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[RP] Dictées à la sauce Sancte

Charlemagne_vf
    Charlemagne Henri Lévan de Castelmaure-Frayner avait quitté sa Bourgogne pour les terres Montalbanaises, sur lesquelles régnait en maître contesté son frère aîné et bâtard.
    Son train de vie avait été largement réduit depuis son enfance au Louvre, puis à Chastellux, en passant par Corbigny. Le traitement des hérétiques ne permettait pas une vie opulente, et une fausse clandestinité le destinait à une famine toute relative.
    Néanmoins, les rapports que pouvait entretenir le Prince avec son ravisseur étaient cordiaux. Parfois, ils tenaient d'un discours familial, d'autres fois, c'était un lien de précepteur que maintenait le Resplendissant. Rarement, pour ne pas dire jamais, Charlemagne avait été témoin d'une colère réformée. Tout au plus avait-il eu l'occasion de noter la fougue d'un prêche religieux.

    Aussi banal puisse paraître la relation fraternelle, le jeune Aiglon était contraint de lire à voix haute toutes les lettres qu'il recevait, souvent avec un retard du au transfert du courrier reçu en ses terres jusques en Guyenne.
    Ce jour, les missives tombèrent par sac. D'abord une invitation à un anoblissement, laquelle fut déclinée. Ensuite, une demande à paraître à des épousailles. Le frère ayant reçu la même, il n'était nul besoin d'y répondre. Puis un courrier officiel appelant à son vote en Collège Nobiliaire de Bourgogne. Vote qui parvint à Dijon dans les jours qui suivirent, sans que le Resplendissant ne s'en occupe.
    La politique Bourguignonne avait toujours été une chose à laquelle Béatrice l'avait initié, le sachant héritier de ses terres, initiation poursuivie un temps avec la Baronne de Seignelay.

    Ladite Baronne y allait aussi de son courrier. Charlemagne avait gagné en estime pour sa vassale, mais pas assez pour attendre avec impatience ses lettres. Ces dernières suaient le chagrin, et s'il l'avait souhaité, l'Infant n'aurait pas pu y compatir. Néanmoins, il n'était pas dénué de savoir-vivre, et comme l'on le lui enseignait, il répondrait sans doute à la Dame de Railly ce qu'elle voulait lire.
    Mais avant de prendre plume, il fallait articulé, perdre du temps en vaines paroles. Langage économisé et gâché par l'Infant qui préfère ne parler que quand on le lui impose. Lire une chose écrite lui semble une perte de temps, d'énergie. Mais puisque Sancte le veut, à Sancte l'on le concède.


    Madame de Railly m'a écrit ceci, Monsieur :

    Votre Altesse,
    Charlemagne,


    Cher Enfant,

    Puisse cette lettre vous trouver en parfaite santé !
    Sancte me jure que cela sera et que s'il advenait du contraire, il me ferait prévenir.
    C'est que j'ai premièrement écrit à cet homme afin de m'assurer qu'il vous laisserait parvenir mes lettres.
    Il a émis une condition que j'exècre mais à laquelle je suis obligée de céder puisque tel est le prix pour vous écrire. Il exige de lire mes mots avant de vous les confier.
    J'ai sa promesse par contre, que vos réponses ne seront pas soumises à ce triste traitement. Puisse-t-il tenir parole.

    Si nous en sommes réduits à user de la plume, c'est de ma faute, entièrement, mon Enfant. Car je n'ai pu vous protéger. Me pardonnerez-vous un jour, pour cette faiblesse ? Un sentiment de honte et de contrition me serre le coeur. J'ai failli à la mission de feue votre Chère Mère. J'enrage, croyez-le bien !

    Dites-moi de quoi se compose vos journées, êtes-vous bien installé, recevez-vous tous les égards qui vous sont dus, apprenez-vous chaque jour, au moins une chose nouvelle afin de parfaire votre intelligence ?
    Voici tant de questions que je me pose alors que j'aimerais moi-même pourvoir à tout ceci.
    Il fut bien court, le temps de notre vie passée ensemble. Oserais-je vous dire que vous me manquez.
    Il se peut que Sancte s'efforce de vous apprendre sa religion, c'est, je le pense, le dessein qui l'a poussé à vous enlever.
    Ecoutez avec sagesse ce qu'il vous enseigne mais jamais, n'oubliez ce que votre Mère et moi-même voulions pour vous.
    Feue Béatrice était une femme pieuse pour qui le Livre des Vertus était la seule vérité.
    Ainsi, puisque nous sommes tous Enfants du Très Haut, il faudra que votre frère accepte votre choix, le moment venu.

