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[RP] Maldeghem, ou les épisodes d'une vie deswaardienne

Quiou
[Retour incontesté. Vérole ça va chauffer !]

Maldeghem la Loyale ouvrait ses portes hivernales à un cortège marqué par les péripéties d’une longue traversée du Royaume en sa presque totale intégralité. Hommes d’armes engourdis, valets aguerris, tous suintaient la fatigue et l’envie, le réconfort de se savoir si près d’un foyer familier aux relents inespérés, la gratitude d’être enfin arrivés en un lieu auxquels la plupart avaient implanté racines et autres joyeusetés.

Remontant les rues fangeuses, boueuses, de la cité, à grand fracas de cliquetis des harnachements, armures argentées et autres lames effilées, le convoi s’avance, médusé, sous le regard stupéfié des artisans ayant mis exceptionnellement fin à toutes leurs activités, des commerçants et autres marchands dont les étales ne se trouvaient plus être leur principale centre d’intérêt.

Les attelages arrêtent leur cheminement, de même pour les chariots et autres attroupements, la populace s’installant aux pas des portes, car tous cèdent place à l’escorte qui se dirige de façon incontestée jusqu’en le Castel de Reezinghe, cour suprême de la Vicomté, se détachant sur la butte où toutes les ruelles convergent de manière structurée.

Et tous s’attardent à dévisager la figure glacée à la tête de la lancée, trônant sur un destrier à la robe aussi lugubre que le cœur de la Terreur, maîtresse incontestée de ces contrées de retour en son fief dûment attribué.
Et tous redoutent cette arrivée, synonyme même d’un plausible durcissement des lois régissant ces septentrionales platitudes trop longtemps délaissées, et tous regrettent déjà les temps de joie et de volupté où l’intendant, clément, laissait la gueusaille vivre plus ou moins en paix.

L’espoir s’étiole, la pérennité s’envole tandis que la Deswaard, engoncée en quelques vêtures obombrées, emmitouflée sous une chaude pelisse de vair riche à souhait, transcendant sans état d’âme la menuaille désœuvrée, jauge brièvement, l’esprit ailleurs, la lie de ce pandémonium décati.
L’espoir se meure alors même que le ciel pleure quelques fins flocons duveteux, soyeux, comme pour nuancer la froideur de cette arrivée, la certitude que « Sa Sombritude » ne saurait amener chaleur et autres délices d’été.

Et dans ce maelstrom dévasté d’émotions glacées, elle s’avance.
Elle s’avance et poursuit sur sa lancée, signifiant, d’un bref signe d’une dextre gantée, à ses gens et autres valets, qu’ils la laissent devancer un peu plus la troupe, parce qu’elle sera la première à pénétrer en la cour du Castel.
Ainsi a-t-elle décidé.

Adoncques, au pied du lugubre édifice, le féal intendant des plus inquiets, trépignant de se savoir prochainement confronté à celle qui s’était dès lors contentée de lui ordonner par le biais de plis avisés, et quelques autres individus de la mesnie, tous patientaient, stoïques, quelque peu apeurés, mélancoliques.

La voila.
La Teigneuse met pied à terre, laisse un juvénile garçon d’écurie, palefrenier depuis le début même de sa triste vie, s’occuper prestement de son destrier assombri, avant que de se tourner vers celui qui avait su assurer la gestion de sa vicomté.
Ce dernier, gorge enrouée, cause, très nécessairement, d’une trop grande émotion cachée, s’incline, ploie l’échine, dévoué qu’il est, alors que, sans même s’attarder, la Noldor passe à ses côtés, s’en vient à l’ignorer, préférant à cela l’idée que de faire son entrée à l’intérieur même de la bâtisse aux esquisses épurées.
Pas un instant à perdre, quoiqu’un peu déstabilisé, marquant un bref temps d’arrêt, l’intendant se fait le devoir de suivre l’Acariâtre controversée pour mieux lui déclamer.


Dame Vicomtesse, nous ne vous attendions pas avant la prochaine lune…Mais les festivités réalisées pour votre retour parmi nous ne sauraient être compromises, bien évidemment. Un banquet sera préparé, si cela vous con…

Elle s’arrête, tourne brièvement la tête pour mieux le toiser.

La lassitude me prend aux tripes, comme à son habitude. Vous n’en ferez donc rien et vous vous contenterez plutôt que d’aller accueillir la Wolback de Montfort-Laval que j’ai trop longtemps daigné délaisser et que j’ai sciemment devancé.
J’ai dit.


Et la Deswaard de reprendre sa route sans plus se soucier de rien, allant son chemin avec dédain tout en retirant avec habileté les gants finement ouvragés, tandis qu’elle s’isole enfin en une quelconque salle des dédalles du Castelet.

Il ne fera pas bon vivre à Maldeghem désormais.
Voila chose assurée.




RP régulé. Si l'envie de participer vous prend, un MP s'il vous plait.
Bon jeu à tous.

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Quiou
[Maldeghem. Enceinte du Castel de Reezinghe.]

Triste journée que celle qui avait accueilli le retour de la sombre Vicomtesse aux déboires invétérés. Depuis, le temps s’était écoulé, long, lent, délétère à souhait, et ce, sans les moindres prémices d’une douceur à l’ampleur salvatrice. L’on notait désormais une hausse de l’activité de la maison seigneuriale par ce temps hivernal, les hommes armés, pour ne pas déplaire, s’attardant à satisfaire les attentes demandées, les valets, pour s’assurer un poste octroyé, veillant à ne pas faillir aux ordres donnés.

