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[RP ouvert ] Forêt de Compiègne.

Loh
Loh!…. Loh! … Loh, où est-tu?

La voix est lointaine. Je regarde le sol. Je ne bouge pas. Je suis assise. Mes jambes sont repliées sous moi. Mes pieds touchent mon séant. Quelqu'un semble prendre soin de moi. Mais ma vision est ailleurs. Bien ailleurs. Je viens de tuer un homme. Comme si la phrase n'avait pas assez d'impact, je la répète dans ma caboche. Encore et encore. Je viens de tuer un homme. Je viens de tuer un homme.

Soren Eriksen! Elle est ici!

Le timbre de voix est féminin. Syu? Dans un effort surhumain, je tente de revenir parmi les vivants. Si un jour le Très-haut m'avait dit que je traverserais ce genre d'épreuve, je ne l'aurais cru. Pourquoi? Pourquoi infliger une telle bataille à un être humain. Son enfant? Reprendre une vie contre la sienne. Est-ce cela la survie? La loi du plus fort?

Seurn. Il est là. Je lève le regard vers mes deux protecteurs. Mes mirettes brillent d'un éclat différent. J'entrouvre les lèvres. Aucun son n'y sort. Je n'y arrive pas. Je n'arrive à poser aucun mot sur les évènements récents.

Mon regard s'agite. Mes mains sont bordées de sang. J'ai la bouche sèche. Mon haleine goûte le fer. Mon corps entier me fait souffrir. Mon arc siège à gauche. Il n'est pas à portée de paluche. Ma dague est du côté opposé. Elle, par contre, est à portée de doigté. Et elle est d'une couleur identique à mes mains.

Une pulsion. Une forte envie. La situation me dégoûte. J'ai envie de l'enterrer derrière moi. Sous moi. Profondément.

- " Rentrons. "

Un seul mot. Un seul. Mais fort.

Je me lève lentement. Difficilement. En appuyant mes mains sur mes cuisses. Je me dirige ensuite vers mes armes, pour les reprendre. Je nettoierai ma lame une fois rentrée à l'auberge. Il est temps de rentrer. Il est temps de marcher pour trouver la sortie de la forêt. Le corps? Je m'en fiche.

- " Rentrons. "
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Soren
Je cours dans la forêt à en perdre haleine. De nuit, oui. L'air que j'expire se condense quand il sort de ma bouche. Le froid s'insinue en moi quand j'inspire. A tel point qu'il gèle mes poumons avant de les bruler littéralement. J'ai l'impression que mon torse va s'embraser tel un bucher de la Sainte-Inquisition.Combustion spontanée. Ma progression n'est pas facile. Je me prends des brindilles dans le visage, le torse, les bras, les jambes.... Parfois même ce sont de belles et solides branches qui viennent me couper la route. Nul doute que cette course me laissera des stigmates. Je n'ai cure d'être discret, ce n'est plus le moment. J'entends la voix de Syuzanna qui m'appelle. je m'arrête, me réoriente et tente de la trouver.

Je sens que j'ai trop forcé ce soir. Ma blessure à la poitrine s'est réveillée. J'espère juste qu'elle ne s'est pas remise à saigner. Dame Ananke n'apprécierait pas beaucoup. Je n'ai cependant guère le temps de vérifier tout cela. Le ton de Syuzanna m'inquiète. Elle a retrouvé Loh, mais je n'aime pas le timbre avec lequel elle a annoncé sa découverte.

Mon chemin est jonché de cadavres que j'enjambe sans trop me poser de questions. Décidément, je ne suis pas le seul qui manque d'entrainement! Je n'ai pas le temps non plus de constater l'étendu des dégâts infligés à l'ennemi : art ou boucherie? L'atmosphère est saturée d'une odeur de sang, c'est manifeste.

