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[RP] L'boulin des gronronneurs.

Axelle
La Bestiole grimaça.

Monter les sacs d’farine, mais qu’c’t’as c’matin ? T’vas émerger oui ? Quoi ? J’ai dit d’blé, c’lui qu’a rien compris ! Non, t’as dit farine, t’es complètement à la masse ma pov’fille. Ca va hein ! C’sa faute au Maric, l’a qu’à pas avoir ces yeux là ! Quels yeux ? T’sais bien ! Et moi j’t’ai dis arrête, alors reprends toi fissa, et l’laisse pas croire qu’tu racontes des âneries !


Se reprenant.

Qu’veux tu qu’j’fasse d’farine ici ? La farine, c’est pour l’Ours, moi, c’est blé dont j’ai besoin ici, t’peux pas réfléchir un peu ? J’vais pas remoudre d’la farine !

Et se décrochant du regard bleu, la bestiole sans un mot de plus descendit l’échelle précipitamment laissant le troisième échelon cracher sans y prendre garde et grogna

C’pas possible ! Non, c’pas possible ça !

A quoi répondait, seule elle le savait, et encore.
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Maric
La première nuit au boulin avec Truc, fut assez difficile.

Il fallut tout d'abord qu'il se cloisonne un petit coin rien qu'à lui,
avec des planches trouvées non loin du boulin et l'aide du quadrupède, pas très utile, qui courrait et sautait dans ses jambes pour jouer.

Après un certain temps qui lui parut long, il réussit à se faire un petit enclos.
Fallait surtout pas qu'l'Truc puisse gambader sans surveillance.

Déjà y a quelques heures, il avait surpris le canidé en train de ronger un gros morceau de bois, et il serait mal venu qu'il ronge d'autres choses, enfin surtout ici.

Puis il avait aussi promis à l'Axelle qu'il ferait attention.

Alors dans sa caboche de gamin, cela suffirait pour quelques mois, le chiot ne saurait pas bouger de là.
Ensuite, satisfait, il installa se paillasse toujours avec l'aide du joyeux energumène.
Couché enfin, Maric ferma les yeux, songeant à sa journée, songeant à des tas de choses en fait, il se posait beaucoup beaucoup de questions et là cherchait son sommeil.

Truc ravit, la queue frétillante ne l'entendit pas comme ça, il lui sauta dessus, marchant sur son visage, le lècha cherchant par tout les moyens de faire
lever le grand mioche qui lui ne souhaitait qu'avoir la paix et dormir.

PFFFF couché TRUC!!!!grommela t-il avant de se retourner et de se planquer les oreilles et la tête entre les mains.

La nuit fut longue, très longue avant que le bestiaux daigne fermer les yeux et rester tranquille, permettant enfin au gamin de savourer ce rare moment de calme.
Maric
Les matins au Boulin.

Tous les matins à l'aube, avant l'arrivée d'Axelle et de Fel c'était toujours la même chose, un vrai branle bas de combat.

Il fallait tout ranger, que tout soit en ordre pour pas qu'elle se fache et encore moins l'Ours.
Fallait aussi nettoyer les dégats du chiot, il faisait ses dents l'Truc et Maric lui avait filé un énorme morceau de bois sur lequel le chiot adorait s'acharner,
ça en mettait du bazard, des morceaux de bois partout, même jusque dans sa paillasse.
Ensuite, fallait encore le mettre dehors pour qu'il se dégourdisse les pattes et se soulage de la nuit, si il ne l'avait pas déjà fait avant à l'intérieur.

Si la dernière option avait été choisie, il devait encore nettoyer tout le coin où il dormait.

Le matin très très tôt Maric s'affairait beaucoup au boulin, il parvenait plus ou moins à respecter ses engagements avec la bestiole,
le travail se faisait en général, le chiot était cloisonné et ne pouvait pas aller vers la boulangerie.
C'était une bonne chose parce que gourmand comme il était il aurait tôt fait de tenter de chaparder n'importe quel bout de nourriture,
même du pain rassi ou de donner un malheureux coup de patte pleine de petites griffes à l'Axelle pour lui demander du pain tout en remuant sa queue de joie.

Puis lorsque tout semblait prêt, qu'il lui restait encore assez de temps, il sortait son encrier, prenait sa jolie plume,
cadeau de Chou qui voulait surement dire "écris moi", et s'installait dans un coin, allumait parfois une chandelle selon l'heure et s'entrainait à écrire.

Et tous les jours il avait écrit, armé de patience, parfois désespéré et prêt à demander à la bestiole de l'aide,
c'était si difficile mais il était un peu trop fier et gêné aussi de demander de l'aide pour écrire à une fille, alors comme un grand il s'était débrouillé.

Au début les gens devaient rire, il savait pas comment utiliser toutes les lettres mais à force de lecture,
toutes les missives qu'on lui avait envoyées, que ça soit du maire, de Chou, de Friant, toutes ces lectures il les avaient décortiquées,
et il recopiait les mots... jouant parfois même avec les lettres en bois que sa marraine lui avait donné.

C'était un joli cadeau, elle avait eu une bien bonne idée et ça lui avait permis d'avancer, et puis les missives firent le reste...
Une fois que tout était fini, sa lettre attachée à son pigeon à la plume en moins, il était soulagé de ne pas avoir été surpris et il s'empressait de planquer ses affaire derrière un lourd coffre en bois,
gardant sur lui ce qu'il avait de plus précieux, de peur que quiconque ne tombe dessus.

Non il n'avait pas à se plaindre Maric, à Embrun tout le monde à sa façon aidait le jeune homme à grandir.

Lora, une femme qui le faisait rire, lui apprit à boire malgré lui, enfin c'était quelqu'un qu'il appréciait même si il ne partageait pas toujours les mêmes goûts.
Engherran, en bon père de famille, prêt à aider tout le monde, proposa son aide pour diverses choses, mais c'est aussi le père de Chou et
Maric parfois se méfiait, mal à l'aise à cause du truc que partageait les deux adolescents.

Il pourrait les citer tous, tous à leur façon animait la vie du gamin mais il s'attarda en pensée sur sa soeur.

Axelle, il aimait beaucoup se confier à elle, il le faisait peu, pensait souvent qu'il l'ennuyait mais après avoir osé libérer une partie du poid qui l'oppressait, ça lui faisait vachement du bien,
parce que des questions il s'en posait beaucoup le gamin, mais Axelle avait souvent les mots qui lui faisaient du bien, depuis toujours elle avait toujours su rassurer le garçon,
ne fût-ce qu'avec une pêche bien sucrée au bout des doigts.

Son petit quotidien avant d'aller aux champs ... tout allait bien ...