    Portez-vous bien, mon Enfant, tenez-vous bien, soyez fort et digne, pour votre Nom.

    Puisse le Très Haut vous tenir sous son Aile.

    Della.

    Elle m'aime bien, je crois. Que dois-je lui répondre de mes activités ? Et pourquoi dit-elle que vous n'avez pas la même religion ? Je veux savoir.


    Vouloir. Quel charmant credo.

    Et quel choix devrais-je faire ? Je ne comprends pas.

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Sancte
"Et quel choix devrais-je faire ? Je ne comprends pas."

La plus grande difficulté d'un projet, est toujours d'en actionner l'amorce. Entamer une phase concrète de ses plans, c'est déjà avoir fait la moitié du chemin. Autant dire qu'avec Charlemagne, le ministre Réformé apercevrait bientôt le bout du tunnel. La Baronne de Seignelay lui avait écrit, à lui aussi. Deux lettres qui lui avaient fait comprendre à quel genre de femme il avait arraché son frère. Deux lettres qui loin de le submerger de remords, confirmèrent la froide nécessité de ses choix. L'idée de voir cet enfant partagé entre la fidélité qu'il devait à son sang et à la courtoisie qu'il devait à sa tutrice qui se revendiquait dépositaire des dernières volontés maternelles, ne lui plaisait que couci-couça, tant ces exécrables situations lui rappelaient ces familles qui se déchirent en faisant tout pour s'adjoindre la complicité active de leurs enfants dans ces guerres jamais bénignes, mais toujours sales. Cela lui rappelait d'ailleurs qu'à l'avenir, il devra expliquer plus en détail au Prince pourquoi il le soumet à cet exercice contraignant, consistant à lui lire les courriers qu'on lui envoie. A cet âge, on ne dispose pas encore des armes pour anticiper toutes les conséquences d'un mot plein de fiel.


Rassurez-vous, monsieur mon frère. Elle ne le comprend pas davantage que vous. C'est le propre des femmes que d'être soumises à la prêtraille qui emmagasine leurs secrets de famille sous le prétendu scel de la confession. Cet abandon, cette confiance absolue, font qu'elles se livrent corps et âme à leur confesseur et à la religion qu'ils incarnent, sans jamais chercher la parole de Dieu là où elle se trouve: dans les Écritures. Conservez ces lettres et n'oubliez jamais de vous méfier du chantage affectif. Il est de grandes chances qu'un jour, vous accédiez à de hautes responsabilités au sein du Royaume, où vos actions détermineront le sort de milliers de sujets. Dès lors, rappelez-vous toujours que si les émotions sont le plus beau trésor de votre vie privée, elles devront toujours être considérées comme le plus redoutable ennemi de votre vie publique. Si une jolie femme vient vous demander justice, fermez les yeux à ses larmes et verrouillez votre oreille à ses soupirs ; considérez froidement sa requête si vous ne désirez pas qu'elle affecte votre jugement par ses pleurs et votre vertu par ses gémissements.

Vous allez apprendre à mes côtés à plonger au cœur des Écritures, et à la suite de votre enseignement, vous aurez à choisir entre l'idolâtrie Romaine et le dépouillement de la foi réformée ; entre la beauté d'une illusion et la rigueur de la réalité ; entre les délices matériels de ce monde ... et votre Salut dans l'autre.

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Charlemagne_vf
    Le Prince n'aime pas parler. Il voit en la parole, en l'idée qu'un mot quitte ses entrailles, une perte considérable. A ses yeux, le mot est un trésor, et le prononcer n'est rien de plus que son évaporation dans l'air.
    Sancte est un homme de parole, mais ses dires n'ont pas vocation à la futilité. Dans son enfance Royale, Charlemagne vécut entouré de femmes aux préoccupations basses. L'on parlait de robes, de couleurs, de tentures, de macarons. Tant de termes, qui, de force d'être répétés perdirent tout de leur substance, de leur valeur.
    Cependant, quoi que tenant à économiser le verbe, et de fait pouvant passer pour simple, le Duc du Nivernais avait trouvé une alternative à cette peur du vide, à cette crainte de devenir muet, faute d'avoir trop parler.
    L’écriture.

