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[RP] Fantasques.

Edern
L'astre a revêtu ses rayons d'hiver, froides lignes rasant l'horizon d'une morte saison. Il frôle les toits et leurs pics d'ardoise, frémit, n'ose défier l'air vicié qui court sur la pierre des cheminées. Effrayées, elle repoussent le souffle lugubre à l'intérieur des demeures. Leurs habitants frissonnent au passage du sifflement, jettent un œil inquiet à la pâleur des fenêtres. Patiente traîtresse, l'ombre progresse... il fait encore jour, mais la nuit réclame déjà son heure.

Angers tremble. Pas assez. L'écho de sa défense passée s'engouffre dans l'oreille d'un Fou sorti de son antre. Des éclats de voix contradictoires reviennent assiéger ses tempes. Le souvenir se propage aux autres sens. Il marche toujours, dans une autre rue. Devant lui, les remparts se peuplent d'hommes en armes, prêts à défendre leur vie par la force de l'habitude. Femmes et enfants dévalent les escaliers en quête de munitions à provisionner. Des couleurs rouge et or sont hissées en l'honneur de ceux qui vont tomber. Pour rien. Les doigts de fer ont relâché leur prise sur les pions de guerre, renvoyés sur leur terrain par ses soins. Interrompant leur mélodie d'acier, les épées se sont accordées une pause avant la reprise... les règles n'ont pas changé.

Le pouvoir.
Leurs espoirs...
À portée de plume.

Chambellan, chancelier, duc ou conseiller... importent autant que le choix de la couleur des sceaux dont il use et abuse désormais avec indifférence. Les sommets sont atteints, mais pour combien de temps ? L'ascension attend son recommencement. Négociations sans fin ni fond, quand gagner du temps ne sert qu'à en perdre un peu plus... contestation, tension des équilibres. Trêve de mensonge. Le dénouement approche. D'ici là... l'immaculé tombé du ciel fuit le cuir usé de ses bottes en vaguelettes ruisselantes, ondes boueuses rêvant de caniveaux à explorer. Le manteau est taché. Il n'y prend pas garde, continue sa course malgré la souillure, absorbé par l'éphémère des passants pressés. Leur regard se charge d'une lueur cadavérique. Vivants, certes... morts en puissance. Clignement d'yeux. Là. Même la masse de la forteresse angevine n'y échappe pas. Choisir le bon côté de ce monde dédoublé... la fière citadelle ou les ruines amoncelées. Un conseil sans tête ou le duché décapité. Envolées, discours, bavardages... assez.

Il a pris au mot celui d'une gamine.
S'est fendu d'une courte lettre anonyme.
Invitation du verbe à rompre ses engelures...
Hors du chic d'albâtre, loin du cloître diplomatique.

Une main gantée de noir pousse la porte d'une taverne enfumée.
Elle s'empare au comptoir de deux verres de vin chaud.
La table de gauche...
Il s'assied.
Cerdanne
Une bien belle journée pour mourir, presque irréelle à force de givre étincelant.
Depuis quelques jours, ils s’amoncellent devant son regard fané. Le sourire fugace s’accroche encore par moment à leurs scintillements.
Le dernier leurre, le dernier rempart avant le sombre qu’elle chérit tant…
Les couleurs l’ont quitté depuis bien longtemps et ne l’intéresse guère.

Elle aime par dessus tout ce doux silence épais qui la réchauffe et la protège.
Le froid…
Dehors, il est à son aise.
Dedans il triomphe. Elle l’a vu venir avant même qu’il ne la touche.
Il lui suffisait de croiser le regard des passants. Suspendu au dessus d’eux, vorace et lubrique.
Elle lui a ouvert les bras. Séductrice et alanguie.
Pour être sure d’avoir le plus obscur, le plus pur des oublis.

La nuit s’en vient doucement et ce soir encore elle se prépare.
Sa douceur est magnifique et l’abandon tout naturel. Savourer ces derniers instants de quiétude.
Fermer les yeux et dormir...

