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[RP] En quête d'espoir: Interlude cavaleresque II

Kernos
Interlude cavalresque: Allées et retours sur les chemins de l'incertitude

Impression de déjà vu, la même que ces derniers mois. Lui, juché sur sa selle, silhouette sèche et esseulée se détachant sur le ciel d'Automne, la route. Le froid, les remords, les pensées, tous les accessoires sont là, inchangés depuis le début. Encore une chevauchée... toujours la chevauchée, il se demande parfois si elle ne sera pas éternelle. Quoique...

En y repensant, c'était un formidable tête à queue qu'il venait d'effectuer. Galopant à bride abattue, baigné dans l'incertitude et sa propre sueur, affrontant les silences de son seigneur, résolu à offrir sa chaire au couperet du premier vide-gousset qui l'attendrait en route, il avait suffit d'une lettre... Une seule petite lettre, non... c'était plus que cela: une réponse, ce qu'il demandait simplement, quelque chose qui aurait mis à bat le mutisme qui le cernait, l'étouffait. Une réponse. Non de celui qui aurait légitimement du la lui donner, ce dernier semblait le dédaigner au plus au point, mais d'une autre, qui n'avait aucun lien, aucun devoir envers lui, aucun serment: la Bourgogne lui avait tendu la main.

Le Rouvray avait déjà franchi Cosne, et s'apprêtait à en faire de même avec Sémur quand la lettre de la Duchesse lui était parvenue. Tournant aussitôt bride, il avait abandonné la route du Lyonnais-Dauphiné pour regagner Cosne où on lui proposait plus que ce qu'il avait depuis des mois... Un feu... Il en sentait encore la chaleur, la carresse au fond de lui. Un léger brasier qui crépitait encore maintenant dans sa vieille carcasse, alors qu'il avançait à nouveau solitaire et au milieu des vents, effaçant quelque peu l'amertume de sa bouche et la froideur de son corps.

Kernos s'en souviendrait. Depuis combien de temps n'avait-il pas chevaucher en compagnie? Depuis combien de temps n'avait-il pas goûté à cette camaraderie franche et simple d'un campement? L'odeur de la paille et du purin se mêlant à celui du bois qui se consume, le musc des chevaux, le cuir, le fumet des pièces de viande qui grillent, celui du vin qui circule entre les tentes, les éclats de voix et de rire ça et là, le bruit des lames qu'on affute, l'odeur des hommes. Des mois durant, le regroupement de ses semblables et l'agitation des villes lui soulevaient le coeur et l'estomac. Il les avait fui comme on fuit un pesteux, de peur que son mal ne vienne se saisir de lui-même mais là, tout avait été différent. Etait-ce ce sentiment de fraternité temporaire qui nait des alliances de circonstances entre hommes d'armes, qui savent bien que demain c'est peut être à vos côtés qu'ils tomberont et partagent la même fortune? Il n'avait pas envie d'y réfléchir, il voulait juste ressentir encore un instant cette chaleur maintenant qu'il était de nouveau seul et Joinville bourguignonne.

Die... Valence... Vienne... Lyon... Mâcon... Chalon... Dijon... Sémur... Tonnerre... Cosne... Sancerre... Cosne... Sémur... Cosne... Tonnerre... Champagne... Joinville et à présent Langres pour redescendre vers le Lyonnais-Dauphiné, achever le détour auquel il était contraint pour repartir sur la voie de l'errance qu'il s'était tracé jusqu'à elle, son Incertitude, son Obsession, son Exil, sa Rédemption, ses Larmes, ses Cris, Son Dénouement... Terwagne. Pourquoi n'as-tu pas semé de grains derrière toi, cette fois, qu'il soit plus aisé de te retrouver sur les chemins et leurs pavés que tu as foulé?

