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[RP] Le Diable s'habille en Prada

Clemence.de.lepine
Isaure ? Isaure...

Mue par un instinct protecteur, elle tourne le dos à Blanche, la soie de sa chemise virevoltant dans un même élan avec l'envol de ses cheveux blonds. Son coeur bat terriblement, au fond de sa poitrine, et cela ne lui plait pas. C'est le signe qu'il devient difficile de retenir ses excès d'émotions. Et comme son maître mot a toujours été, et demeurera toujours "tempérance", l'impulsivité latente qui lui secouait parfois les sens parvenait à la mettre dans un douloureux état de panique.


Isaure, n'écoute pas.

Protection, et prévention. Elle lui plaque ses paumes froides contre les oreilles et, au risque, encore, de lui meurtrir la peau, s'applique à les y serrer furieusement. Il ne faut pas qu'elle l'entende, qu'elle surprenne ces mots de trop qu'elle lance parfois, et ses colères qu'elle ne retient qu'à la sueur de son obstination. Il ne faut pas, non, que sa cousine soit blessée dans sa tendre innocence, car elle n'est encore qu'une enfant, n'est-ce pas ?

Elle braque vers Blanche un regard aussi froid que peut l'être aussi celui de la Bretonne.


Tu parles ? Tu parles, toi ? Tu ne dis rien.

Elle siffle, le souffle court. Elle défie, elle provoque. Si Blanche est proche de l'implosion, Clémence, elle, est à deux doigts de l'explosion. Savez-vous, comme il est ardu de violenter son âme et de retenir ses cris, ses larmes, ses mots, ses sentiments ? Savez-vous qu'à trop maintenir la bride, on en vient à frustrer l'étalon ?

Ses mains tremblent, ses bras tremblent, et ses jambes aussi, alors elle serre davantage ses doigts autour d'Isaure et elle l'attire contre elle, cherchant peut être à puiser dans cette étreinte un peu de cette sérénité qui à cet instant vient à lui manquer.


J'ai compris ta souffrance et ta peine. Je les comprends et je m'en sens coupable. Et toi... toi...

Elle accuse.

Au lieu de définitivement me tourner le dos tu me jettes ton indifférence au visage. Tu as aussi peu de cœur et autant d'égoïsme que moi.

Oh, voyez-vous ça, la Marquise qui reconnait tout haut les faiblesses dont elle est faite... La Marquise qui, s'attendant à subir les reproches, les devance et en use, même.

On aura tout vu.

_________________
Blanche_
Les tempes palpitent plus fort ; et le poing se crispe. Mais ce ne sont que quelques détails dans un tableau calme, qui détonnent singulièrement avec son apparente maitrise de soi. Blanche n'a rien répondu, rien envoyé, pas un mot plus haut que l'autre, pas un mot tout court. C'est une obstination silencieuse à son honneur, et terriblement contraignante, à la lueur de ses mâchoires qui ne demandent plus qu'à mordre.
Elle réinterprête les gestes de Clémence et la trouve plus mauvaise que jamais. La coquelicot, auparavant si juste, ne lui avait jamais montré un trait si noir de sa personnalité, et ce que Blanche demanderait juste, pour qu'au moins l'amitié survive, c'est un peu de sincérité.
Quand la marquise se prépare à parler, et barde les oreilles de sa cousine d'un étau de doigts, Blanche s'attend au pire : car c'est pour s'en protéger et ne pas en entacher sa pseudo virginité morale, que Clémence se farde d'un silence pour sa famille ?
Elle accuse le coup.




Il suffit, Clémence. dit la marquise de Gondomar à grand peine. On a dit sa mâchoire crispée, la douleur lancinante à ses tempes et l'oppressant désir de vengeance. N'y a t'il rien de pire, que se trouver face aux coupables, et ne pouvoir faute d'eux leur accorder le pardon ?
Mais Clémence commence à parler, accuse, tord les mensonges, les invente, tout cela est pire pour Blanche qui ne fait que revivre éternellement la trahison qu'on lui a faite ; elles sont désormais à armes égales, l'une Marquise en France, l'autre en ses Isles, et un combat verbal ne rimerait à rien, mais...
Laisser les faits êtres réinventés, toujours cela la propulse en plein coeur de l'évidence de sa solitude, et de sa détresse. L'évidence, c'est bien sûr qu'Aimbaud l'a quittée, que Clémence a menti des mois durant, et lui a volé l'involable.
L'évidence, c'est que Clémence a trahi Blanche d'une perfide façon.


