Heloise_marie
Les yeux clos, elle écoute l'histoire, passionnée... Comme si elle la vivait vraiment. Étrange sensation en fait, et léger murmure qui rappelle une situation à ses oreilles délicates. Héloise se laisse bercer par la voix de son cousin, comme si elle revenait des années en arrière. Elle a 8 ans. Elle est heureuse. Innocente, elle ne souffre pas, elle ne comprend pas tout de sa vie, mais se laisse vivre. Une histoire, le soir, une histoire, pour un cauchemar, une histoire pour un coup de cafard. C'était le bon temps, c'était la joie et les plaisirs de l'enfance.
Maintenant elle est presque une adulte. Et même si elle a toujours son corps d'enfant elle en a perdu l'âme. Elle ressent, elle pense comme une adulte. Elle agit quelque fois, comme une adulte. Mais là elle a juste envie de se laisser aller. Les tremblements se calment, elle est toujours en sueur, les yeux un peu fous et les cheveux collés sur son front, mais son esprit est paisible.
A la fin de l'histoire, elle ouvre les yeux et sourit à son cousin.
Ça nous a plus oui.
Héloise se redresse un peu dans ses oreillers puis prend le livre des mains de son cousin, le ferme et le pose sur le coin de son lit puis lui prend la main pour y déposer un baiser, sur sa paume. Son cousin à elle. Elle l'adore, elle l'adule, elle le chérit. Il est trop adorable que pour penser le contraire. Et cette histoire lui laisse comme un arrière goût étrange dans le fond de sa bouche. Un nouveau sourire à son cousin, puis l'on frappe à la porte et la comtesse dirige ses azurs sur le visage d'Archimède, son valet, qui entre, paisiblement.
Et bien? J'avais interdit tout dérangement sauf pour urgence.
Oui, mademoiselle pardonnez moi, mais vous aviez classé tous courriers de Gwenaelle Marie dans les urgences. Tout comme, heuu... si on avait enfin rattrapé le canard du père Maurice.
Poursuis...
Nous avons enfin rattrapé le canard du père Maurice, il vous remercie et vous envoie son plus grand respect.
Bien bien.. fiche le camps, maintenant.
Et bien, heuu désolée votre Altesse il y a encore ceci... Un courrier de votre soeur. Gwenaelle.
Humm, lis le nous.
Heu devant...
Oui, oui, Beren peut tout entendre!
- Mon adorable Loïse !
J'ai ouvert ta missive avec beaucoup d'entrain. J'ai entamé la lecture avec non moins d'enthousiasme. Tu sais à quel point te lire est un plaisir.
Cependant, après quelques lignes, je me suis vite rendue compte que mon Héloïse si enjouée était mise à rude épreuve. Inutile d'essayer de me prouver le contraire ou de faire bonne figure. Je sens bien quand tu es chagrine.
Je ne sais si je dois apprécier ou détester cet Ersinn. Car les sentiments qui t'animent à son contast sont particulièrement contradictoires ! Joie de le revoir, plaisir des retrouvailles, soporifique attente, phrases malheureuses ! Est-ce là l'amour dont tout le monde prône les vertus?
J'aimerai tant te savoir heureuse. Je voudrai tellement qu'il comprenne quel joyaux il tient entre ses doigts ce freluquet ! Morbleu ! Pardonne moi de jurer ! Mais qui est-il pour te faire souffrir ?
Non tu n'es pas sotte. Tu es une jeune femme dont le coeur s'émeut. Si tu savais comme je te comprends ma Loïse ! Crois-tu réellement qu'il puisse te manipuler ? Le penses-tu sincère ? Peut-être a-t-il simplement la trouille. Après tout ce n'est qu'un homme ! On connait leurs faiblesses ! Avez-vous discuté ? Il sait qui tu es n'est ce pas, et quel est ton statut ? Peut-être qu'il craint de déchanter rapidement... Il n'est pas stupide et une altesse royale n'épouse pas un seigneur. Quels sont ses espoirs ? Ses attentes ? Peut-être avez-vous simplement besoin d'une bonne discussion pour mettre tout cela au clair ?