C’est une piqure qui agite son sommeil.
C’est un bruissement d’ailes qui la réveille
Grognement furieux d’un chardon endormi
Arraché à l’abime, aspiré vers la folie...

Une main fine et blanche effleure une lourde porte de bois
Elle retient froissée entre ses doigts un bout de parchemin..
La table de gauche…
Elle s’assied..

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Edern
Porte ouverte au gré du vent et des silhouettes investissant l'auberge... on allume les bougies comme autant de cierges. Quelques flammes timides se déclarent à la noirceur des murs gelés. Douce intermittence... les tables tentent de refléter leur chaleur, maigres miroirs dressés contre la pénombre du soir. La scène est classique, jouée et rejouée chaque année avec le même dénuement. D'ébauche en ébauche, le portrait d'un homme sans vie, ne défendant plus que son droit à l'oubli...

Paupières fermées.
Ce monde est clos, étranger.

Seul lien subsistant, la perception d'un mouvement... celui de sa main droite qui, lentement, fait tourner son récipient. Le fluide sanguin tourne à contrecœur, spirale teintée de verre, longue descente aux enfers spiritueux. Ils sont tant à s'y réfugier, tant à y trouver une once de réconfort. La boisson sucrée ne donne pourtant que les moments d'une ivresse parodiée... poivrots de toujours, voyageurs égarés, travailleurs éreintés... les rôles l'envahissent à nouveau, éternels tentateurs alignés de rang dans la galerie des faux-semblants. Tous sont mentalement passés en revue avant que l'équilibre ne soit enfin rompu...

Une expiration. La première et la dernière... le raffut fait silence.
Les personnages se retirent des circonstances.
Ils ne sont plus que... secondaires.

Parlez-moi de vous...

Voix basse, prière murmurée. Le spectre est là, à peine voilé par le tissu d'une réalité démodée. Est-il jeune, est-il vieux ? Calyce n'a rien précisé de ce qu'il n'a pas demandé... les traits sont volages, esquisses avant que d'être visage. Accoutumant l'obscurité, les yeux bruns se mettent en quête de la vision espérée. S'interrompent devant la profondeur d'un bleu glacier. Il ne fondra pas... ni fleuve de larmes, ni rivière de joie.
Un esprit raisonnable se demanderait peut-être ce qu'il fait là.
Une rencontre nécessaire pour une vérité première...
Fou, tu as convoqué l'au-delà.

... parlez-moi de la Mort.
Cerdanne
Douleur …chaque geste de la danseuse imprime sa morsure, pas à pas. Respirer arrache l’air lentement, aspire les odeurs, l’imprègne du vide.
Douleur… des iris qui réapprennent à la lueur tremblante des chandelles les joueurs de vie.
Stupeur… la mémoire assaillit par les bruits oubliés. Les narines palpitantes redécouvrent l’acide, l’acre, le parfum de la bête humaine. Les voit elle vraiment…la voient-ils, eux…
Les pupilles s’agrandissent lentement et écartent la dentelle fine, fragile. Pour retomber dans un bruissement d’ailes. Elle n’est plus d’ici, elle n’est plus de là, elle est au-delà.
Elle y était presque. Elle y était presque...

Se penche, se courbe pour retenir le fleuve qui l’entrainait avant, avant que...L’esprit peine à ordonner le temps, les dents mordillent les lèvres, impuissantes à raviver autre chose qu’un filet carmin.
La caresse d’une toile couverte de mots entre ses doigts fins et elle se rappelle enfin l’appel.
Plume piquante sur aile caressante qui assigne à comparaitre. Qui distribue les rôles.

Cette voix qui résonne…alors il me voit lui… les yeux teintées de givre se pose sur un brun glacé et dérivent vers la tache sanglante qui miroite sur le bois taché de la table.


Parlez-moi de vous...


Un doigt léger trace un tourbillon aérien avant de se poser, curieux, sur le nectar.
La tiédeur l’amuse et l’index à peine coloré rejoint les lèvres déjà moins blanches. Gouter avant de répondre, laisser les épices envahir le palais, la langue.