Il SUFFIT Clémence ! se met elle brusquement à hurler.
Les mots écorchent son être entier, par tous les sentiers empruntés : sa gorge, ses poumons, son cou, tout cela flambe, et atteint brusquement par la chaleur démonesque le reste innocent de son soi blanc.
Arrête cela, arrête láithreach ! Conas is féidir leat leomh ach dom a dhéanamh ar a leithéid de rud? Comment peux-tu ? Comment oses-tu ?
Tu me trahie, mentir, trompe, jetée en pâture à toutes les moqueries, mar gheall tú je ne suis plus qu'une âme vide, tout cela par ce que ton fraochÚn d'orgueil. Is fuath liom tú a, is fuath liom tú a...


Elle n'avait été que violence, mais la violence l'avait quittée. Vidée, alors, elle ne semblait être plus qu'une coquille vide à l'intérieur de laquelle, dépecé de tout abomination vengeresse, un palpitant brûlait d'ardeur et de désir.
Les mots envers Clémence avaient libéré l'ardent organe, qui lançait alors toute sa force vers un idéal qu'elle croyait abandonné ; les mots avaient autorisé à son amour à être reformulé, et en bravant Clémence, elle aimait Aimbaud.
Martyrisée une seconde fois. Les phrases fusaient dans son esprit comme des lances de guerre.

Santach Mise, égoïste? Regarde moi. Regarde où je est. J'ai enduré plus qu'aucune femme avant moi n'avoir enduré, j'ai accepté la requête de toi par qui je souffre milles maux. Je t'ai suivie, je t'accompagnerai dans la Église, pour que tu épouser Aimbaud...
Ce n'est pas cette fraochÚn indifférence, c'est le maximum que je peux faire. Le maximum qu'il est humainement possible de faire.
Mais tu voudrais plus, tu voudrais que je mente comme toi et que je fasse tout comme si tu n'avais pas été abominable. Tu voudrais que je passe par dessus cette immense, colossale trahison et que j'en fasse fi ? Tu crois me comprendre, tu te sens coupable... Tu es coupable, Clémence. Tu as délibérément sacrifié mon cœur, ma vie entière et toute la force que j'avais, tu m'as prisé du souffle et de tout espoir, tu as asservi mon âme, supplicié mon corps, je ne suis plus qu'un désert que tu as asséché. Et moi, malgré que je vis à peine, que mon existence entière est un martyre, je viens vers toi et j'accepte une place si intolérable... Comment peux-tu seulement dire que l'on se ressemble ?


Elle tourna la tête, franche et très sincère face à Clémence et lui sourit. L'animosité l'avait quittée, autant qu'elle était emplie d'un amour sans borne, apte à transverser n'importe qui.
Elle aimait Aimbaud comme elle respirait, et elle respirait si fort... Si ardemment... Si violemment parfois, que l'air battait son coeur et sa gorge, puisait force et remontait les sentiments, qu'elle était prête de rire et de pleurer, et que Dieu venait de lui accorder nouvel espoir. C'était un torrent imperturbable, une immensité omnipotente qui jaillissait de ses veines, tel qu'encore jamais il n'avait été vécu. Révulsé, repoussé, publiquement camouflé, gardé au fond d'elle des mois et des mois, sous la pression d'un désespoir grandiose, l'amour fou qu'elle portait à Aimbaud s'était épanoui en fleur nouvelle, une nouvelle nature qui émergeait tel qu'elle n'était jamais née chez aucun autre : Blanche aimait plus que nul autre avant elle, plus que sa vie, son âme, son être entier, sa nature profonde et son essence, l'intérieur de sa capsule vivante était mêlé à celle d'Aimbaud, son âme accouplée à la sienne, réunies, retrouvée, rattachée par une main divine... Dieu n'aurait pas intercédé pour une autre passion.
Elle respirait avec courage, rage, chevalerie, légende, mythe, elle devenait une icône de l'affection courtois, une transcendance telle qu'elle incarnerait sous d'autres noms l'Amour moyen-âgeux. S'il est un moment où Blanche dû, par son esprit, trouver l'image d'elle qui inspirera Shakespeare, Béroul, Chrétien de Troyes, ce fut celui-là. Exempte de tout reproche, sauvée de sa solitude, bercée par l'assurance que sa respiration seule avait une importance, quand bien même elle aurait aspiré l'air sans écho. Quand bien même elle aimerait sans retour, l'important... c'était d'aimer.