    Guise Von Frayner, Implacable Souverain de Bolchen, était un homme de droit, un homme de lettres. Des textes fondateurs du droit Lorrain à ses mémoires. Des rares lettres à son épouses, à celles, prolixes, adressées à l'Empereur.
    Béatrice de Castelmaure aimait à se lire. Si elle était une épistolière talentueuse, elle était aussi une incorrigible femme du Monde, qui avait parfois plus de forme que de fond.

    Ce savant cocktail destinait Charlemagne à l'art d'écrire, comme à celui de lire. Il semblait à l'Infant que Sancte aussi trouvait un sens à l'écriture. Il ne saisit pas encore la nuance que pouvait apporter la majuscule, et ne s'en préoccupa pas. Mais conforté dans l'idée qu'écrire menait à la vérité, au pouvoir, à ces hautes responsabilités. Dans une mesure qu'il n'était pas encore en mesure de comprendre, les mots le sauveraient ; il ne restait plus qu'à savoir en user, les manier, leur faire dire ce que l'on en souhaite.
    Quant aux apparences, quant à la froideur, quant à la fermeture du sentiment, quant à son danger : il avait compris. Depuis longtemps.

    Enfin, persuadé qu'un jour il régnerait, rétablissant la dynastie de Castelmaure, reprenant le Droit du Sang ; assuré que son frère servirait ce dessein, le Fils de France s'en fut jusques à son pupitre.
    Là, il prit en main une plume. Elle avait été taillée avec soin, pour des gens qui ne souffraient la tâche d'encre. L'encre sombre, d'un azur nocturne vint s'ancrer à l'extrémité de ce qui appartint un jour à une créature volatile.
    Enfin, la pointe de la rémige vint gratter le vélin, produisant le délicat crissement d'un tourne-disque sur le vinyle.


    Citation:
    A Della de Volvent, tout à la fois Baronne de Seignelay & de Montpipeau, Dame de Railly & de Bréméan,

    Saluts distingués.

    Je suis, Madame, en parfaite santé.
    Monsieur mon frère n'est pas le tyran que vous pensez ; quoi qu'en Grèce, le tyran ne doive pas être nécessairement un despote. Oedipe en était un, son peuple l'aimait pourtant ; son seul tort fut de prendre le Pouvoir par force.
    Ainsi, voyez-vous, je reçois une éducation convenable, tant avec Lui qu'avec quelques précepteurs, en des matières qu'il ne maîtrise pas.
    En effet, je dois Lui lire chacun des courriers que je reçois, & à moins que je ne le sollicite, il n'apporte aucune correction au fond de mes correspondances ; mais la forme, pour mon apprentissage, est largement revue.
    S'il sait le contenu de mes lettres, il n'en est pas l'écrivain.

    Ma Mère, Madame, a échoué à la sienne, qui était de vivre. Nul ne vous reprochera d'avoir failli. Je ne le ferai pas.

    Mes journées sont dévouées à l'étude. Monsieur mon frère me fait enseigner la latin & le grec, en lesquels les bases inculquées au Louvre sont d'un grand secours. L'histoire de France m'est expliquée, de concert avec les civilisations romaines & hellénistes. La géographie d'Europe m'est montrée, & calligraphie, rhétorique et expression sont, vous le constaterez, mis à l'emphase.
    Je n'entends rien aux prêches religieux, quel qu'en soit le prêcheur, & j'escompte tôt lire ce que l'on appelle les Écritures.
    J'ai reçu une lettre de votre Mère, qui souhaite mes votes au Collège de Bourgogne. Je les lui ai envoyés. Le temps passé à vos côtés m'aura au moins appris les devoirs de la Noblesse. Je vous en sais gré.

    Mon confort n'est pas celui auquel l'on m'a habitué, mais il n'est pas détestable, soyez rassurée.

    Nous irons aux épousailles du Comte de Rabat & de la Vicomtesse de Lautrec, ce mois. J'ai refusé de retourner en Bourgogne pour l'anoblissement d'une Demoiselle de Chambertin. Mon frère pense que l'honneur était de répondre à mon prime engagement, plutôt qu'à mes primes désirs. A-t-il raison ?

    Portez-vous bien aussi.

    S.A.R. Charlemagne Henri Lévan Von Frayner-Castelmaure.



    Mon frère. Cela ira-t-il ?