Mais hier soir quand il était rentré, il avait encore bu, pas qu'il aime ça plus qu'un autre, non, Lora et Dam avaient surtout égayé sa soirée, il en avait bien besoin et
il avait titubé jusqu'au boulin, le chiot sur les talons.

Il avait triste mine, il était perdu...
Il savait qu'il avait fait une bétise ce jour là, même, c'était pas ce jour là qu'il l'avait faite...

Mais dans sa caboche de gamin têtu ça méritait pas pareille punition, non il n'était pas un menteur, il protégeait juste ce qui était cher à ses yeux comme il aurait protégé sa famille et si il fallait pour ça ne rien dire il le referait.

Et c't'abruti de chiot c'était son meilleur ami, son seul ami même, il n'avait que lui près de lui le soir quand il avait besoin de parler, trop timide pour dire les choses aux gens, trop pudique aussi, trop tout un tas de choses surement aussi.

Maric avait bien du mal à se livrer et même a sa soeur, l'habitude d'avoir tellement dû se débrouiller seul dans la ferme maudite que parfois ils se contentait de passer du temps avec elle et
de ne pas trop l'ennuyer, juste ce qu'il faut pour essayer de la faire sourire.

Et ce chien là, sujet de discorde, il l'avait rêvé durant de longue années quand il était petit, alors que seul il trimait pour un "père" qui n'en était pas un.

Non ce chiot on y toucherait pas!
Et puis c'était son cadeau.

Et ce jour là, il avait eu l'impression de perdre tout ce à quoi il tenait, d'être totalement incompris et il resta de longues heures à regarder le vide, perdu dans des pensées tristes, ombrageuses... il avait même pensé a se débarrasser du chiot, mais jamais il ne pourrait faire ça.

Ce matin là, il ne prit pas sa plume, il ne savait que écrire ...
Si que l'Ours était cruel, qu'il lui avait pas laissé de chance de se faire apprécier lui et le chiot, qu'il avait eu l'impression qu'on lui avait laissé aucune chance de s'expliquer vraiment,
de dire qu'il trouverait des solutions, non il n'avait pas su lui dire à l'Ours, face à la colère du colosse que voulez vous dire hormis prendre vos jambes à votre cou afin de ne pas finir chez walik et puis surtout, sa soeur, oui sa soeur, il tenait tellement à elle, elle passait bien avant lui, et l'Axelle était l'épouse de l'Ours et il voulait pas qu'elle ait des ennuis à cause de lui, alors ce matin là, désemparé il préparait ses affaires...
Y avait pas grand chose, juste un baluchon qu'il cacha au mieux, pensant venir les reprendre plus tard...quand ils seraient partis.

Ce jour là comme tous les autres il s'en alla vaquer à ses occupations, il devait apprendre à chasser, et le coeur lourd, persuadé que c'était le mieux à faire pour Axelle et pour ne plus être un poid avec ce Chiot...il ferma la porte derrière lui.
Axelle
Le soleil était encore haut bien que les journées raccourcissaient déjà. Dans quelques semaines la nuit serait déjà tombée à cette heure, mais la Bestiole refusait de trop y penser, et surtout de penser au froid qui reviendrait, inexorablement. Il lui faisait cependant moins peur à l’aube de cet automne ci. Non, elle n’aurait plus à se réveiller les lèvres bleuies et les pieds gourds et douloureux. Non, il n’y aurait plus de gouttes d’eau sournoises agaçantes s’infiltrant du toit trop vieux. Non, elle ne parlerait plus à sa mule. Bien que, sa mule lui avait joué un tour pendable. La fichue bête, mine de rien, avec ses grands yeux faussement innocents, c’était décuplée mystérieusement, laissant la bestiole aux prises non pas avec une mule, mais avec quatre têtes de mule, et pas des moindres.

Plissant les yeux sous le soleil, elle s’amusait de cet état de fait en cheminant nonchalamment. La journée avait déjà été bien longue, et était encore loin d’être finie. Très tôt ce matin, alors que la Combe était encore plongée dans le sommeil, elle avait du prendre la route de l’atelier, pour une commande à peaufiner. Il était de plus en plus difficile de s’extraire des bras chauds de l’Ours, de laisser derrière elle les petits bruits du Bidule et les espiègleries de la Mouche. Bientôt, espérait-elle, l’appentis serait construit et elle n’aurait plus à s’éloigner des siens des journées durant pour ces fastidieux allers retours. Mais aujourd’hui, elle était contente, le travail avait été plus rapide que prévu, et elle avait pu prendre le chemin du retour de bonne heure.

Elle avait donc encore du temps devant elle avant de prendre les ordres du jour à la caserne. Et ce temps là, c’est avec Maric qu’elle décida de le passer.

La journée d’hier avait été difficile, et elle devinait que son frère se sentait coupable et certainement triste. Elle voulait lui parler, vraiment, lui dire d’où il venait, lui raconter les pèches, les jeux, mémé, le vieux, les autres. Et peut-être, lui parlerait-il lui aussi.

Elle se sentait si maladroite, si incapable. Sa vie durant, elle avait vécu seule. Même au milieu de cette smala grouillante, elle était seule. Puis il y avait eu Serg, mais ils étaient comme seuls au monde. Serg, elle savait d’ailleurs que leurs nouvelles vies respectives les sépareraient, inévitablement. Ainsi allait la vie. Mais aujourd’hui, la bestiole n’était plus seule. Elle en était heureuse, oui, mais ne savait pas conjuguer les caractères des uns et des autres. Elle tentait de jongler entre les états des uns et les désirs des autres, et tiraillée, elle s’emmêlait lamentablement les pattes, fâchant l’un en s’adoucissant avec l’autre. La voilà qui devait se faire médiatrice, elle ! C’était aller contre toute logique, et pourtant, elle essayait tant bien que mal, sans pourtant avoir la certitude d’y parvenir. Quatre têtes de mule, et une chèvre en perspective à n’en pas douter. Qui finirait donc dindon de la farce dupé par un clébard bavouyant et incontinent ?

Mais, en passant la porte du boulin elle en gardait sa bonne humeur et ce méli-mélo, aujourd’hui, la faisait plutôt rire. Le caractère était de famille, sang ou pas. Et l’Ours trônait en chef incontesté et indétrônable.

Elle resta un instant immobile sur le seuil de la porte, le temps que ses yeux s’habituent à la pénombre du boulin. Les yeux pourtant familiarisés, l’immobilité demeura, interdite qu’elle restait devant le trop d’ordre qui régnait dans la pièce.


Maric ? T’es là ? Fichtre, t’es transformé en Tis fée du logis toi ! Maric ?