Une aube de plus qui déchire les cieux abyssaux en une plaie béante. La veille, il a fait ses adieux à ses compagnons. Sa place est ailleurs, il n'a pas dormi à Joinville, préférant trancher tout d'un coup, c'est dans une grange isolée de la campagne environnante qu'il s'est installé pour envoyer une lettre au Prévôt de Champagne pour obtenir sauf-conduit et dormir. C'est dans cette même grange, allongé sur la paille qui s'éveille au bruit d'un grattement dans les combles. Un pigeon... Kernos s'étira et se frotta les yeux. N'était-ce point un rouleau à la patte du volatile? Il se redressa et délivra l'animal de son fardeau.

Sourire de Dame Fortune ou bien pied de nez du Destin? Le hasard était-il de la partie? Le Rouvray laissa retomber son bras tenant la lettre fraîchement lu. Aimelin de Millelieues... Oui, c'était bien celui auquel il pensait... Se pourrait-il que... Enflamme-toi, Espoir, avant que Doute et Jalousie ne commencent à brûler! Cela ne pouvait qu'être que ce Aimelin.

Sans prendre le temps de mettre ses bottes, il se précipita vers ses fontes pour en tirer son nécessaire d'écriture. Quelques minutes plus tard, palefroi sellé et bottes enfilés, debout sur le seuil de la grange, il regarda s'envoler le pigeon avec sa lettre au Connétable et son espérance.


Citation:
Kernos Rouvray, Baron de Mévouillon & Sire de Glandage,
Au Sire Aimelin de Millelieues, Connétable de Champagne, Sire d'Etampes sur Marne, salut & paix!


En premier lieu, je vous remercie pour votre autorisation de traverser votre Duché. Voilà pour ce qui est de l'officiel, à présent, passons au personnel.

Je n'ai qu'une question à vous poser, une simple question qui pour moi m'importe plus que tout le reste, sauf votre réponse. Savez-vous où se trouve Terwagne Méricourt en ce moment même?

Je sais que vous êtes son ami, que vous comptiez énormément à ses yeux et comment vous vous êtes rencontrés, aussi je vais être franc avec vous. J'aime Terwagne. Elle a disparu sans laisser ni trace, ni adresse, seulement une lettre et voilà six mois que je chevauche à sa recherche. J'ai traversé deux fois la Bourgogne, le Berry et si je n'étais pas convoqué au ban du Lyonnais-Dauphiné, je serai en Orléans, ou peut être plus loin encore dans l'espoir de trouver ne serait-ce qu'un soupçon d'indice sur le lieu où elle séjourne. Six mois que j'affronte le froid, la faim, mes doutes et les périls de la route dans ce royaume en guerre, abandonnant tout le reste juste pour entrevoir une étincelle, un rayon de Lune. Six mois d'errance et de perdition qui pourraient trouver leur dénouement - bon ou mauvais ce n'est pas à moi que cela appartient - sur un mot de vous.

Puisque vous êtes son ami, et que je gage que son bien être ou plutôt son existence-même compte à votre âme, je vous confie mes intentions en toute sincérité. J'ai une bague accrochée à mon cou depuis Lyon, que je compte lui offrir en même temps que ma vie, libre à elle de les accepter ou de les rejeter, l'une comme l'autre... quelque soit sa décision, je m'y plierai car je n'ai plus rien à perdre, sinon de ne plus jamais entendre la mélodie qui était notre et qui résonne dans chacun de mes souffles, mais au moins je saurai qu'elle est en vie, peut être heureuse, même sans Nous.

Je vous prie de bien considérer ce que je viens de vous révéler et vous supplie d'apporter réponse à l'homme usé qu'un seul espoir tient encore debout.

Je serai à Langres dans la matinée, j'y attendrai votre réponse.

Que le Très-Haut vous garde.

Faict à Joinville, le 4e jour du mois de décembre de l'an MCCCCLIX,



L'oiseau s'effaça sur l'horizon. Il mit le pied à l'étrier et s'élança vers la Champagne, vers sa destinée.
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