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Sancte
C'est digne de vous, Altesse. répondit sobrement le demi-frère, après une relecture fort attentive que le Prince lui avait réclamée. Il ne se permit aucun commentaire sur le fond. Mais ... Recommencez simplement en explicitant que vous faites référence au mot "mission" lorsque vous dites que votre mère a échoué à la sienne. Recopiez donc ceci au propre en vous appliquant bien sur les majuscules et descendez ensuite en la salle à manger. Le rôt est prêt et nous n'allons pas tarder à passer à table.

N'ayant pas oublié les mots de la Baronne à son endroit et trouvant qu'elle poussait le bouchon un peu loin, le précepteur clandestin mit premièrement ce laps de temps à profit pour répondre lui-même à la lettre indigne qu'il avait reçu. Secondement, il demanderait à l'Infant de se charger en ce Vendredi, jour des Humbles, de réciter le bénédicité. A côté de ce dernier, Iohannes alla donc faire grignoter le cuir à une penne aussi tranchante que les mots qu'elle servirait à tracer. Une lettre qui ne suffirait certes pas à supprimer la l'animosité desséchée de la Baronne envers sa personne, mais sachant que les lettres déplaisantes valaient mieux que le silence en ce qu'elles maintenaient un lien envers qui se sentait coupable des évènements, il joignit le frottement électrophone de sa plume à celui de son frère, sur un grand et large bureau, en face et au dessous duquel se tenait celui de Son Altesse Royale Charlemagne. Ce n'est qu'une fois qu'ils eurent terminé, que le ministre se risqua à demander:

Croyez-vous le plus sérieusement du monde et en toute sincérité que la mission de votre défunte mère fut de vivre ?
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Charlemagne_vf
    Un nouveau vélin fut pris, la plume fut de nouveau trempée, le sable fut de nouveau jeté. Mais cette fois, puisque correction avait été apportée, la missive fut scellée sans être relue.
    Elle serait menée vers l'Orléanais.
    Le Prince était satisfait, et l'activité exaltante lui ayant procuré plaisir, il ne pensa pas même à s'offusquer de la question de son aîné.
    Mieux. Il y répondit.


    Pour ses fils, elle aurait du. Elle n'était que malade. L'on n'apprend pas qu'il existe des remèdes pour trépasser ainsi.

    Une mission pour le peuple ? Charlemagne ne haïssait pas la plèbe pour rien. Elle lui avait ôté une mère, son temps et ses marques d'affection.
    Une mission divine ? L'Altesse Royale n'imaginait pas encore que ce fut seulement possible.
    Cependant, il était une chose qu'il ignorait, parce qu'on lui avait menti, le croyant fragile. L'Infant pensait sa mère décédée de la maladie qui l'avait menée en repos à Chastellux, quelques semaines avant sa mort.
    Nul n'avait pensé que la vérité lui serait bénéfique. Nul n'avait imaginé que lui narrer la violence de l'attaque et du meurtre pourrait se muer en force.

    Pensez-vous que l'on peut sincèrement avoir pour mission de guider un peuple, de l'élever vers une vie meilleure ? L'on m'a dit que c'est ce que font les Rois. Je pense qu'un Roi n'est que l'artifice que l'on donne aux gueux pour qu'ils se taisent, pensant qu'on leur veut du bien, alors que l'équilibre du Monde n'est rien de plus que préserver l'Ordre établi, laissant intelligemment penser à la Roture qu'elle peut s'élever, aux fins qu'elle ne cherche pas trop véhément à le faire. Le Roi n'a pas d'autre mission que d'être. Ma mère a échoué. Mais quand je serai Grand, je serais un Roi qui n'échoue pas.

    Béatrice avait été, mais en orphelin, Charlemagne - qui s'était exprimé avec la suffisance de son âge, et cet air de tout connaître, usant de mots savants, dont les nuances ne lui étaient pas familières - niait ce fait. Son égoïsme ne supportait pas que l'on ait pu s'intéresser à autre qu'à lui-même. Que l'on ait pu mourir quand on l'avait, lui, pour fils.
    Quant à devenir lui-même un Roi, il se pensait rigoureusement destiné à cette distinction. Mais pas pour être un de ces Rois qui ornent les pages d'un livre d'Histoire. Être un Roi, pour le Fils de France, ne serait pas question de participer à cette Histoire et d'en dessiner les enluminures, tout serait idée d'être l'Histoire.
    Et dans cette optique, l'on peut bien être patient, l'on peut bien accepter sa condition d'enfant, prisonnier d'un carcan, puisque l'on sait qu'un jour, chacun sera prisonnier de celui que vous aurez forgé pour eux.