Elle avançait, cherchant de droite et gauche, tendant l’oreille, allant même jeter un œil dans la boulangerie de Fel. Rien tout était vide. Revenant dans le moulin, elle s’approcha du petit coin que son frère s’était aménagé. Rien ne trainait, pas même un bout de vélin ou une chaussette sale. Même la couverture était soigneusement pliée.

Elle s’assit pensive et perplexe sur la paillasse, la lissant de la main, quand celle-ci sentit une bosse. Curieuse et intriguée la bestiole se leva d’un bon et souleva la couche, avant de la faire retomber, le visage décomposé, sur le baluchon découvert.

Ainsi donc, elle avait lamentablement échoué ? Ainsi donc ce frère, à peine retrouvé, s’éloignait déjà ?

Elle se laissa retomber lourdement sur la paillasse, soudain épuisée et vide.

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Maric
La journée lui avait parue si longue, à ressasser les mêmes pensées, cette scène là et penser à la mouche aussi, si triste et Axelle qui lui en voulait surement plus que tout,
une journée comme il ne les aimait pas du tout.
Pas moyen de penser à autre chose et il en était malheureux comme les pierres.
Il comprenait pas comment une broutille pareille avait pu faire autant de mal, c’était pourtant pas la fin du monde, une bêtise de gamin tout au plus et comment les grands pouvaient lui en tenir rigueur à ce point, y avait pas mort d’hommes.

Maric ferait encore des erreurs, il le sentait bien qu’il n’était pas encore assez grand pour ne plus en faire et même parfois on pourrait croire qu’il les cherche les ennuis,
mais c’est de son âge, l’âge con, l’âge ingrat, encore un peu enfant et déjà en train d’absorber tout des grands, pressé quelques fois d’être vraiment comme eux pour qu’on le prenne au sérieux.
Pressé aussi pour des tas d’autres raisons qu’il taira, et puis de l’autre côté ce que les villageois lui montrent parfois de leur vie bah il en veut pas, il veut pas devenir comme ça mais inévitablement … il deviendra grand !

Et dans toutes ses réflexions revenait inexorablement sa sœur, elle comprenait pourtant pourquoi il avait fait ça, du moins il l’espérait.
Il venait de la retrouver et il ne voulait pas la perdre.

Petit il avait toujours eu du mal à la lâcher l’Axelle, déjà il se souvenait qu’il s’accrochait à sa jupe et qu’elle grognait déjà, lui donnant une sucrerie pour qu’il la lâche enfin.
C’est sûr, il aurait fait beaucoup pour elle, même des sacrifices qu’ils pourraient jamais imaginer, elle et l’Ours, peut-être même qu’il pourrait donner sa vie pour elle mais pas faire quelque chose au détriment d’un être vivant et innocent.

Finalement, il n’était pas allé au rendez-vous de chasse qu’Engherran lui avait proposé, il en aurait eu tellement envie en temps normal mais ce jour-là il postposa cette invitation et partit bosser aux champs,
fallait bien se nourrir et il se creva, sua, passa ses nerfs à l’ouvrage, cherchant mille et une solutions…

Devait-il en parler avec Axelle ?

Elle voulait plus rien savoir de cette histoire elle avait été claire… c’est surement ce qui le désolait le plus.

Il regarda le ciel, frotta son nez poussiéreux d’un revers de la main, observant le soleil qui baissait doucement, alors, seulement là, il reprit le chemin du Boulin,
espérant que le couple de tête de mules soit déjà parti, ne sachant même ce qu’il ferait ensuite.
Il avait toujours bien aimé quand le Boulin était vide, le calme qui y régnait l’avait souvent inspiré et calmé, ce moment rien qu’à lui sans leurs yeux posés sur lui, cet instant précis où il pouvait relire et travailler ses mots,
tenter d’éduquer le chiot à l’abri des regards, ce moment rien qu’à lui pour faire ce qu’il veut une fois que tout ce qu’il y a faire est fini, et puis si l’envie le prenait il partait voir si les villageois étaient de sortie pour faire la fête.

Maric aimait faire la fête.

Là, il rentrait penaud, pas envie de fêter quoique ce soit, le cabot au ventre tellement rond qu’on aurait dit une vache prête à exploser qui le suivait haletant, et Maric devant, la tête basse, se demandait où ils passeraient la nuit,
et une fois l’hiver venu, comment s’en sortiraient-ils ?

Il passa silencieusement la porte du boulin, il fila sur la pointe des pieds vers la boulangerie, guettant le moindre bruit et au bout d’un moment, rassuré par le silence, il chipa un bout de pain qui trainait qu’il partagea en deux,
lançant l’autre au glouton goulu qui s’empressa de se jeter dessus.

Il soupira, l’morceau de pain dans la gueule, se demandant vraiment dans qu’elle galère il s’était mis.

Il s’avançait, l’esprit embrumé par toutes ses réflexions, vers son coin réservé, l’endroit où sa sœur l’avait accueilli, installé et où il aimait se retrouver.

Elle avait surement dû prendre sur elle avec l’Ours déjà à ce moment-là mais malgré tout il avait été accepté et avec le Truc à ses côtés.

Il releva la tête et se retrouva face à une Axelle assise sur sa paillasse, les yeux rivés vers le sol, et lui mâchouillant son pain.

Bfour Afelle glissa-t-il la bouche pleine et mal à l’aise.

Il n’osa dire plus de peur de briser ce moment, de peur de la fâcher encore, …
Axelle
Elle avait attendue, là, sans bouger, sans faire un bruit, laissant l’obscurité envahir petit à petit la pièce. Elle l’avait entendu fouiner, farfouiller, passer la porte de la boulangerie, et les griffes du fichu Truc racler le plancher. Elle n’avait rien fait pour faire remarquer sa présence, elle n’était pas surprise, elle savait qu’il viendrait, tôt ou tard, chercher ses affaires. Et il était là. Devant elle. Elle ne releva pas la tête. Elle attendit un moment avant de commencer à parler lentement, la voix encore plus rauque que d’habitude.

Not’ mère, s’appelle Bianca, Bianca Casas, née Morales. Parlait peu. Parfois pourtant, quand l’Vieux l’était pas là, elle racontait qu’elle venait d’Andalousie d’sa voix si tenue qu’c’à peine si on l’entendait. Et ses yeux noirs ressuscitaient. Sa peau, l’était brune, ses cheveux, aussi noirs qu’les tiens et les miens. J’peux pas t’dire si l’était jolie ou pas, elle s’voyait pas. L’était comme transparente. L’vieux, mon père, l’tien, j’sais pas, l’était tout aussi noiraud, comme moi, comme nos frères. S’appelait Aldo lui, Aldo Casas, petit chef de clan, régnant sur un lopin d’terre en jouant du couteau. Une raclure comme y en à peu, cupide, égoïste, sans pitié ni humanité aucune.

