.mahaut.
- Pardon ma dame, vous avez fait tomber votre mouchoir. Tenez.
- Oh merci bien, avec tous ces paquets je nai plus une main à moi. He bien quoi ?
Le gamin la regardait, la main tendue, confiant. Interloquée, elle le fixait, tentant de comprendre ce quil attendait. Derrière elle, Anatole tentait douvrir la porte du carrosse sans poser un seul paquet. Genève avait beau être une ville charmante, plein de jolis chalets, du fromage fondu délicieux, les sapins sous la neige adorables, elle nen restait pas moins comme toutes les villes quand la neige fondait : elle était pleine de boue.
Les bras chargés des achats de fin dannée, ils revenaient dans leur auberge avant dêtre arrêtés par lenfant.
- Ben jai ramassé votre mouchoir. Ça vaut bien une ptite pièce, nan ?
- Nexagérons rien, ce nest quun mouchoir en coton, ce nest pas comme si cétait un carré Erre Messe non plus.
Anatole avait réussi à ouvrir la porte et commençait à entasser les paquets sur une banquette. Mahaut lui tendait ses propres paquets, évidemment sans attendre quil ait fini, pour ne pas quil shabitue à trop de facilités.
Tandis quelle se tournait vers lui, elle sentit soudain une chose affreuse : un coup de pied dans sa cheville.
- AAAAAAAAAH ! Au meuuuurtre ! Aaaah !
- Bien fait !
- Il a taché ma houppelande ! Je galère à la relever depuis cet après midi et il me la s.alope pour un mouchoir ! Mais dans quel monde vivons-nous ? Jemménage à Genève pour fuir la petite délinquance qui gangrène notre société française et je découvre quelle nest pas mieux ici ! Je vais prévenir les autorités ! Tu ne ten tireras pas comme ça !
- Men fous ! Evadée fiscale ! Tu viens chez nous pour pas payer chez toi !
- Quuuuuuoi ? Anatole ! Rattrapez-le et mettez-lui-en une !
Le gamin avait déjà fui à toutes jambes, ne se privant pas de quelques gestes explicites à base de doigts relevés et de pliage de coudes. Choquée, Mahaut le regarda senfuir, cherchant du soutien dans les badauds présents.
- Vous avez vu ça ?
- Ben une ptite pièce ça vous coutait rien, mdame. Avec tout ce que vous avez dépensé dans les boutiques vus vos paquets, ça vous aurait pas manqué des masses, hein.
- Ah oui ? Et le paiement pour le stationnement du carrosse hein ? 4 écus lheure ! Cest du vol ! Et mon poney navait même pas la place de se reposer ! Avant-hier on la embouti à larrière et quelquun lui a écrit « a bas les riches » sur les côtes !
- Ben oui mdame, mais faut comprendre aussi. Vous, vous avez plein dargent, vous faites étalage alors quà côté on roule pas sur lor. Ca énerve
- Je fais étalage ? JE FAIS ETALAGE ? Je fais les étalages, ça na rien à voir, vous ne connaissez pas le choppe-ingue ? Non mais cest pas croyable, ça On vient relancer léconomie marchande dun pays et voilà comment on nous remercie
- On na pas besoin de vous, mdame. Notre économie va très bien sans les expatriés français.
Choquée, elle serrait les poings dans ses gants en chevreau teints en rouge cachant quelques délicieux bracelets à breloques en or. Ces gens se croyaient tout permis. Déjà, une loi ridicule les protégeait en empêchant quiconque de travailler le vendredi. Le vendredi leur était réservé. Encore un jour pour les assistés, où ils en profitaient pour sen mettre plein les poches, tandis quelle, ELLE, elle devait rester à la maison. Ce système ne pouvait pas fonctionner. Les riches devaient gouverner et les pauvres travailler, sinon comment vouliez-vous vous en sortir ? Et dailleurs, quest-ce que cétait que ces critères, hein ? Doù tenaient-ils quelle était riche ? Quand elle avait envoyé Anatole déguisé en pauvre au salon de lemploi un vendredi, il avait été reconnu et renvoyé à lauberge à coups de pieds. Le limousin soutenait quil souffrait encore de bleus et contusions aux parties molles, mais la brune avait regardé en douce et son double menton ne présentait aucune trace. Les pauvres sont menteurs, en plus.