Ainsi, en cette pâle fin de matinée, calme et propice à un repos mérité, l’on trouvait la Terreur assise à la place d’honneur de la grand table de la salle réservée aux repas et autres festivités. Attablée, siégeant sans même s’intéresser plus amplement au festin accordé, elle partageait le repas avec la juvénile Noble aguerrie en guise de seule compagnie.
Se mêlaient pourtant en un désordre savamment architecturé pâtés de viande en croûte attrayants, tourtes de poisson aux amandes et au vin blanc, gibier enrobé de croustillants, gâteaux rustiques à base de pâte à pain doré et éloquent entouré de fromage blanc, coloré de safran.

Et tout cet étalage charmant, réceptacle même du talent des cuisiniers médusés, tout ceci ne méritait pourtant guère le moindre intérêt aux yeux de la Deswaard controversée, beaucoup plus attentive, il est vrai, à l’emprise d’une lecture d’un pli aux fioritures chamarrées.
Tout au plus piochait-elle d’une dextre lassée en le premier plat à portée, n’honorant que brièvement les mets proposés, picorant tel le faucon désœuvré ne veillant plus qu’à se sustenter épisodiquement pour continuer d’avancer. Pas même le réputé vin de Digoine doctement versé en un godet des plus travaillés n’avait su ravir les méandres des papilles en cendre de la gracile Noldor, encore et toujours stoïque et pleine d’une neutralité à faire frémir les bêtes enragées.

Sur ces entrefaites, entre les entremets, elle se redresse après avoir essuyé ses diaphanes doigts sertis de bagues aux pierres raffinées, sans la moindre difficulté, et délaisse vivres et autres papiers, préférant à cela se libérer d’une perte de temps assurée pour mieux s’engager en quelques dédalles du Castelet.
Elle escomptait assurément que la Wolback de Montfort-Laval suivrait, l’inverse étant impensable, invraisemblable.

Et la glaciale figure de s’aventurer plus avant, vers une destination bien ancrée depuis longtemps en ses lugubres pensées. C’est qu’elle est décidée à montrer à la jeune Alwenna la plus belle œuvre des ancêtres de la citadelle, puisse-t-elle seulement l’apprécier.

Adoncques les pas saccadés d’une enfant précipitée battent-ils les roches de Maldeghem à la poursuite de la Misanthrope controversée qui s’engouffre enfin en un sombre escalier en hélice de l’édifice.
La descente se fait, les tréfonds sont à portée.

Car il n’existe rien de plus revigorant, rien de plus excitant qu’une visite des souterrains du château contenant les anneaux de fer auxquels les prisonniers étaient attachés aux murailles du cachot.
Car il n’est rien de plus stimulant qu’entrapercevoir leurs ossements restés dans cet horrible tombeau où les anciens châtelains les avaient laissés mourir de faim.



Assurément la Deswaard en fera tout autant.



Si ce n’est plus, évidemment.

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Alwenna
Alwenna ne faisait que compter au fur et à mesure des journées les différences qui caractérisaient les deux contrastées. Malgré les quelques ressemblances que l'on pouvait sans doute remarquer, l'appétit d'oiseau de la Deswaard était un contraire de plus contre l'affamée de toujours qu'était Lys. N'épargnant aucune miette, un millimètre de sauce, l'enfant voulait tout goûter, finir chaque assiette qu'elle remplissait généreusement à chaque plat non connu servi sur la grande table.
Mais la faim constante et dévastatrice de la petite Bretonne fut coupée au souhait de la Vicomtesse. Au plus grand regret de la Wolback.

La bouche essuyée prestement, la robe lissée furtivement, et les cheveux remis en place rapidement, la Fleur Blanche se dirige avec vitesse vers l'Ombre Noire qui avance déjà dans les couloirs froids et peu lumineux de Maldeghem.

Un regard interrogatif fixant droit devant elle, la petite brune à la peau pâle se questionne sur l'endroit où on l'emmène. Une réponse se forge doucement dans l'esprit brouillon, et alors qu'elles s'enfoncent dans un escalier pauvrement éclairé, c'est une évidence des plus complète qui apparaît, accompagnée de souvenirs funestes. Cette journée terrible qui avait scellé d'un lien funeste les deux solitaires, elle s'en rappelait, elle en avait été malade de tristesse pendant de longues nuits, et alors que le souvenir s'était effacé péniblement, voilà qu'il refaisait surface, comme un ballon plein d'air que l'on essaye de maintenir sous l'eau, mais qui, à bout de force, finit par remonter.

Un besoin qui grandissait inlassablement la gonflait de haine et de souffrance, ces cachots présentés devant elle ne l'intimidaient pas, son coeur se trouvait en ce moment même emprisonné dans un bien pire endroit.
Restait à savoir où.

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Talent + Classe = DTC
Quiou
Un tour sur elle-même pour s’approprier les moindres détails de la pièce, puis un autre, sans la moindre allégresse.

La Misanthrope se replonge alors en quelques souvenirs d’une visite effectuée en les tréfonds de Digoine et de ses différentes succursales. Elle avait découvert là un Royaume des Suppliciés prestement profané, enchanteur, enchanté, cajoleur, cajolé.
Elle revoyait la Vierge de Fer, le matériel éloquent.
Elle revoyait le Chevalet, les instruments décadents.

Et la Terreur, désormais dans les cachots de Reezinghe, présentement confrontée au vide de quelques murailles grevées d’anneaux, inspire, respire, s’inspire, vaquant à quelques travaux d’imagination décorant de nouveau la future pièce aux milles tourments, s’attardant, dans ses pensées, à octroyer à l’espace quelques univers de désolation, d’affliction, en plus des quelques ossements déjà présents.

