Charlemagne_vf
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Charlemagne Henri Lévan de Castelmaure-Frayner avait quitté sa Bourgogne pour les terres Montalbanaises, sur lesquelles régnait en maître contesté son frère aîné et bâtard.
Son train de vie avait été largement réduit depuis son enfance au Louvre, puis à Chastellux, en passant par Corbigny. Le traitement des hérétiques ne permettait pas une vie opulente, et une fausse clandestinité le destinait à une famine toute relative.
Néanmoins, les rapports que pouvait entretenir le Prince avec son ravisseur étaient cordiaux. Parfois, ils tenaient d'un discours familial, d'autres fois, c'était un lien de précepteur que maintenait le Resplendissant. Rarement, pour ne pas dire jamais, Charlemagne avait été témoin d'une colère réformée. Tout au plus avait-il eu l'occasion de noter la fougue d'un prêche religieux.
Aussi banal puisse paraître la relation fraternelle, le jeune Aiglon était contraint de lire à voix haute toutes les lettres qu'il recevait, souvent avec un retard du au transfert du courrier reçu en ses terres jusques en Guyenne.
Ce jour, les missives tombèrent par sac. D'abord une invitation à un anoblissement, laquelle fut déclinée. Ensuite, une demande à paraître à des épousailles. Le frère ayant reçu la même, il n'était nul besoin d'y répondre. Puis un courrier officiel appelant à son vote en Collège Nobiliaire de Bourgogne. Vote qui parvint à Dijon dans les jours qui suivirent, sans que le Resplendissant ne s'en occupe.
La politique Bourguignonne avait toujours été une chose à laquelle Béatrice l'avait initié, le sachant héritier de ses terres, initiation poursuivie un temps avec la Baronne de Seignelay.
Ladite Baronne y allait aussi de son courrier. Charlemagne avait gagné en estime pour sa vassale, mais pas assez pour attendre avec impatience ses lettres. Ces dernières suaient le chagrin, et s'il l'avait souhaité, l'Infant n'aurait pas pu y compatir. Néanmoins, il n'était pas dénué de savoir-vivre, et comme l'on le lui enseignait, il répondrait sans doute à la Dame de Railly ce qu'elle voulait lire.
Mais avant de prendre plume, il fallait articulé, perdre du temps en vaines paroles. Langage économisé et gâché par l'Infant qui préfère ne parler que quand on le lui impose. Lire une chose écrite lui semble une perte de temps, d'énergie. Mais puisque Sancte le veut, à Sancte l'on le concède.
Madame de Railly m'a écrit ceci, Monsieur :
Votre Altesse,
Charlemagne,
Cher Enfant,
Puisse cette lettre vous trouver en parfaite santé !
Sancte me jure que cela sera et que s'il advenait du contraire, il me ferait prévenir.
C'est que j'ai premièrement écrit à cet homme afin de m'assurer qu'il vous laisserait parvenir mes lettres.
Il a émis une condition que j'exècre mais à laquelle je suis obligée de céder puisque tel est le prix pour vous écrire. Il exige de lire mes mots avant de vous les confier.
J'ai sa promesse par contre, que vos réponses ne seront pas soumises à ce triste traitement. Puisse-t-il tenir parole.
Si nous en sommes réduits à user de la plume, c'est de ma faute, entièrement, mon Enfant. Car je n'ai pu vous protéger. Me pardonnerez-vous un jour, pour cette faiblesse ? Un sentiment de honte et de contrition me serre le coeur. J'ai failli à la mission de feue votre Chère Mère. J'enrage, croyez-le bien !
Dites-moi de quoi se compose vos journées, êtes-vous bien installé, recevez-vous tous les égards qui vous sont dus, apprenez-vous chaque jour, au moins une chose nouvelle afin de parfaire votre intelligence ?
Voici tant de questions que je me pose alors que j'aimerais moi-même pourvoir à tout ceci.
Il fut bien court, le temps de notre vie passée ensemble. Oserais-je vous dire que vous me manquez.
Il se peut que Sancte s'efforce de vous apprendre sa religion, c'est, je le pense, le dessein qui l'a poussé à vous enlever.
Ecoutez avec sagesse ce qu'il vous enseigne mais jamais, n'oubliez ce que votre Mère et moi-même voulions pour vous.
Feue Béatrice était une femme pieuse pour qui le Livre des Vertus était la seule vérité.
Ainsi, puisque nous sommes tous Enfants du Très Haut, il faudra que votre frère accepte votre choix, le moment venu.
Portez-vous bien, mon Enfant, tenez-vous bien, soyez fort et digne, pour votre Nom.
Puisse le Très Haut vous tenir sous son Aile.
Della.
Elle m'aime bien, je crois. Que dois-je lui répondre de mes activités ? Et pourquoi dit-elle que vous n'avez pas la même religion ? Je veux savoir.
Vouloir. Quel charmant credo.
Et quel choix devrais-je faire ? Je ne comprends pas.
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