Enfin je les retrouve. Je pousse un soupir de soulagement. Loh est sur ses jambes. Elle semble abasourdie, sans doute sous le choc des évènements récents. Son visage et sa chemise sont maculés de sang, mais elle ne semble pas souffrir. Je ne sais ce qui vient de se passer mais j'aperçois un corps inerte non loin de là. Qui l'a eu celui-là? La saxonne? Le temps n'est guère à ce genre de questions. La fillette... pardon... la damoiselle désire rentrer à l'auberge. C'est foutrement une bonne idée. Sans doute la meilleure de la soirée. J'ai un instant un réflexe stupide. Je m'approche de Loh et m'apprête à la prendre dans mes bras pour la porter dans sa chambre, puis je me ravise. Non! Ce serait une grossière erreur. Si c'est elle qui a tué cet homme, alors elle vient de franchir une étape importante de sa vie. Cela se respecte. Elle n'est pas blessée et désormais elle n'est plus une fillette. L'entrée dans la vie d'adulte a été rude. Je ne dois plus la prendre pour ce qu'elle n'est plus. D'ailleurs, qu'elle l'ait tué ou pas n'y change rien. Il est évident que ses illusions d'enfant sont mortes ce soir. Elle croyait venir chasser un animal sauvage et c'est son enfance qu'elle a chassé de son esprit en cette nuit. Non, Loh marchera. Nul besoin d'effusion non plus. Pas maintenant. Elle n'a pas encore tout réalisé. Quand elle en sera là, alors là, elle aura besoin de mon appui et je serais là pour elle. Mais pas maintenant.

Je fais un signe de la tête à Syu.


Oui, rentrons! Nous n'avons plus rien à faire ici.

Je m'approche de la saxonne. En passant derrière Loh, je pose ma main sur son épaule. Pas comme un homme le ferait avec sa maitresse, sans tendresse excessive. Ce geste est celui d'un homme qui réconforte et félicite un compagnon d'arme après l'action. Il est bref et je ne sais même pas si elle en a conscience, perdue qu'elle semble dans ses pensées. Mon regard est tourné vers le cadavre qui git non loin de là pendant que je chuchote à Syu...

J'ai des choses à vous dire. C'est important.

Mon regard ne peut se détacher de ce cadavre. Quelque chose m'intrigue oui... mais quoi? Je ne sais pas. Un détail sans doute. Je ne connais pas ce visage, ses vêtements sont quelconques. Il sent mauvais et.... Je fixe un instant la fibule qui fermait son manteau. Je suis comme attiré par cette fibule. Je ne peux m'en détacher. J'ai déjà aperçu un tel objet. Oui! Mais où? Une fibule avec cet étrange signe gravé en lettres noires...



Je m'approche du corps, m'agenouille et détache ce fermoir l'emportant avec moi, puis je rejoins les deux femmes qui ont déjà repris le chemin du retour. Personne ne parle. Seul le crissement de nos pas sur le gravier du sentier rompt le silence de la nuit.
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Syuzanna.
Est-elle en état de marcher ? Syu regarde Loh, alors que celle-ci émet pour la seconde fois le désir de rentrer. Excellente idée, d'ailleurs. La jeune fille a besoin de dormir.
La Saxonne se souvient du discours de son père, lorsqu'elle-même avait ôté la vie pour la première fois, à un homme. MacDouggal avait semblé si fier de ce que sa fille venait d'accomplir... "Tu te comportes en Saxon, en vrai Saxon !" avait-il dit en lui tapant dans le dos. Du plus loin qu'elle se souvienne, Syu s'est toujours comportée en Saxon. Jamais en Saxonne.
Elle chasse de ses pensées ses souvenirs, alors que Soren lui chuchote quelque chose. Quelque chose à lui dire ? D'important ? Elle pose son regard noisette sur lui, fronçant légèrement les sourcils. Il a un air sérieux qu'elle n'aime pas du tout. D'un signe de tête, elle désigne Loh, qui marche en silence, perdue dans de sombres pensées. Cela a-t-il à voir avec la jeune fille ?
Elle aperçoit soudain quelque chose de brillant, dans la main du Danois. Qu'est-ce donc ?

Soudain, un cri lointain lui fait grincer les dents. Les loups. Ce n'est guère le moment... Mais en cette période d'hiver, la nourriture est rare, même pour eux. L'odeur des cadavres a dû les attirer aussi sûrement que le miel attire l'ours. Il leur faut accélérer le pas, où ils finiront par servir de dessert.
Elle empoigne fermement Loh par le poignet, et la force à accélerer l'allure. La rousse Saxonne n'est pas sûre que son apprentie ait bien compris le nouveau danger qui les guette. Même si les hurlements sont encore lointain, elle sait d'expérience que la meute ne tardera pas à retrouver les dépouilles. L'odeur du sang les guidera. Or, de sang, eux-mêmes en sont couverts...

