Chimera
Elle referme derrière elle la porte de sa demeure en venelle trompette qui tant de fois l'a vue passer, frotte ses menottes engourdies et défait son manteau qu'elle tend d'une main machinale à un Ifig déjà prêt pour la réception. Gestes maintes fois répétés, qui à chaque succès donnent lieu à un échange de sourires contentés.
Alors qu'en frottant ses bras elle va se poster au devant de l'âtre pour hâter le passage à température ambiante, elle songe à sa rencontre du jour.
Pourquoi avait-elle senti que l'étranger faisait allusion à Lallie en lui soufflant que toutes les duchesses bretonnes n'avaient pas son tact? Elle en souriait encore rien qu'à y penser. Elle en souriait, et pourtant. Et pourtant la rovelaine n'était pas du genre à s'emporter pour rien.... ou presque. Éclats de voix toujours étaient motivés. Restait à découvrir ce qui l'avait ainsi mise en pétard. L'arrivée de sa Tube de filleule avait élucidé une partie du mystère. Enfin... justement, elle avait établi le mystère comme cause du différend. Tout était plus clair, à présent. Lallie était anti-cachotteries, en bonne louve qui voulait pouvoir appeler un rat un rat et tout savoir sur le comment et le pourquoi de son être-là. Légitime, n'est-ce pas?
Une chance pour Von Frayner, la choletaise était plus mesurée, à croire qu'elle était moins échaudée que sa rousse et ducale camarade. Elle avait un faible pour le parler fruité, il fallait bien l'avouer, et en bonne branche d'un grand arbre -généalogique- costaud il savait y faire, question fruits.
Se braquer ne faisait que presser la montée du venin. Elle l'avait appris, à ses dépends, et avait désormais choisi de se poser, en face d'un prétendu serpent, la question: venimeux, ou pas?
Tournant la tête vers celui qui ne quitte plus son coté, elle lance:
- Ifig. Fais préparer les malles.
Je pars quelques jours pour Bubry.
- Pour Bubry, ma dame?
- Eh oui, tout arrive.
- La venelle?
- Beilhal s'en chargera. Il me faut prévenir le sénéchal. Il voudra surement nous accompagner. J'imagine qu'à me savoir seule à Kernivinen avec un Françoy mystérieux va le faire sortir de ses bottes. La baronnie sera bientôt mieux gardée que Cholet, j'en gage.
- Un françoy?
- Un cousin Von Frayner. Par égards pour Chlodwig, et parce qu'il me plait, je lui ai offert l'hospitalité. Bubry est calme et retiré, confortable sans faste excessif. Ca vaut mieux que le luxe tout relatif des auberges vannetaises. Est-il du genre cuillers en argent et baldaquins, courant avec plaisir les châteaux ducaux,ou plutôt rustique, j'en sais rien. On verra bien. Il n'est pas tenu de rester si ça n'est pas assez clinquant pour lui. On l'enverra au marquis, si c'est trop riquiqui chez moi. Ca fera un peu de passage à Pontcallec.
J'en profiterai pour faire le tour de la baronnie. Je la délaisse trop, ces temps-ci. Je voudrais voir comment Maeve l'a menée à travers l'hiver et la guerre.
[Quelques malles et un harnachement plus tard]
- Porte-moi en selle, tu veux?
Deux mains accoutumées au geste et plus tremblantes pour un sou se pose sur ses hanches et amplifient l'impulsion. L'étalon n'a pas besoin de plus. Poids de cavalière = en avant marche. L'équidé à l'esprit pratique.
Alors qu'elle chevauche, laissant à Morvac'h le soin de parcourir une route qu'il a maintes fois arpentée,à toutes les allures, elle repense à sa manière d'éluder toute question relative à la raison et la durée de sa présence. Le parallèle se fait automatiquement, et elle revoit celui qui s'était avéré être Edern, dict le fou, aujourd'hui chancelier du Ponant, le nez dans son assiette entre deux cuisses de faisan, victime de la méfiante manigance d'une duchesse consort et de son ovate d'amie.
