours plus ou moins sans réaction apparente, il la secoua aussi vivement qu'il le pouvait :

Oh Rouquine ! Debout ! C’est pas l’heure de la sieste là ! Allez ! T’es sensée être une future mariée heureuse là !
Tu vas pas me faire des retrouvailles aussi pourries que celles là ! Réveilles-toi !
Ivori
Lorsque Fandango enfonça la porte de sa chambre, la belle rousse gisait sur le sol, en position fœtale, une main appuyée sur son ventre.
Lorsque Fandango se précipita à ses côtés, la belle rousse était en réalité... nue comme un ver !! Aussi, elle le repoussa d'un geste brusque et tira sur la couverture pour envelopper son corps meurtri.

Elle leva sur lui des yeux qui brillaient sous la colère. Fandango... Il était donc lui aussi à Grandson... Le Destin faisait-il vraiment bien les choses ? Quand la douce Ibère priait pour revoir son amor, c'était son ancien aimé qui rappliquait ! Quelle ironie !!
Ce n'est pas comme s'il ne l'avait jamais vue dans son plus simple appareil, mais Ivori ne voulait pas qu'il la voie dans cet état. Non par orgueil, mais car elle trouvait cela on ne peut plus déplacé. Son ancien aimé qui se retrouvait mêlé à son amour présent. Non, c'en était trop pour la rousse au tempérament de feu ! Et les paroles prononcées par Fandango ne firent qu'attiser sa rage.

Elle se releva tant bien que mal. Sa chevelure flamboyante semblait onduler sous les crépitements de la cire qui fondait le long de la chandelle. Ses yeux bleus se coloraient de cuivre et la flamme s'y reflétait, leur prodiguant une lueur folle. Son corps voluptueux drapé dans la couverture frémissait sous la douleur, alors que l'étoffe s'imprégnait du sang de la belle. Pourtant, elle demeurait impassible, le fixant de son regard perçant, dans la pénombre de la pièce. Insensible, comme engourdie, incapable de ressentir quoi que ce soit si ce n'est la colère et la détresse.

Les deux Tsiganes se faisaient face. N'importe qui entré dans la chambre à cet instant aurait pu jurer qu'un duel s'apprêtait à éclater entre eux. Fandango semblait dérouté, la belle était blessée... et pourtant, elle se tenait sur ses deux jambes.
Ivori semblait survoltée, le jeune Rrom était arrivé au mauvais moment... et pourtant, il avait volé à son secours.

Il la fixait avec un air perdu, dans l'incompréhension la plus totale. Elle le fixait avec un air sadique, dans la folie la plus animale. Lui, le tsigane de sang à l'âme candide. Elle, la tsigane dans l'âme au sang chaud, coulant le long de sa hanche.

Vaya, vaya... Fandango, le preux chevalier d'ces dames !
Ivori esquissa un sourire à la fois narquois et vicieux et s'avança vers lui, comme un félin vers sa proie.
Pourquoi t'es là, hein ? Pour remuer l'couteau dans la plaie ? Y a pas d'couteau à r'muer, désolée d'te décevoir !

Sa voix tremblait. Elle se tourna vers la couche, y jetant furieusement la couverture, s'affichant dans sa nudité folle. Une profonde entaille sur le flan droit apparut alors, aussi longue que son majeur, mais elle ne s'en souciait pas, anesthésiée par l'alcool qui avait imbibé son sang.
Elle attrapa la robe de bure de Lingus et l'enfila, se couvrant ainsi des pieds à la tête. Elle eut un peu de mal à en ressortir le visage d'ailleurs, comme la première fois qu'elle l'avait portée.

Ainsi vêtue de l'habit de son amor, elle se tourna vers Fandango.