Toi, quand t’es né, t’avais la peau pâle, t’as grandi, mais ta peau, l’a pas foncé. T’rougissais au soleil au lieu d’brunir, pis tes yeux, z’étaient bleus. Personne disait rien, d’peur du Vieux. Y a des choses qu’y s’disent pas, surtout pas à lui. Mais les regards moqueurs sur toi, quand on jouait à l’épervier, j’les voyais. ‘Lors j’regardais tes yeux, pis j’ai compris qu’son fils, t’l’étais p’têt pas.


La tête toujours basse, elle continuait d’une main distraite à lisser la paillasse, s’enfonçant loin, très loin, trop loin dans ses souvenirs.


C’matin là, quand y t’ont pris, j’ai su qu’j’avais p’têt pas tort. J’ai su qu’l’Vieux, les regards, y les voyait itou, et qu’il en voulait plus. Mais même s’t’étais p’têt qu’moitié mon frère c’m’était bien égal. S’t’avais pas son sang à lui, c’était pas plus mal. J’y ai réfléchi longtemps après, surtout à la naissance d’Margot, un ou deux ans après ton… départ. L’est encore plus pâle qu’toi, rousse, et les yeux clairs. M’demande bien où ils l’ont mise, elle.

J’crois pas qu’la mère l’allait courir l’gueux pour s’faire besogner ailleurs. L’aurait disparu en même temps qu’toi, pas doute, et on l’aurait jamais retrouvée, elle, ou en p’bread morceaux. L’vieux, l’aurait jamais accepté ça. Pas par amour. Ca non. Mais d’voir son autorité éborgnée. Pis elle, l’aurait jamais osé. Ca non, jamais, trop lâche et faiblarde. J’crois plutôt qu’l’Vieux la faisait tapiner, et s'servait d’elle quand il en avait b’soin, comme il l’faisait d’nous tous.

Moi, j’t’appelais Rico, cause qu’tu m’faisais penser à un p’tit coq. Mais après c’matin là, y m’a forcé à croire qu’l’p’tit coq, l’avait jamais existé. J’voyais bien au regard d’Mémé, qu’c’était pas vrai, mais j’avais pas l’choix. L’a vraiment jamais plus parlé après ça, Mémé, qu’ses yeux. Toi, t’existais plus, c’était tout, mais moi, j’continuais, l’soir, quand y dormaient tous à t’chercher sur la paillasse, à l’appeler sans qu’personne l’entende, mais t’répondais plus et j’avais plus envie d’jouer à l’épervier. Pis un jour, j’ai arrêté d’appeler, cause qu’j’ai compris qu’ça servait à rien, qu’t’reviendrais plus, pis j’ai recommencé à jouer, mais sans plus laisser personne m’attraper.

J’croyais avoir oublié tout ça, jusqu’à voir ta paire d’mirettes, bleues, trop bleues. J’sais pas trop si j’m’suis flanquée la trogne par terre, ou si j’m’suis pris une bûche sur la tête, mais l’effet, l’a été tout comme. Et m’suis dis, qu’finalement, t’avais entendu quand j’t’appelais. Et j’étais heureuse. Si heureuse. Mais j’avais peur aussi, et sans une p’tite phrase d’l’Ours, j’t’aurai sûrement jamais dit qui t’étais. Mon frère.


Elle releva enfin vers lui un visage aux yeux trop brillants dans la pénombre, et se taisant, se leva, lui laissant le choix et prendre son baluchon et de filer, ou de le laisser ou il était.

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Maric
La voix rauque, Axelle racontait, détaillait une partie de sa vie passée, celle dont il avait oublié jusqu'à l'existence lorsqu'il était arrivé à Embrun avec cette bosse sur le crâne,
cette vie-là dont il se souvenait même plus même avant, tellement de cauchemars qu’il avait dû effacer pour grandir et arrêter de pleurer, pour pouvoir gagner son repas dans la vieille ferme où il s’était retrouvé.

Il avait cessé de pleuré et cessé de penser aux cris de cette nuit-là lorsqu’il avait dû partir.
Pourtant il n’y avait eu que des larmes d’enfants qui comprenaient pas pourquoi on l’emmenait, pourquoi l’autre homme l’embarquait, et des cris d’enfant criant après sa sœur, sa mère, ses frères mais personne n’était venu et elle n’était pas venue, et il s’était senti si seul…

Il avait oublié tout ça et Il écoutait, là, immobile, ému, le morceau de pain lui tombant des mains pour atterrir au sol faisant le bonheur d'un quadrupède non loin.

Il écoutait la mère Bianca, le père Aldo, le p’tit coq Rico, tout ça, mémé et son regard, l’éperviers… leurs jeux et il essayait de se souvenir de cette famille-là.
Des images revenaient, comme des flash, de vagues silhouettes, surtout sa sœur, son bracelet et son tintement, ses yeux noirs et ses cheveux noirs, ses jeux, l’odeur des pêches qu’elle lui donnait et aussi sa mère celle qui lui avait manqué toute son enfance,
mémé et la lavande, et le père, il frissonna, celui-là l’avait vraiment terrifié.

Il revoyait encore son regard noir, son air mauvais quand il l’avait vendu, il s’en souvenait de ça, et il savait qu’il avait été vendu l’autre tortionnaire le lui avait bien rappelé à chaque occasion.
Mais il avait jamais compris pourquoi et là elle déballait et il se senti petit tout petit comme ce jour-là, son regard bleu la scrutant dans la pénombre de la pièce,
comprenant seulement qu’il n’était pas fautif, qu’il n’avait rien fait de mal que c’était pour sa peau et ses yeux qu’il avait été jeté…

Il serait bien allé s’asseoir à côté d’elle, lui prendre la main, lui dire quelque chose, l’important finalement c’était maintenant, mais elle s’était levée, lui laissant la place …

Il ravala sa salive, frotta d’un revers de manche rapide et le plus discret possible la larme qui s’apprêtait à couler et balbutia

T’en vas pas Axelle, tu m’dis tout ça et puis tu pars, tu te lèves comme si tout ça c’était rien ?
Tu attends quoi de moi là ? j’t’ai attendue longtemps tu sais et là tu es là et tu vas filer ?