Tache de ne pas te laisser aller à la mélancolie. Mange davantage. Fais-moi le serment que tu prendras soin de toi. Aucun homme, que ce soit Ersinn ou cet ami de Guyenne, ne mérite que tu te rendes malade ! Ca non !
"Adorable notre frangine. Mais trop franche, gaffe à ce que tu dis toi, tu veux pas qu'on sache hein?"
"c'bon y a que Beren et il est au courant."
- Tu es irrésistible ! Une jeune femme admirable. Toutes ces fleurs que tu as récemment reçues prouvent à quel point tu es convoitée. Alors de grasce, ne t'arrête pas à Ersinn. Oh je sais, c'est si simple à dire et tellement compliqué à appliquer.
"Elle a pas tord."
"Elle n'a pas raison pour autant."
"Tu devrais lui répondre qu'on fait ce qu'on veut"
"Tu devrais la fermer"
- Je t'aime et te veux en pleine santé. Et n'oublie jamais qu'il vaut mieux être seule que mal accompagnée. Ne laisse pas ta santé se dégrader au profit de chimériques promesses. Tant de gens t'aiment et t'apprécient : famille, proches et amis. Ce sont là tes meilleurs appuis.
Quant à moi, que te dire ? Il n'y a pas grand chose à raconter. Ma vie est calme et réglée comme du papier à musique.
Je me suis emballée, comme toi, il y a peu, pour un jeune homme avec qui j'avais énormément d'affinités, de nombreux points communs. Hélas le plaisir fut fugace et les promesses éphémères. Tout cela m'aura définitivement convaincue que lorsqu'on aime, on souffre.
Raclement de la gorge d'Archimède et Héloise qui s'impatiente pour avoir la suite. Sa soeur? Son coeur en miette? Qui osait !!!! Qu'il paye, ce crevard !!
- Tu contribues malgré toi à cette conclusion dramatique mais lucide. Jamais plus je ne me laisserai envahir par de doux sentiments. Ils n'apportent que désolation et tristesse. J'ai le coeur en miette... Mais ce qui ne tue pas nous rend plus fort, à n'en pas douter ! Ne t'inquiète pas pour moi. Je suis capable de chasser les idées noires. Il me faudra simplement quelques jours ? semaines ? mois ? Peu importe ! Je m'en sortirai et je jure qu'on ne m'y reprendra plus !
Ta soeur qui t'aime plus fort que tout,
Qui pense à toi,
Qui prie pour toi,
Qui espère que tu vas bien,
Gwenaelle Marie
Merci Archimède, laisse la sur mon bureau et laisse nous.
Han, Beren, je vais trouver ce pourceau qui a osé faire du mal au coeur si pur de Gwenaelle et le pourrir. L'as-tu vues, Naelle? Non!... Enfin!! Il n'y a pas moyen ! Non non non.
"Heuu Héloise, regarde la tête de Beren"
Oui quoi qu'est ce qu'il...
Regard qui se tourne sur Beren et froncement de ses blonds sourcils.
Oh... Mon....Di...Beren... tu ... !
Le puzzle se met enfin en marche dans la tête blonde. Déjà qu'elle est un peu attardée, blonde et en plus malade, alors faut pas demander. Mais tout se colle. Le baiser. L'homme. Beren. Le départ. Le retour en retard. Tout ! Elle jette un regard horrifié à son cousin, et, apeurée, trahie, souffrante, en colère, son autre voix hurlant dans son cerveau, elle perd la moindre touche de couleur sur son visage déjà blanc et crache entre ses lèvres pincée...
Sors d'ici...
"Insulte le, tue le, crache lui dessus, griffe le, aller, BOUGE !"
Tout de suite...
Elle ne le regarde pas. Elle n'y arrive pas. Elle perçoit juste la porte qui claque alors qu'Archimède sort. Elle, est perdue. Elle ne sait plus quoi penser. Elle ne pense pas, au fond. Coincée dans ses couvertures, elle est perdue dans un mélange de pensées et de colère et de tristesse. Pis un peu contente pour le canard.
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