Une future épouse heureuse ?! Heureuse, hein ?!
Ivori saisit une bouteille de pinard qui traînait sous le lit, la déboucha et s'envoya une bonne rasade du breuvage.
Foutaises !! Tu vas me l'dire où il est l'bonheur, hein ?!
Et une nouvelle goulée pour l'Andalouse !
Épargne-moi tes conneries, Fan ! Ces enfoirés d'Comtois, ces... ces traîtres de chiens des militaires ! Ils l'ont tué !! Ils ont tué le seul être au monde qui... qui...
Soupir et youglouglou dans l'gosier.
Qui détient la vraie Foy en lui... Tous les autres sont des lâches !! Que d'hypocrisie !! Et, et... La future épouse... La mort est mon épouse !! La mort est mon Destin !!

Tout en prononçant ces mots, Ivori envoya valser la bouteille de pinard helvète contre le mur. Les morceaux de verre projetés par le choc de la bouteille contre le mur tranchèrent la robe de bure et la peau de l'Andalouse à l'épaule. Les effluves de spiritueux envahissaient la pièce jusqu'à l'écœurement, et Ivori se remit à rire nerveusement, des rires entremêlés de larmes rageuses. Et vue de l'extérieur, il fallait bien le dire, la jeune femme était bourrée comme un coin (-coin), et elle n'avait plus toute sa tête, ravagée par l'eau-de-vie, la douleur et une bonne crise de foi(e).
Face à la folie de la rouquine, une seule question persistait : qu'était-il arrivé à cette dernière avant que n'entre le jeune Tsigane dans la pièce ?

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"Hasta la muerte..."
Sicaire du Lion de Juda
Porteuse de la Foy Réformée
La République ou la Mort

--Calyps


La petite n'eut pas à attendre la réponse de Sanctus. Un cri strident provint de l'étage, le cri de sa mère, au moment même où son ancien dat de fortune, comme elle l'appelait en romni, débarqua comme un cheveu sur la soupe. Pas même le temps de lui ouvrir ses petits bras menus que le Tsigane avait foncé à l'étage, laissant Calyps désemparée et affolée, pour aller voir de quoi il retournait.

Les larmes aux yeux, elle dévisagea Sanctus, fit le tour de la table et alla se cacher derrière lui, ses petites mains agrippant avec douceur le bas de sa chemise. C'était bien la première fois qu'un si petit bout de femme se collait à cet homme-là. Il préférait les modèles plus grands. Mais la gamine, terrifiée à l'idée que quelque chose soit arrivé à sa mère, avait ressenti le besoin de s'en remettre à un grand pour la protéger, même si le propriétaire des lieux n'était peut-être pas la bonne personne pour cela. Surpassant ses peurs face à l'air bourru de l'homme, Calyps resterait planquée derrière lui jusqu'au fin mot de l'histoire.
Fandango
La Rouquine, complètement bourrée, avait littéralement explosé au nez de Fandango, comme elle savait si bien le faire.
Elle semblait être blessée au flanc droit mais n’y faisait pas attention, trop occupée à cracher sur tout ce qui lui passait par la tête, et surtout sur Fan. Ce dernier n’essaya même pas de lui faire remarquer sa blessure ou de lui passer quelque chose pour panser la plaie. En effet, même s’il aurait du être plus ou moins habitué, il semblait un peu perdu.

Soudain, Ivori jeta la bouteille contre un mur, se blessant débilement avec un éclat de verre. Elle pleurait et riait plus ou moins en même temps, une vraie folle furieuse.
S’en était trop pour le pauvre Tsigane qui avait simplement voulu l’aider. "Remuer le couteau dans la plaie" ? "Remuer le couteau dans la plaie" ? ? Même s'il n'y avait pas de couteau, la seule plaie qui lui venait à l’esprit en ce moment, c’était Ivy !
Alors , lui sautant presque dessus, Fan l’attrapa fermement par les épaule, appuyant au passage sur la plaie fraîchement ouverte, et la secoua de nouveau de toute ses forces comme si c’était la seule chose à faire ou la seule chose qu’il savait faire.

Mais qu’est-ce que tu racontes encore comme conneries toi ? ! Tu vas arrêter de chialer sur ton sort ! C’est pas la Rouquine que je connais ça !
« Ils l’ont tué », « Ils l’ont tué » ! Mais qu’est-ce que t’en sais ! ? Hein ? ! T’as vu sa dépouille fumante ? ! Ressaisit-toi un peu !
Oh p'is merd' ! Epouse la mort si tu veux, mais c’est pas dit qu’elle fasse un bon père ! Penses à ta fille un peu, au lieu de te saouler !