Moi aussi j’ai à te raconter …
Ce que j’ai vécu là-bas après, les choses plus drôles surtout, parce que beaucoup étaient tristes.
Que j’ai trouvé un frère, qu’il m’a appris à grimper aux arbres et puis tout ce que je ressens là en ce moment …


Il laissa un long silence, il devait lui dire et au bout de quelques secondes qui parurent une éternité il rajouta doucement
J’voulais partir loin, j’étais fâché sur toi, sur lui, et triste surtout mais là j’peux pas, j’veux pas partir, j'veux plus …
T'en va pas ...
Raconte moi encore ...
Axelle, incarné par Maric


[Je suis né, dans un coin sauvage
où les taureaux noirs sont les rois;
et fus bercé dès mon jeune âge
par les flamants roses en émoi.

Ma maison était toute blanche,
au milieu des pins et des joncs;
et le mistral avec les branches,
me composait de belles chansons.

Je suis né, sur ce sol aride
où comme Attila, le soleil
fait à la terre mille rides
pour en étouffer le réveil.

Mais lorsque la lune apparaît
et que sa clarté inonde
les roubines et les grands marais,
on croirait voir le bout du monde.

Je suis né, dans la plaine immense
où galopent les blancs chevaux;
au loin il y a des camps où dansent
les bohémiens près des chariots.*]


La brise semblait s’être tue, et la fraicheur du soir s’être fait la belle pour laisser planer une chape étouffante et lourde entre les murs blanchis de chaux du boulin alors que la Bestiole attendait le verdict tel un couperet. Couperet auquel elle aurait mille fois préféré laisser sa main que la liane qui retrouvait sa sève, vivace, s’enroulant avec vigueur autour d’eux pour les réunir à nouveau.

Elle le regardait, grand, trop mince encore, dégingandé, semblant ne pas trop savoir quoi faire de ses bras trop longs. Elle avait envie de le serrer contre elle, pour effacer ce geste qu’elle devinait. Le protéger, le rassurer.

Mais bien qu’ainée, la Bestiole était peu habile en la matière, et si Maric semblait vouloir apprendre encore et encore, il y avait bien des choses qu’elle serait incapable de lui expliquer tant elle en était elle même ignorante. Ce sentiment qui noue les trippes, elle aussi le découvrait, doucement.

J’pars pas Maric, j’t’laisse libre, c’pas pareil. J’partirai jamais. C’qu’j’attendais d’toi ? Qu’tu prennes ta décision, seul. T’viens d’le faire. C’bien.

Un sourire se faufila sur ses lèvres alors qu’elle se tordait les doigts pour ne pas attraper les siens, à lui, et les serrer à s’en faire blanchir les articulations.

Fâché ? T’l’seras encore, et moi aussi, faut pas douter d’ça. Comme faut pas douter qu’tant qu’t’es sincère, tant qu’t’m’dis les choses comme elles sont, sans tenter d’les travestir par des paroles mielleuses, c’passera toujours, pour moi. Mille fois j’préfère qu’on grogne d’ssus, mille fois. Et j’ferrai ça avec toi, cause qu’j’suis comme ça. Ca empêche pas l’reste. Non, ça empêche rien.

Terrain glissant des sentiments sur lequel la bestiole malhabile risquait à tout moment de se ficher la trogne par terre, et d’où par tous moyens elle cherchait à s’extraire pour ne pas s’y enliser stupidement.


Bref, bref. Hum ? Heu… Bon. Hein ! T’raconter quoi ?

Qu’le sol d’où on vient, l’est tout aussi crevassé par l’sel qu’l’est celui d’ici en hiver par le givre ? Qu’la chaleur est aussi insupportable au soleil d’été qu’le froid l’est ici en hiver ? Qu’ici, on entend la neige crisser, là bas, c’est l’frôlement des insectes dans les roseaux ? Qu’ça sent l’eau, qu’les lèvres, la peau, les feuilles, qui murmurent au mistral, tout est y salé, et qu’j’aime ça ? Qu’ça grouille d’oiseaux, d’toutes sortes, même des roses, y viennent, pis y repartent. Pis c’est plein d’chevaux blancs et d’taureaux noirs. De loin y semblent tout petits au milieu d’c’désert sauvage et brulé. Quand tu cours, t’t’prends pas d’branches dans la figure comme ici, c’est les salicornes qui t’fouettent les mollets. Ici, t’vas entendre l’murmure du vent dans les monts, là bas, c’la mer qu’t’entendais, toujours. Là bas, c’plat, à perte d’vue, les quelques reliefs sont d’sable, tout y est mou. Ici, t’fais qu’monter et descendre, les pierres t’coupent les pieds et tout est dur. Là bas, c’est écrasé d’chaleur humide et d’sel, ici, d’l’ombre des cimes. Là bas, c’est l’inverse d’ici. Et pourtant, c’pareil, tout aussi grand, tout aussi sauvage. Pour ça j’m’plais ici, aussi, t’y sens libre, et tout p’tit. T’peux rester seul, des journées durant, sans croiser personne s’t’as envie. Même les pèlerins d’là bas, y restent en ville, vont pas s’perdre dans les sansouires. C’bien. T’peux y prendre la place qui t’manque ailleurs. Ici, là bas. Pareil.


Elle se tut un long moment, les yeux perdus, loin, très loin dans cette Camargue qu’elle aimait, où pourtant, jamais elle n’oserait retourner, même si l’envie la tiraillait de toutes parts de sentir encore une fois les embruns sur sa peau et le sol blanc de sel s’effriter sous ses pas. La voix presque éteinte tant elle était lointaine elle fredonna distraitement.


L'aubre se clino, l'auro coure
La poussièro volo au camin,
Tout es siau dins la vieio tourre
Mai per tems passa 'ro pas sin.
Li pescaîre que s'atardavon
Dins la niue, souvent entendien
Tantost de fenno que cantavon
Tantost de voues que gemissien**


D’un geste soudain brusque, elle chassa les bruissements, la chaleur et le sel. Elle partait loin, trop loin et ça faisait mal. Trop mal de parler de ce qu’elle savait perdu, de savoir que jamais elle ne partagerait sa terre autrement que par des mots qui lui semblaient si vides.


Raconte, toi, raconte. Moi, j’sais plus pour l’heure.