Elle en oublierait presque l’enfant, la juvénile Docile, préalablement occupée à ne rien faire, comme d’accoutumée.
Elle en oublierait presque ses rondeurs potelées, sa bouille actuellement tachées de quelques condiments.

Mais c’est en effectuant un troisième tour sur elle-même qu’elle s’aperçoit de la présence de la frêle Inaltérée, la doucereuse môme attristée.
Et la Noldor, encore, de s’arrêter sur sa lancée, laissant s’échapper en un pernicieux sifflement les fugaces images de lugubres catacombes, reflet tentant de mirifiques limbes, condensé de Géhenne aérienne.
Génuflexion.
Elle s’agenouille près de la Wolback, lui agrippant cordialement la sénestre abimée, tandis que, consciencieusement, elle s’attarde à contempler quelque peu ses traits tirés.


Montfort-Laval, savez-vous ce que nous allons nous enliser à réaliser ?

La main deswaardienne, brutale, immorale, relâche l’enfant pour mieux aller pincer sans la moindre gaité la joue rondouillarde, faiblarde.

Nous débuterons par un pilori aguerri en la place de Maldeghem.
Oui, c’est là un commencement des plus percutants.


Et la suite viendrait avec ces cachots.
Elle en ferait une salle macabre, aux centaines de mânes, surpassant celle de Digoine !

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Quiou
[Castel de Reezinghe, par une nuit pour le moins habituelle.]

La Chambre Vicomtale, présentement éclairée par quelques bougies reposant sur de riches candélabres, avec sa couche royale, ses meubles sculptés, ses tapisseries flamandes, ses richesses avisées, accueille présentement la maîtresse de la maisonnée.
Il fait nuit, il est tard, et tandis que la populace depuis longtemps endormie rêvasse, la Deswaard veille, car jamais elle n’a été encline à se plonger en les doux refuges du sommeil.

Elle est ainsi.
Ne mange peu, grignote beaucoup, ne dort qu’un peu, somnole partout.
Ainsi était-elle.

Adoncques est-elle actuellement debout, les doigts de pieds débottés s’enfonçant allégrement en un tapis de fourrure réchauffant délicatement ses frêles extrémités.
Elle est debout, les bras presque ballant désormais redressés quelque peu pour mieux faciliter le travail de deux caméristes studieuses, silencieuses, œuvrant sous le regard difficile et peu docile de la Noire qui les surveille dans le miroir juste en face d’elle.

La mission est ardue.
C’est que, dévêtir la Noldor en tâchant que de ne guère toucher la moindre parcelle de peau sous peine de mise à mort n’est pas chose aisée, mais les damoiselles, désormais habituées, remplissent leur office non sans une appréciable célérité.

La pelisse de vair obombré coulisse, échoue dans une malle ouverte à cet effet, puis elle est suivie de près par quelques taffetas et autres tissus noirs de jais, de manches retirées méticuleusement, d’une cape pliée consciencieusement.
De la lame effilée au couperet éloquent.
De la robe à tassel savamment parée et composée d’une cotte de draps d’Anjou doublée d’une surcotte à manche courte.

Ne reste plus, après quelques instants qui parurent se faire éternité aux yeux de la Terreur qui s’est vue ainsi presque mise à nue, que la chainse de Flandres et les bagues sertissant les doigts diaphanes de « Sa Sombritude » qui, comme à son habitude, se met à faire roucouler quelques grondements doucereux, presque harmonieux, provenant du fondement même de sa gorge déployée.

Le signal est clair. La musicalité de cette lugubre sonorité ne laisse présager qu’une ambiance délétère pour les deux jeunes suivantes si elles s’escriment à s’attarder.

Elles s’inclinent alors, ouvrage presque terminé.


Madame…

L’une d’entre elle s’assure que la robe de nuit semble bien reposée sur le lit, et les deux d’enfin se retirer.

La Teigneuse est donc seule tandis que le manège presque quotidien commence en une lente cadence, avant qu’enfin elle ne se lance dans la dance que lui offrent les prunelles glacées de son pâle reflet.

Le miroir, tout en longueur, lui révèle une vision d’horreur qu’elle s’enlise à contempler régulièrement, quelques tourments qu’elle s’applique à scruter complaisamment.


Hum.

Un pas est fait, la rapprochant de sa jumelle, de celle à la longue chevelure détachée.
Un pas est fait, alors qu’elle tire, de la dextre, sur le blanc tissu de la chainse, qu’elle en noue une partie dans son poing pour mieux la figer plus amplement contre les courbes de son corps tant détesté.

Elle se voit dès lors telle qu’elle est, telle qu’elle est composée, ses formes, sa beauté glacée, de celles forgées par les violents vents flamands.
Elle avise la hyaline peau qui se marie sans accroc aux lèvres purpurines, descend finalement jusqu’à inspecter une jugulaire au rythme effréné, aux battements trépidants, avant que de remonter sur les pourtours des pupilles malines pour y étirer quelque peu la chair, y constater plus intensément son air méprisable et méprisant.

Elle relâche enfin la fine toile qui lui sert de vêtement qui se desserre enfin, mais, toujours, elle devine les échancrures, les formes, les courbures, les sinuosités, les galbes plus ou moins prononcés.

Et elle jure, intérieurement, elle jure et hurle à s’en étouffer, face à son image flegmatique, posant telle une figure hiératique.
Son esprit crie, se meure, rit, en pleure, mais seul le bruit dévastateur du silence de la pièce, doublé de quelques halètements de sa respiration saccadée, répondent à l’ivresse décadente de ses pensées.


