Xalta
[Par un froid matin de décembre]
Elle s'était échappée à l'aube de sa chambre, entre chien et loup, elle avait besoin de se retrouver seule, sans toute cette attention médicale autour d'elle, elle n'était pas faite de verre, nom de nom ! Il était temps qu'ils comprennent. Et puis la maintenir enfermée entre quatre murs était certainement le moyen le plus sur pour qu'elle s'étiole au coin d'un feu de cheminée. Bien entendu, comme tout le monde, elle aimait parfois être dorlotée_ c'est agréable, on se sent aimé_et puis comme tout à chacun c'est toujours un petit plaisir égoïste que d'être le centre d'intérêt. Mais, la demi-rousse s'était vite lassée de ce petit jeu, l'inaction lui pesait, les breuvages la faisaient grimacer et c'est en cachette qu'elle sortait déjà le soir pour aller se réfugier en taverne et descendre quelques verres seule ou avec de la compagnie.
La veille elle avait demandé qu'un cheval au tempérament calme soit sellé avant le premier chant du coq, on lui avait obéi , heureusement d'ailleurs sinon elle aurait montré son caractère de giennoise. Malgré son bras en écharpe et son épaule endolorie, elle avait réussi à grimper sur le dos de l'animal, auparavant elle avait fixé à la selle un petit tonnelet de gienlain. Les sabots de sa monture avaient claqué sur les pavés de la cour de l'auberge, le bruit s'était répercuté mais il n'avait éveillé personne à son grand soulagement. Et ce fut le cur léger qu'elle gagna la forêt. Sur la route qui menait à la forêt, elle croisa quelques bucherons qui la saluèrent poliment et dont le regard exprimait une certaine surprise mêlée de curiosité.
Ne connaissant point les lieux, elle se contenta de suivre les sentes , elle chevaucha ainsi au pas lent de sa monture, elle finit par lui ordonner de s'arrêter dans une petite clairière, en grimaçant elle en descendit, puis de son main valide défit la couverture qu'elle installé au pied d'un chêne, poussant du pied les glands et les feuilles mortes, puis elle décrocha le tonnelet de bière giennoise et enfin s'empara de sa besace au cuir râpé. Elle se laissa enfin tomber au sol, s'adossa au tronc, et finit par pousser un long soupir de bien-être. L'air était vif, piquant, colorant ses joues d'une rougeur qu'une coquette aurait cherché à dissimuler sous des fards, elle resserra sur elle la lourde cape de laine qui lui prodiguait une douce chaleur. En louchant un peu, elle s'aperçut que son nez prenait à son tour une teinte rouge, ce qui lui soutira un sourire amusé.
Puis elle ferma les yeux s'appuyant contre le tronc solide. Doucement la forêt séveillait, on entendait des bruissements d'ailes, des pépiements, des feuilles ou des branches qui craquaient sous le pas plus ou moins léger d'animaux. Pendant ce moment, les yeux clos, elle put se croire chez elle, à Gien, ne manquait au tableau que la clapotis des eaux de la Loire, de sa Loire... Si elle avait été chez elle, elle serait à cet instant en bord de fleuve, adossée au grand saule, bas et chausses dans l'herbe et les pieds barbotant dans l'eau froide au risque d'attraper encore une fois une angine de poitrine. L'éclat de ses noisettes perdu dans l'onde bleue, elle se ressourcerait et oublierait pendant un moment ses tourments, ses colères, sa haine, ... Mais elle était ici, à Compiègne, blessée, seule, un sourire ourla ses lèvres qui commençaient à bleuir, seule, qu'elle soit ici ou là-bas c'était bien une constante.
Non pas qu'elle manquait de famille, d'amis, elle se savait aimée et appréciée par ses proches, mais ... mais quoi? Ils ne se voyaient tous qu'en coup de vent, tous étaient occupés. Elle ne leur reprochait rien, elle-même avait accumulé les postes, les charges , les fonctions, ... elle l'avait fait par idéal, servir sa ville , son duché, puis elle s'était prise au jeu de la politique, elle avait eu de l'ambition, en même temps en soit avoir de l'ambition n'est point forcément un défaut, même une qualité car sans elle , on ne peut avoir l'énergie nécessaire pour faire aboutir des projets... Cherchait-elle les titres, les reconnaissances? Non... même si, comme tout à chacun, elle avait aussi besoin qu'on reconnaisse son travail... en même temps, en prenant les tenants du pouvoir ducal en Orléanais à rebrousse-poil elle s'était volontairement fermée l'accès à la haute noblesse.