Tout en marchant à grandes enjambées, Syu ne quitte pas Soren des yeux. Que peut-il bien avoir à lui dire ? Elle n'aime pas le ton qu'il a employé. Cela sent les ennuis à plein nez.

Ils finissent par sortir de la forêt. Devant eux, Compiègne s'étale, tranquille, inconscient de ce qu'il vient de se passer dans leur bois. La neige recouvre la plaine qu'ils ont à traverser avant de rejoindre la ville. La Saxonne a bien envie de courir, mais Loh est-elle en état de le faire ?
La Lune, ronde et pleine, leur révèle les traces des pas des manants, qui les ont attaqué. Sans trop savoir pourquoi, Syu empoigne le manche de sa hachette. Elle se tourne, observe la forêt, et croit remarquer une tache plus sombre, parmi les arbres. Ils ne sont pas en sécurité. Surtout ici, sans le couvert des arbres. Elle serre d'avantage les doigts autour de son arme. Son instinct lui hurle qu'ils ne sont pas en sécurité. Elle se met à courir, à petites foulées, sans lâcher Loh. Il leur faut vite gagner le village, et rentrer à l'auberge. Il y a quelque chose, dans ces bois, qui ne leur veut pas que du bien.

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Loh
Je viens de tuer un homme. Je viens de tuer un homme. Je viens de tuer un homme. J'entends un loup crier. Hum? Je remarque seulement que nous sommes sortis de la forêt. Je regarde alors les alentours de mes grands yeux océan. Je tente de comprendre ce qui se trame. L'ambiance est taiseuse, lourde. Ma protectrice me tient fermement. Elle accélère. Son pas est rapide, sec. Seurn suit la marche. Je le regarde quelques secondes, pensive, rêveuse. La neige enfoncée sous le poids humain joue des maracas.

NON!


Je m'arrête, forçant "ma" saxonne à m'imiter. Je ne me libère pas de son emprise pour autant. Au lieu de cela, j'empoigne ma dague ensanglantée, laissant tomber mon bâton sur le sol neigeux. Mon arc est habilement attaché autour de mon buste.

- " Il est hors de question que nous prenions la fuite plus longtemps! Autant régler le problème maintenant! "

Je suis décidée. Et cela se voit dans mon regard, mes expressions faciales. Je suis en colère. Très en colère. Je les toise tour à tour, débordant d'une confiance que je n'ai jamais affichée devant eux. Ma poigne se referme sur mon arme. Je me surprends même à jouer avec le manche décoré chevaleresquement.

- " Venez! On vous attend! Montrez-vous bande de lâches! "

Je ne sais véritablement pas d'où je viens. Mais ce n'est certes pas la première fois que je suis suivie. Hasard? Je n'y crois pas. Mensonges? Non. Je n'y ai jamais réellement accordé de l'importance. D'où mon silence. Mais maintenant que j'y pense... Cherche-t-on à faire du mal à Seurn? A Syuzanna? A... moi? Il est temps d'en avoir le cœur du brocoli nettoyé!
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Soren
A la surprise générale, Loh s'arrête en chemin. Elle est encore pleine d'humeurs guerrières. Ses yeux en sont injectés. Son ton de voix trahit cet état de fait. Je la regarde et je pince ma bouche. Mes sourcils se froncent et mes yeux se rétrécissent. Je jette un coup d’œil en direction de Syuzanna. Je cherche à prendre la bonne décision. Dois-je lui en parler là? Maintenant? Leur en parler? Loh est jeune, mais elle vient de tuer un homme. Elle peut comprendre. J'aurais préféré ailleurs, à un autre moment, mais elle vient d'en décider autrement. Je hoche la tête en direction de la saxonne pour lui faire comprendre que je vais parler, puis je m'approche calmement de Loh. Je prends la main qui tient son arme et je la rabaisse le long de son corps. Je ne cherche pas à la lui ôter. Je me fais le doux possible, comme jamais je ne l'ai été auparavant. Je place mes deux mains autour de son visage et fixe son regard, déterminé. Aussi déterminé que le sien.