Seigneur que je me hais.


Plus tard, après s’être longuement infligée le traitement de sa gracieuse vue, elle s’en ira, à pas feutré, enfiler sa robe de nuit, seule, sans la moindre assistance, pour finalement se plonger, telle une délivrance, en les méandres d’une couche accueillante dans laquelle, pourtant elle restera encore à veiller, à s’imaginer le visage émacié d’une Inaltérée suppliante, tout à fait écœurante.
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Quiou
[Autre nuit. Toujours dans la chambre vicomtale.]

Elle s’étendit sur le côté, dans son lit, tournant le dos au monde, à la vie, aux envies, aux lugubres catacombes de ses fugaces et sombres pensées.
Elle agrippa l’oreiller des deux mains, le déchirant presque en son sein, le visage enfoui dedans, paraissant sur le point de pleurer, l’estomac soulevé occasionnellement par les remugles d’une nausée, c’est que le dégout semblait pernicieusement s’enrouler autour d’elle tel un serpent à sang froid, trépidant d’émoi, lentement, méthodiquement, prêt à retirer toute vie de son corps, mais à chaque fois que cela approchait du moment fatidique de la mort où une simple petite pression mettrait fin à toutes choses, l’horreur, la misère, la terreur, cela cessait de la serrer, tandis que le reste subsistait.
Elle était là, le corps seul vivant par la douleur, l’esprit malade de dégout gluant, évoquant sans fin la quintessence même de la souffrance accordée à quelques âmes en errance.
Elle aurait bien voulu hurler, elle, la Flegme, mais la crainte que le moindre geste, la plus petite joliesse, même le fait d’inspirer seulement quelque peu vienne à insuffler des haut-le-cœur désastreux, tout ceci l’en dissuadait.

Non.
Non.

Il fallait que la Deswaard reste étendue là, un instant, rien qu’un bref moment, avec ce goût amer dans la bouche, celui qui s’accentuait plus amplement au fil des jours passés dans le tourment d’une existence emplie de décadence.
Adoncques son pâle visage était-il encore enfoui en un rictus décati dans l’oreiller, les yeux fermés.
Bien serrés.

Pleurer.
Elle n’était pas capable même de verser une larme. A croire qu’aucun flot salin n’ait jamais su jaillir sans coup férir de ses glaciales prunelles d’obsidienne. Et quand bien même elle essayait de se détendre pour permettre à ces pellicules argentées de couler, ses yeux lui faisaient mal.
Elle les sentait enflés, humides, incomparables, sans pouvoir seulement les soulager, comme pour le poids qui demeurait sur sa gorge, constant, éloquent, incapable même d’en être délivrée, étouffant.
C’est tout.

La Noldor serra donc les mâchoires encore plus fort, jusqu’à ce qu’une douleur perçante s’en aille titiller avec animation ses oreilles et qu’une sorte de crispation au sein des muscles de son cou la contraigne à se détendre, à souffler, à se reprendre.

Rien ne perçait le noir ambiant ni même ne l’atténuait un peu.
Sa tête était enfermée dans un monde de ténèbres sans espoir dont elle ne pouvait ni sentir ni saisir les limites de cet univers peu élogieux.

Elle contracta finalement les muscles de ses orteils jusqu’à ce qu’ils soient sur le point de se briser, que ses pieds soient bouleversés par quelques crampes dévastatrices remontant insidieusement jusqu’aux mollets en une nuée destructrice. Pourtant ne relâchait-elle pas, attendant patiemment que la douleur devienne intolérable, qu’elle atteigne un paroxysme inimaginable.
Qu’elle ait presque l’envie de crever prestement sur son lit.
Alors seulement elle se détendit, quoique les muscles restèrent crispés un moment et qu’il lui fallut toute son énergie, toute son envie pour les relâcher avant que la souffrance ne la tue sans la moindre prestance.


Ah si quelque chose pouvait se passer…Bon dieu. Bordel de dieu, même.
Ah si quelque chose…n’importe quoi.
Vérole.

Les pupilles s’ouvrent enfin, piquantes, usées, délivrées de quelques drames à la violence latente. Maintenant, sa vision avait atteint une fin, le plafond était là, les murs étaient là, il n’y avait pas de mystères, rien qu’une ambiance encore et toujours délétère. Rien de caché. Il y avait quelque chose qu’elle pouvait voir. Cela avait un ordre, sans le moindre foutoir.
Désormais lui fallait-il bouger, la tension ainsi redescendue, elle se devait de se remuer.
Oui, il le fallait. Elle devait s’activer.

Pourtant restait-elle immobile, sans respirer, frêle poupée malhabile au supplice de quelques intimes maux délictueux imprégnant son être tendancieux.
Elle avala sa salive…respira enfin. Superficiellement.
Elle avala…respira. Lentement.
Elle remonta ses jambes, les laissa glisser en bas du lit, s’assit finalement.
Sans plus aspirer. En contractant les narines. En aspirant l’air très doucement entre ses dents.

Elle se mit debout, pour finir par se rassoir sur le dallage glacé des pierres du Castel de Reezinghe, regard fixé en quelques points lointains, minois figé en une grimace d’albâtre, flegme, toujours.

Et toujours pas de larme.
Jamais.
Car il s’agit de la Deswaard.

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Fergal
[Dans les méandres des couloirs de Reezinghe - Insomnie quand tu nous tiens.]