[*extrait de Je suis… de Jean-Marc ALLEGRE]

[** extrait de La complainte des Prisonnières de la Tour de Constance de A. BIGOT
Traduction du languedocien :

De la campagne, de la plage
S’élèvent mille bruits confus
Mais la Tour, géant d’un autre âge
La Tour sombre ne parle plus.
Seulement par les nuits voilées
Le pécheur entend des sanglots,
Et des voix qui chantent mêlées,
Au lointain murmure des flots.]
Maric
Planté debout devant elle, la tête basse et les yeux rivés vers le sol il l’écoutait, il imaginait la terre salée, les marais, les taureaux et les chevaux, même une drôle de sensation l’envahissait,
un arrière-goût de déjà vu jusqu’à sentir le côté salé sur son palais.
Il avait l’impression de s’en souvenir, là quelque part, tout au fond de sa mémoire, mais pas assez, et il en était plutôt triste car savoir qui il était, d’où il venait, qui étaient ses parents l’intriguait,
l’obsédait et il sût tout de suite qu’il irait jusque-là voir la terre salée par lui-même, voir surtout si il se sentirait plus vivant, plus libre et sauvage tout comme cette terre qu’elle décrivait avec passion.

Elle fredonna quelque chose, il voulut lui demander mais elle semblait si loin là-bas, si peu accessible sur le moment qu’il chassa l’idée aussi vite qu’elle était venue.

Par contre, il soupira presque en plongeant dans ces souvenirs à lui, sa ferme paumée entre là-bas et ici, il s’en souvenait plutôt bien, la chaleur écrasante en été, une terre aride aussi, les oiseaux,
les cigales, les nuits étoilées, les bottes de foin et la vieille bourrique qui lui avait filé un vilain coup de sabot un jour, oui il se souvenait des détails, des mauvais moments, de presque tout et surtout du gamin qui vivait là,
celui qu’il avait appelé frère et avec qui il avait partagé des moments et quelques très bons même.

Était-ce le fils du tortionnaire ? Il ne le savait pas, il l’avait pensé pendant longtemps, même lui en grandissant avait appelé cet homme « père », mais là il doutait … peut être que ce gamin avait été amené comme lui, un autre gosse pour bosser et prendre des coups…

Mais les deux gamins avaient fini par se lier, comme une alliance pour avancer, pour survivre et ils avaient même trouvé des astuces pour berner l’homme et des coins secrets ou se cacher quand parfois ça tournait trop mal.

Lentement et d’une voix basse il prit la parole à son tour.

Là-bas c’était sec aussi, l’été la nuit on entend que les cigales, la ferme était en mauvais état et je dormais à l’étable mais surtout là-bas y avait un autre gamin…
Il était plus grand que moi, les cheveux noirs aussi, il doit bien avoir ton âge voire même plus, c’était un gamin gentil qui m’a fait oublier les premières années de souffrances,
tellement oublié que j’ai dû croire que c’était toi, parce que je l’ai appelé mon frère, parce qu’il me manquait quelque chose…

Il s’appelait Merkus, il a disparu il y a longtemps maintenant, il est parti un beau matin et n’est jamais revenu, c’est en partant à sa recherche et fuyant la ferme que je suis arrivé ici.
Mais tu sais, il m’a sauvé à sa façon, m’a aidé à tenir là-bas, à faire les coups en douce, puis m’a montré des jeux parce que parait que petit je parlais pas, je parlais plus,
et lui il m’a fait rire et j’ai eu envie de croire qu’un jour tout s’arrangerait…
Il m’a appris quelque chose, l’espoir je crois que c’est ça…

Et quand parfois on avait un moment de libre, on jouait, on grimpait aux arbres et on faisait la course, bien sûr il gagnait à chaque fois mais tout ça n’a pas duré longtemps, il est vite parti…
Dommage parce que je suis assez rapide pour le battre !


Il releva le regard, songeant à la course qu’il avait promis à sa sœur, ne voulant plus trop parler de ses souvenirs à lui, une pointe de chagrin venant lui écraser le coeur et donc pas guéri de ses blessures d’enfant, il lui rétorqua en souriant, cherchant à oublier tout ça

Toi aussi je te battrais.. !
Tu en penses quoi ? hein oui que je te battrais ? tu te sens forte de le relever ce défit la ?
Et on ferait quoi comme parcours hein ?


Comme si la bonne humeur se communiquait, le chiot couché jusqu’alors se leva et frétilla de la queue l’air de dire je suis prêt moi….
Axelle, incarné par Maric




Tête baissée mais regard relevé, elle l’écoutait, l’observait. Il n’avait pas besoin d’en dire beaucoup plus pour que le tableau de sa vie se dresse devant la Bestiole.

Enfance étouffée de tortionnaires mais qui reste tenace et apprend à se réfugier dans chaque coins et recoins. Et ces précieux recoins étaient si éclatants d’espièglerie, que cette enfance là, malgré tout, n’était pas rejetée d’un revers de la main. Parfois même, elle était aimée, alors la Bestiole se prenait à penser que sans tout le noir du reste, ces recoins seraient moins lumineux. C’est ainsi qu’elle avait pu grandir sans s’éteindre. Maric aussi, peut être.

Une dizaine d’années s’était écoulées. Gamine, elle n’avait rien pu faire pour le protéger. D’ailleurs, la vie de Maric aurait-elle été meilleure s’il était resté ? Certainement pas. Que serait-il devenu ? Il se promènerait sûrement avec un couteau entre les dents à jouer les petits caïds. Alors malgré les souffrances, était-ce un mal ? Complexe question qui resterait à jamais sans réponse.

Maric avait souffert, c’était indéniable, mais il avait croisé la route de ce frère adopté, soudain jalousé, qui avait pris sa place, à elle. Il lui avait appris à parler à nouveau. Et fichtre, comme il avait réussi. Il avait pris sa place, et elle était restée seule. La colère monta en elle à cette pensée. Dans son malheur, Maric semblait plus chanceux à ses yeux, car aussi étrange que cela puisse paraître, parfois, là bas, elle avait souhaité être battue, encore et encore, pour sentir un regard sur elle qui lui aurait glissé à l’oreille : « Oui, tu existes ». Deux mots pour sortir de l’indifférence, et peut-être, aujourd’hui ne serait-elle pas cette sauvageonne si maladroite, bataillant avec ses sentiments.

Aujourd’hui, dix ans après, saurait-elle mieux le protéger ? Saurait-elle à son tour remplacer ce grand frère ? Maric avait quoi, 15, 16 ans maintenant, d’ici un an, deux peut être, il ferrait sa vie, suivrait son chemin, et partirait encore, peut être. Ce petit « peut être », pour lequel elle refusait de lui avouer, de s’avouer à elle-même, le sentiment profond qui l’animait quand son regard noir se posait sur lui. Prudence de ne pas revivre le déchirement. Pourtant il était déjà bien trop tard. Si le « peut-être » se présentait, déchirement il y aurait, mais elle n’en dirait rien.

Mais déjà, la voix de Maric retrouvait sa facétie, et les regards bleus et noirs se mêlèrent, plein du même pétillement. Et enfin, un sourire plein de défit trancha l’obscurité sur une Bestiole qui coince un pan de son jupon dans sa ceinture, prête à déguerpir.