Loh, écoute-moi. Mis à part les loups, il n'y a plus personne ici. Plus d'ennemis. Ils sont morts ou ont disparu. Mais le danger est présent et je suis sur que Syuzanna est de mon avis: il vaut mieux rentrer à l'auberge maintenant pour se reposer. Inutile d'avoir à se battre contre des bêtes sauvages ce soir. Mais...

Je détourne un instant la tête vers la rousse comme si j'attendais un signe, un acquiescement ou un refus. Je reviens ensuite vers la petite fille du couvent de la Mère Sérénité. Mes mains glissent le long de son visage. J'ai un instant oublié que je devais la traiter en compagnon de guerre et non en femme. Je me recule aussi de façon à sortir de son cercle personnel, de sa zone d'intimité.

... Mais je vais tout vous raconter chemin faisant vers Compiègne. A toi et à Syu.

Elle a besoin de quelques instants pour revenir à elle-même, évacuer toute cette pression, toutes ces humeurs guerrières, retrouver la sérénité. Je viens de le comprendre. Je m'assois sur une grosse pierre au bord du chemin.

D'accord, j'ai saisi. On prend quelques instants de repos et on repart ensuite. On ne traine pas. En attendant, je vais vous raconter ce que j'ai à vous dire.

Je prends moi aussi quelques instants pour faire le vide dans mon esprit, puis pour rassembler et ordonner mes idées. Je n'ai pas le droit à l'erreur, et d'un autre côté je ne peux leur mentir. Non, je ne peux pas.

Voilà...Je pense que l'attaque de ce soir n'est qu'une farce, un message que l'on veut nous envoyer. Les mécréants qui nous ont attaqué n'étaient que de pauvres hères. Leurs techniques de combat étaient rudimentaires. Même en nombre supérieure, nous n'avons pas eu trop de difficultés à nous débarrasser d'eux. Nous avaient-ils surestimé? Peut-être... mais ils n'étaient pas seuls. Sont-ils tombés sur nous par hasard? Ou étaient-ils renseignés? Savaient-ils que vous viendrez toutes les deux chasser ce soir? Et si oui, qui les a renseigné? Et dans quels buts?

Je prends un instant pour observer les deux femmes. Comment prennent-elles le début de mon récit?

J'ai poursuivi l'un d'eux après que je l'eus blessé. Il est allé trouvé refuge auprès de celui que je crois être le commanditaire de l'attaque de ce soir. C'était un cavalier. Il était noble ou il était au service d'une maison noble. J'ai vu des armoiries sur son bouclier mais dans le noir, je n'ai pu en distinguer les couleurs.

J'évite soigneusement de raconter comment le cavalier s'est débarrassé du gueux. A ce stade de mon explication, cela n'a pas d'importance.

Pourquoi un noble enverrait-il des gueux trousser des dames un soir en pleine forêt? Qui plus est, des gueux sans grande compétence martiale? Il peut sans doute se payer des hommes de mains bien plus efficaces! Quel était son réel objectif? Je n'en vois qu'un! Vous faire savoir qu'il est là, qu'il est votre ennemi et qu'il reviendra. Que cherche t-il? Que veux-il? Je n'en sais rien. Mais une autre question se pose... A qui en voulait-il?

Mon regard se tourne vers la saxonne.

A vous Syuzanna?

Puis lentement, vers la fillette.

Ou... à toi Loh? J'avoue que je n'en sais rien. L'une de vous pourrait-elle en dire plus sur le sujet?

Je soupire en jetant un coup d’œil en direction de la forêt. Le regard perdu dans le vague, j'ajoute.

Il y a encore une chose que vous devez savoir...

Je prends dans ma main la fibule et la lance en direction de la saxonne.

Vous voyez cet objet? Je l'ai récupéré sur l'homme qui gisait non loin de Loh à l'endroit où nous nous sommes fait attaquer. Vous voyez ces étranges symboles gravés en noir? J'ai déjà vu une pareille fibule...

Des images se forment instantanément dans mon esprit. Retour en arrière, dans le passé, un passé qui n'est pas si lointain...