Fandango la lâcha subitement, ne faisant même pas attention à la tronche qu’elle tirait, et se mit à chercher activement un sceau ou n’importe qui contiendrait de l’eau. Il était bien décidé à ne pas laisser la rousse dans cet état pitoyable, même s’il devait subir encore un peu ses attaques verbales pour cela.
Cependant, il ne dit rien sur les critiques envers les Réformés qu’Ivy avait faites, ne souhaitant pas qu’une "mauvaise oreille" entende cela et s’en serve ensuite contre elle.
Ivori
Les bouts de verre jonchaient le sol de la chambre qui, en l'espace de quelques minutes, était devenue un véritable champ de bataille où le moindre pas comportait un gros risque pour les pieds nus de la rouquine.

Mais elle s'en moquait. Et qui plus est, elle restait immobile, stoïque, les yeux enfiévrés, le regard fou, alors que coulait lentement et sûrement jusqu'à sa cheville le sang de sa plaie. Elle ne vit pas la rage monter en Fandango, elle ne voulait pas la voir.
Aussi lorsqu'il la secoua comme un pommier en lui beuglant des paroles aussi dures qu'insensées, elle ne cilla pas, petite poupée de bure - oui, traiter la robe de Lingus de chiffon, ce serait vraiment pas gentil, hein - aux coutures effilochées, au corps inanimé. Si ce n'est par la main de l'Homme...
Et lorsqu'il la relâcha, la belle rousse s'écroula sur le sol en gestes dégingandés, comme une marionnette dont les ficelles craquent.

Quelques bouts de verre se nichèrent dans la paume de ses mains, le reste de son corps étant couvert par l'habit de curé. Fixant ses grands yeux bleus sur sa peau, sur les lignes de sa main qui, si elle en croyait ce qu'elle avait appris, lui prédisaient une courte vie, courte mais intense, Ivori retira un à un les petits morceaux de bouteille, méticuleusement, sagement, comme une petite enfant s'applique à arracher chaque pétale d'une fleur ou à en tresser la tige.

Elle ne fit guère attention à Fandango. Du moins, au début. Puis lorsqu'elle eut bientôt fini sa besogne, elle s'adressa à lui d'une voix calme et douce, qui dénotait cependant la confusion la plus totale.


Chialer... sur mon sort ? Chialer sur mon sort... Hhmm... Pas la rousse que tu connais ? Mais pour dire de telles choses...
Elle releva la tête pour le regarder droit dans les yeux et poursuivit d'un ton glacial.
Alors c'est que tu ne me connais pas. N'est-ce pas triste après avoir failli m'épouser ? Hein, Fandango ? La Famille... Tu sais ce que cela signifie... La Familja.
La rousse voulait toucher là où cela ferait mal. Pourquoi ? Pour soulager sa propre douleur ? Non... Pour le punir de tant d'audace ? Sûrement pas... Pour vider son sac. Tout simplement. Un sac qui, depuis leur dernière rencontre, était plein à craquer. Coutures effilochées... Les liens s'étaient rompus sous les yeux du Tsigane sans qu'il n'y puisse rien faire.

Tu n'as pas d'famille. Tu n'en as jamais eu. Et c'est c'qui nous a poussé l'un vers l'autre. Deux orphelins. Voguant au gré des routes. Semant le trouble sur notre passage. Mais, quand j'm'ouvrais aux tiens, toi tu ne faisais que t'fermer un peu plus chaque jour. Les liens d'la famille, les liens du sang te sont inconnus... Et ils le resteront.
Ayant fini de retirer le moindre bout de verre de ses ongles bien taillés, griffes acérées, comme les félins, elle lécha ses plaies, un sourire sadique dessiné sur ses lèvres, tandis que ses yeux perçants fixaient sournoisement Fandango.