Que lui apporterait de se faire appeler baronne, duchesse ou autre titres prestigieux ?... rien... Elle se contenterait d'être dame de.. vassale de Valeria, à moins qu'elle finisse par rompre son serment , son engagement envers celle qui était devenue son amie, cette idée lui trottait sérieusement en tête, et de plus en plus fréquemment... elle ne se reconnaissait pas dans cette noblesse orleanaise, sclérosée, devenue si sérieuse et terne... en gagnant le sens du pouvoir ils avaient perdu le sens de l'humour, elle-même n'avait pas échappé au phénomène. Mais son départ pour la Champagne, pour répondre à la levée de ban royal à la place de sa suzeraine, bloquée par des fonctions de Cac ducal, lui avait permis de prendre du recul, de renouer aussi avec la rouquine qui avait gagné la course à la gienlain, qui se baignait sans pudeur dans les étuves giennoises ou dans la Loire, l'été au milieu de la nuit... Celle aussi qui écrivait ses pamphlets, des dialogues satiriques et se moquant des conséquences pour elle.
Elle glisse sa main valide hors de la cape, se saisit de la besace et en sort une chope de bois qu'elle emplit de gienlain puis en vraie giennoise qu'elle n'a jamais cessé d'être, elle descend cul sec sa chope, ne perdant pas une lampée de la plus délicieuse des boissons. Elle se ressert une seconde chope qu'elle vide aussi vite, le liquide froid, pétillant lui procure frissons et sensations agréables. Ivrogne ? non juste giennoise ! Et de rire joyeusement au milieu de cette clairière provoquant la fuite d'une nuée d'oiseaux, le détalement d'un lièvre qui était venu croquer l'herbe perlée de rosée.
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Elle s'était échappée à l'aube de sa chambre, entre chien et loup, elle avait besoin de se retrouver seule, sans toute cette attention médicale autour d'elle, elle n'était pas faite de verre, nom de nom ! Il était temps qu'ils comprennent. Et puis la maintenir enfermée entre quatre murs était certainement le moyen le plus sur pour qu'elle s'étiole au coin d'un feu de cheminée. Bien entendu, comme tout le monde, elle aimait parfois être dorlotée_ c'est agréable, on se sent aimé_et puis comme tout à chacun c'est toujours un petit plaisir égoïste que d'être le centre d'intérêt. Mais, la demi-rousse s'était vite lassée de ce petit jeu, l'inaction lui pesait, les breuvages la faisaient grimacer et c'est en cachette qu'elle sortait déjà le soir pour aller se réfugier en taverne et descendre quelques verres seule ou avec de la compagnie.
La veille elle avait demandé qu'un cheval au tempérament calme soit sellé avant le premier chant du coq, on lui avait obéi , heureusement d'ailleurs sinon elle aurait montré son caractère de giennoise. Malgré son bras en écharpe et son épaule endolorie, elle avait réussi à grimper sur le dos de l'animal, auparavant elle avait fixé à la selle un petit tonnelet de gienlain. Les sabots de sa monture avaient claqué sur les pavés de la cour de l'auberge, le bruit s'était répercuté mais il n'avait éveillé personne à son grand soulagement. Et ce fut le cur léger qu'elle gagna la forêt. Sur la route qui menait à la forêt, elle croisa quelques bucherons qui la saluèrent poliment et dont le regard exprimait une certaine surprise mêlée de curiosité.