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Sancte
Charlemagne_vf a écrit:
Le Roi n'a pas d'autre mission que d'être. Ma mère a échoué. Mais quand je serai Grand, je serais un Roi qui n'échoue pas.


Il est certaines occasions où l'on préfèrerait être sourd comme un pot, plutôt que d'avoir à supporter l'incongruité ou l'indécence de certains discours. Mais quelle perspective l'Infant pouvait-il avoir du peuple de France, lui qui avait si rarement pointé son nez en dehors des châteaux et des belles demeures ? Voilà que son précepteur se trouvait dans l'impossibilité de répondre promptement, dans l'impossibilité de chicaner ses dires sans provoquer d'indésirables conséquences, venant à la conclusion qu'il n'y aurait pas, couci-couça, de ton approprié, couci-couça, de mots propices à user, dans l'optique de recadrer son élève. Pour le monde, finalement, Charlemagne n'était rien de moins qu'un étranger. Et inversement. A lui d'en faire un évadé, et de lui donner durant au moins quelques années une vision de ce que peut-être la liberté, s'il ne voulait pas que son jeune frère ne se demande un jour ce qui grouille, vit, pleure, saigne, et existe en son royaume au delà de la nuit. Nul évadé ne peut disparaître éternellement. Bientôt, il le savait, Charlemagne regagnerait sa prison dorée. Mais au moins pourra-t-il un jour, après son apprentissage de la vie, affirmer avec détermination face à ses conseillers: "Messieurs, tel est le vrai."

Aucune réplique cinglante ou de propos moralisateur à opposer.
Iohannes biaisa.


Auriez-vous donc conclu un pacte secret avec la mort, jeune Prince ?
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Charlemagne_vf
    La mort. Le Prince l'avait maintes fois rencontrée. Cette silhouette insaisissable, il avait senti sa présence, peut-être même avait-elle humé ses mèches noires.
    Informe, elle planait au dessus de l'Infant, et par deux fois, elle avait fondu sur lui. Sa mère. Son père. Récemment, quelques aigles avaient été foudroyés en plein vol.
    Avait-il alors signé un pacte avec Pluton, son maître ? Avec la Faucheuse elle-même ?
    Tout cela était, même pour un esprit si jeune, métaphorique bien entendu. Et en aucun cas Charlemagne ne prit au mot son frère, quoi qu'il fut tenter de répondre par le littéral.
    C'est néanmoins sur le même registre, que réponse fut offerte.

    Si pacte il y eut, elle s'est gardée de me mander de signer. Elle n'a pas besoin d'accord pour agir. N'est-ce pas ?
    Pourquoi cette question ?

    Avait-il évoqué la mort, dans son discours sur la Royauté ? Il ne s'en rappelait pas. Il cherchait un lien. La question n'était pas anodine, puisque Sancte ne semblait pas, aux yeux de son puîné, être un homme à refuser la transition. Tout était porteur de sens, infiniment.
    Le regard céruléen de Charlemagne se posa dans celui du sombre personnage. Qu'attendait-il réellement de lui ? Pourquoi avait-il tenu à lui octroyer une éducation à sa façon. Ces questions, le Fils de France n'avait pas cherché à y trouver réponse. Elles apparurent sans prévenir.

    Que suis-je pour vous ?

    Trouble existentiel. Toujours, le Prince cherchait sa place dans cette société feutrée, dans ces salons de velours, dans ces cathédrales encensées. Lorsqu'il enterra sa mère, ses premiers mots à l'officiant furent prononcés pour connaître le lieu qui lui était dévolu.
    Quelle est le rang, la place, la raison d'être d'un enfant de sa naissance, quand son monde a disparu ? Quand il se retrouve seul, exilé, avec pour frère un paria, l'est-il lui aussi ?
    Les lèvres charnues de l'Altesse furent pincées. Son coeur battait.
    Trouble. Sociopathie. Fascination morbide. Charlemagne.

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Della
Le temps avait passé, doucement, effaçant certains chagrins, ouvrant sur de nouveaux lendemains, prometteurs.

Citation:
A vous,
Votre Altesse,
Charlemagne,


Bonjour.