Le premier qui arrive en haut du grand chêne de la place de la mairie dégote un pèche à l’autre !

Et déjà la porte ouverte à la volée s’écrase sur le mur, laissant filer mollets et talons nus.



Maric
Le chiot tout sot avait déjà foncé, courant et aboyant après Axelle, tentant surement de la rattraper, alors que Maric réalisait seulement qu'elle avait filé et par la même occasion pris de l'avance
l’obligeant à se jeter subitement à sa suite.
La porte claqua à nouveau, laissant passer un Maric ronchon mais amusé en même temps, qui cherchait déjà à voir par où la bestiole s’était faufilée,
aidé par les aboiements du chiot il s'attela à la rattraper.

Il courrait vite il le savait mais face à l’Axelle il en menait pas large, c’était l’occasion de lui montrer qu’il n’était pas lâche, qu’il était rapide, qu’il pouvait lui aussi faire quelque chose de bien comme elle,
même si c'était quand même une sacrée rapide de soeur....

Ils longeaient les bois, prenant au plus court et Maric avait rattrapé un peu de distance, il voyait les talons de l’Axelle se planter dans le sol et repartir tout aussi vite, l’obligeant à maintenir le rythme et se surpasser encore,
à son tour il accéléra comme il put.
Le Truc avait faiblit, il était maintenant non loin de Maric, 10 kilos de chiot haletant, les oreilles au vent, la gueule ouverte, la peau trop grande encore flottant au vent par endroit, avançait à son rythme décalé et maladroit.

Maric ravi de l’avoir dépassé, quoique ce ne fut pas encore un défi intéressant n’étant pas assez rapide sur des longues distances, redoublait d’efforts, espérant surtout arriver à la hauteur de sa sœur,
juste pour la pousser un peu, et lui montrer ce qu’il savait faire.

Il n’était plus si loin d’elle, à peine un mètre, mais déjà ils arrivaient et entraient dans la ville …
Il eut le temps de lui souffler en riant, alors c’est qui le plus rapide hein ?

Maric rouge d’effort, se demanda soudainement, plus sur d’où elle avait dit qu’il fallait aller, quelle place ? Presqu’au coude à coude contraint de la suivre pour pas se planter de chemin jusqu’à ce qu’apparaisse enfin le fameux grand chêne.
Il plongea, à toutes jambes vers sa cible, touchant l’arbre du doigt ravi, fier, il y était arrivé, avant ou après elle ?
Axelle, incarné par Maric



Bien qu’elle connaisse les pièges du chemin enchevêtré de racines, la nuit rendait la course plus aventureuse, plus chaotique et donc plus captivante pour la fouine. Ses talons nus claquaient sur le sol d’humus, sautant, glissant, bondissant. Rapidement les jappements du chiot se firent lointains. Elle se laissait glisser sur les pentes, souple, agile, une main frôlant par moment le talus pour garder l’équilibre.

Mes jambes courent plus vite que toi !

Elle adorait ça la bestiole, courir comme une dératée, l’air lui fouettant la figure. Elle avait l’impression de voler, se jouant habilement des branches et des racines comme autant d’épreuves à relever. Et surement qu’elle avait l’air d’un feu follet à filer ainsi dans le rouge de sa robe. Le souffle de Maric dans sa nuque accélérait encore ses enjambées. Certes il était plus grand qu’elle de bien trois paumes, si ce n’était plus, mais son petit gabarit lui permettait de se faufiler facilement.

L’laisse pas gagner ! Nan, jamais, même si j’dois dégobiller toutes mes trippes à l’arrivée, j’le laisserai pas ! Nan, si y gagne sera encore plus intenable Ouais, va s’pavaner comme un paon à t’faire la nique, pas question ! Manquerait plus qu’ça ! Personne m’a battu, jamais, c’va pas arriver c’t’nuit, foi d’Axelle ! Bien dit ! S’rait bien tout d’même qu’il s’étale, l’est fichtrement rapide l’bougre ! Héhé, c’mon frère hein, c’pas n’importe qui ! Ouais, fonce, mais oublie pas, faut grimper à l’arbre après! Nan, j’oublie pas, ralentis, ou t’seras trop essoufflée pour l’faire. NON !

Déjà la place de la mairie se dessinait, Maric sur les talons, elle allongea bêtement le cou, comme si cela pouvait la faire aller plus vite, lorsque le traitre frangin la nargua. Traitre frangin, pas tant que le pied déconcentré de son devoir qui vient s’emmêler à une cheville qui décolle trop vite. Les yeux s’écarquillent alors que les bras moulinent impuissants dans le vide. Et dans le courant d’air laissé par son frère derrière lui, la bouche en un magnifique O vient s’écraser sur le sol, le gouttant dans un non moins magnifique roulé boulé.

Hébétée, le cul au sol, merveilleusement boueuse et joliment coiffée des premières feuilles mortes de l’automne, elle crachote la terre finalement peu à son gout. Puis retrouvant ses esprits, se met à beugler.


Maric ! C’ta faute ! Coquefredouille d’ foimenteor d’gore pissouse, c’qu’t’es mauvais perdant !

De mauvaise foi la bestiole ? Jamais enfin !

Mais voilà que, cul de guingois, langue trainante jusqu’au sol, une oreille retroussée sur le crane, l’autre battant misérablement la gueule baveuse, le fichu clébard la dépasse en trottinant, sans même daigner lui jeter un regard. Trop, trop pour la bestiole dans la tête de laquelle s’élabore lentement le machiavélique plan.


Marriiiiiiiiiiiiiiiicccccccccccccc. J’ai mal ! Ma ch’ville, foutre dieu ! Ma ch’ville … j’ai maaaalllllllllll ! Mariiiiiiiiiiiiiiiiiiiiic !




Maric
Maric le doigt sur l’arbre était persuadé qu’Axelle avait gagné, il avait couru comme un dératé à côté de la bestiole et lorsqu’il était tout proche de l’arbre n’avait pensé qu’à le toucher, oubliant totalement qu’il fallait encore y grimper
puis il regarda seulement autour de lui et ne la voyant pas, il ne comprit pas vraiment ce qu’il se passait, il avait dû se gourer d’arbre avec sa chance !

Crétin pensait-il, t’avais qu’à la suivre et non fallait que tu fanfaronnes hein … !