... parlez-moi de la Mort.

Il insiste, il persiste. Ainsi il est l’ange perturbateur du voyage sans retour.

Non…
Il faut être fou pour entendre au-delà…

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Edern
Les noms ont été donnés. La partie peut commencer... les parcelles d'âme se fondent dans le chœur qui s'élève, dangereuse unisson des déraisons. Le chant lacère les harmonies, vrille l'esprit en une pointe acérée. Il s'est depuis longtemps arraché à la gangue des désirs enfouis par des générations de timides confessions. Contenter la faim est maintenant une liberté plus qu'un besoin... si son chemin est tracé, il ne connaît plus règle ni compas. Les mots sont un chaos qu'il invoque avec joie. Déménageurs d'insolite, serviteurs de dissonance... venez que je vous débarrasse de la viscosité du quotidien, de cette masse grelottante que les simples appellent destin. Quittez promesses, serments et devises... tuons ce temps qui ne dit rien... torturons ses phrases jusqu'au dernier point.
Leur douleur sera notre salut... notre triomphe, leur disparition.

Où en sommes-nous, maestro ?

Le regard sombre n'a pas quitté son bleu reflet, entraîné du gouffre givré à la surface de la table qui sépare son corps de l'apparition. Terrien, féminin, deux sangs se mêlent en gouttes audacieuses au bord des lèvres réchauffées. Une nouvelle saveur est à l'honneur... dégustons, dégustons.


Non…
Il faut être fou pour entendre au-delà…


Les marques d'un refus apparent ? Intéressant.
Séduire est une tâche ennuyeuse.
Mais si elle est joueuse...

Oui.
Non.

Une cicatrice blasonnée s'embrase au dos de sa main gauche, retour de flamme d'une béance que n'a pas enterrée un an d'absence... des feux de Laval à ceux d'Angers, tous n'ont pas été soufflés. À demi cachés par la manche d'une chemise blanche, les quintefeuilles brûlent de quitter le sceau crépitant auquel on les a assignés.
Poing légèrement serré au creux du vêtement.
Elle finira par revenir.

Et si... ?

Futur remis à plus tard, retour à l'instant.
La faucheuse n'a jamais été une proie facile...
Qu'elle entr'ouvre sa porte ou non, il n'y aura pas de sommation.
Cessant sa ronde, la main droite renverse le verre sur le bois innocent.

Peut-être... mais il faut entendre au-delà pour être fou. Ou folle...

Le vin coule entre eux, chaude marée montant à la conquête des étendues tavernières.

Vous êtes transie. Pourquoi rester, venir ici ?

Un petit sourire s'étire sur la figure du Fou.
Jeu, hasard, tourbillon ... fascination.
Cerdanne

L’esprit encore enroulé autour de sa belle « camarde* », elle résiste aux bruits, aux odeurs qui se mêlent, s’emmêlent.

Et ces mains nerveuses qu’il agite sans cesse sous son nez...
Ses paupières s’appliquent à soustraire le regard bleu aux lueurs sombres qui la fixent. La mémoire s’accroche au froid qui l’entoure, réminiscence de la belle faucheuse.
Il lui semble même l’entendre murmurer par delà les murs de ce cloaque. « Je t’attends … Dis, viendras tu…. »

Oui, elle viendra, dès qu’elle comprendra pourquoi, pourquoi…

L’index curieux se pare à nouveau de sang et s’obstine à colorer les lèvres encore closes.
Les épices..
Du plus loin qu’elle s’en souvienne, elle aimait à les sentir virevolter contre sa langue, creuser un sillon léger sur ses lèvres.
Mais ce soir, ce soir…les saveurs se révélaient autres.
Abruptes, violentes. Vraies.