Il suffit, Clémence. Tu fais l'enfant. Ça n'est pas grave si tu ne reconnais pas tes torts. Je te pardonne même si tu ne regrettes rien. Le pardon, son infini pouvoir, sa force légendaire, provenait d'une femme si faible... Et elle lui offrit une ultime fois d'une façon pure, baisant son front doucement, comme une mère, en pardonnant ses offenses, tel qu'elle-même aurait aimé être pardonnée par le Ciel.

On sait pourtant que la violence et la trahison sont forts, sans savoir lequel surpasse l'autre. Mais l'amour ma foy, était plus fort que tous les deux.

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Clemence.de.lepine
Son cri, loin de la terroriser ou de la bouleverser, l'exalta presque. C'était cela qu'elle voulait. Des hurlements. De la colère à s'arracher la voix et à se briser les tempes. Une excuse, alors, pour raviver à son tour le magma incandescent qui bouillait en elle. Ses mains tremblaient trop désormais pour qu'elle puisse les laisser en place tout contre les oreilles d'Isaure. D'un geste vif, et comme si on les avait soudainement marquées au fer rouge, elle retira ses paumes et les joignit entre elles. Tout contre son giron, elle les laissa reposer, et ses doigts brûlants étaient si blancs, mais leurs extrémités si rouges...

Elle reçut les mots de Blanche comme autant de flèches qu'on lui aurait lancées de derrière une muraille. Les flèches pleuvaient, atteignant son cœur, fourrageant sa poitrine. Elles piquaient du ciel et elle devait cligner des yeux pour pouvoir apercevoir dans la lumière blafarde du matin leur pointe tranchante et dure, et froide, et violente. Sa muraille était assiégée et toujours l'arc derrière se bandait pour asséner une nouvelle flèche qui tombait, tombait, dans une courbe et un sifflement harmonieux. Et toujours il touchait sa cible, et jamais il ne se souciait de le savoir. Pourtant, Clémence avait le sourire. Un pâle sourire. Un sourire de regret. Et parfois, elle secouait la tête, s'apprêtait à répondre, mais la laissait dire. La laisser finir.

Pourquoi répliquer, pourquoi se défendre, elle avait tous les torts, c'était évident, et jamais ni l'une ni l'autre ne se relèverait entièrement de cela.

Oh... Blanche.

Navrée, Clémence l'observait, l'écoutait, et elle ne comprenait pas tout, et ce qu'elle comprenait lui causait tellement de douleurs. C'était autant de souvenirs qui lui revenaient en mémoire. Autant de choses qu'elle avait égoïstement détruites. Et s'entendre enfin se le faire reprocher par Blanche c'était pouvoir, finalement, recevoir son orgueil et sa vilénie en pleine face. Forcément, cela faisait mal. S'entendre accusée de trahison par celle que l'on adorait, celle qui nous avait fait prendre conscience que ce cœur-ci n'était pas définitivement mort puisqu'il aimait, purement, simplement... Elle l'avait chérie si fort, et il avait fallu que ça soit elle qu'elle ait déçu le plus fort également. Et la voir, là, comprendre qu'elle n'est rien, comprendre qu'elle n'est pas venue pour elle, comprendre qu'elle l'a perdue, c'est terrible, et ça lui donne envie de mourir.

Blanche aime Aimbaud et Aimbaud aime Blanche et leur amour vaut bien celui de Clémence pour Blanche. Alors elle se sent misérable et cela l'agace. A quoi bon lui pardonner si c'est pour ne vivre qu'avec une pâle copie de leur amitié défunte ? Une pâle copie de Blanche. Rien du tout.

Il suffit, oui.

