Coccygrue
Ce qu'il y a de bien dans la vie (parfois) c'est son ironie, les renversements de situation qui s'y produisent.
Coccy - il y a peu - fut étonnée d'appartenir à part entière à une famille. La mort de la grand-mère dont elle s'occupait l'avait jetée dans le doute le plus absolu. Et c'est en fouillant le coffre vermoulu de la vieille, à la recherche de quelques écus malodorants, que son regard mordit un parchemin sur lequel était retranscrit un extrait d'acte familial du Livre des Raisons.
Quelle surprise de découvrir en bas du feuillet son nom : Coccygrue Masselet. Pas curieuse mais indiscrète, elle entreprit avec difficulté la lecture complète du sus-dit parchemin.
La vioque qui pourrissait désormais dans un cul de basse fosse, était donc Berthe Masselet. Pas de vieux de la vieille inscrit.
Aurait-elle donc forniqué avec le Saint-Esprit la brave femme ?
Remontant le haut de feuille elle lut :
Fils Perrin Masselet habitant Laviron. Pas de nom de sa grâcieuse.
Ayant pour chiares : Tristan Masselet résidant à Saint-Claude et Coccygrue Masselet à Belle Herbe.
Ô divine surprise ! Ainsi avait-elle un père et un frère. Elle qui avait un goût de vache solitude dans la bouche. Mais qui aller voir ?
Elle opta pour le frangin ; plus près.
Fourrant le précieux feuillet dans sa besace, excitée comme une mort de faim, elle s'empressa de sceller son baudet et entreprit le court chemin reliant Belle Herbe à Saint-Claude.
Alors ça va revivre ? Continuer encore un peu ? Le ciel avec le soleil qui lui sied à merveille ? Et si son frère la rejetait ?
Elle préféra ne pas y penser. Après tout elle avait passé sa vie avec une vieille falote et désabusée, les cannes bouffées par les eaux trop froides et la santé par les ennuis. le genre " pas de bol " sur toute la ligne. Quand il y avait du vent, c'était sur sa trogne que les échelles prenaient leur envol, et quand il y avait des morpions quelque part, la mamé se grattait toujours en premier.
Elle était terriblement gâteuse la vieille. Coccy la rentrait et la sortait ; chaque soir et chaque matin. Un bol de soupe quand il lui tombait un oeil. C'était facile, à partir du moment où elle lui coinçait entre les mains le Livre des Vertus au Chapitre de l'Eclipse, elle faisait chier personne. S'il pleuvait trop fort ou si elle pissait sur elle, la jeune fille la carrait près de l'âtre et attendait qu'elle sèche.
La belle vie quoi pour l'ancêtre.
Conjurant le sort elle se fout à rigoler comme une bossue chatouillée par le sonneur de cloches de Notre dame de Paris.
Remise quelque peu de ses émotions, elle s'accorde un moment de répit dans ses pensées, comme les morts de la guerre ont droit à leur minute de silence.
L'aurore pointe le bout de son museau quand elle se pointe à Saint-Claude. Une petite pluie fine tapisse comme un frisson l'air frais de cette nuit exceptionnelle. la voilà qui poétise maintenant la naufragée.
Hélant un droulet passant par là, elle lui demande où crèche Tristan Masselet. Apprend du même coup qu'il est marié avec une nobliaute, qu'il a des moutards...bien sa veine ça tiens à Coccy, pour peu que sa moitié en ait un autre dans le tiroir et douze autres dans les réserves génitales de son mâle, elle se voit bien transformée en nourrice plénipotentiaire.
- Ma foi se dit-elle. le jeu en vaut la chandelle quand même, allons voir...
Mémorisant les explications du petit gamin, la pécore entreprend un chemin à flanc de montagne au pied des sapins Jurassiens. Elle respire un grand coup et se pointe devant la porte d'un pittoresque chalet...
Tôt quand même pour actionner la cloche qui surplombe le préau. Avec des gestes précautionneux, elle s'appuie contre le chambranle de la porte qui grince, prête l'oreille...ça moufte pas dans la piaule...deux trois pas de plus et elle colle sa portugaise contre une fenêtre.
Minutes émouvantes de découvrir quelque chose de nouveau. le symbole du mystère, ouvrir une porte, pousser une fenêtre c'est fort. Parce-que au départ une fenêtre c'est conçue pour abriter et cacher. Ensuite parce-qu'elle s'ouvre progressivement et que l'on a pas une vision totale de l'endroit inexploré.
Elle zieute un oeil...voit rien. Bon...attendre...ne pas s'affoler. Réfléchir.
Ses pensées patinent. fallait qu'elle étudie la situation. Elle se met en alerte auditive encore une fois ; ça ronflait dur dans la demeure. Des clameurs formidables ; à deux voix. ben en voilà au moins quelques-uns qui oubliaient les merderies existentialistes.
Alors ? Les réveiller ou pas ? Là était la question. Finalement elle opta pour le premier choix.
- Toc toc toc...
