Clelia
Conflans-les-Sens. Champagne. Repos. Comme ces trois mots allaient bien ensemble. Mais depuis quelques jours, celui de solitude venait s'y ajouter depuis que Colin était en retraite. Elle revivait, au calme, loin de ce qui semblait annoncer une reprise du conflit. Quelques lettres échangées avec Gwenhwyvar, une visite à la seigneurie de Santeny, quelques récoltes de bois en forêt, quelques stations dans l'église du village et du repos, beaucoup de repos. Pour vivre heureux, vivons cachés disait l'adage... C'était bien vrai. Il allait falloir pourtant montrer le bout de son nez et affronter, affronter l'inévitable.
Mais pour l'heure, première « confrontation » avec.. son vélin et sa plume. Un pigeon attendait déjà, prêt à faire sa course dans les plus brefs délais.
Mais pour l'heure, première « confrontation » avec.. son vélin et sa plume. Un pigeon attendait déjà, prêt à faire sa course dans les plus brefs délais.
Citation:
Conflans-lès-Sens,
Vingt-huitième jour de l'an 1459,
Chère Baronne,
Voici une éternité que je n'ai pas eu de vos nouvelles. Je vous savais gravement blessée, je vous savais rétablie puis en voyage.. mais je ne sais pas où vos pas vous ont menée depuis.
Pour ma part, après le mandat de Commissaire au commerce que j'ai effectué sous le règne de la duchesse Vendettal, je me suis consacrée à la mairie de Craon, abandonnée depuis quelques semaines. Elue au conseil ducal, j'en ai démissionné ce qui m'a valu un procès pour Haute Trahison lancé par Linon, qui comme le dit si justement Salebete, tient plus de la dragonne aujourd'hui que d'autre chose.
Enfin, je ne doute pas que ces histoires politico-ennuyeuses vous intéressent fortement mais ce n'est point le but de ma lettre que de vous les conter.
Je suis actuellement en Champagne sur l'invitation d'une amie afin de cacher un mal qui se voit de plus en plus et dont je serai délivrée dans quelques mois.
Oui, ma chère amie, je suis enceinte. Pour le moment, cela ne se voit pas, je vérifie chaque jour avant chaque sortie que nulle trace n'en transparaît. Mais ce mal a tendance à s'aggraver au fil des jours, inexorablement.
Je vous conjure de ne pas en parler pour le moment. Mon père est informé à demi-mots mais je crains trop sa réaction.
Mon amie va me confier des terres afin que je puisse mener sereinement cette grossesse à terme, loin de la guerre et des champs de bataille.
Il m'était impossible de rester en Anjou où l'on m'aurait posé des questions sur mon état. Un mariage était prévu avec le père de l'enfant malheureusement, certains s'y opposent dès aujourd'hui disant qu'une fille de Duchesse et de Comte ne peut pas épouser un roturier. J'essaie bien de contester en disant que je ne suis pas encore noble, pour le moment.
Une demande danoblissement a été faite.
Mon père m'a dit qu'il ne voulait pas de bâtard dans la famille.
Alors qu'en pensez-vous? Il est égoïste pour une mère de ne penser qu'à son bonheur sans se préoccuper que son enfant dut porter toute sa vie le qualificatif de « bâtard », ne croyez-vous pas? Je me suis perdue moi-même, mais je n'ai pas à perdre la vie d'un futur enfant qui paiera chaque jour l'erreur de sa mère par un statut social déplaisant? Par ma naissance, je ne suis pas non plus tout à fait libre de mes actes?
Chaque mot me pèse, chaque pensée en ce sens me fatigue.
Par pitié, envoyez-moi de vos nouvelles, qu'elles éclairent d'une lumière différente ce quotidien empli d'interrogations.
Il est passé le temps de l'insouciance, une page se tourne.
Votre amie,
Clelia de la Croix de Bramafan Penthièvre
Vingt-huitième jour de l'an 1459,
Chère Baronne,
Voici une éternité que je n'ai pas eu de vos nouvelles. Je vous savais gravement blessée, je vous savais rétablie puis en voyage.. mais je ne sais pas où vos pas vous ont menée depuis.
Pour ma part, après le mandat de Commissaire au commerce que j'ai effectué sous le règne de la duchesse Vendettal, je me suis consacrée à la mairie de Craon, abandonnée depuis quelques semaines. Elue au conseil ducal, j'en ai démissionné ce qui m'a valu un procès pour Haute Trahison lancé par Linon, qui comme le dit si justement Salebete, tient plus de la dragonne aujourd'hui que d'autre chose.
Enfin, je ne doute pas que ces histoires politico-ennuyeuses vous intéressent fortement mais ce n'est point le but de ma lettre que de vous les conter.
Je suis actuellement en Champagne sur l'invitation d'une amie afin de cacher un mal qui se voit de plus en plus et dont je serai délivrée dans quelques mois.
Oui, ma chère amie, je suis enceinte. Pour le moment, cela ne se voit pas, je vérifie chaque jour avant chaque sortie que nulle trace n'en transparaît. Mais ce mal a tendance à s'aggraver au fil des jours, inexorablement.
Je vous conjure de ne pas en parler pour le moment. Mon père est informé à demi-mots mais je crains trop sa réaction.
Mon amie va me confier des terres afin que je puisse mener sereinement cette grossesse à terme, loin de la guerre et des champs de bataille.
Il m'était impossible de rester en Anjou où l'on m'aurait posé des questions sur mon état. Un mariage était prévu avec le père de l'enfant malheureusement, certains s'y opposent dès aujourd'hui disant qu'une fille de Duchesse et de Comte ne peut pas épouser un roturier. J'essaie bien de contester en disant que je ne suis pas encore noble, pour le moment.
Une demande danoblissement a été faite.
Mon père m'a dit qu'il ne voulait pas de bâtard dans la famille.
Alors qu'en pensez-vous? Il est égoïste pour une mère de ne penser qu'à son bonheur sans se préoccuper que son enfant dut porter toute sa vie le qualificatif de « bâtard », ne croyez-vous pas? Je me suis perdue moi-même, mais je n'ai pas à perdre la vie d'un futur enfant qui paiera chaque jour l'erreur de sa mère par un statut social déplaisant? Par ma naissance, je ne suis pas non plus tout à fait libre de mes actes?
Chaque mot me pèse, chaque pensée en ce sens me fatigue.
Par pitié, envoyez-moi de vos nouvelles, qu'elles éclairent d'une lumière différente ce quotidien empli d'interrogations.
Il est passé le temps de l'insouciance, une page se tourne.
Votre amie,
Clelia de la Croix de Bramafan Penthièvre
Et le volatile prit la direction de Bourganeuf, instinctivement, parce qu'il est très intelligent.