Riche, elle ? A peine. Non, non, à peine. Riche de son aura, certainement. Après tout, elles avaient gagné le concours, le maire lavait même dit dans son courrier. Mais riche Tu parles. Ces gens navaient aucune idée de ce quelle vivait. Depuis quelle était noble, elle avait un rang à tenir. Les nobles devaient jeter largent par les fenêtres, cétait comme ça quils participaient à léconomie dun pays. Sils gardaient leur argent, on les traitait de bourgeois. Le comble de lhorreur en termes dinjure sociale.
Jurant dans ses dents devant la foule plutôt hostile qui lui faisait face, elle grimpa dans le carrosse et laissa Anatole manuvrer. Elle avait essayé une fois et les gens avaient râlé quand elle avait frôlé toutes leurs échoppes et leurs propres montures. MAIS ILS NAVAIENT QUA FAIRE DES PLACES SANS CRENEAUX BORDEL !
Voilà, ils avaient réussi à lui gâcher sa journée. Elle ôta son chapeau et le jeta sur les paquets, bientôt suivis de ses gants. Elle avait froid aux pieds avec ses chaussures à talons mal adaptés à la neige mais elle refusait de ladmettre. Des semaines que ses orteils étaient bleus.
Genève Comment se permettaient-ils ?
Anatole finit par sortir de la rue et lança les poneys au petit trot. Les maisons et hôtels particuliers défilaient, entrecoupés de banques et auberges de luxe. Pff. Ils voulaient bien largent des riches étrangers mais pas leur prêter respect. Et elle nétait pas riche, enfin ! Devait-elle se faire un panneau autour du cou affichant « Veuve privée de 3000 écus » ? Roudoudou lavait fait exprès. Il lavait laissé se démerder avec lhérauderie qui lui refusait toujours ses titres de vicomtesse et baronne, sans les 3000 écus et sans la possibilité davoir des vassaux pour lentretenir et se battre à sa place en cas de guerre. Le « en cas de guerre » était dailleurs passablement amusant quand on savait la situation en France, où les gens étaient tellement doués quon en venait à proclamer des trêves plutôt que de faire avancer les choses. Sale ponantais. Et sale reyne, aussi, quelle idée dêtre limousine. Ils navaient quà voter pour elle, elle au moins elle aurait empêché la guerre. Ou alors elle aurait vidé la cave le temps que ça se calme.
De toute façon, tout ça était fait exprès contre elle. On ne voulait pas delle en France, et on ne voulait pas delle à Genève. Elle navait plus dargent, et ses amis étaient loin Certains étaient même au Périgord, cétait dire leur détresse morale, à tous. Et Roudoudou qui avait préféré crever, hein. Avec son cercueil en or.
Elle avait été trop gentille, voilà tout. « Oh oui, mets donc tout ton argent dans un cercueil que tu ne verras jamais, choupinou, tu le mérites bien ». « Mais oui, Doudinet, reste donc étudier en Normandie, cest si joli avec les vaches maille dine normandie et les filles au dents rouges et jaunes et peu importe la chanson je ne sais plus les paroles ». « Mais oui, restons un peu à Genève, après tout les gens y sont charmants et on a gagné le concours. »
MES FESSES, OUAIS.
Elle sétait encroûtée, laissant chacun décider de ce quils voulaient faire, comme sils en étaient capables. Foutaises ! Elle avait laissé faire et tout partait de travers. Il était temps de se reprendre. De reformer les poneys roses. Et de repartir en guerre. Après un petit vin chaud, quand même.