Un baiser sur le front n'a jamais absous quoique ce soit, ni qui que ce soit. Et il est si léger, ce baiser, qu'il ne lui semble donné qu'à regret. Ce n'est qu'une comédie, n'est-ce pas ? Une comédie de plus dans son monde de comédies.

Pourquoi ne jouerais-je pas à l'enfant ? C'est toujours à ce jeu que nous aimions le plus jouer. Nous jouions à nous donner la becquée, à Cauvisson, et à jouir ensemble, à trois, des bienfaits de ces douceurs partagées. Tu m'as donné le goût du jeu et il ne m'a plus jamais quittée. Souviens-toi, ma première visite en Bretagne, et Riwan, et tes effronteries, ton impertinence. Souviens-toi, en Bourgogne, dans cette auberge où nous avions bu, et ri, que nous nous étions moquées des autres, et que nous nous moquions bien des regards puisque nous étions heureuses malgré nos douleurs. Souviens-toi de Nemours et de la visite de ce Vicomte. Souviens-toi de nos trajets, de bals en bals, de mariages en mariages, les sourires, les secrets, les joues rouges et les cheveux emmêlés. Souviens-toi du Louvre, de Béatrice et de Yolanda. De nos blonds soupirs, de nos peines et de nos joies. Des macarons, des Magnifiques et des Délicats. Rouges et Blancs. Moi et Toi. Souviens-toi. Souviens-toi de ton retour en Bretagne, des jeux de cartes, des jeux de mots, des jeux d'enfants. De ton enthousiasme devant ton Océan et de ton amertume, devant mon air distant. Désabusée.

Usée, je le suis, je le suis tant. J'aurais voulu y courir et t'entendre rire derrière moi. A me poursuivre et à ne pouvoir me saisir.


Tellement envie de sentir rouler sur ses joues les chaudes larmes de la mélancolie et du remords.


Je pensais qu'il t'aimerait un jour et plus du tout le lendemain. Je pensais qu'il t'engrosserait et que tu te tordrais encore de douleur au fond d'un lit. Que tu t'oublierais, une nouvelle fois, et que tu devrais supporter un nouveau bâtard, un nouveau souvenir. J'ai eu un peu raison mais j'ai eu complètement tort, aussi.


Les larmes ne viennent pas et ses yeux piquent d'être si secs.


Mais ne dis pas que je ne regrette pas, ne dis pas que je ne reconnais pas mes torts. Ils m'empoisonnent.


Elle cueillit une de ses mains et pria pour qu'elle ne la lui enlève pas.


J'ai écrit à la Princesse de Mortain, j'ai écrit à Béatrice, à qui je demandais conseil. Je me sentais si seule et je n'ai pensé à rien d'autre que ça. J'ai appris la mort de Béatrice sans jamais rien recevoir d'elle. Tu es partie de Donges, moi aussi, je suis tombée malade et j'ai oublié cette histoire que j'avais tissée dans un moment d'égarement. La Princesse m'a fait appeler chez elle. De toi, et pendant ces longues semaines, je n'avais rien reçu d'autre qu'un mot insipide, consternant et j'ai eu si mal, à nouveau. Pardon, pardon Blanche, d'avoir douté de toi. J'ai cru que tu me détestais, et je ne saisissais pas les raisons. Pardon de t'avoir menti. Pardon de n'avoir pensé qu'à moi. Pardon de n'avoir rien compris. D'avoir voulu régenter ta vie en pensant te protéger.

Etaient-ce des larmes, qui commençaient à poindre ? Des perles, de si petites perles, au coin des paupières. Brillantes, qui lui brouillaient imperceptiblement la vue, et qu'elle chassa d'un revers fébrile du poignet. Tout cela la rendait confuse et elle se perdait dans ses excuses qu'elle trouvait pitoyables.

Et puis... j'ai lu le testament. J'ai deviné que tu l'avais lu aussi. Et aujourd'hui, il est trop tard. Il était trop tard dès que ma lettre, de Donges, partit rejoindre Béatrice pour lui demander son avis.

Sur un fauteuil qui se trouvait là, elle s'affaissa, et, posant le menton sur ses genoux qu'elle serrait entre ses bras, elle ferma les yeux.

