Edern
Le trône ducal est vide de corps. Son possesseur est en mouvement perpétuel, ouvrant des portes, en claquant d'autres. Le château d'Angers est en état de siège institutionnel. Pas un tapis, pas une tapisserie qui ne craigne pour la poussière engrangée au fil des ans. Un ménage avant le printemps... la couronne dorée a remplacé le chapeau d'un noir usé, lumière sommée de plaider au tribunal des ombres. Devant elle, le pont-levis s'abaisse sans cérémonie... quelques gardes pour escorte, futile protection contre les déplacements de masse. Ce qu'il y a de foule est fendu jusqu'en son centre. L'écho fera le reste...
Angevins, Angevines !
Après deux jours d'intense délibération, les conseillers ducaux m'ont fait l'honneur de me reconnaître comme deuxième duc de l'Anjou indépendant. Je les en remercie, et je remercie à travers eux l'ensemble des citoyens qui ont pu faire le déplacement jusqu'aux urnes, car si trois listes sollicitaient leur bulletin de vote, une idée les unissait très clairement : l'indépendance, encore et toujours !
Les yeux bruns se lancent à l'assaut des visages des passants arrêtés, dénombrent leur infinie diversité.
Deux mois ont passé depuis que mon prédécesseur, l'illustre Brennus, a proclamé la liberté absolue de notre beau pays. L'horizon n'est pas moins brillant, où que notre regard se porte : le conseil ducal est déjà au travail et n'épargnera aucune seconde de son temps pour honorer cette ambition ! Car le jeune État angevin n'est pas encore arrivé à maturité : les nouvelles institutions que nous allons lui donner seront pour lui un substrat dans lequel il puisera sa force sans cesse renouvelée. S'il faut nous féliciter de ce qui fait déjà notre fierté, comme l'autonomie de notre hérauderie et le redressement collectif de notre économie, nous ne pouvons nous arrêter en si bon chemin une fois lancés vers le plein accomplissement de notre souveraineté !
Au nombre des naissances institutionnelles se trouvera la nouvelle Cour d'Appel, afin que nul ne puisse se plaindre d'une quelconque erreur judiciaire à son encontre. Plus important encore, une Constitution définira la forme pérenne de l'État angevin, car il serait illusoire de penser que l'intérêt suprême de l'Anjou sera en l'état toujours protégé des pulsions électorales. Quelle que soit la façon dont cet intérêt sera représenté, le principal est qu'elle sera débattue avec vous ici même, en place publique !
Le débat exige la paix ; si un despote étranger s'aventurait à nous imposer la guerre, nous n'hésiterions pas une seule seconde à le lui rendre au centuple, expédiant ses conquérants au seul logis qu'ils puissent jamais mériter, le cimetière des oubliés ! Aussi, jusqu'à l'épuisement du bellicisme de quelques-uns de nos voisins, que chacun se tienne prêt à faire armes de ses outils ; que la hache qui coupe le bois n'oublie pas qu'elle peut trancher la chair de nos agresseurs ; que la flèche destinée au sanglier se rappelle au chasseur le jour où une cible humaine voudra forcer les murs de sa ville ; que chaque villageois soit lui-même un soldat !
Soyons vigilants... mais soyons confiants.
Partout, le fantasme morbide que l'on nomme France vole en éclats : comme l'Anjou, l'Artois s'est séparé définitivement de la tyrannie française, et d'autres contrées telles que la Flandre ont déjà enclenché leur processus de libération. Il n'est plus un peuple de l'empire parisien qui ne se pose au moins la question que nous nous sommes posée nous-mêmes il y a déjà bien longtemps : pourquoi cautionner notre propre domination ? Le doute n'est plus permis : l'Histoire est en marche, et elle n'est plus aux royaumes de papier assommant d'un lys de plomb des sujets voués à l'oppression !
Au creux de la vague... se gonfler d'air et le renvoyer, ultime appel avant la clameur finale.
Andégaves, Craonnais, Fléchois, Saumurois... Angevins ! Oui, nous sommes un ! Peuple fier et querelleur, rebelle et moqueur ! Tous ici, nous chérissons l'Anjou qui apporte le bonheur dans nos verres comme dans nos curs, et pourtant ! Il nous faut maintenant prolonger cette devise de quatre mots : écoutez-le, répétez-le, pour que ce bonheur ait une signification concrète, notre nation ne reconnaîtra plus jamais...