C'était près de Rouen, en Normandie... après une bataille assez terrible. Les cadavres jonchaient le sol. Il y en avait une quantité incalculable. Une vraie boucherie. Moi, j'en ai réchappé je ne sais même comment. Il faut croire que mon heure n'était simplement pas arrivée. Eux, ils sont arrivés. Ils étaient nombreux. Je dirais une quinzaine. Peut-être même une vingtaine. Ce fut justement cette fibule qui m'a intrigué. Ils portaient tous la même fibule. Tous! Tous avaient ces symboles mystérieux en lettres noires. Ils passaient d'un mort à l'autre sur le champ de bataille. L'un d'eux semblait être leur chef. Ils faisaient le tri parmi les corps inertes. D'un geste, ce chef indiquait si le corps devait être emporté ou pas...Ils étaient venus avec une grande charrette tirée à bras d'hommes. Elle était vide. Quand ils sont repartis, la charrette débordait de morts. Ils étaient tous méconnaissables tant leurs blessures infligées étaient sérieuses. Des corps éventrés, des bras déchiquetés, des jambes arrachées ou broyées par des masses d'armes, des têtes totalement défigurées. J'en avais des haut-le-cœur de voir cette masse de chair humaine ainsi empilée.

Je marque un temps d'arrêt dans cette horreur que je suis entrain de décrire. Je soupire. Me remémorer ces souvenirs me soulève les tripes.

Comprenez-vous pourquoi j'ai du mal à croire qu'ils voulaient abuser de vos charmes? Non, vraiment, il y a quelque chose qui ne va pas dans toute cette histoire. Je ne comprends pas. Je n'aime vraiment pas ça. Ça sent mauvais...très mauvais.
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Syuzanna.
Elle écoute sans mot dire les explications de Soren. Elle observe la fibule, la prend entre ses doigts, l’examine avec attention. La rousse réfléchit un instant. Des ennemis ? A-t-elle des ennemis ? Faut-il leur dire ? Elle hésite, les regarde l’un après l’autre. Cela n’a peut-être aucun rapport. Cela ne doit avoir aucun rapport. Elle passe une main sur son visage, étalant un peu plus le sang qui lui couvre les joues. Elle se doit d’être honnête, même si ce qu’elle va raconter est éloigné de ce qui les préoccupe actuellement.
Elle regarde aux alentours. Il ne faut pas qu’ils perdent de temps, et la manière la plus rapide est de tout dire, puis de rentrer.

La Saxonne tourne son visage vers Loh :


- Tu m’avais demandé de te raconter mon histoire. Je ne prévoyais pas de le faire au milieu d’une plaine en pleine nuit, mais je crois toutefois qu’il est temps, désormais.

Elle fait une pause, et comme sans y penser, sa main droit vient serrer le protège bras qui lui recouvre le poignet gauche. Comme si, après tant de temps, la cicatrice la brûlait encore.

- C’était il y a un an, commença-t-elle en fixant la forêt. Il y a un an, j’étais fille de Chef dans mon Clan. J’étais respectée, crainte, et malgré tout, aimée. Aimée par un homme, que je devais épouser cet automne-là. Il s’appelait Duncan.

Sa voix déraille lorsqu’elle prononce son prénom. Mais elle reprend immédiatement :

- Nous vivions en paix, la vie s’écoulait paisiblement. Jusqu’au jour où un homme du Clan, nommé Blaine, a fomenté une sorte de coup d’état. Il a tenté d’assassiner mon père. Mais celui-ci a eu vent du plan de Blaine. Et il le dénonça publiquement. Alors Blaine déclara officiellement la guerre à mon père. Il réunit tous les hommes qu’il put pendant que MacDouggal faisait de même. Et quelques temps après… Une ou deux semaines… La guerre éclata pour de bon. Les hommes d’un même village se battaient les uns contre les autres. Des frères s’entretuaient. Un homme, alors que mon père se battait contre Blaine Le Félon, abattit sa hache dans le dos de MacDouggal, et il s’effondra. Nous avions perdu. Blaine revendiqua aussitôt le pouvoir, et devint Chef. Mais Duncan… S’y opposa, et il fut pendu. Moi-même, je m’apprêtais à en faire autant, me rebeller, quitte à mourir, d’ailleurs. La mort ne me faisait pas peur. Ne me fait toujours pas peur. Mais Blaine Le Félon refusa de m’ôter la vie, et il choisit de me bannir. Avant de partir, je lui crevais un œil.