Rien à faire, le rouquin ne s’y ferait jamais. Plusieurs mois déjà pourtant qu’il a posé balluchon et bâton de Pellerin en le castel du Vicomté de Maldeghem, sans s’y sentir le moins du monde chez lui. D’ailleurs, a-t-il jamais connu ce sentiment? Il erre depuis si longtemps sur les routes du Royaume de France, de sa Bretagne Natale aux confins du Limousin, des vastes plaines de l’Orléanais aux vignobles Bordelais. Pour autant, jamais un seul de ces endroits ne lui a donné ce sentiment de plénitude, d’apaisement que sûrement l’on doit ressentir lorsqu’on se considère … chez soi.

Et Maldeghem ne fait pas exception. L’homme n’y reste que pour honorer son serment d’allégeance, qu’il ne s’explique d’ailleurs toujours pas.
Pourquoi s’être lié à icelle ?
Quelle diablerie a-t-elle bien pu l’inspirer en cet instant où lui, l’étranger, le paria, a ployé le genou devant la Noldor ?

La peur … La faiblesse.

Voilà ce qui l’a poussé à confier sa vie à cette inconnue, cette femme par trop inquiétante mais qui au moins possède la qualité de ses défauts. La Dame, en effet, ne lui aura posé aucune question indiscrète, et l’aura accepté comme il est, lui le chétif, le renfermé. L’homme de Foy pourtant si empli de paradoxes.
Il y aura gagné sa sécurité, tout en lui cédant une partie de son âme damnée.

Si pathétique Defaoüet.

Cette couardise qui jamais ne le quitte, et qui le prend aux tripes lorsqu’il se sent menacé. Cette fuite du conflit permanent qui le pousse dans les plus vils des retranchements, l’amenant à prendre des décisions qu’ensuite il se doit d’assumer, contre vents et marées. Car si l’homme manque de courage, l’honneur lui ne lui manque pas, le faisant sans cesse avancer … Alors il tient ses promesses, quelque soit le prix à payer, et celle-ci ne fera pas défaut.

Aussi, par cette nuit de pleine lune, comme tant d’autres avant elle, il l’a passé à errer dans le dédale du castel, arpentant chacun des sombres couloirs des dizaines et des dizaines de fois, psalmodiant en silence, encore et encore, les doigts malingres jouant sans cesse avec la fine croix d’Aristote que le breton porte à son cou, mais qu’il ne dévoile à quiconque.
Hanté par ses éternels démons, le jeune homme cherche dans ses prières les réponses que ses trop courtes nuits sans rêves ne lui apportent pas. A jamais torturé, il poursuit cette quête vers un apaisement qui jamais ne vient.

Et voilà qu’il se tient à quelques mètres à peine de la chambre de sa Dame. Fruit du hasard ou pas, c’est comme attiré par un aimant qu’il s’en approche, à pas feutrés, se maudissant déjà de sa trop grande curiosité.
Personne devant la porte qui … est entrebâillée.

Seigneur … Fait demi tour Fergal, ne songe même pas à regarder à l’intérieur. Le souffle se fait plus court, les battements d’un cœur qui s’affole résonnent dans les tempes soudain douloureuses du jeune homme comme il glisse finalement un œil dans l’interstice. Quelques minutes passent, laissant le temps à ses yeux de s’accommoder de l’obscurité dans la pièce, et en un instant , le sang se glace.

Cette vision … Il n’aurait pas du. Il ne fallait pas. La Deswaard, en chainse et en robe de nuit, comme il ne l’a jamais vu et comme il n’aurait jamais du la voir. Prostrée sur son lit et d’une raideur cadavérique à faire pâlir le plus courageux des soldats.

Est elle … Non ! Cela ne se peut ! J’ai encore besoin de vous !

Et le rouquin de secouer la tête de droite à gauche pour chasser fissa ses pensées égoïstes de son esprit et pour se recentrer sur la scène qui se déroule sous ses yeux. Alors qu’il en est encore à se demander s’il doit entrer pour intervenir, l’objet de toute son attention se met à bouger.
Vivante … L’ombre d’elle-même mais … vivante. L’obscure se déplie soudain avant que de s’effondrer à nouveau, et contre toute attente, malgré la frayeur qui lui noue l’estomac, Fergal fait ce qu’il n’aurait définitivement pas du faire et ouvre la porte en grand avant que d’avancer de quelques pas dans la pièce.


Ma Dame ? Quelque chose ne va pas ?

S’il y a un moment dans sa vie ou l’imprudent serait fort bien avisé de prier pour sa propre survie … à n’en pas douter, c’est maintenant. A moins d'un miracle ...
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Quiou
[Même nuit. Autre tripe.]

Le requiem délicat eut pu se faire entendre là, résonner dans la pièce, sans une note d’allégresse, grave, obscur, mortellement efficace et signant majestueusement la fin de l’ordure.

Peut être que la Deswaard, d’ailleurs, présentement assise à même le sol, échine courbée, appuyée sur les montants de la couche vicomtale, songeait à ses notes magistrales, ce menuet de la mort digne de la Noldor.
Peut être qu’elle l’avait en tête, qu’il ricanait en ses pensées désuètes, qu’il persiflait en ses tréfonds médusés, qu’il se targuait pompeusement de la voir ainsi, claironnant sa victoire en quelques rythmes signifiant son déboire.
Peut être les chœurs entonnaient-ils leur clameur avec un délice mesquin.
Peut être le clavecin chantait-il pour elle, pour sa fin.
Peut être les cordes étaient-elles frottées en son honneur à elle, la Terreur.

Mais non, non. Ce n’était pas encore l’heure.
Ce n’était qu’une crise passagère, un mal délétère envieux de sa chair, immergeant de son illumination pervertie, de sa déraison en pleine agonie.