Ne m'redis plus jamais que j'chiale sur mon sort. Je pleure sur le sort des miens. Ma famille !! As-tu ne s'rait-ce qu'une petite idée de c'qu'on peut r'ssentir en voyant les siens mourir au combat ?! Le bruit d'la chair qui s'déchire sous une lame ?! Le craquement des os qui s'brisent ?! Le sifflement du sang qui gicle ?! As-tu une idée de tout ça ?!

Au fur et à mesure qu'elle parlait, la jeune Andalouse sentait à nouveau la rage monter en elle, revoyant chaque détail de cette bataille ; chaque horreur lui revenait en mémoire et sur son front commençaient à perler des gouttes de sueur froide.

Non !! T'en as aucune idée !! Tu t'es jamais battu !! Comment oses-tu v'nir ici m'dire qui je suis, c'que j'devrais faire ou ressentir ?! Nos vieilles parties d'jambes en l'air te donnent sûrement pas l'droit de t'pointer ici avec ton p'tit air condescendant de sœur sourire ! Tu n'me connais pas... Tu n'm'as jamais connue... T'as jamais su m'comprendre. Et tu m'comprendras certainement jamais...

Sa voix était passée de la colère à la fatalité, amère réalité, mais qui pouvait revêtir une certaine douceur dans son caractère inexorable. Ses grands yeux bleus s'étaient adoucis, illuminant son visage de sérénité.
Al Massir... Son Destin. Elle n'avait jamais eu peur de l'affronter, car le Très-Haut lui a donné la volonté de choisir la bonne route. Mais si cette route n'est bonne qu'en raison de ceux avec qui l'on fait ce voyage, alors la route devient obscure et semée d'embûches titanesques. Et, se recueillant au plus profond du Livre des livres, Ivori s'est baignée de pureté et le monde qui l'entoure lui a soudain paru souillé de vices et de perversions. Seule âme qui irradiait de toute part, faisant jaillir la Foy pure, la Foy véritable, était celle de son amor.

Mais le jeune Tsigane était incapable de comprendre ces pensées d'ordre religieux, ni ces doutes en tant que porteuse de la Foy Réformée.


Va-t-en, Fan... Laisse-moi tranquille. T'as rien à faire ici.

Ivori avança le bras pour prendre sa dague et la garda fermement en main, posée sur ses cuisses, les yeux rivés sur le plancher taché de sang.
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"Hasta la muerte..."
Sicaire du Lion de Juda
Porteuse de la Foy Réformée
La République ou la Mort

Fandango
La Rouquine n’avait décidément pas l’alcool joyeux. Bon d’accord, Fan l’avait peut-être un peu cherché en la provocant pour la faire revenir à la réalité. Mais pour le coup, ce qu’il se prenait en pleine gueule, il avait du mal à le supporter et à l’accepter sereinement. Ivori avait visé juste et Fan était autant énervé qu’attristé. Peut-être parce qu’il n’y avait que des vérités dans l’avalanche de saloperies que lui avait balancé la rousse.

Fan la laissa vider son sac (et même le re-remplir pour le vider à nouveau) sans broncher. Lorsqu’elle eut finit, il resta bien une minute sans rien dire, à la regarder, et ce jusqu’à ce qu’il remarque la dague qu’avait attrapé Ivori.
Là, ne sachant trop quoi dire de sensé, encore plus perdu qu’avant, il l’agressa verbalement :

Qu’est-ce que tu branles avec ton coupe-papier ? C’est pour me menacer ou te tuer ? Ben tiens ! Juste histoire de vérifier si ta Foy sert à quelque chose ou si c’est que d’la foutaise ?
Oh puis t’sais quoi ? T’as raison ! J’te connais pas, c’est malheureux mais c’est pas mes affaires du coup ! Alors salut !


Fan fit volte-face et se dirigea vers la porte. Sauf que, à chaque pas qu’il faisait, il repensait à ce qu’Ivori lui avait balancé dans la tronche et sentait la colère monter en lui. Tout ce qu’il avait encaissé, elle ne lui avait pas dit pour l’emmerder, cela semblait remonter de plus loin.
Alors, incapable de résister à sa rage intérieure, le Tsigane se stoppa net devant la porte, se retourna et commença à brailler comme il ne l’avait pas souvent fait. On était loin du braillement du à sa grande gueule, ce braillement là contenait bien plus de hargne.

