Else
Une main inconnue, mal assurée, a écrit:
une grosse rature
Tu me manques. Fort. Fort fort fort. Aide moi. J'ai peur.
une grosse rature
Je ne sais pas où tu es, avec qui, si tu es encore vivante même. J'ai peur.
une grosse rature
J'ai beaucoup de choses à te dire, tellement de choses à te dire. Je ne peux pas. C'est trop tard tu vois. Trop tard. Je ne peux plus. J'ai peur.
Tu es où ? Hein ? Tu me hais ? Tu ne veux plus me parler ? Tu ne m'as pas envoyé de lettre ! Tu m'as oublié ! Tu ne m'aimes plus ! Tu m'as menti ! Tu m'as caché !
une grosse rature
J'ai peur ! Tu ne comprends pas ? Arrête d'être silencieuse ! Je te hais ! Je suis sûre que tu as trouvé quelqu'un pour me remplacer.
une grosse rature
Beaucoup de choses se sont passées, pour moi, et pour toi. C'est pas ma faute si un fossé se creuse entre nous ! Arrête de m'en vouloir !
une grosse rature
Tu me manques. Trop. C'est horrible, invivable, tu me hantes. Arrête de m'appeler dans mon sommeil, ça me fait peur, je te sens, tu veux me faire du mal. Je ne t'ai rien fais, tu sais.
Une phrase marquée en dessous, mais illisible, l'encre a coulé sous les larmes ou la pluie ?
Tu me manques. Fort. Fort fort fort. Aide moi. J'ai peur.
une grosse rature
Je ne sais pas où tu es, avec qui, si tu es encore vivante même. J'ai peur.
une grosse rature
J'ai beaucoup de choses à te dire, tellement de choses à te dire. Je ne peux pas. C'est trop tard tu vois. Trop tard. Je ne peux plus. J'ai peur.
Tu es où ? Hein ? Tu me hais ? Tu ne veux plus me parler ? Tu ne m'as pas envoyé de lettre ! Tu m'as oublié ! Tu ne m'aimes plus ! Tu m'as menti ! Tu m'as caché !
une grosse rature
J'ai peur ! Tu ne comprends pas ? Arrête d'être silencieuse ! Je te hais ! Je suis sûre que tu as trouvé quelqu'un pour me remplacer.
une grosse rature
Beaucoup de choses se sont passées, pour moi, et pour toi. C'est pas ma faute si un fossé se creuse entre nous ! Arrête de m'en vouloir !
une grosse rature
Tu me manques. Trop. C'est horrible, invivable, tu me hantes. Arrête de m'appeler dans mon sommeil, ça me fait peur, je te sens, tu veux me faire du mal. Je ne t'ai rien fais, tu sais.
Une phrase marquée en dessous, mais illisible, l'encre a coulé sous les larmes ou la pluie ?
La première lettre bouleversa Elise.
Derrière les mots erratiques, derrière le papier sans chiffre ni signature affleurait le même fantôme qui la hantait depuis des semaines : celui dune petite fille à lesprit rongé et au corps irréparablement mangé par les flammes. Depuis lincendie de Bourgogne, la Kermorial ne pensait plus à rien dautre. Elle se laissait mener au gré de routes indifférentes, juchée sur le placide canasson du Sem, et ses yeux vagues ne contemplaient plus guère quun jeune visage masqué de cendre dans son souvenir.
La nuit, le jour, même cauchemar. A nen plus faire la différence.
Alors quand un pigeon ébouriffé lui délivra cette terrible missive, elle ne sinterrogea même pas sur sa provenance. Quimportait ? Cétait un coup du sort. Une épreuve envoyée par le Très Haut. Ou nimporte quoi dautre.
Je crois en Dieu, le Très-Haut tout puissant, Et en Aristote son prophète. Je crois aussi en Christos. Je crois en lAction divine Mais des fois, sérieux, ils me les brisent.
Le Sembre, en revanche, était moins enclin au fatalisme. Il avait lui-même reçu une lettre ce ne pouvait pas être un hasard, disait-il. Il essaya même, mais en vain, de persuader sa compagne de route que lauteur nétait autre que Lys elle-même, et quelle était peut-être en vie.
En vie.
La lettre quil avait reçue, son acharnement à nier la mort de lenfant, les questions avec lesquelles il tourmentait la Lise donnaient à laffaire une tournure de tangibilité insoutenable. Elle lui faussa compagnie la nuit suivante, et reprit seule le chemin de la Bretagne.
Et le mauvais rêve continua.
*** *** *** *** *** ***
Second animal. La même main, immanquablement, quoiquimperceptiblement plus ferme, a écrit:
Que veux-tu ? De quoi as-tu besoin ? Que puis-je te donner pour que tu arrêtes de me hanter ?
Je pensais qu'en t'envoyant cette lettre tu comprendrais que je n'en peux plus, que je souffre de tes visites, mais non ! Non ! Non ! NON !
ARRÊTE ! ARRÊTE !
Tu sais combien ça fait mal de ne pas être aimée ? D'être moquée ? D'être fixée ?
Tu sais combien ça fait mal de savoir qu'on sera rejetée ?
Tu sais combien ça fait mal de savoir que même sa famille te déteste !
