Aryanha
Cela faisait des jours et des jours, que la Vénitienne arpentait les rues de Dijon à la recherche de sa propre demeure. Son époux lavait laissée libre dassouvir ses préférences. Elle ne désirait pas rester plus longtemps à lhostellerie, il fallait se décider.
Maître Colin laidait dans ce choix, linvitant à visiter plusieurs maisons dignes de sa condition. Mais si lanimation des rues la ravissait, elle préférait un peu de calme pour sa demeure. Et rien, rien ne la satisfaisait, elle ne trouvait rien, à croire quelle était bien trop exigeante, à croire que toutes les demeures possédaient déjà son maître.
Ce fut un évènement imprévisible qui décida à sa place ou plutôt laiguilla dans ses décisions. Maître Colin restait dépité devant les refus présentés par Aryanha sur ses choix. Un éclair dans son esprit lui rappela un évènement survenu lannée précédente :
Une maison fortifiée, non loin des murs de Dijon, restait inhabitée depuis son pillage par une horde de routiers. Le chevalier qui y logeait, restait sans famille et sétait retiré dans un monastère pour y terminer ses vieux jours.
Ce matin là, le soleil peinait et une brume sétait installée, un combat céleste avait lieu alors que les villageois bravaient depuis un moment un autre combat, celui de la terre. Chevauchant le long de lOuche, Aryanha ne craignait pas lhumidité sous sa cape et son capuchon. Maître Colin laccompagnait son bonnet enfoncé sur sa tête, en reniflant souvent et sessuyant le nez de temps en temps avec son gant, sous le regard courroucé de la Vénitienne. Laissant la rivière, ils longèrent des coteaux et Aryanha laissa échapper un Oh de surprise en découvrant les vignes les vignes dAleryk, son époux ! Celles quil venait dacquérir !
Arrivés devant les murs denceinte de la maison forte qui contenait des bâtiments ceints de fossé en eau, ils stoppèrent les chevaux pour mieux observer de loin les alentours. La brume ne sétait toujours pas dissipée et lon pouvait entendre au loin le cri rauque dun ou deux corbeaux égarés. La maison fortifiée sélevait dans les bras dune brume blanche que lastre de lumière perçait enfin de victoire. La matinée avançait et bientôt régnerait un jour ensoleillé, une belle journée sannonçait !
Ils franchirent bruyamment la herse ouverte. A l'intérieur de la cour, entourée par un mur d'enceinte percé de meurtrières, se dressait le bâtiment principal, le corps de logis. Au rez-de-chaussée, se trouvaient un petit oratoire ainsi qu'une cuisine voûtée. Bien que modeste, la Maison comportait un aménagement de salles spacieuses.
Aryanha se retourna sur Maître Colin et de sa voix douce mais impétueuse, elle déclara :
Cest ici que nous vivrons !
Maître Colin eut un long soupir qui en disait long il était temps ! Il essuya son front gras avec le revers de sa manche. Aryanha lobserva intriguée, il ne faisait pas si chaud pourtant !
Et bien Maître Colin, vous voilà satisfait, vous naurez plus à arpenter toutes les rues de Dijon pour moi dés laube ! Réglons cette affaire au plus vite, il me tarde déjà dy emménager !
Lhomme pencha sa tête sur le coté, hésitant à poser une question bien délicate et craignant se faire rabrouer par la dame. Après avoir bafouillé quelques mots indistincts, en triturant son bonnet, Maître Colin narrivait pas à expédier sa question. Aryanha le regardait encore plus étonnée. Décidément quel drôle de comportement ! Elle tenta de lencourager en fronçant les sourcils.
Mais quest-ce ?
Mess Messire votre ép seigneur sera-t-il aussi enthousiaste si jose que vous ?
Dun geste insoucieux de sa main gantée de cuir, Aryanha fronça à nouveaux ses sourcils :
Laissez là vos questions disgracieuses Maître Colin !
Mon époux sera enchanté de mon choix, soyez rassuré !
Notre affaire est conclue ! Et vous serez payé comptant !
Sur ce elle fit résonner ses bottes sur le dallage de la grande salle avec ses allées et venues, se retournant brusquement en faisant balayer le sol de sa robe, elle sexclama en argumentant :
Je veux du marbre de Bourgogne ici ! Pas de cette pierre grossière ! Les boiseries ont souffert du pillage et du mauvais temps ! Il me faudra embaucher de la main duvre pour réparer tout cela ! Je pense bien le retenir du prix du bien.
Oui, oui bien sûr évidement, dame ! Bredouillait toujours Maître Colin.
Partons signer ce contrat et apposer le sceau sur lacte, ce sera chose faite.
A grands pas, Aryanha sortit de la salle laissant là le notaire qui lui courait après pour la rejoindre. Elle empoigna la bride de sa haquenée et lenfourcha prestement, elle donna un coup dans les flancs et la jument partit au galop suivi péniblement de la monture de Maître colin.
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