Ouais ! La famille j’sais pas ce que c’est ! Mais t’es pas la mieux placée pour me donner des leçons à ce sujet ! Demandes à ta mère si je me trompe !
J’ai peut-être pas idée de ce que c’est que de voir les miens crever comme des merdes mais … rhooo merd’ ! Restes donc avec les tiens et crevez ensembles pour la bonne cause ! Comme ça, personne n’aura à supporter de voir les siens mourir sous ses yeux.


La voix du Tsigane se brisa, il venait de se rendre compte qu’il s’était lui aussi mis à dire des saloperies à Ivori alors qu’elle n’avait pas besoin de ça pour le moment.
Pourtant il avait encore des choses à dire, comme ce qu’ils pensaient des fous de Deos de tous bords qui tuent en son nom, se permettant de juger tout le monde, et qui semblent être bien trop haineux et prétentieux pour monter aux cieux … enfin bon, le Rouquine était sûrement trop bornée pour "discuter" de ce sujet là. Puis ce n’etait pas la peine de balancer de nouveaux prétextes de disputes.

Alors, Fan reprit d’une voix qui semblait soudain avoir perdu toute son agressivité et toute sa rage. Il y avait presque un brin de douceur dedans.

Euh … mince … enfin zut … enfin flûte … je crois que je me suis un peu emporté … cela m’arrive parfois.
Bon ben … je m’en vais, cela vaudra mieux. Je reste dans les parages, enfin en bas, au cas où …
Au revoir Rouquine.

Fan sourit, passa la porte et descendit en en bas.

Là, il vit Calyps qui semblait être littéralement attaché à Sanctus.
Le Tsigane sourit à celui-ci, puis, regardant Calyps, il lui dit :

Ce n’est rien … enfin pas grand chose. T’en fais pas pour ta mère, elle est solide.
--Calyps


Pendant que les deux anciens amants se chamaillaient comme des gamins orgueilleux, la véritable fillette de l'histoire restait sagement près de Sanctus, lequel ne disait mot, assis face à elle.

Perchée sur sa chaise, les bras étalés devant elle, Calyps remuait nerveusement les jambes, à la fois anxieuse face au silence qui plombait le rez-de-chaussée comme l'étage et partie dans ses pensées d'enfant espiègle.

Ses grosses billes vertes faisaient l'aller-retour entre le bois de la table et le visage de Sanctus, tantôt pétillantes, tantôt éteintes. Mais ce à quoi Calyps pensait, nul n'aurait pu le dire... Ah si ! Suis-je bête... Moi évidemment !

Eh bah dis donc... Il a plein de cheveux sur le visage, des cheveux qui frisouillent... Comme les moutons. Un mouton noir. J'en ai jamais vu des moutons noirs moi... Ça existe peut-être pas. Mais pourquoi il parle pas ? Oh ! Peut-être qu'y sait pas parler ! Aaaah mais non ! Je suis bête, moi. Je l'ai déjà entendu. Et qu'est-ce qu'y fume là ? Qu'est-ce qu'elle avait dit maman déjà... La pipe ! Oui ! Mais j'ai déjà entendu tatie Lwe en parler et j'ai jamais vu un machin comme ça... Il y a peut-être des pipes pas pareilles pour les taties. J'ai faim... Mais je peux pas lui demander au mouton noir. Pis... il mange toujours des saucisses, maman elle m'a dit... J'aime pas ça les saucisses.

Le ventre de la petite brune se mit à gargouiller, la sortant de son vagabondage de pensées et la ramenant sur la terre ferme, même si ses pieds ne touchaient guère le plancher.
C'est alors qu'un pigeon entra par la fenêtre et se posa pile devant elle, avec un petit message accroché à la patte. Son compagnon de silence ne sembla pas réagir à l'arrivée du volatile, alors Calyps décida de prendre le message elle-même. Elle savait bien qu'il ne fallait jamais lire les lettres qui ne nous étaient pas adressées et elle savait aussi qu'il n'y avait aucune chance pour que celle-ci lui soit justement adressée. Mais la fillette y vit une occasion de s'occuper en attendant qu'elle puisse aller voir sa maman.

