[Zut, la Vilaine traine dans le coin !] Une escapade hors de ce couvent qui l'oppressait de plus en plus et un tour rapide en taverne pour s'enfiler une tite mousse, vlà la gueuse en pleine forme pour la journée. Chinon était totalement vide d'âmes qui vivent, le soleil chatouillait déjà le nez de l'enchignonnée avec insolence comme s'il voulait lui coller un nouvelle rougeur à soigner avec un onguent au pouvoir plus qu'apaisant. En portant sa main à sa truffe, non pour l'en protéger mais pour en tester la température, elle se mit à sourire malicieusement en se disant :
Pourquoi ne pas chercher le recteur pour l'emmener lézarder en bord de rivière afin de lui raviver un peu le teint blafard caractérisant tous ceux qui s'enterrent de trop dans des bibliothèque ? Il ne saurait pas résister à sa proposition, elle en était plus que persuadée surtout depuis qu'elle avait trouvé des arguments incisifs pour le convaincre. Puis elle avait quelque chose sous le chignon la gueuse et ce, depuis quelques jours, mais elle n'osera jamais l'avouer.
Nessty se souvint sans peine de la localisation du bureau, pas besoin de Kar, pas besoin d'ouvrir toutes les portes, pas besoin de se nettoyer les bottes souillée car elle n'en avait pas aujourd'hui, pas besoin non plus d'une excuse quelconque pour justifier son envie de croquer un bout du vieux con.
Roooo la blouse ayant servit au lustrage est encore là... Sourire un peu honteux en se demandant si son propriétaire s'en était rendu compte... Elle n'alla pas vérifier, trop attirée par la cible de sa journée.
Arrivée devant le bureau convoité, elle constata que la porte massive n'était pas fermée ce qui signifiait selon elle qu'aucune activité compromettante ne s'y déroulait. L'entrée de l'impétueuse plus qu'empressée fut des plus aisée. Elle se glissa donc dans ce haut lieu culturel avec un énorme sourire enjôleur, qu'elle n'adressait bien sur pas à n'importe qui, aux lèvres et avec des noisettes pétillantes de coquineries. Mais avant, elle prit soin de remettre un peu d'ordre dans son chignon en apprivoisant ces mèches rebelles qui s'en échappaient pour lui encadrer le visage et lui couvrir la nuque, se pinça les joues et se mordilla les lèvres pour intensifier leur couleur. Inutile de préciser qu'elle s'amusa également à détendre un certain lacet afin que sa robe laisse apparaitre un morceau d'épaule. Puis elle fit son entrée en soufflant un léger :
B'jour m'sieur l'doux-recteur... Nessty s'arrêta net en entendant une voix de crécelle trônant dans le fatras et semblant rendre le bougre d'Hiji bien guilleret. Lorsque ses yeux découvrir une mioche rencontrée en plein milieu d'un troupeau de vermines à Saumur, peu avant sa retraite annoncée, la Vilaine ne put s'empêcher de rire.
B'jour la duchesse ! B'soin d'éducation alors que vous clamez tout mieux savoir que tout le monde ? L'hilarité et la rancune de la poitevine pouvaient se sentir au son de ses propos. En effet, cette gueuse peu attachée à sa terre de résidence avait été accueillie en Anjou comme une vulgaire paysanne dont la vie était vide de sens car elle n'avait aucun mérite et encore moins de titre. Nessty n'était pas chauvine de part sa naissance germaine et elle ne revendiquait aucune appartenance à une faction brigande ou à une patrie. Et pourtant, trop de saumurois semblaient la connaitre sans jamais l'avoir vu et lui avait laissé le goût amer d'une émergence d'Hérésie Rafistolée Piètrement. Déjà excédée d'être confondue comme appartenant au harem méprisant d'un taureau sans droit, elle avait été outrée de s'entendre traiter avec tant de dédain voir même avec haine envers les moins que rien, les sous hommes du Poitou comme ils disaient, les indésirables sans lien avec la caste des Penthièvre... De quoi en effet enclencher sa haine de Vilaine, de quoi attiser sa rengaine de chienne, de quoi encore plus diriger sa hargne vers l'ensemble des angevins dont la blondasse se voulait l'emblème. Nessty serait poitevine et fière de l'être ! Un peu comme elle l'était de sa poitrine même si l'usage n'en était point le même. Elle ferait front à la greluche enfarinée qu'était cette gamine, là devant elle, celle qui s'était montrée si prétentieuse lorsqu'elle avait l'appui d'un ancien duc, un homme robuste et arrogant dans son refus de se présenter instantanément. On verrait comment elle se comporterait ici, à prendre des leçons au lieu de vouloir en donner en taverne. C'est ainsi que l'enchignonnée rajouta avant que la ptiote n'ouvre la bouche :
J'croyais que vous réserviez votre pureté pour un galant pur sang d'votre rang et j'vous trouve ici à chercher l'initiation avec l'un des plus habiles tourangeaux que j'connaisse ? Les yeux de la belle, au reflet de noisette déjà enflammée à l'idée de devoir se contenir un peu plus longtemps que prévu en raison de la présence d'une in-avertie, se tournèrent instinctivement vers le recteur pour agrémenter le sourire qui ne l'avait pas quitté, enfin le sourire qu'elle lui réservait telle une donzelle toujours heureuse de le voir peu importe la situation.
_________________