Et puis attendre l'inattendu. Une longue plage de silence s'écoule. Les ronflements ont cessé.
Coccy - il y a peu - fut étonnée d'appartenir à part entière à une famille. La mort de la grand-mère dont elle s'occupait l'avait jetée dans le doute le plus absolu. Et c'est en fouillant le coffre vermoulu de la vieille, à la recherche de quelques écus malodorants, que son regard mordit un parchemin sur lequel était retranscrit un extrait d'acte familial du Livre des Raisons.
Quelle surprise de découvrir en bas du feuillet son nom : Coccygrue Masselet. Pas curieuse mais indiscrète, elle entreprit avec difficulté la lecture complète du sus-dit parchemin.
La vioque qui pourrissait désormais dans un cul de basse fosse, était donc Berthe Masselet. Pas de vieux de la vieille inscrit.
Aurait-elle donc forniqué avec le Saint-Esprit la brave femme ?
Remontant le haut de feuille elle lut :
Fils Perrin Masselet habitant Laviron. Pas de nom de sa grâcieuse.
Ayant pour chiares : Tristan Masselet résidant à Saint-Claude et Coccygrue Masselet à Belle Herbe.
Ô divine surprise ! Ainsi avait-elle un père et un frère. Elle qui avait un goût de vache solitude dans la bouche. Mais qui aller voir ?
Elle opta pour le frangin ; plus près.
Fourrant le précieux feuillet dans sa besace, excitée comme une mort de faim, elle s'empressa de sceller son baudet et entreprit le court chemin reliant Belle Herbe à Saint-Claude.
Alors ça va revivre ? Continuer encore un peu ? Le ciel avec le soleil qui lui sied à merveille ? Et si son frère la rejetait ?
Elle préféra ne pas y penser. Après tout elle avait passé sa vie avec une vieille falote et désabusée, les cannes bouffées par les eaux trop froides et la santé par les ennuis. le genre " pas de bol " sur toute la ligne. Quand il y avait du vent, c'était sur sa trogne que les échelles prenaient leur envol, et quand il y avait des morpions quelque part, la mamé se grattait toujours en premier.
Elle était terriblement gâteuse la vieille. Coccy la rentrait et la sortait ; chaque soir et chaque matin. Un bol de soupe quand il lui tombait un oeil. C'était facile, à partir du moment où elle lui coinçait entre les mains le Livre des Vertus au Chapitre de l'Eclipse, elle faisait chier personne. S'il pleuvait trop fort ou si elle pissait sur elle, la jeune fille la carrait près de l'âtre et attendait qu'elle sèche.
La belle vie quoi pour l'ancêtre.
Conjurant le sort elle se fout à rigoler comme une bossue chatouillée par le sonneur de cloches de Notre dame de Paris.
Remise quelque peu de ses émotions, elle s'accorde un moment de répit dans ses pensées, comme les morts de la guerre ont droit à leur minute de silence.
L'aurore pointe le bout de son museau quand elle se pointe à Saint-Claude. Une petite pluie fine tapisse comme un frisson l'air frais de cette nuit exceptionnelle. la voilà qui poétise maintenant la naufragée.
Hélant un droulet passant par là, elle lui demande où crèche Tristan Masselet. Apprend du même coup qu'il est marié avec une nobliaute, qu'il a des moutards...bien sa veine ça tiens à Coccy, pour peu que sa moitié en ait un autre dans le tiroir et douze autres dans les réserves génitales de son mâle, elle se voit bien transformée en nourrice plénipotentiaire.
- Ma foi se dit-elle. le jeu en vaut la chandelle quand même, allons voir...
Mémorisant les explications du petit gamin, la pécore entreprend un chemin à flanc de montagne au pied des sapins Jurassiens. Elle respire un grand coup et se pointe devant la porte d'un pittoresque chalet...
Tôt quand même pour actionner la cloche qui surplombe le préau. Avec des gestes précautionneux, elle s'appuie contre le chambranle de la porte qui grince, prête l'oreille...ça moufte pas dans la piaule...deux trois pas de plus et elle colle sa portugaise contre une fenêtre.
Minutes émouvantes de découvrir quelque chose de nouveau. le symbole du mystère, ouvrir une porte, pousser une fenêtre c'est fort. Parce-que au départ une fenêtre c'est conçue pour abriter et cacher. Ensuite parce-qu'elle s'ouvre progressivement et que l'on a pas une vision totale de l'endroit inexploré.
Elle zieute un oeil...voit rien. Bon...attendre...ne pas s'affoler. Réfléchir.
Ses pensées patinent. fallait qu'elle étudie la situation. Elle se met en alerte auditive encore une fois ; ça ronflait dur dans la demeure. Des clameurs formidables ; à deux voix. ben en voilà au moins quelques-uns qui oubliaient les merderies existentialistes.
Alors ? Les réveiller ou pas ? Là était la question. Finalement elle opta pour le premier choix.
- Toc toc toc...
Et puis attendre l'inattendu. Une longue plage de silence s'écoule. Les ronflements ont cessé.