Elle déroula discrètement le parchemin et reconnut aussitôt l'écriture du chef au caillou ! Elle descendit de sa chaise en un bond et se retourna brusquement, prenant Fandango de plein fouet.
Il fit un sourire à Sanctus avant de lui dire gentiment :

Ce n’est rien … enfin pas grand chose. T’en fais pas pour ta mère, elle est solide.

Mais Calyps ne l'écouta même pas et fonça vers les escaliers, lettre à la main, tant et si bien qu'elle se vautra en beauté en loupant la dernière marche. Étalée sur le plancher de l'étage, elle brailla, le souffle haletant.
Mamaaaa !! Y a... Y a... une lettre !!
Ivori
Le jeune tsigane avait visé dans le mille... Son coupe-papier. Il avait coupé certes plus que du papier, le soir où il était venu se nicher dans le cou de sa mère. Mais la belle rousse n'avait jamais regretté son geste, même si elle n'était alors qu'une enfant. Et la remarque acerbe de Fandango, aussitôt suivie de paroles mortifiées, ne l'atteindrait pas. Elle n'avait aucun remords et elle n'en aurait jamais.
Le passé ne comptait plus, seul l'avenir importait et son avenir lui semblait soudainement avorté.

Fandango la laissa ainsi, prostrée sur le sol, et elle ne lui adressa aucun mot, aucun geste avant qu'il ne disparaisse dans le couloir.
Fixant le tranchant de la lame entre ses mains tremblantes, Ivori ne pouvait se résoudre à en user. La plaie à son flan droit commençait à se faire sentir, mais elle n'y prêta pas attention, la balayant en une inspiration douloureuse.

Son coupe-papier... Le menacer ? Pour quoi faire ? Le jeune Rrom était la bonté incarnée.
Se tuer ? Se tuer... Pensée lugubre qui avait tournoyé dans l'esprit imbibé de gnôle de la belle, et tant tournoyé que...


[Quelques minutes plus tôt, derrière une porte close...]

Assise en tailleur sur la couche, ses cuisses cachées sous l'édredon, la folle Ibère continuait à boire, à boire goulûment, à boire comme une sagouin même ! L'eau-de-vie coulait le long de son menton, zigzaguant le long de la gorge pour continuer sa course entre ses seins et se nicher dans le creux de son nombril.

Le cheminement des gouttes d'alcool sur sa peau lui procurait une sensation tout aussi grisante que le breuvage lui-même. Fermant alors ses paupières, la jolie rousse se propulsa quelques semaines en arrière. Elle court sous la pluie, avec lui... Ils se réfugient dans cette grange perdue... Nus. Sauvages. Luttant jusqu'aux confins de la nuit. Leur corps recouvert de paille... Un rire cristallin s'élève, un rire candide... Un rire dont seul le bonheur le plus simple, le plus parfait peut être la source.

Assise en tailleur, dans la nudité la plus folle, ses longues boucles rousses caressant sa poitrine, la jeune Andalouse s'envola en éclat de rire, bouteille à la main, flottant entre la couverture et ses lèvres assoiffées d'oubli. Mais l'alcool est un bien traître compagnon... Et son esprit n'en avait point fini de vagabonder.

Debout au beau milieu des plaines ensoleillées, l'aurore bientôt embrase les hautes herbes mouillées de rosée. Elle l'attend. Elle sait qu'il sera bientôt là. Elle le devine. Il approche à grands pas. Mais son cœur s'affole, son âme hurle, déchirant sa poitrine de part en part. Elle n'ose se retourner, elle n'ose voir cet infâme spectacle. Mais son esprit virevolte et la voici face au Destin. Le sang se répand sous sa chemise, misérable aquarelle pourpre comme les brins d'herbe sous ses pieds. Ses genoux heurtent le sol et, l'ombre d'un instant, la terre semble trembler sous ses pieds. Ses pieds enlisés, prisonniers de ronces, l'empêchent alors de le rejoindre, de le sauver. Impuissante, voilà donc tout ce qu'elle fut alors... tout ce qu'elle est encore...