Pause minutieusement calculée ?
Nouvelle scène, criante vérité.
... NI ROI, NI MAÎTRE !
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Angevins, Angevines !
Après deux jours d'intense délibération, les conseillers ducaux m'ont fait l'honneur de me reconnaître comme deuxième duc de l'Anjou indépendant. Je les en remercie, et je remercie à travers eux l'ensemble des citoyens qui ont pu faire le déplacement jusqu'aux urnes, car si trois listes sollicitaient leur bulletin de vote, une idée les unissait très clairement : l'indépendance, encore et toujours !
Les yeux bruns se lancent à l'assaut des visages des passants arrêtés, dénombrent leur infinie diversité.
Deux mois ont passé depuis que mon prédécesseur, l'illustre Brennus, a proclamé la liberté absolue de notre beau pays. L'horizon n'est pas moins brillant, où que notre regard se porte : le conseil ducal est déjà au travail et n'épargnera aucune seconde de son temps pour honorer cette ambition ! Car le jeune État angevin n'est pas encore arrivé à maturité : les nouvelles institutions que nous allons lui donner seront pour lui un substrat dans lequel il puisera sa force sans cesse renouvelée. S'il faut nous féliciter de ce qui fait déjà notre fierté, comme l'autonomie de notre hérauderie et le redressement collectif de notre économie, nous ne pouvons nous arrêter en si bon chemin une fois lancés vers le plein accomplissement de notre souveraineté !
Au nombre des naissances institutionnelles se trouvera la nouvelle Cour d'Appel, afin que nul ne puisse se plaindre d'une quelconque erreur judiciaire à son encontre. Plus important encore, une Constitution définira la forme pérenne de l'État angevin, car il serait illusoire de penser que l'intérêt suprême de l'Anjou sera en l'état toujours protégé des pulsions électorales. Quelle que soit la façon dont cet intérêt sera représenté, le principal est qu'elle sera débattue avec vous ici même, en place publique !
Le débat exige la paix ; si un despote étranger s'aventurait à nous imposer la guerre, nous n'hésiterions pas une seule seconde à le lui rendre au centuple, expédiant ses conquérants au seul logis qu'ils puissent jamais mériter, le cimetière des oubliés ! Aussi, jusqu'à l'épuisement du bellicisme de quelques-uns de nos voisins, que chacun se tienne prêt à faire armes de ses outils ; que la hache qui coupe le bois n'oublie pas qu'elle peut trancher la chair de nos agresseurs ; que la flèche destinée au sanglier se rappelle au chasseur le jour où une cible humaine voudra forcer les murs de sa ville ; que chaque villageois soit lui-même un soldat !
Soyons vigilants... mais soyons confiants.
Partout, le fantasme morbide que l'on nomme France vole en éclats : comme l'Anjou, l'Artois s'est séparé définitivement de la tyrannie française, et d'autres contrées telles que la Flandre ont déjà enclenché leur processus de libération. Il n'est plus un peuple de l'empire parisien qui ne se pose au moins la question que nous nous sommes posée nous-mêmes il y a déjà bien longtemps : pourquoi cautionner notre propre domination ? Le doute n'est plus permis : l'Histoire est en marche, et elle n'est plus aux royaumes de papier assommant d'un lys de plomb des sujets voués à l'oppression !
Au creux de la vague... se gonfler d'air et le renvoyer, ultime appel avant la clameur finale.
Andégaves, Craonnais, Fléchois, Saumurois... Angevins ! Oui, nous sommes un ! Peuple fier et querelleur, rebelle et moqueur ! Tous ici, nous chérissons l'Anjou qui apporte le bonheur dans nos verres comme dans nos curs, et pourtant ! Il nous faut maintenant prolonger cette devise de quatre mots : écoutez-le, répétez-le, pour que ce bonheur ait une signification concrète, notre nation ne reconnaîtra plus jamais...
Pause minutieusement calculée ?
Nouvelle scène, criante vérité.
... NI ROI, NI MAÎTRE !
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