Ne connaissant point les lieux, elle se contenta de suivre les sentes , elle chevaucha ainsi au pas lent de sa monture, elle finit par lui ordonner de s'arrêter dans une petite clairière, en grimaçant elle en descendit, puis de son main valide défit la couverture qu'elle installé au pied d'un chêne, poussant du pied les glands et les feuilles mortes, puis elle décrocha le tonnelet de bière giennoise et enfin s'empara de sa besace au cuir râpé. Elle se laissa enfin tomber au sol, s'adossa au tronc, et finit par pousser un long soupir de bien-être. L'air était vif, piquant, colorant ses joues d'une rougeur qu'une coquette aurait cherché à dissimuler sous des fards, elle resserra sur elle la lourde cape de laine qui lui prodiguait une douce chaleur. En louchant un peu, elle s'aperçut que son nez prenait à son tour une teinte rouge, ce qui lui soutira un sourire amusé.
Puis elle ferma les yeux s'appuyant contre le tronc solide. Doucement la forêt séveillait, on entendait des bruissements d'ailes, des pépiements, des feuilles ou des branches qui craquaient sous le pas plus ou moins léger d'animaux. Pendant ce moment, les yeux clos, elle put se croire chez elle, à Gien, ne manquait au tableau que la clapotis des eaux de la Loire, de sa Loire... Si elle avait été chez elle, elle serait à cet instant en bord de fleuve, adossée au grand saule, bas et chausses dans l'herbe et les pieds barbotant dans l'eau froide au risque d'attraper encore une fois une angine de poitrine. L'éclat de ses noisettes perdu dans l'onde bleue, elle se ressourcerait et oublierait pendant un moment ses tourments, ses colères, sa haine, ... Mais elle était ici, à Compiègne, blessée, seule, un sourire ourla ses lèvres qui commençaient à bleuir, seule, qu'elle soit ici ou là-bas c'était bien une constante.
Non pas qu'elle manquait de famille, d'amis, elle se savait aimée et appréciée par ses proches, mais ... mais quoi? Ils ne se voyaient tous qu'en coup de vent, tous étaient occupés. Elle ne leur reprochait rien, elle-même avait accumulé les postes, les charges , les fonctions, ... elle l'avait fait par idéal, servir sa ville , son duché, puis elle s'était prise au jeu de la politique, elle avait eu de l'ambition, en même temps en soit avoir de l'ambition n'est point forcément un défaut, même une qualité car sans elle , on ne peut avoir l'énergie nécessaire pour faire aboutir des projets... Cherchait-elle les titres, les reconnaissances? Non... même si, comme tout à chacun, elle avait aussi besoin qu'on reconnaisse son travail... en même temps, en prenant les tenants du pouvoir ducal en Orléanais à rebrousse-poil elle s'était volontairement fermée l'accès à la haute noblesse.
Que lui apporterait de se faire appeler baronne, duchesse ou autre titres prestigieux ?... rien... Elle se contenterait d'être dame de.. vassale de Valeria, à moins qu'elle finisse par rompre son serment , son engagement envers celle qui était devenue son amie, cette idée lui trottait sérieusement en tête, et de plus en plus fréquemment... elle ne se reconnaissait pas dans cette noblesse orleanaise, sclérosée, devenue si sérieuse et terne... en gagnant le sens du pouvoir ils avaient perdu le sens de l'humour, elle-même n'avait pas échappé au phénomène. Mais son départ pour la Champagne, pour répondre à la levée de ban royal à la place de sa suzeraine, bloquée par des fonctions de Cac ducal, lui avait permis de prendre du recul, de renouer aussi avec la rouquine qui avait gagné la course à la gienlain, qui se baignait sans pudeur dans les étuves giennoises ou dans la Loire, l'été au milieu de la nuit... Celle aussi qui écrivait ses pamphlets, des dialogues satiriques et se moquant des conséquences pour elle.
Elle glisse sa main valide hors de la cape, se saisit de la besace et en sort une chope de bois qu'elle emplit de gienlain puis en vraie giennoise qu'elle n'a jamais cessé d'être, elle descend cul sec sa chope, ne perdant pas une lampée de la plus délicieuse des boissons. Elle se ressert une seconde chope qu'elle vide aussi vite, le liquide froid, pétillant lui procure frissons et sensations agréables. Ivrogne ? non juste giennoise ! Et de rire joyeusement au milieu de cette clairière provoquant la fuite d'une nuée d'oiseaux, le détalement d'un lièvre qui était venu croquer l'herbe perlée de rosée.
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