Elle en est là de ses pensées, donc, les mains, dignes des serres des plus grandes charognes, contractées jusqu’à blanchir les jointures de ses paumes, les prunelles, de leur côté, qui lorgnent un point plus loin.
Elle en était là quand soudain…

Quand soudain l’Efféminé vient à apparaitre sur le seuil, puis dans la pièce, vaste fantôme rocambolesque se dessinant dans l’embrasure de la chambre deswaardienne, du monde funeste de la Maldeghem.
Il semble irréel, un bref moment du moins, telle une apparition qui ne vient qu’un peu la surprendre puisque, le naturel étant bien ancré, elle-même suffisamment enclavée en ses affres, elle ne fait qu’arquer sévèrement un sourcil, qu’elle a austère, au demeurant.

La Flegmatique, prise finalement d’un vif élan pour sauvegarder son intégrité, pudique, ramène ses pieds, nus, plie ses genoux pour camoufler quelque peu son corps engoncé en une chainse.
Une chainse blanche.
Blanche épurée.

Elle se rend finalement compte, en un instant, de l’incongruité de la situation, elle, la Vicomtesse, telle la pire des bassesses face à la gueusaille dévouée, petite boule ivoirine repliée, puis elle se décide à se redresser, difficilement, chaotiquement, du fait de ses membres perclus, de ses muscles fourbus.
Accordons lui cependant le fait qu’elle n’en garde pas moins une certaine grâce coutumière, ne la rabaissons pas plus qu’elle ne l’a fait déjà elle-même en cette éprouvante nuitée.
La Noldor se relève, donc, après quelques efforts, sans un mot, sans une parole, pour se tenir droite, fière et altière. Elle fait face à l’ennemi, au faible démuni, à la nouvelle pièce de son dantesque jeu d’échec, à celui qui deviendra un dévoué de Maldeghem, à un investissement empli de talents encore cachés, à peine révélés.

Elle lui agrippe soudainement le poignet en un mouvement inattendu après ce silence éloquent.
Elle lui agrippe le poignet et plonge ses froides prunelles jusqu’en les pépites dociles du malhabile.


Vous savez que je peux…

Vous tuer. Vous couper la présente extrémité. Vous réduire à néant. Vous exterminer en un instant, vous souffleter, vous torturer, vous pourrir, vous voir mourir, vous écarteler, vous faire crever, vous estourbir, vous faire roussir.
Elle reste dans le non-dit. Elle lui laisse la palette des choix, à lui.


Et vous ne feriez pas même un geste pour éviter cela.
Rien.


La pâle figure stoïque s’incline légèrement tandis que la dextre relâche son emprise, sa mainmise.

Mais je vais vous laisser vivre avec cette image, que vous preniez ainsi connaissance d’une infime ampleur du fardeau de ma destinée, que vous en soyez le témoin par delà les années.

Elle se détourne, et ne se voyant pas traverser la distance la menant jusqu’à une chaise, nappée d’un dernier voile de fierté, d’une toge d’orgueil, elle fait quelques pas pour mieux se décider, enfin, à se rassoir à nouveau à même le sol, n’offrant plus que son doc blanc, sa façade, son ombre et son éclat charmant.

Maintenant, Defaoüet…HORS DE MA VUE ! Et ne me décevez plus.
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Fergal
[D'une révélation, ou la nuit qui changera tout.]


Tremble Defaoüet

Pas un instant il ne la quitte des yeux, alors qu’il sait déjà qu’il a franchi la ligne. Plus de retour en arrière possible. Il va falloir payer le prix de ton inconséquence. Assume tes actes Fergal, profite de tes derniers instants et accepte ton légitime châtiment.

L’ombre avance, fantomatique. L’obscure Vicomtesse s’est transformée en une nymphe immaculée , si fragile et pourtant si impitoyable. Douloureux paradoxe. Et une main, glaciale, de se refermer telle les serres de l’aigle sur son innocente proie. L’homme déglutit et les paupières se referment sur la lueur de panique qui danse déjà dans les sinoples. Compte les secondes qu’il te reste à vivre Rouquin, repasse toi l’histoire de ta vie et accepte la fin.

Imprudent impudent …


Vous savez que je peux …

Le temps suspend son vol, et les secondes semblent soudain être des heures, alors que rien ne se passe. Ni la punition méritée, ni la douleur attendue ne viennent. La poigne féminine se relâche et un bruissement d’étoffe marque la fin d’une torture bien plus douce qu’escomptée. Alors il ouvre à nouveau les yeux, figé, incapable de faire le moindre mouvement. Il l’écoute, la regarde, il ne peut plus détacher son regard de celle qui lui tourne le dos et le congédie, sans plus de cérémonie.

Et contre toute attente, ce regard d'ordinaire si sombre, soudain, s’empli d’une douceur infinie et sur son visage s’étire un léger sourire qu’elle ne verra pas, que personne ne verra jamais, et qui pourtant est si sincère. Aucune pitié non, mais seulement la tendresse d’un être pour un autre, la révélation pour le Breton que sa maîtresse est humaine, aussi fragile que tout un chacun. Le miroir de ses propres démons. Profondément reconnaissant qu’elle accepte qu’il la voit comme telle, qu’elle prenne le risque d’abaisser sa garde, d’entrouvrir légèrement la carapace, le jeune homme réalise parfaitement le prix d’une telle magnanimité.
Alors, enfin, il recule, s’inclinant pour la saluer alors même qu’il sait qu’elle ne le regarde plus.


Je vous souhaite une bonne fin de nuit Ma Dame.