Elle s’arrête de nouveau, refusant de les regarder. Ses doigts serrent à présent si fort son poignet, qu’ils sont comme engourdis.

- Et il jura de me le faire payer. Il hurla qu’il se vengerait, que je ne serais jamais en sécurité. Nulle part. Je ne sais trop comment j’ai pu lui échapper en Saxe. J’étais habile, il faut dire. J’étais l’une des meilleures, dans mon Clan. La meilleure, car j’étais la seule femme à me comporter, à avoir été éduqué, comme un homme. MacDouggal m’avait tout appris. Je marchais des jours et des nuits, ne dormant presque jamais. J’ai quitté la Saxe en vie, j’ai traversé Britia en vie, et je suis arrivée en France. Et je vis toujours, il faut croire.

Léger sourire, si léger qu’à peine perceptible.

- Mais de là à affirmer qu’il me poursuivrait jusqu’ici… Comment aurait-il fait pour me retrouver ? Et ces symboles… Il ne me semble pas les connaître. Je ne peux me résoudre à penser que cet homme mystérieux m'en veuille, à moi.

Elle rend la fibule à Soren et soupire doucement.

- Je ne sais pas jusqu’où la haine de Blaine Le Félon peut le mener. Je ne parierais pas sur le fait qu’il tente de m’ôter la vie ici. Cela n’a sûrement aucun rapport, mon histoire et ce qui s’est passé ce soir. Mais je préférais vous le dire. Au cas où. Car si c’est Blaine l’instigateur de tout ceci…

Elle pince les lèvres, et plisse les paupières. Elle ne veut pas les inquiéter. Mais elle doit tout dire. Ainsi, ils peuvent choisir de la quitter et de la laisser régler cette affaire seule, s’il s’avère qu’effectivement, le Saxon à l’œil mort soit le responsable de la bataille de ce soir. Mais elle ne peut s’empêcher de douter… La fibule… Et ce détail, qui la choque mais qui peut pour eux passer inaperçu. Cette manière de ramasser les corps… Elle se mordille les lèvres et achève enfin :

- Il ne renoncera pas. Un Saxon ne renonce jamais.
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Loh
Seurn radote. Je l'écoute. Syu parle. Je l'écoute également. Je n'ai rien à ajouter. Je ne suis pas assez importante pour qu'un noble aux intentions meurtrières m'en veuillent. Parfois, J'ai l'impression qu'ils parlent la langue des guerriers. Je ne comprends pas tout. Je ne cherche pas spécialement à tout comprendre non plus. Surtout que. Qu'est-ce que la main de Soren faisait sur son épaule? Je secoue la tête. Ma tignasse suit la cadence. Oublie ça Loh! Tu ne sais pas s'il t'aime en retour!

Je les regarde tour à tour. Ils doivent avoir le même âge. Et ils sont mes protecteurs. Elle est ma grande soeur. Il est...

- " Nous verrons avec le temps. "

Ma voix est posée. Maladresse. Choc. Colère. Calme. Voici les quatre temps qui ont pris possession de moi ce soir. Alors que je parle, je range ma dague ensanglantée dans son trousseau. Ma ceinture de cuir tressaille. Ma peau en fait de même. Je viens de frôler le bras de mon guerrier. Je me sens prise d'une lasse fatigue. Si peu d'entraînement et déjà des ennuis.

- " Rentrons à l'auberge. C'est le mieux que nous puissions faire pour le moment. Reposons-nous. Nous aurons besoin de toutes nos forces pour les jours à venir. "

Je suis la cadette. J'ai pourtant l'impression d'être la grand-mère du groupe à prononcer ces paroles. Je glisse mes doigts dans la main de Seurn. J'en fais de même avec Syu. Moins sensuelle. Evidemment! La neige immaculée crisse sous nos petons. Nous sommes en route vers l'auberge du Chat Perché. Nous sommes silencieux. Nous sommes pensifs. Nous sommes loin. Et pourtant si proches l'un de l'autre.
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