Il sera toujours à toi, c'est ainsi que je voyais les choses et que je continue à les voir. Il n'aura jamais de problème parce qu'il t'aura regardée de trop près. Je devine que ce n'est pas ainsi que tu voyais les choses avec lui, et je sais qu'il n'y a rien de glorieux dans la clandestinité. Mais il est à toi. Et pardonne-moi, encore, de te dire cela, n'y vois aucun affront, dans cette éventualité que j'avance, dans cette possibilité de secret que je te propose. Je ne sais pas. Je ne sais rien. Je ne juge rien. Je ne t'ai jamais jugée.
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Blanche_
Elle ne répondit rien.
Transie d'amour, parfois de haine aussi, sentiments si proches, elle passait de l'un à l'autre, revenait souvent au premier sans qu'il lui soit possible de parler au nom d'un seul. Tel un automate, elle laissa sa main dans celle de Clémence, bien que les explications prononcées lui donnèrent une furieuse envie de vomir.
Que Clémence ait été assez clairvoyante pour savoir qu'Aimbaud partirait, Blanche le concédait volontiers. Mais dans quel monde le malheur prévisible de l'une, pouvait justifier à ce qu'on l'entrainât pour offrir le bonheur de l'autre ?


Dis-moi Clémence, vas-tu épouser tous les amants de tes amies, pour ne pas qu'elles souffrent, ou te contenteras-tu du premier qui t'enlèvera ton célibat ?

Elle sentit que sa voix faiblissait vers la fin, trahissait sa fidèle tristesse qui ne la quittait plus. Et bien qu'elle ait admis à nouveau son affection pour le sanglier, elle était sans retour : Aimbaud l'avait quittée, avait quitté son fils, et Clémence se cachait encore derrière un nouveau mensonge, en inventant cette fois-ci qu'il avait été question de clairvoyance et de son propre malheur. Brusquée, la petite fauve était prête à mordre, mais elle avait bien grandi depuis tous ces événements, assez pour qu'elle sache désormais se contenir et prévoir les conséquences de ses actes. Et puis, elle avait pardonné, et peu importait combien cela lui en avait coûté, ou lui coûtait toujours, son âme toute blanche ne tolérait désormais plus qu'on l’entache de vengeance.

Il n'est jamais trop tard. Il ne l'a jamais été. Tu pourrais réparer l'offense que tu m'as faite, mais tu n'en as simplement pas envie.

Pour le reste... Il était inutile de relever cette proposition. Aimbaud avait délaissé Blanche assez cruellement pour qu'elle sache que tout était fini ; et, quand bien même restait-il un espoir, elle était mariée au Régent d'Espagne, Bon Dieu ! Pire qu'une prison d'argent, la douzaine de dame d'honneur qui trainaient et pistaient autour d'elle, les gardes, les domestiques, les valets, tout Gondomar protégeait la dame d'Astaroth de l'extérieur.
Que l'extérieur soit souhaité, espéré, attendu, aimé... Cela n'avait plus d'importance désormais.

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Clemence.de.lepine

Vilaine Blanche. Vilaine, qui continue de l'assaillir. Morte, c'est ça qu'il faudrait qu'elle soit. Pour ne plus avoir à l'entendre, elle et sa voix accablante, elle, auréolée de lumière, quand Clémence l'est de sa perfidie. Et même, sûrement qu'elle irait cracher sur sa tombe, y danser en tapant des pieds, afin de troubler son repos. Elle sent qu'elle a le regard qui flambe, qui se fait mauvais, alors elle évite de la regarder, détourne les yeux pour les poser ailleurs, là où ils ne blesseront personne. C'était donc bien vrai, ce baiser fragile n'était signe d'aucun pardon, puisqu'elle reprend de plus belle ses sarcasmes et ses accusations.

Elle se ronge l'ongle du pouce, bien ras, si ras que la pulpe en est trop découverte et que son doigt se met à la lancer atrocement. Elle emprisonne l'extrémité entre ses dents, elle mord, cherche à camoufler la douleur et à absorber le sang qui doucement commence à poindre. Elle ravale ses sanglots dans un hoquet nerveux et s'enfonce un peu plus au fond de son siège.