Pas un mot de plus comme la porte est doucement refermée et que l’homme s’y adosse en laissant échapper un long soupir. Si différents et pourtant si semblables.

Maintenant il sait.
Maintenant il réalise la véritable raison de son serment envers la Noldor.
Ce fardeau ne sera plus seulement le sien.

Rendors-toi Quiou de Maldeghem, ce soir, et tous les autres soirs à partir de celui là, un Ange aux cheveux carmins veillera à ta porte …

Ad vitam éternam.

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Quiou
[Le lendemain. Couloir de Reezinghe. Ballade Deswaardienne.]

Des pas, saccadés, se font entendre, résonnent en bruit de fonds, se répercutent dans les méandres du Castel de Maldeghem, vibrent jusqu’en les bas fonds. Le froid dallage ainsi battu, ces noires pierrailles saugrenues sont présentement foulés par les pieds bottés d’une petite cour, d’un groupement éloquent qui accourt, qui s’étire, qui s’étend à la poursuite d’une figure glacée s’attardant sans ménagement à faire occasionnellement ourdir son ire qui la submerge de temps en temps.

Elle marche en tête, la Vicomtesse.
Elle marche en tête, en silence, non sans prestance.
Elle marche lentement.
Au fil de ses pensées, de ses fantaisies, de ses fantasques ignominies.

Elle ordonne aussi, parfois, sans émois, sans envie, réglant allégrement en un bref coup de génie les quelques problèmes survenus en cette glaciale matinée.
Elle déraisonne aussi. Souvent. Se croyant seule, peut être, à moins qu’elle ne se satisfasse complaisamment de ses quelques traits d’esprit à peine murmurés, rocambolesques, effroyablement dantesques, que sa société accueille en silence, probablement habituée par ses élucubrations et autres manifestations de divagations.
Elle est chez elle, après tout, point ne conserve-t-elle la même réserve habituelle, et ses gens se doivent de ne guère la déranger.


Le sacrilège du malheureux reste impuni…Et je souris de le voir s’enliser en quelques disgracieuses liesses qui le force à croire à une jeunesse finie…Infinie ? Quelques mètres plus loin. Maraud, faquin, vil malandrin, aussi indigne que ma clarté, aussi fébrile que ma douce dépravée. Je la crèverai, d’ailleurs, jusqu’en le paradis solaire, et elle me cédera les quelques affres des enfers. Plus fort, à l’adresse de sa mesnie. Que l’on envoie un émissaire à Waerhem pour solutionner le retard sur mes droits de tonlieu. Après un long silence, pour elle-même. …mais lui, elle n’essayait jamais de l’ébahir de ses doucereuses paroles, pensait-il de son esprit étroit et à jamais infantile en prenant pour du respect de sa force et de sa virilité ce qui n’était en fait que sa solitude. Elle continue d’avancer, ordonnant à nouveau. Mandez à l’échevin de Pepeghem ce qu’il en est de la charte à établir.

Et elle laissait, sans presque les voir, quelques scribouillards s’en aller en se pressant, en courant, hâtif que de s’éloigner de l’obscur pour mieux satisfaire ses consignes à assouvir.
La Deswaard continuait sans plus se soucier de rien, sans trop s’intéresser au moindre point, lorsqu’enfin….

Lorsqu’enfin elle s’arrête brusquement, prenant conscience du jeunot présentement croisé, incliné, courbant l’échine, se faisant tout petit, frêle âme docile.
Elle s’arrête, se retourne, et revient prestement aux abords du valet, du rebus des champs, du page humilié.
Il est fragile, le malingre, il est malhabile.
Il est Galéran.
Répudié, disgracié, refourgué aux bons soins d’une jeune enfant.

Elle voit le chétif animal recroquevillé, et, de toute sa hauteur, de toute sa grandeur, elle serre amèrement le col de son vêtement.
La pernicieuse créature d’alors se retourner, vicieuse, vers une chevelure flamboyante dénotant au milieu de ses gens.
Elle a son idée. Dès lors se fait-elle presque maternelle.


Defaoüet…Approchez donc.

Un instant, elle observe la scène, la voyant déjà se jouer en son esprit étriqué, puis, parce que le funeste manège n’attend pas, elle se met en branle, lève un bras, tend la dextre vers l’abattu, pointe le détritus et sourit subtilement. Et, aussi rapide qu’elle fut lente précédemment, elle s’attarde à enserrer plus conséquemment le cou gracile du juvénile Galéran, tout en lisant la franchise de la peur, l’étonnement de la douleur, la surprise dans les prunelles affolées du presque enfant. Elle presse, puis détend, ne s’attardant qu’à marquer la chair de ses serres marmoréennes, avant de finalement repousser le valet du côté de l’intrus de la précédente soirée.

Laissez moi l’heur de vous présenter votre illustre…prédécesseur.

Voyez la décadence de sa faiblarde existence, la lubie de ses phobies, l’horreur de sa torpeur, la quintessence même de sa souffrance.
Voyez ce que j’ai aisément pu daigner en faire, voyez comme j’ai pu l’enclaver en quelques misères.
Voyez.
Voyez et apprenez.


Qu’on ôte la chemise de ce fantasque pantin, et vous, Defaoüet…Regardez.
J’ai dit.


Et elle continue son chemin, poursuit sur sa lancée, sa suite à ses côtés, abandonnant complaisamment les deux mâtins, des images sanglantes de dos striés, de chairs abimées venant à frôler et engourdir son esprit décati.

Jamais il ne sera dit que les leçons deswaardiennes sont aisées à assimiler, dans une ambiance amicale et joviale.
Non.
Pas avec elle.