Pardon si je vous ai donné l'impression de vous oublier, en ne vous écrivant pas.
Je vous ai vu au mariage du Comte de Rabat, en compagnie de votre frère.
J'aurais voulu aller vers vous et vous parler de vive-voix, comme nous avions le bonheur de le faire avant que vous ne me quittiez et que vous ne partiez si loin.
Mais il m'est apparu qu'il ne serait pas sage d'ainsi me comporter, je préférai donc rester auprès de mon cher époux, me contentant de constater quelle bonne mine vous aviez. Je m'en réjouis. Vous êtes bien traité. Pouvait-il en être autrement, étant auprès de votre famille.

Si je prends la plume ce jour, mon cher Enfant, c'est pour vous annoncer une nouvelle, j'ai donné le jour à un fils prénommé Clement Lexhor Jules.
Kéridil est heureux, je le suis aussi.
J'ose espérer que vous vous réjouirez aussi de cette naissance, avec nous.
Il n'y a aucun secret, si cela vous dit, vous pouvez en informer votre frère qui de toute façon le saura puisqu'il lit votre courrier.
Remettez-lui par la même occasion, mon bonjour.

A une autre fois,
Que le Très Haut vous bénisse, mon Enfant.

DdlMdAE.

_________________
Charlemagne_vf
[Plus tard, donc.]

    Charlemagne vivait, survivait, étudiait, et voyait à l'occasion de quelques rapports pompeux venus de ses terres s'enrichir son pécule. L'avantage de la tutelle était certainement l'idée de revenus sans grandes dépenses personnelles, sans folies.
    Les folies, au contact de son demi-frère, n'étaient pas courantes, et le Prince lui-même n'était pas un garçon très enclin aux écarts.
    Sa gourmandise Royale, seul excès de sa vie si l'on exclut l'orgueil, avait du s'amenuiser par la force des choses.

    Après son Grec, il était donné à l'Infant de recevoir son courrier. Après le courrier, il n'était pas rare que l'on lui permette de monter à cheval, en armure pour l'habituer au poids de la ferraille, et parfois même devait-il jouter contre des épouvantails rotatifs, se prenant à chaque échec un soufflet dans les côtes.
    Une vie de Prince, à n'en pas douter, qui, si elle avait le mérite de durcir le Fils de France et d'opérer en lui un changement physique significatif, ne manquait pas d'empirer son caractère déjà fier et clos. Seul, il réfléchissait souvent. Ses lectures favorites n'étaient plus poétiques, il lisait d'austères moralistes et de sombres philologues. Leur style épuré lui plaisait et dans ses lettres, il se plaisait à les imiter.

    Lorsque l'Aiglon recevait les lettres, la plupart banales, qui lui étaient destinées, il les lisait à haute voix à Sancte.
    Ce jour, deux se distinguèrent, moins banales que les nouvelles de différentes Chambres de Noblesse :
    Le première, de Della de Volvent, annonçait une naissance ; l'exercice consisterait à paraître réjoui, et à féliciter la Dame de Railly.
    La seconde, de la Marquise de Nemours, annonçait un mariage, et faisait office d'invitation. Il conviendrait de convaincre le Resplendissant.

    Les lectures furent faites. D'abord Seignelay.
    Puis Decize :

    Votre Altesse,

    Nous ne nous sommes jamais officiellement rencontrés, et vous serez sûrement surpris de recevoir une missive de ma part. Je vous ai croisé quelques fois au Louvre, mais peut-être ne vous souvenez-vous pas même de mon visage. Je m'en veux, j'aurais dû prendre de vos nouvelles de nombreuses fois, et ce malgré mon absence de responsabilité envers votre personne. J'étais une très bonne amie de votre regrettée mère, et je l'aimais sincèrement. Je pense qu'elle m'affectionnait assez aussi, je l'espère du moins.

    Dans son testament, elle approuvait mon union avec un jeune homme dont vous avez peut-être entendu parler, étant d'origine Bourguignonne pour moitié et fils d'un Pair de France. J'épouse Aimbaud de Josselinière le dixième jour de décembre à Paris, et j'espérais que vous me feriez le plaisir de votre présence à ces noces. Vous êtes mon suzerain, et malgré le fait que vous soyez encore mineur, nous n'en sommes pas moins liés. J'aimerais que nous nous connaissions bien, j'aimerais que nous nous apprécions, cela plairait à votre mère et cela me plairait beaucoup aussi. Le souvenir de Béatrice est encore vivace et j'aimerais qu'il le reste toujours.

    Je vous adresse mes considérations les plus sincères.
    Que Dieu vous protège et vous guide.