Assise en tailleur, ses doigts rageusement crispés autour du goulot de la bouteille, Ivori éclata en sanglots. Étouffée par la culpabilité, par la honte, la jeune femme en avait le souffle coupé, comme pris dans un étau. Elle se dressa, les genoux enfoncés dans les draps, pour aller ouvrir la fenêtre et les volets, et ainsi prendre une bouffée d'air frais. Mais l'alcool est un bien traître compagnon, je vous l'ai dit.

L'esprit embrumé, la vue troublée par le spiritueux et le corps lourd, la belle rousse ne parvint pas à se défaire des couvertures qui enveloppaient ses jambes et bascula alors, bouteille à la main, tête la première sur le sol poussiéreux. Le verre se brisa sous son ventre, tranchant son flan droit, et le reste d'élixir vint se nicher entre les lattes de bois. Dans sa chute, Ivori entraîna sa lame qui glissa entre les draps et échoua sous son nez. La jeune femme, les yeux rivés sur son arme, poussa un profond soupir de dépit, avant de reposer sa tête sur le plancher trempé...


[Après le départ du Tsigane...]

À quatre pattes dans la robe de bure de Lingus, la rouquine rassemblait tous les morceaux de verre pour les jeter ensuite. Once de raison subitement revenue... Lorsqu'elle entendit sa fille crapahuter dans les escaliers, puis crier ces quatre petits mots... Quatre mots salvateurs qui nouèrent l'estomac d'Ivori. Elle se rua alors dans le couloir et aperçut Calyps, à plat ventre sur le sol, tendant un parchemin, avec un sourire radieux sur sa petite bouille.

Tiens, mama...

Les yeux brillants de soulagement et de douceur, l'Ibère s'approcha lentement, puis s'agenouilla près de sa fille et, d'un geste tendre, la releva et la prit contre elle. Ainsi lovées l'une contre l'autre, les deux petites femmes lurent la lettre de Lingus.



Mi amor,

Tes lettres me sont finalement parvenues, elles m'ont soulagé d'un immense poids : tu es en vie.
Lorsque je suis revenu à moi au milieu des cadavres qui jonchaient le champ de bataille, j'ai craint d'y trouver ton beau visage parmi les carcasses pourrissantes et de perdre ainsi ce qui m'avait ramené à la vie. Car je n'ai désormais de raison de vivre sans toi et la perspective de t'avoir perdue m'a plongé dans le plus grand désespoir.

A présent que je te sais en sécurité à Grandson, je revis.
J'ai retrouvé Nimgly qui s'était réfugié dans un grenier, le juge nous a rejoint. Ensemble, nous veillons la dépouille de Reginae... car elle n'a pas survécu à ses blessures.

Il me tarde de pouvoir reprendre la route, de te rejoindre au Chat Platon pour ne plus jamais te quitter, pour t'épouser sous le regard de l'Unique et donner à Calyps une multitude de petits frères et soeurs.
Je me mettrais en marche dès que mes jambes pourront me porter sur une telle distance et franchir les cols qui nous séparent. Dès que mon oeil aura cesser de suinter ce liquide rance aussi...

Hasta luego mi pelirroja, te quiero tanto.
Lingus.


Au fur et à mesure qu'elle lut les mots de son amor, des larmes brûlantes se mirent à couler le long de ses joues et tombèrent sur le front de Calyps. La fillette posa sa main sur la joue de sa maman et fourra son minois dans son cou en murmurant :
Lingus aussi, il a les yeux qui pleurent, maman... T'inquiète pas.
La petite gloussa avant de faire un bisou à sa mère. Ivori se força à sourire face à la tendresse de sa fille, mais elle savait que les larmes de Lingus cesseraient bientôt de couler et ce, à jamais...
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