Moi je le sais, et nuit, et jour, tu ne me fais que le rappeler. Alors arrête ! Arrête ! ARRÊTE !
C'est ma faute, je crois. J'en suis sûre même. Je t'ai trop fais honte, et tu tiens à te venger. Pardonne moi. Excuse moi. Je suis désolée. Je ne sers à rien. Je suis nulle. VAS TU ME LÂCHER MAINTENANT ?
Quiou, elle, au moins, ne me ment pas, et m'accepte comme je suis.
Je pensais qu'en t'envoyant cette lettre tu comprendrais que je n'en peux plus, que je souffre de tes visites, mais non ! Non ! Non ! NON !
ARRÊTE ! ARRÊTE !
Tu sais combien ça fait mal de ne pas être aimée ? D'être moquée ? D'être fixée ?
Tu sais combien ça fait mal de savoir qu'on sera rejetée ?
Tu sais combien ça fait mal de savoir que même sa famille te déteste !
Moi je le sais, et nuit, et jour, tu ne me fais que le rappeler. Alors arrête ! Arrête ! ARRÊTE !
C'est ma faute, je crois. J'en suis sûre même. Je t'ai trop fais honte, et tu tiens à te venger. Pardonne moi. Excuse moi. Je suis désolée. Je ne sers à rien. Je suis nulle. VAS TU ME LÂCHER MAINTENANT ?
Quiou, elle, au moins, ne me ment pas, et m'accepte comme je suis.
La deuxième lettre lui glaça le sang.
Deux, ceût été déjà trop pour se croire victime dune simple confusion postale chacun sait que tout pigeon qui se respecte est pourvu dun système de géolocalisation tout à fait performant ; mais surtout, cette fois, le nom était lâché.
Quiou Deswaard. La sombre vicomtesse, le suppôt du Sans Nom. Lêtre au monde le mieux capable dexciter en Elsbeth une haine passionnée.
Lorsque la jeune Alwenna était entrée au service de la Flamande, elle aurait aussi bien pu vendre son âme. Du reste, Elsa navait aucun doute sur ce qui lavait poussée vers ce monstre de femme. Lombre attire lombre.
Tu aurais pu, peut-être, la sauver. Tu aurais pu lemmener, loin.
Et telle avait été son intention, et elle laurait mise en uvre si les flammes ne lavait pas devancée.
Plusieurs fois, la Kermorial parcourut les missives. A chaque ligne, un écho. Cétait le ton de Lys. Cétait son mal. Un instant, elle se demanda même si le Sem, peut-être, ne pourrait pas avoir raison Mais le souvenir du cadavre calciné, nauséabond, irréparable pesait sur sa poitrine avec tant dintensité quelle ne put sen convaincre.
Non. Lys était morte. Cétait son ton, cétait son mal.
Cétait son mal.
Mais elle était morte.
Et derrière cette diablerie, il ne pouvait y avoir quune seule personne : la Deswaard.
*** *** *** ***
Même papier, même écriture fébrile, autre animal. On a écrit:
Tu manigances derrière mon dos hein.
Tout est de ta faute en fait !
Je sais que c'est toi qui a manipulé tout ça ! Je le sais ! J'ai réfléchi, et je sais maintenant ! Je sais !
Moi aussi je vais te faire ça. Tu verras, oui, tu verras. Tu verras ! Je vais tout t'enlever, tout te retirer, tu seras malheureuse, triste et seule, comme moi ! Et tu l'auras mérité ! Tu m'as tout pris ! Tout !
Une phrase brouillée par l'encre qui a coulé à cause de larmes ?
Mais arrête de pleurer. Il restera quelqu'un. Moi. Juste moi. Et même si tu me haïras comme je te hais maintenant, nous serons seules toutes les deux, et tu seras obligée de me supporter.
Nuit.
Et jour.
Tu verras. Je sais maintenant. Je sais tout.
À bientôt.
Tout est de ta faute en fait !
Je sais que c'est toi qui a manipulé tout ça ! Je le sais ! J'ai réfléchi, et je sais maintenant ! Je sais !
Moi aussi je vais te faire ça. Tu verras, oui, tu verras. Tu verras ! Je vais tout t'enlever, tout te retirer, tu seras malheureuse, triste et seule, comme moi ! Et tu l'auras mérité ! Tu m'as tout pris ! Tout !
Une phrase brouillée par l'encre qui a coulé à cause de larmes ?
Mais arrête de pleurer. Il restera quelqu'un. Moi. Juste moi. Et même si tu me haïras comme je te hais maintenant, nous serons seules toutes les deux, et tu seras obligée de me supporter.
Nuit.
Et jour.
Tu verras. Je sais maintenant. Je sais tout.
À bientôt.
La troisième lettre la fit entrer dans une colère noire.
Il sembla à la Kermorial quelle se trouvait à nouveau sous le regard pénétrant de la Deswaard. A nu. A vif. Disséquée par une intelligence implacable, comme en ces maudites soirées bourguignonnes où tant de fois elle sétait trouvée acculée.
Envolés, les doutes. Lys naurait pas pu écrire ceci elle en était persuadée.
Pauvre ! Tu nas pas idée de ce que Lys peut faire.
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