Non, pas possible qu’il soit là et pas sa sœur, alors il scruta l’horizon et aperçut tout d’abord le Truc gueule ouverte, haletant, frétillant de la queue car ravi de le voir et qui arrivait en se dandinant.
Puis il fit le tour de l’arbre, persuadé qu’elle lui jouait un tour pendable, qu’elle était cachée derrière, l’est tellement grand l’arbre qu’il pouvait cacher deux Axelle ai moins, mais non rien et il scruta encore la pénombre,
perplexe, et il lui sembla enfin distinguer une forme rougeâtre non loin, forme au sol qui bougea et s’écria

Citation:
Marriiiiiiiiiiiiiiiicccccccccccccc. J’ai mal ! Ma ch’ville, foutre dieu ! Ma ch’ville … j’ai maaaalllllllllll ! Mariiiiiiiiiiiiiiiiiiiiic !

Bon sang de bonsoir, sa sœur s’était cassé la cheville, la jambe ou même un bras, ou même encore plus que ça … fallait vite aller l’aider, la question se posait même pas et Maric fatigué par la course mais très inquiet pour sa sœur se dépêcha d’aller à son secours.
Une fois auprès d’elle, il faillit sourire, remarquant sa nouvelle coiffure forestière mais n’en fit rien, plus anxieux qu’autre chose il la harcela de questions et lui tendait la main en même temps, pour voir si elle savait se lever ou pas.

L’Axelle ça va ? Je dois aller chercher quelqu’un ? Je te porte ? Tu veux quelque chose ?

Elle se tordait de douleur et Maric supportait vraiment pas de la voir souffrir.
Axelle, incarné par Maric


Cacher le sourire goguenard et sournois quand Maric accourt, affolé. Prendre une mine affligée pour ne pas foutre en l’air la fourbe tactique par trop d’impatience. Sacré défit. Mais aidée par la pénombre et la panique de son frangin, c’est sans mal que la Bestiole donna le change.

Fichtre, t’es vraiment vilaine toi, lui faire peur pour tricher honteusement, quel bel exemple qu’tu lui donnes ! Ca a quel prix une pèche ? Pis garder mon autorité d’ainée ? Hein ? Quelle autorité ? D’puis quand t’crois avoir une quelconque autorité sur lui ? D’puis qu’y a une pèche en jeu. L’en trouvera jamais une ici. Y s’débrouillera, c’mon frangin. Moui, ‘fin comme même, c’pas beau c’qu’t’fais. Meuh si, j’lui apprends qu’faut savoir feinter et ruser. C’une leçon d’vie qu’j’y donne, c’pour son bien qu’j’fais ça hein, t’goures pas. J’m’sacrifie pour lui ! Ben ouais, t’m’en diras tant ! Oh, t’m’crois pas ? Comme si qu’j’étais perfide, moi ! Pff, m’importe quoi ! T’m’vexes vilaine.


Elle attendit là, feignant la douleur, l’observant du coin de l’œil pour s’assurer qu’il était bien dupe de la supercherie, barguignant des réponses incompréhensibles noyées de faux sanglots. Mais, quand il lui tendit la main, elle releva un visage au sourire éclatant, et s’en saisissant avec vivacité, bondit sur ses pattes, tout en cherchant à le déstabiliser, et dans la seconde filait déjà jusqu’à l’arbre.

La petite comédie lui ayant laissé le temps de retrouver son souffle, c’est sans mal qu’elle sauta pour attraper une branche relativement basse, puis, escaladant de ses pieds nus le tronc, s’y hissa facilement alors que sa main envoyée à la volée empoignait déjà la ramure supérieure. Debout, le plus dur était fait. Il lui suffisait à présent de grimper l’échelle de branchage jusqu’au sommet.

Arrivée en haut, elle scruta autour d’elle, mais la nuit et le feuillage l’aveuglaient, aussi se mit t-elle à brailler espiègle.


Maric, t’es où frangin ? Moi, j’y suis, en haut ! Et toi ?


Maric
La nuit était tombée tout à coup, dans l’obscurité il ne voyait pas tous les détails du sourire narquois de sa sœur, il avait juste entraperçu ses dents de fouine et un vague mouvement de la bouche qui lui mirent la puce à l’oreille,
comprenant que c’était un coup fourré mais trop tard, elle lui avait déjà pris la main pour se relever, le décontenançant et filant, rapide, elle avait eu le temps de s’élancer et bondir vers la place et le grand arbre, le laissant sur place,
dépité et ébahi par tant de perfidie.

Tricheuse!! hurla-t-il … mauvaise sœur … ! J’y étais avant toi !
La prochaine fois je te laisserai sur place grommelait-il mais elle était déjà hors de vue obligeant Maric à se secouer les puces, tout comme le Truc qui arrivait à nouveau à ses pieds, alors perdant pour perdant il lui fit une grosse gratouille et l’encouragea,
allez mon gros viens, courage, on va jusque l’arbre ! On est pas des lâches nous ! mmggrrrbbll
Le chiot remua la queue ravit qu’on lui accorde un peu d’attention, et fut surpris de revoir son maître repartir, il se mit à courir derrière et japper, fâché que ça reparte.

Il reprit le chemin, au pas de course, même au galop et lorsqu’il fut presque tout à côté du fameux arbre il entendit sa perfide de sœur crier
Citation:
Maric, t’es où frangin ? Moi, j’y suis, en haut ! Et toi ?

Il se secoua la tête, l’air de dire vraiment manque pas de culot elle !!!
Puis rassuré, c’était bien le bon arbre, pas fâché de devoir y grimper il adorait ça, se demandant même comment il avait pu oublier que pour gagner il fallait aller tout en haut…
Il gratouilla le Truc au pied de l’arbre, lui chuchotant juste reste ici, couche toi je reviens, enleva ses chausses et se releva et d’un bond choppa la première grosse branche, se hissant à l’aide de ses pieds contre l’arbre rugueux et se retrouva assis,
il se releva et refit le même manège pour attraper la suivante, s’aidant de ses pieds pour escalader et de ses mains pour se hisser et s’élever et finir par arriver plutôt facilement non loin de la frangine haut perché, et la saluer d’un sourire pas rancunier et lui rétorquer
Voilà maintenant je suis là … tricheuse !
Il éclata de rire la regardant, puis s’installa à côté d’elle et savoura la douce lumière que la lune leur offrait, éclairant le village, le clocher de l’église, savourant la vue de là-haut, les étoiles, la fumées des cheminées qui s’élevaient jusqu’au ciel,
suivant du regard leur dessin sinueux qui montait jusqu’à la lune presque ronde ce soir-là et si brillante…
J’aime ! j’aime regarder le monde vu d’ici … je me sens tellement hors d’atteinte, là, ici tout en haut… totalement libre …
juste un regard vers sa sœur puis rêveur il scruta l’horizon…









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