Nikkita
[Entre deux monts
plus ou moins]
Oublié lair salin des côtes bordelaises, les odeurs ferrailleuses des bordures angoumoises, les parchemins poussiéreusement limousins et lodeur entêtante de bois ciré dans la cour des grands. Lerrance, sans désespérance, avait repris ses droits, aussi bien que ses serpentines. Pour les deux vagabonds épris de liberté, par une étrange boucle, elle offrait présentement visage dun moutonnement répétitif, creusé incongrument en son milieu par un fleuve, dont le bleu auvergnat tranchait sur le sage ordonnancement des nuances verdâtres alentours.
Lautomne au milieu des vignes, cétait la douceur sucrée et entêtante du raisin, les pintes pimpantes, les tavernes à lamitié joyeusement bordelaise, jusque dans les petits coins. Cétaient les dialogues de sourds à qui avait perdu sa miche en plein marché, à qui senchantait à lécoute dun patronyme, à qui maniait le ravissement précoce mais néanmoins abondant. Cétait encore, cétait surtout, le paradoxe de limmobilisation aux fins de panser les blessures, tout en sinfligeant celle de limmobilisation immodérée. Heureusement, tout avait une fin. Les blessures, comme limmobilisme.
A consommer du Bordeaux sans modération, Nikkita avait fini par tomber dans une profonde méditation, confiant duvet, pansages et bandages, aux bons soins de son alter ego. Dun réveil laborieux où les enchantements perduraient dans le ravissement, les deux vagabonds aux politesses aléatoires avaient repris besaces et chemins, ainsi que du poil de la bête. Cette dernière, en loccurrence, hongrement castraise.
La cavale automnale avait pris ses quartiers éphémères, après une diagonale plus ou moins directe les échouant entre les bras dun fleuve. Après un rapide tour des environs désertiques, abstraction faite de deux poules faisanes se lardant pour lhiver, la menue vagabonde en suivait, dun pas étouffé, la sente à peine tracée courant le long des berges. Un méandre retors formait une sorte de port naturel, à labri duquel ils avaient installé un campement de fortune. Leur compagnon à quatre jambes, entravé au beau milieu dun carré dherbes tenaces, broutait dune incisive désabusée, mâchant et remâchant ses rêves improbables de limousine égarée ou de berrichonne au regard langoureusement bovin.
Quittant la rive pour obliquer vers le bivouac silencieux, Nikkita sarrêta quelques instants à ses abords, perplexe, se gratouillant pensivement le front. Consultant tour à tour la descente du soleil et limperturbable quadrupède esseulé, la vagabonde, intriguée, dévia subitement vers les taillis, un pan de sa jupe froissé dans une main, la poulaine légère, fouillant du regard les ombres se dessinant entre la bordure forestière et le fleuve, dans une recherche feutrée de son acolyte.
Oublié lair salin des côtes bordelaises, les odeurs ferrailleuses des bordures angoumoises, les parchemins poussiéreusement limousins et lodeur entêtante de bois ciré dans la cour des grands. Lerrance, sans désespérance, avait repris ses droits, aussi bien que ses serpentines. Pour les deux vagabonds épris de liberté, par une étrange boucle, elle offrait présentement visage dun moutonnement répétitif, creusé incongrument en son milieu par un fleuve, dont le bleu auvergnat tranchait sur le sage ordonnancement des nuances verdâtres alentours.
Lautomne au milieu des vignes, cétait la douceur sucrée et entêtante du raisin, les pintes pimpantes, les tavernes à lamitié joyeusement bordelaise, jusque dans les petits coins. Cétaient les dialogues de sourds à qui avait perdu sa miche en plein marché, à qui senchantait à lécoute dun patronyme, à qui maniait le ravissement précoce mais néanmoins abondant. Cétait encore, cétait surtout, le paradoxe de limmobilisation aux fins de panser les blessures, tout en sinfligeant celle de limmobilisation immodérée. Heureusement, tout avait une fin. Les blessures, comme limmobilisme.
A consommer du Bordeaux sans modération, Nikkita avait fini par tomber dans une profonde méditation, confiant duvet, pansages et bandages, aux bons soins de son alter ego. Dun réveil laborieux où les enchantements perduraient dans le ravissement, les deux vagabonds aux politesses aléatoires avaient repris besaces et chemins, ainsi que du poil de la bête. Cette dernière, en loccurrence, hongrement castraise.
La cavale automnale avait pris ses quartiers éphémères, après une diagonale plus ou moins directe les échouant entre les bras dun fleuve. Après un rapide tour des environs désertiques, abstraction faite de deux poules faisanes se lardant pour lhiver, la menue vagabonde en suivait, dun pas étouffé, la sente à peine tracée courant le long des berges. Un méandre retors formait une sorte de port naturel, à labri duquel ils avaient installé un campement de fortune. Leur compagnon à quatre jambes, entravé au beau milieu dun carré dherbes tenaces, broutait dune incisive désabusée, mâchant et remâchant ses rêves improbables de limousine égarée ou de berrichonne au regard langoureusement bovin.
Quittant la rive pour obliquer vers le bivouac silencieux, Nikkita sarrêta quelques instants à ses abords, perplexe, se gratouillant pensivement le front. Consultant tour à tour la descente du soleil et limperturbable quadrupède esseulé, la vagabonde, intriguée, dévia subitement vers les taillis, un pan de sa jupe froissé dans une main, la poulaine légère, fouillant du regard les ombres se dessinant entre la bordure forestière et le fleuve, dans une recherche feutrée de son acolyte.