[La grande livraison.]
Le blond avait quitté tôt le mas, par ce petit matin blanchi de gel de janvier. La journée s'annonçait chargée, il avait prévu pour ce jour la livraison de tous le mobilier du mas, en sus de plusieures autres livraisons, donc celle d'une barque de pêche qu'il devaient livrer à Aigues Mortes.
Malgré des journées bien chargées, Thomas commença par aller faire un tour au marché, dès qu'il arriva en ville.
Une fois les provisions achetées, il aimait particulièrement flâner, dès qu'il en avait le loisir ou le temps, près des étals des brocanteurs et bouquinistes, fouiner partout à la recherche d'une pièce rare et se salir les mains de la poussière des vies antérieures contenues dans tous ces livres et vieux objets.
C'est ainsi qu'il avait découvert chez l'un de ses bouquinistes préférés un traité de biologie appliquée à l'homme d'origine arabe, vieux de deux siècles, qui, après l'avoir fait traduire au bon français, lui fut d'une très grande utilité dans sa profession.
Chez l'un des brocanteurs, il découvrit un magnifique astrolabe de quatre pouces à miroirs d'origine certainement vénitien, en tout état de chause méditerranéen, une superbe pièce qu'il acheta sur le champ.
Lui se servait habituellement d'un bon viel octant solaire de marine pour faire le point durant ses traversées, aussi l'astrolabe représentait il un plus en précision de calcul, et surtout un grand avancement technique: Il pourrait désormais faire le point sur toutes les étoiles du firmament, et pas seulement sur le soleil, comme avec l'octant.
Ce fut ensuite le tour des bouquinistes, dont l'un d'eux attira son attention par un regard chargé de malice et un petit signe de la main.
Le blond s'aventura dans l'arrière boutique, juste sur les pas du vendeur, se demandant quelle surprise celui ci lui réservait.
Thomas était, dans l'espace circonscrit entre les quatre coins d'un grand lit, d'un naturel généreux, il préfèrait donner du plaisir à sa compagne que prendre le sien, ne rejoignant celle ci qu'au dernier moment, en voyant le spectacle que celle ci offrait lorsqu'à bout de forces, elle s'abandonnait enfin complètement au plaisir qu'il lui donnait.
En outre, il était tendre et imaginatif, ce qui tombait juste à point, car sa douce était voluptueuse, habile et toute aussi imaginative que lui, ce qui rendait leurs relations charnelles pleines d'umpromptus inespérés, de chassés-croisés et de surprises qui brisaient d'elles mêmes l'étouffement de la routine.
Malgré cela, rien ne l'avait préparé auparavant à la découverte qu'il fit ce matin là, quand le bouquiniste lui mit entre les mains un ouvrage richement enluminé, dont la page de garde portait le titre de Kama sutra....
Le blond ouvrit l'ouvrage, tombant en arrêt sur l'une des enluminures qui présentait un couple en plein acte de copulation, mais dans une position des plus étranges qu'il ait jamais imaginé, tenant plus de l'acrobatie de cirque que de l'acte de chair, et portant le nom, en langue italique de ''la carriola infiammata'', soit la brouette enflammée...
Macadiou! Lâcha le blond, surpris, en étudiant l'enluminure.
Ensuite, il releva les yeux, les fixant sur le marchand, un petit air goguenard sur le visage, et l'air soudair rêveur...
Après quoi, il referma le livre, soudain plein de hâte de retourner à la maison, sortit une bourse, compta le prix que le bouquiniste lui demanda pour l'ouvrage, le déposa tout au fond du panier, recouvert de légumes, puis partit en direction de son échoppe, enchanté des emplettes faites ce matin là....
Deux heures plus tard, à bord du grand char à banc attelé à l'un des percherons, et rempli de tout un lot de mobilier hétéroclite, leur mobilier, et accompagné du jeune Panisse.
Une fois à terre, il ordonna au commis de retirer les bàches et les attaches qui fixaient le mobilier au char, pendant que lui allait poser ses emplettes à la cuisine.
Il posa bel et bien tous les ingrédients du repas de midi dans la cuisine, mais se dépêcha de garder le livre dans leur petite chambre, dans la roulotte, où il trouva Mary en train de s'habiller.
Le long regard qu'ils échangèrent aurait pû en dire long à quiconque l'eut vu, mais ils étaient seuls.
Quand midi sonna, tous les meubles étaient déchargés, entassés dans les pièces du haut, et il ne restait dans le char que la barque de pêche et deux grands bahuts qu'ils devraient aller livrer dans l'après midi.
Après le déjeuner composé d'une daube aux légumes, d'une frisée agrémentée de nombreux lardons, d'un fromage gras frait à la maison et d'une demi-bouteille de vin rosé, commis et maître reprirent place sur le char à banc pour finir leur tournée.