Si j'avais plus d'une amie à laquelle je tenais autant que je tiens à toi et s'il m'était possible d'épouser un homme pour chacune et ainsi de l'en garder, oui, je le ferais. Je l'aurais fait, mais je ne le ferais plus, car je retiens les leçons, je ne suis pas si idiote, et j'ai bien compris ma mauvaise action.

Il y a plus de rage dans sa voix qu'elle ne voudrait en démontrer. Y-a-t-il une seule issue possible à cette situation ? Qu'elle rompe le mariage, et quoi ? Blanche continuerait de la détester, tant sa rancune était tenace et sa confiance ébranlée. Elle ne retrouverait jamais la Blanche d'avant et leur amitié lui semblait tellement diffuse qu'elle doutait de pouvoir la retrouver pleinement un jour. Alors, rompre le mariage ? Clémence hausse les épaules et un rire fuse. Bref. Moqueur et dépité. Un éclat de gorge rapidement réprimé qui trahit son chagrin, un chagrin aigre, plein de fiel, envers elle, envers tous, et même envers Blanche.

Tout abandonner et tout perdre, oui. Toi, à jamais, et cette occasion, enfin, de rejoindre une famille et d'en fonder une pour de bon.

Elle relève ses yeux clairs et, décidée à ne pas mentir ou détourner la vérité, déclare calmement et sans ambages.

Non. Je n'en ai pas envie. Je n'ai pas envie de risquer mon avenir en échange d'une amitié qui n'aurait rien de semblable à celle que j'ai perdue en trahissant ta confiance.
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Isaure.beaumont
La contemplation de la robe fut de courte durée. Clémence était rapidement revenue accompagnée de l’étrangère qu’elle avait tant redoutée voir arriver. La mine rembrunit et le regard terne, Isaure la salua du bout des lèvres.

Que dire ? Que faire ? Peu importait. Ses deux aînées semblaient l’avoir oubliée. La tempête grondait. Et Isaure allait tomber des nues. Elle allait voir la si forte Clémence sombrer dans la faiblesse.

D’abord les mains protectrices de son adorée cousine se posèrent sur ses oreilles. A ce contact son cœur s’était gonflé d’amour pour elle. Quand on était orpheline, on ne connaissait pas la tendresse d’une mère, et pour elle, Clémence venait de revêtir ce rôle l’espace d’un instant. Pourtant, ses mains douces ne la protégèrent en rien : elle entendit tout. Elle entendit trop. A quoi jouait donc Clémence ? Pourquoi se donnait-elle ainsi en spectacle pour une blonde qui ne la méritait pas ? Si elle ne pouvait lui pardonner, pourquoi donc s’apitoyer sur leur amitié ? Les mains chaudes quittèrent bientôt ses oreilles, et elle eut froid.

Assez, assez ! Je ne veux rien entendre, rien ! Ne serait-il pas plus intelligent de nous préparer pour vos noces, Clémence ? Cette journée est la vôtre, et non pas celle de vos amies.

Et elle quitta les appartements de la marquise pour procéder à sa propre toilette et échapper à ces tensions.
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Isaure Von Frayner, Dame de Miramont et de Courceriers
Blanche_
Que répondez-vous face à la méchanceté la plus basse ?
Rien.

Blanche se mit donc à rire, complètement aterrée, réalisant qu'il était impossible que le moindre remord ne se trouve chez Clémence de l'Epine, et qu'elle avait sans doute accordé trop d'importance à une amitié que sa comparse détruisait aussi vite.
Clémence n'aimait personne d'autre qu'elle même, cela elle en était désormais persuadée, mais loin de l'en blâmer ou d'oublier ses propres défauts, Blanche n'en ressentait plus qu'un profond dégoût, une basse considération, à laquelle l'amour d'Aimbaud en se superposant suffisait à rendre cela supportable.

Isaure s'emporta, et Blanche eut l'impression renforcée que jamais personne ne pouvait comprendre l'intensité de sa souffrance, ni ce qu'elle avait enduré cette période durant. Ni elle, ni Clémence, ni Astaroth. Que dirait-il au demeurant, lorsqu'elle retournerait le voir ?
Ma chère, vous êtes en beauté. Oui, c'est sans doute ce qu'il lui dirait, et elle aurait alors les larmes aux yeux en lui répondant et en singeant l'affection, tout comme lorsqu'elle devait soutenir le regard de son bourreau et supporter sa totale cruauté.
L'indulgence qu'on apporta à ses yeux embués ne l'affecta point ; désolée, elle s'en retournait le cœur lourd, et effectua le reste de ses charges avec l'affection d'un automate.

