Anaon
- Nuit du 21 Décembre
Nuit de la Modra Necht*, Solstice dhiver -
* " Nuit-Mère "
* Chez les celtes, déités de la fertilité.
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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III ----[Clik]
Nuit de la Modra Necht*, Solstice dhiver -
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Le monde sest vêtu de son voile dombre plongeant les campagnes de Bretagne dans le silence de la nuit. Des lambeaux de nuage se disséminent dans le ciel, voilant çà et là léclat glaciale de quelque étoiles, épanchant nonchalamment de petite larme solides comme des oublis de la journée. Et sur les rochers emperlés de cristal la lune reflète son scintillement blafard. Une nuit éclatante, des ténèbres blancs Doux paradoxe hivernale.
Le manteau diaphane crisse doucement sous le pas du cheval qui le profane dune démarche presque religieuse. Lencolure se courbe sous la main éthérée qui tient ses rennes, le pied sallège, le silence se fait plus présent . La lueur chaleureuse dune lanterne miroite sur la large épaule au poil doré, pâle point de lumière face au reflet de limmaculé qui brille sous lastre nocturne. Le cheval quitte le sentier à peine visible pour savancer vers lhorizon qui sécroule à plusieurs pieds des leurs. Le bord de la falaise sest nimbé dun manteau encore chaste dempreinte. La tête se relève et lazur rencontre largent. Les doigts se resserrent sur les rennes de cuir et les pied retrouvent souplement la terre ferme. La lanterne est posée à même la neige puis abandonnant la monture immobile, la femme savance vers la chute de la falaise.
Lamentation de la neige écrasée qui saccompagne du froissement de velours de sa cape. Les yeux ne quittent pas la belle ronde et quand les pieds foulent les derniers pied de létendue dalbâtre, la femme se laisse tomber à genoux. Le regard se voile de son rideau de chair et la poitrine se gonfle dune inspiration douloureuse. Lair glaciale aux fragrances de sel lui gèle les sangs et la bise océanique se fait un plaisir de lui claquer le visage. Les mains se resserrent contre sa poitrine et entre létau de ses doigts, une bourse de velours et une branchette de gui.
Chant lugubre du vent qui sharmonise avec la houle qui agonise contre la roche dans un ultime fracas. Et dans les complaintes, aussi clairement que si elles sexauçait réellement, elle les entends, les voix. Elle les revit, ses cris.
- Regarde
Les yeux souvrent de nouveaux dévoilant un regard comme elle nen a pas montré depuis longtemps. Deux saphirs en pitié à léclat fragile luisant dhumide... Et la lune brille, reyne du solstice, pâle et ronde comme le ventre dune femme prête à lenfantement.
Ne trouves-tu pas Maman... Belle ?
Le souffle expire une volute glacée alors que les yeux se ferment encore. La peau shérisse sous le souffle chaud quelle imagine. Souvenir dune insulte dans sa nuque, aussi limpide et vivace que le froid qui lui meurtrie la peau. Les cris éclatent dans sa tête. Macabre réminiscence qui lui crève les tympans. Cest les cicatrices qui souvrent. Cest les plaies qui éclatent. Cest les chairs qui brulent.
_ Déesse-Mère Quai-je fait pour mattirer ton courroux?
Et la parole dont lassurance désinvolte frôle parfois linsolence se fait murmure tremblant entre les lèvres tailladées. Les mains se resserrent sur la bourse de velours. Si cest moi qui tai offensé, pourquoi eux? Dis-le moi
Pour réponse, la morsure du vent qui gifle la peau hyaline et fait danser les mèche brunes. Silence qui se raille des douleurs et des remords. Et de remords, elle en nourrit un autre au creux du corps. Les mâchoires se crispent à cette pensée et tous les muscles se tendent dune rage contenue.
_ Vénérables Matres*, vos faveurs me sont poisons
Les coudes se resserrent contre le surcot épais Contre le ventre coupable. Ecrin de chair dans laquelle grandit linfâme germe dune semence dété. Une nouvelle écorchure à lâme, une erreur de plus qui la ronge. Une vie à venir pour insulter le deuil. Indésirable.
Les azurites se révèlent de nouveau pour contempler la lune, mainte fois blasphémer. Elle, aussi grise que les prunelle dargent dont elle noubliera jamais léclat. Poignant et froid comme une lame. Nouveau soupire glacé. Double peine pour la misérable. Une douleur passée et une autre à venir. Lune rancur lautre remord. Tous deux fruits de ses entrailles.
Elle ne bougera pas de la nuit, comme une Âme en peine gelée dans sa pénitence. Elle se remémora chaque seconde de cette nuit qui à ruiner son existence. Revivant chaque blessure, chaque morsure des mots. Et le ciel viendra la drapée dun manteau de neige.
* " Nuit-Mère "
* Chez les celtes, déités de la fertilité.
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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III ----[Clik]