- Bordel, jai froid
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- Oh merci bien, avec tous ces paquets je nai plus une main à moi. He bien quoi ?
Le gamin la regardait, la main tendue, confiant. Interloquée, elle le fixait, tentant de comprendre ce quil attendait. Derrière elle, Anatole tentait douvrir la porte du carrosse sans poser un seul paquet. Genève avait beau être une ville charmante, plein de jolis chalets, du fromage fondu délicieux, les sapins sous la neige adorables, elle nen restait pas moins comme toutes les villes quand la neige fondait : elle était pleine de boue.
Les bras chargés des achats de fin dannée, ils revenaient dans leur auberge avant dêtre arrêtés par lenfant.
- Ben jai ramassé votre mouchoir. Ça vaut bien une ptite pièce, nan ?
- Nexagérons rien, ce nest quun mouchoir en coton, ce nest pas comme si cétait un carré Erre Messe non plus.
Anatole avait réussi à ouvrir la porte et commençait à entasser les paquets sur une banquette. Mahaut lui tendait ses propres paquets, évidemment sans attendre quil ait fini, pour ne pas quil shabitue à trop de facilités.
Tandis quelle se tournait vers lui, elle sentit soudain une chose affreuse : un coup de pied dans sa cheville.
- AAAAAAAAAH ! Au meuuuurtre ! Aaaah !
- Bien fait !
- Il a taché ma houppelande ! Je galère à la relever depuis cet après midi et il me la s.alope pour un mouchoir ! Mais dans quel monde vivons-nous ? Jemménage à Genève pour fuir la petite délinquance qui gangrène notre société française et je découvre quelle nest pas mieux ici ! Je vais prévenir les autorités ! Tu ne ten tireras pas comme ça !
- Men fous ! Evadée fiscale ! Tu viens chez nous pour pas payer chez toi !
- Quuuuuuoi ? Anatole ! Rattrapez-le et mettez-lui-en une !
Le gamin avait déjà fui à toutes jambes, ne se privant pas de quelques gestes explicites à base de doigts relevés et de pliage de coudes. Choquée, Mahaut le regarda senfuir, cherchant du soutien dans les badauds présents.
- Vous avez vu ça ?
- Ben une ptite pièce ça vous coutait rien, mdame. Avec tout ce que vous avez dépensé dans les boutiques vus vos paquets, ça vous aurait pas manqué des masses, hein.
- Ah oui ? Et le paiement pour le stationnement du carrosse hein ? 4 écus lheure ! Cest du vol ! Et mon poney navait même pas la place de se reposer ! Avant-hier on la embouti à larrière et quelquun lui a écrit « a bas les riches » sur les côtes !
- Ben oui mdame, mais faut comprendre aussi. Vous, vous avez plein dargent, vous faites étalage alors quà côté on roule pas sur lor. Ca énerve
- Je fais étalage ? JE FAIS ETALAGE ? Je fais les étalages, ça na rien à voir, vous ne connaissez pas le choppe-ingue ? Non mais cest pas croyable, ça On vient relancer léconomie marchande dun pays et voilà comment on nous remercie
- On na pas besoin de vous, mdame. Notre économie va très bien sans les expatriés français.
Choquée, elle serrait les poings dans ses gants en chevreau teints en rouge cachant quelques délicieux bracelets à breloques en or. Ces gens se croyaient tout permis. Déjà, une loi ridicule les protégeait en empêchant quiconque de travailler le vendredi. Le vendredi leur était réservé. Encore un jour pour les assistés, où ils en profitaient pour sen mettre plein les poches, tandis quelle, ELLE, elle devait rester à la maison. Ce système ne pouvait pas fonctionner. Les riches devaient gouverner et les pauvres travailler, sinon comment vouliez-vous vous en sortir ? Et dailleurs, quest-ce que cétait que ces critères, hein ? Doù tenaient-ils quelle était riche ? Quand elle avait envoyé Anatole déguisé en pauvre au salon de lemploi un vendredi, il avait été reconnu et renvoyé à lauberge à coups de pieds. Le limousin soutenait quil souffrait encore de bleus et contusions aux parties molles, mais la brune avait regardé en douce et son double menton ne présentait aucune trace. Les pauvres sont menteurs, en plus.