Plissant les bords, haussant les manches, bordant le col, elle ne sourit pas une fois et ne dit plus un mot.
Le vide de son âme témoignait de la brisure dont elle avait été victime : car peu avant, en elle quelque chose s'était cassé. Et cette chose, envers Clémence, à nul autre pareil ce fut....
Son admiration.

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Clemence.de.lepine
Clémence était l'élément perturbateur dans cette tragédie navrante. S'en rendait-elle compte ? Oui. Bien entendu. Elle s'était approprié le rôle, consciemment, naïvement, et à l'époque, pourtant, elle s'était sentie l'âme d'un héros.

C'est une gourde, nous l'avons déjà dit, une gourde qui ne connaît, ni ne comprend rien aux émotions pures et violentes auxquelles l'humain est parfois soumis. Auxquelles elle est soumise également à son grand malheur. Une gourde égoïste, dont l'égoïsme pourrait être psychologiquement analysé, et même excusé, mais l'idée n'est pas ici de psychanalyser l'idiote ingénue pour en faire un personnage trop sensible et/ou plus sympathique.

On voit facilement la tragédie largement amorcée mettant en scène les passions de Blanche et d'Aimbaud. On considère peut-être un peu plus difficilement celle en cours entre l'héroïne et l'élément perturbateur. Une amitié qui se déchire, entre deux jeunes femmes – blondes – n'ayant ni l'une ni l'autre tout à fait conscience de leur psychorigidité (que de psychoses...). Blanche, persuadée que Clémence est délibérément mauvaise et sombrement menteuse et manipulatrice. Clémence, persuadée que Blanche ne l'a jamais aimée comme elle-même a pu l'aimer et ne l'aimera plus jamais - outch. Nous comprendrons donc que, mue par son instinct de conservation exacerbé, la seconde rejette la première dans le seul but de se protéger. Nous comprendrons donc tout autant que la première, vexée et attristée par ce comportement inexplicable car inexpliqué, rejette à son tour la seconde pour sa méchanceté et sa froideur.

Les malentendus et les non-dits provoquent des cataclysmes.

Et le rire de Blanche en est un. Il balaye tout sur son passage et provoque des ouragans. Des orages. Des pluies torrentielles et des glissements de terrain démentiels. Des tremblements de terre. Des raz-de-marées. Au secours.

Car ce rire là est tout autant inexplicable.

Mais pourquoi comprendraient-elles quoique ce soit quand, murées dans leurs obstinations, elles refusent, ou ne peuvent, saisir les sentiments si différents qui les animent distinctement ?

Habillée, et coiffée, sans avoir prononcé, à l'image de Blanche, un seul autre mot – et grâce au Ciel, car il aurait sûrement été de travers, une nouvelle fois – elle s'adonne à l'introspection et s'empêche de pleurer sur le départ d'Isaure qui l'abandonne à son tour, sur le futur départ de Blanche, qui s'en ira sans qu'elle n'ait eu le temps de lui dire ce qu'elle lui a tellement écrit ces dernières semaines. Parce qu'elle a peur, à nouveau, de faire un faux-pas, d'être déçue, d'être rejetée, d'être mal-aimée.

...

Zut.

La voilà qui, se retournant d'un volte-face maladroitement exécuté, se retrouve agrippée au cou de la Bretonne. La voilà qui, indifférente aux petits cris des habilleuses, froisse l'étoffe en se serrant contre le corps de Blanche. Le nez lové près de l'oreille de l'Hermine, les cils battant au rythme des pulsations de son cœur, elle pense au chaton qui dans son enfance venait de la même façon quémander caresses et sécurité.

Elle ne dit rien. Elle ne lâche rien. C'est une étreinte éperdue, le dernier sursaut de vie d'une noyée.

Blanche, Blanche... articulent sporadiquement ses lèvres de façon muette.

Ses cils, si longs, si noirs quand sa chevelure est d'or, gouttent doucement de minuscules perles de cristal.

Je t'aime.


Pour toujours.
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