    Clémence de L'Epine

    - "Mon Frère, je souhaite rencontrer ma vassale. Et je ne sais que répondre à ma tutrice. Je crains d'être Froid."


    Usuellement, la distance adoptée par Charlemagne était une arme et une qualité qu'il se vantait d'avoir. En l'occurrence, il trouvait appropriée l'idée qu'avait eu la Baronne de mettre bas, remplissant ainsi un devoir de femme et d'humaine. Condescendant, il souhaitait donc l'encourager sur cette voie, et pour ce faire, il faudrait se montrer ouvert et gai.

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Sancte
Ainsi la Baronne lui remettait son bonjour. Qui avait lu la dernière lettre qu'elle lui avait directement adressé n'aurait pas manqué de se convaincre que c'était là l'hôpital qui se moquait de la charité. Il était pourtant convaincu qu'elle finirait lentement par l'aduler pour ce que deviendrait le Prince. Premièrement pour la rigueur de son instruction et la finesse de son esprit. Secondement pour la vigueur physique que le jeune Prince ne manquerait pas de développer à l'aube de ses vertes années. Iohannes se contenta d'acquiescer pour indiquer son accord quant à la rencontre avec la vassale et indiqua en silence le plumier afin que Charlemagne s'en saisisse. Il écrirait un brouillon de son style froid. Au Réformé d'y mettre par la suite ce qu'il fallait de chaleur pour paraître sincère et enjoué, sans tomber dans le piège de l'obséquiosité hypocrite. Tandis que son frère écrivait, Iohannes rattacha un ruban défait qui pendait de la manche du jeune homme depuis environ un quart d'heure. Après cette séance épistolaire, il était prévu d'aborder la question du Salut et par conséquent de l'accès au paradis, que les Huguenots avaient coutume d'appeler: «le jardin des délices ». Puis, enfin, la question de l'enseignement réglée, ils iraient marcher un peu et se détendre sur un tapis mousseux des reliefs du Quercy pour assister au spectacle unique du soleil couchant agonisant sur l'horizon d'une nature hivernale.

Clémence de l'Épine & Aimbaud de la Josselinière ...
Tiens donc.

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Charlemagne_vf
    Le Resplendissant fut laconique. Charlemagne, frustré à l'idée de n'être pas guidé, sentant son éducation lui filer entre les doigts, "je le ferai pour vous" à l'appui, décida, contestataire, de renvoyer le laconisme au visage de son frère.
    Pour la Marquise de Nemours, il s'appliqua.

    Citation:
    A Clemence de l'Epine, Marquise de Nemours, Dame de Decize,

    Salut.

    Nous viendrons.

    Pax Vobiscum.

    S.A.R. Charlemagne Henri Lévan von Frayner-Castelmaure, Duc de Bolchen & du Nivernais, Vicomte de Chastellux & de Baudricourt, Baron de Chablis, de Laignes & de Thuillières.


    Pour la Dame de Railly, il laissa à son précepteur réformiste le soin d'orner une base :

    Citation:
    Madame,

    Félicitations pour votre délivrance.

    Soyez bénie.

    S.A.R. CHLvFC


    Ainsi mon frère est-il satisfait ?

    Résistance ! Résistance !
    C'est qu'une éducation princière ouvre tôt l'esprit critique, en un monde où l'on vit en moyenne jusqu'à cinquante ans, il est important de savoir avant tout le monde. Dans une caste où l'on peut être destiné à régner à cinq ans, il convient de savoir lire à quatre, et de s'exprimer en latin au même âge, dans une France où certains Rois enchaînent les erreurs grossières, il convient de ne pas les imiter.
    Charlemagne est un enfant en avance, un adulte en herbe. Sept ans, âge de raison dit-on. Lui, la raison, on lui a fait entrer en tête à quatre.
    Fils de Guise von Frayner et de Béatrice de Castelmaure, comment aurait-il pu rester inculte si tard ? C'était en toute logique, écoutant les laïus de l'un et les boniments de l'autre, lisant les traités de l'un et les déclarations de l'autre, que le Prince avait acquis son savoir primaire, qu'il convenait de peaufiner. Les bases étaient acquises, il attendait plus. Bientôt, il demanderait à connaître l'arithmétique. Cela venait juste après la logique.

    Mais il savait que l'heure serait à la religion, avant d'aller voguer en amoureux vers le couchant avec son aîné.

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