Riche, elle ? A peine. Non, non, à peine. Riche de son aura, certainement. Après tout, elles avaient gagné le concours, le maire lavait même dit dans son courrier. Mais riche Tu parles. Ces gens navaient aucune idée de ce quelle vivait. Depuis quelle était noble, elle avait un rang à tenir. Les nobles devaient jeter largent par les fenêtres, cétait comme ça quils participaient à léconomie dun pays. Sils gardaient leur argent, on les traitait de bourgeois. Le comble de lhorreur en termes dinjure sociale.
Jurant dans ses dents devant la foule plutôt hostile qui lui faisait face, elle grimpa dans le carrosse et laissa Anatole manuvrer. Elle avait essayé une fois et les gens avaient râlé quand elle avait frôlé toutes leurs échoppes et leurs propres montures. MAIS ILS NAVAIENT QUA FAIRE DES PLACES SANS CRENEAUX BORDEL !
Voilà, ils avaient réussi à lui gâcher sa journée. Elle ôta son chapeau et le jeta sur les paquets, bientôt suivis de ses gants. Elle avait froid aux pieds avec ses chaussures à talons mal adaptés à la neige mais elle refusait de ladmettre. Des semaines que ses orteils étaient bleus.
Genève Comment se permettaient-ils ?
Anatole finit par sortir de la rue et lança les poneys au petit trot. Les maisons et hôtels particuliers défilaient, entrecoupés de banques et auberges de luxe. Pff. Ils voulaient bien largent des riches étrangers mais pas leur prêter respect. Et elle nétait pas riche, enfin ! Devait-elle se faire un panneau autour du cou affichant « Veuve privée de 3000 écus » ? Roudoudou lavait fait exprès. Il lavait laissé se démerder avec lhérauderie qui lui refusait toujours ses titres de vicomtesse et baronne, sans les 3000 écus et sans la possibilité davoir des vassaux pour lentretenir et se battre à sa place en cas de guerre. Le « en cas de guerre » était dailleurs passablement amusant quand on savait la situation en France, où les gens étaient tellement doués quon en venait à proclamer des trêves plutôt que de faire avancer les choses. Sale ponantais. Et sale reyne, aussi, quelle idée dêtre limousine. Ils navaient quà voter pour elle, elle au moins elle aurait empêché la guerre. Ou alors elle aurait vidé la cave le temps que ça se calme.
De toute façon, tout ça était fait exprès contre elle. On ne voulait pas delle en France, et on ne voulait pas delle à Genève. Elle navait plus dargent, et ses amis étaient loin Certains étaient même au Périgord, cétait dire leur détresse morale, à tous. Et Roudoudou qui avait préféré crever, hein. Avec son cercueil en or.
Elle avait été trop gentille, voilà tout. « Oh oui, mets donc tout ton argent dans un cercueil que tu ne verras jamais, choupinou, tu le mérites bien ». « Mais oui, Doudinet, reste donc étudier en Normandie, cest si joli avec les vaches maille dine normandie et les filles au dents rouges et jaunes et peu importe la chanson je ne sais plus les paroles ». « Mais oui, restons un peu à Genève, après tout les gens y sont charmants et on a gagné le concours. »
MES FESSES, OUAIS.
Elle sétait encroûtée, laissant chacun décider de ce quils voulaient faire, comme sils en étaient capables. Foutaises ! Elle avait laissé faire et tout partait de travers. Il était temps de se reprendre. De reformer les poneys roses. Et de repartir en guerre. Après un petit vin chaud, quand même.
- Bordel, jai froid
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