L'invité peut bien s'avérer etre la pire des canailles...
Buchet, dans son bon droit d'hôte, toujours triomphe.
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Alors qu'en frottant ses bras elle va se poster au devant de l'âtre pour hâter le passage à température ambiante, elle songe à sa rencontre du jour.
Pourquoi avait-elle senti que l'étranger faisait allusion à Lallie en lui soufflant que toutes les duchesses bretonnes n'avaient pas son tact? Elle en souriait encore rien qu'à y penser. Elle en souriait, et pourtant. Et pourtant la rovelaine n'était pas du genre à s'emporter pour rien.... ou presque. Éclats de voix toujours étaient motivés. Restait à découvrir ce qui l'avait ainsi mise en pétard. L'arrivée de sa Tube de filleule avait élucidé une partie du mystère. Enfin... justement, elle avait établi le mystère comme cause du différend. Tout était plus clair, à présent. Lallie était anti-cachotteries, en bonne louve qui voulait pouvoir appeler un rat un rat et tout savoir sur le comment et le pourquoi de son être-là. Légitime, n'est-ce pas?
Une chance pour Von Frayner, la choletaise était plus mesurée, à croire qu'elle était moins échaudée que sa rousse et ducale camarade. Elle avait un faible pour le parler fruité, il fallait bien l'avouer, et en bonne branche d'un grand arbre -généalogique- costaud il savait y faire, question fruits.
Se braquer ne faisait que presser la montée du venin. Elle l'avait appris, à ses dépends, et avait désormais choisi de se poser, en face d'un prétendu serpent, la question: venimeux, ou pas?
Tournant la tête vers celui qui ne quitte plus son coté, elle lance:
- Ifig. Fais préparer les malles.
Je pars quelques jours pour Bubry.
- Pour Bubry, ma dame?
- Eh oui, tout arrive.
- La venelle?
- Beilhal s'en chargera. Il me faut prévenir le sénéchal. Il voudra surement nous accompagner. J'imagine qu'à me savoir seule à Kernivinen avec un Françoy mystérieux va le faire sortir de ses bottes. La baronnie sera bientôt mieux gardée que Cholet, j'en gage.
- Un françoy?
- Un cousin Von Frayner. Par égards pour Chlodwig, et parce qu'il me plait, je lui ai offert l'hospitalité. Bubry est calme et retiré, confortable sans faste excessif. Ca vaut mieux que le luxe tout relatif des auberges vannetaises. Est-il du genre cuillers en argent et baldaquins, courant avec plaisir les châteaux ducaux,ou plutôt rustique, j'en sais rien. On verra bien. Il n'est pas tenu de rester si ça n'est pas assez clinquant pour lui. On l'enverra au marquis, si c'est trop riquiqui chez moi. Ca fera un peu de passage à Pontcallec.
J'en profiterai pour faire le tour de la baronnie. Je la délaisse trop, ces temps-ci. Je voudrais voir comment Maeve l'a menée à travers l'hiver et la guerre.
[Quelques malles et un harnachement plus tard]
- Porte-moi en selle, tu veux?
Deux mains accoutumées au geste et plus tremblantes pour un sou se pose sur ses hanches et amplifient l'impulsion. L'étalon n'a pas besoin de plus. Poids de cavalière = en avant marche. L'équidé à l'esprit pratique.
Alors qu'elle chevauche, laissant à Morvac'h le soin de parcourir une route qu'il a maintes fois arpentée,à toutes les allures, elle repense à sa manière d'éluder toute question relative à la raison et la durée de sa présence. Le parallèle se fait automatiquement, et elle revoit celui qui s'était avéré être Edern, dict le fou, aujourd'hui chancelier du Ponant, le nez dans son assiette entre deux cuisses de faisan, victime de la méfiante manigance d'une duchesse consort et de son ovate d'amie.
L'invité peut bien s'avérer etre la pire des canailles...
Buchet, dans son bon droit d'hôte, toujours triomphe.
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