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Alwenna
When she was just a girl,
Quand elle n'était qu'une fille
She expected the world,
Elle a attendu le monde
But it flew away from her reach,
Mais il s'est envolé hors de sa portée
So she ran away in her sleep.
Alors elle s'est enfuie dans son sommeil *


Cela faisait quelques semaines qu'au fil du temps l'enfant ne devenait plus que l'ombre d'elle même.

Les nuits reposantes étaient remplacées par des cauchemars terrifiants dont la petite ne pouvait se défaire, les voix la suivaient, les silhouettes diformes et obscures frolaient son corps tandis que les souvenirs rejetés hurlaient en son coeur torturé. La lumière inquiétante de la Lune l'éclairait dans sa couche humide de ses sueurs froides, l'empêchant de se plonger dans le noir total qui la rassurait et qui la berçait tout le temps avant de se plonger dans ce sommeil qui lui manquait tant ces temps ci. Les journées devenaient ses nuits. De profondes cernes entouraient ses yeux auparavant scintillants et mystèrieux, aujourd'hui voilés et sans intérêt. Errant dans les couloirs, occupée à trier des lettres et à en écrire, elle se traînait d'un endroit à un autre. Les sorties de moins en moins fréquentes, on ne voyait plus Alwenna en taverne. Ni dans les rues des villes de Flandres où la Deswaard l'emmenait. Son teint livide devenait maladif. Sa silhouette anormalement maigre avait perdu sa grâce et était à présent beaucoup plus inquiétante. Ses cheveux demeuraient bruns mais avaient perdu leur éclat, dorénavant en permanence emmêlés et négligés. Sa bouche rose et frémissante de malice ne s'ouvrait plus et ses lèvres pâles semblaient affreusement sèches. Ses robes blanches dont elle prenait tant soin passaient au gris sale et parfois avec quelques teintes de jaune vieux.

De lumière fantomatique elle était passée à ombre cadavrique.

La seule partie d'elle même qui ne changeait pas demeurait ses mains. Tremblantes, toujours occupée à triturer quelque chose, son tic ne partait pas. Ses ongles rongés jusqu'à s'en faire mal et ses quelques écorchures dont on se demandait le provenance accompagnaient à présent le pouce coupé.
Les soirées d'un Printemps arrivant, la fillette les passait en se laissant choir près de la fenêtre qui faisait passer quelques traces du vent rugissant dehors. Tremblotante, elle fermait les yeux. Un simple tissus la couvrait, et milles frissons la parcouraient. Cette température typique du Nord lui rappelait la Bretagne dont elle se souvenait, nostalgique. Il manquait seulement la bonne odeur de la mer qui se cognait contre les rochers bordant l'île qui abritait Hennebont. Son chez-soi. Sa famille. Tous ces souvenirs lui arrachaient un gémissement. Le visage de son père marqué par la douleur de la mort de sa mère s'imprégnait dans son esprit, tandis que l'image de sa mère se floutait progressivement, l'odeur qui la caractérisait n'habitait plus ses narines, et la douceur de ses cheveux bruns, noirs par moment, ne chatouillait plus ses doigts. La Bretonne se surprenait parfois à caresser veinement le vide qui se tenait autours d'elle. Seule. Délaissée. Elle n'avait plus personne. Même la Deswaard l'abandonnait. D'abord l'évocation de l'envoyer au collège Saint Louis, puis l'engagement de cet homme. Le roux. La brune en frémissait presque.
Presque.

Encore fallait-il qu'elle éprouve quelque sentiment que ce soit. Tout avait foutu le camp. L'amour, l'amitié, l'admiration, l'envie. L'espoir. Sa tête vidée d'émotion, de projet, d'imagination. Les voix sinistres remplaçaient tout. Son coeur. Sa tête. Elle.

Mais alors qu'elle s'abandonnait en ce moment même à ces pensées sinistres, ses pieds la faisaient suivre la Vicomtesse. La Wolback se trouvait à sa droite, elle avançait tête droite, le regard vide. Elle attendait des ordres qu'elle excécuterait avec lassitude. Elle ne faisait même plus attention à qui l'entourait, se contentant simplement de marcher. Pourtant, le petit groupe s'arrêta, et Lys se força à diriger ses yeux vers la source de l'arrêt. Ses sourcils se froncèrent à la vue de Quiou qui s'approchait de .. Galéran. La petite se demanda ce qu'il allait encore devoir endurer, mais alors, l'enfant retint son souffle lorsqu'elle l'apperçut.

Le roux.
Elle ne le connaissait pas, mais elle le haïssait. Alors que la Vicomtesse s'éloignait, la Montfort-Laval restait. Galéran souleva doucement sa chemise une lueur apeurée dans les yeux , découvrant ainsi des marques encore rougies, d'autre moins, mais toutes à la signification tragique. L'enfant observait, un air impassible sur le visage, elle voulait montrer au Defaoüet qu'elle était ici chez elle. Quelques secondes passèrent, puis d'un signe de tête Alwenna demande au valet de se recouvrir. Puis d'un furtif mouvement de la main, elle lui indiqua d'avancer. La bretonne s'attarda un moment à fixer le roux avant de rejoindre Galéran.


Vous avez bien observé ? Ses cicatrices, son regard désespéré ? Ses mains tremblantes, ses épaules affaissées ? Vous voyez ce qu'il a pu devenir ? Sachez qu'en entrant au service de la Deswaard, vous signez une mort lente et douloureuse.

Condamnée, voilà ce qu'elle était à présent. Elle avait joué avec le feu, et aujourd'hui brûlait petit à petit.
Condamnée.


*Coldplay, Paradise.
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