Que sont nos murs aujourd'hui devenus ? Clarri passe devant la rue qui longe la grande halle de Saint-Claude. C'est ici pensa-t-elle...ça doit être là au milieu d'autres rues encombrées d'étals, jadis bariolés, aujourd'hui désuets...reste quand même les parfums de terroir et d'autres, véhiculés par les marchands ambulants qui sautent aux narines.
Oui, ça doit-être ici, au milieu de ces ruelles étroites qui s'entrelacent, de ces petits ponts qui enjambent tout un embrouillamini de ruisseaux et de sources qui se jettent dans le Doubs.
Elle engage la grosse clef qu'elle a prise au bureau de Ezekiel...taclac...clacclac. Elle ouvre. Un oeil sur la façade encore défraîchie. Normal. La salle des fêtes est fermée depuis de longs mois, depuis le jour où la Mairie avait célébré...quoi déjà ? Elle ne savait plus bien. Mais qu'importe, le vin et la bière avaient coulé à flots.
Ses souvenirs résonnent encore des cris des enfants turbulents qui jouaient devant la salle...elle sourit.
La demeure n'est pas très prétentieuse, un sol de terre battue, des murs décrépis sur lesquels étaient sculptés quelques bas-reliefs...ben fallait tout lessiver maintenant.
Elle sortit un grattoir et entreprit de décaper en priorité le comptoir en chêne brut servant à installer fûts et tonnelets. Ceci fait elle nettoya à grande eau le meuble ainsi que les buffets disposés de droite et de gauche, puis brossa le tout et sécha.
Pour la table en fer forgé, un tannin d'huile suffirait. la pièce n'était pas piquée de rouille, et en un tour de main, la grande table reprit nouvelle naissance. Lessivage des
murs, du sol, des chaises, des fauteuils...elle décrocha les gros rideaux de toile poussiéreux se promettant de les nettoyer rapidement.
Cela lui prit toute la journée. Plus difficile à réaliser qu'on ne croit. Il en fallait de l'huile de coude pour tout retaper, tout ranger, tout préparer pour que la pièce soit fin prête pour...pour quoi au fait...
La mésange sourit, cette soirée promettait d'être pittoresque et fort conviviale...personne n'avait oublié les êtres qui avaient scellé les coeurs des francs- comtois.
Bien que l'initiative de ce bal germa dans l'esprit du Conseil municipal San Claudien, l'idée folle d'inviter la Franche-Comté pour cette soirée dansante si particulière enthousiasma les conseillers. Depuis de nombreuses semaines on travaillait sur l'organisation d'une telle festivité avec le fol espoir d'y rencontrer le plus de villageois.
...ce n'était plus un projet ; plus une idée, mais du concret avec ce noble sentiment de ne jamais oublier.
Alors...doux dingues ? Fous furieux ? Sans doute les deux...mais l'avenir...était devant eux non ? Clarri aimerait bien y croire...c'était le prix à payer pour leur liberté d'agir. Finalement, La vie et l'amour sont la même chose. Quand il n'y a pas d'amour, il n'y a pas de vie. Nos disparus on les aimaient, donc ils vivaient.
- On les aiment...
Il était inévitable de rendre un peu la salle plus présentable. Faire entrer la lumière, aérer la salle, passer un bon coup de balai.
A disposition deux grands buffets et une large armoire permettant de ranger bougies, grands plats en terre cuite, chopes, parchemins, et tout un tas de babioles en tout
genre qui trouveraient surement un jour leur utilité par ici. Une grande table en fer forgé et ses chaises assorties ornaient le centre de la pièce et pouvaient facilement être repoussés contre le mur lors des bals et grandes fêtes dansantes afin de laisser libre une piste de danse. De nombreux chandeliers étaient disposés dans la salle, décorant les buffets et ornant le plafond, rappelant le métal des lourdes décorations de la pièce telles que de larges boucliers et des armures ornementées.
De plus, sur certains murs étaient tirées de longues tapisseries brodées avec soin alors que des toiles garnissaient les autres de façon à ne laisser aucun mur nu.
Voilà qui était bien...il ne restait plus qu'à inviter la population au grand bal dansant.
Elle placarda le parchemin invitant la population franc-comtoise au grand bal du souvenir.