Si seulement il n’alimentait pas la source avec ces mots simples et piquants.
D’une main fatiguée, il trace d’un sang chaud et odorant leur frontière...
Le léger murmure des vagues l’oblige à soulever les paupières protectrices, à regarder, à suivre les courbes pourpres.
Sourire devant l’étrangeté…


Partir, revenir…


Les billes bleues s’animent et fixent un poing fermé qui nargue l’harmonie qui s’étend et ruisselle entre eux…
Audacieux le fou, dévoilant un peu de sa folie à vouloir voir le pire. A vouloir le toucher peut-être ?

Les coudes soigneusement posés sur le bois usé, elle offre son visage encore figé de glace éternelle à ses doigts ,edelweiss timide qui veut naitre…


Aimez-vous danser…

*la mort.

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Edern
Tranquille.
Illusoire...
Redoutable.

La ligne de ses lèvres gagne une longueur... dix doigts sont libérés par les poings fermés.
Ils s'élèvent et pilent devant la face imberbe de l'homme, l'enserrant de leur chair nue.
Les coudes accompagnent le mouvement en un bruit mat.
Prends garde... à joueur parallèle, geste symétrique.

Jamais sans partenaire...

Était-ce à cette table ? Une autre ? Elles sont toutes les mêmes... tronc de balafres, branches cassantes et feuilles tombées, écorce dure et sèche pénétrant un cœur qui pleure sans larmes la sève versée. L'infinie variante d'une figure introuvable, comme si le hasard seul décidait des teintes de la fleur... rouge, noire ou blanche. Un autre jeteur de sort saura bien suggérer leur unité, les marier à l'autel des opposés. Patience, patience... le faire-part est tout un art.

Fou, c'est à toi !
Quelque chose d'étroit...
La salle est trop petite pour un duo.
Repoussons-en les limites...
Cassons le rythme.

Les iris bruns détaillent une dernière fois le visage de marbre, guettant la moindre aspérité, fouillant cette statue à laquelle il ne manque que la vie. Intense attention, presque captive... il se lève soudain, ajuste son couvre-chef et se hâte vers la sortie. Trois pas suffisent à viser l'embrasure. Une main tourne délicatement la rouille qui tient lieu de poignée à la porte gonflée. Heurtée violemment par une bourrasque meurtrière, elle claque du loquet sur le mur intérieur... les bouts de chandelle vacillent du bout de leur mèche chevrotante, feux affolés par l'invasion de la nuit tombée. Frisson. Lente inspiration. Volte-face.

Il y a des pistes à ne pas laisser refroidir... voulez-vous d'Angers ?

Et d'offrir à la donzelle son bras, prince galant ou narquois.
Cerdanne

Corolles éphémères pour une invitation à la rejoindre…
Offertes à la chaleur qui vole autour d’eux…

L’esprit traine encore dans les couloirs sombres et rassurants de la mémoire endormie.
Le néant lui manque…
Les vagues grenat se retirent sous son regard qui se perd un instant entre leurs houles.
Appel à rejoindre ce flux, ce reflux sanglant qui la hante.
Elle s’attend presque à voir la vie tomber dans le gouffre et guette le bruit mat de la chute…
Le plancher grossier résonne à peine, le sang, lui, afflue lentement entre ses doigts glacés, malgré elle.


Le choix du Cavalier est d’importance

Elle approuve d’un léger mouvement et se penche vers lui
Etait ce vraiment cela, l’important…le rythme, assurément, peut-être aussi l’équilibre et le …
Elle détaille, elle envisage le cavalier fou.
Son visage se nourrit de la fixité brune…Sourires qu’elle offre à ses doigts couronnés.

Le mouvement du danseur l’arrache à ses dérives.
L’arrondi d’un bras qui s’offre est tentant, l’invite à ne pas résister à l’appel.
Les lueurs des chandelles se courbent, approuvent en silence.

L’heure est au mouvement…

L’ombre blanche se joue des reflets et s’offre aux vents glacials. Main qui affleure un bras, qui s’appuie, qui pèse.
Visage qui se tend, franchissant la frontière fantasque.


Soyons fous.....

Un regard bleuté qui s’anime…

La piste sera-t-elle assez vaste pour nous…
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