Anaon
- Les derniers brins de paille sont poussés dans une volute de poussière et la porte du boxe se referme dans un craquement de bois. Une main gantée vient flatter lépaule de léquidé et dun regard presque aimant, elle embrasse lécurie. Doux renâclement des montures. Bruissement du foin que lon remue. Une bulle de calme que lAnaon avait fait sienne. Cocon de sérénité parsemé de quelque hennissement que même ses noires pensées auraient bien du mal à troubler. Pourtant lhumeur, la balafrée lavait exécrable ces derniers jours. Rien de bien inhabituelle certain diront, mais cette fois-ci cet état dâme nest pas le fruit de ses démons coutumiers.
Lil professionnel inspecte afin de déceler le moindre élément qui pourrait venir agacer lesprit perfectionniste. Puis lentement, le corps sébranle, remontant lallée de boxe, non sans laisser une main effleurer les parois de bois et dy abandonner un regard qui en suit chaque rainures. Geste curieux mais tendre. Comme si dune caresse, cest lapaisement même quelle touchait du bout des doigts. Elle effleure, comme on le ferait avec une peau amante, guettant le premier frisson. A chacun ses vieilles manies A son passage, libérique redresse la tête, oreilles pointées vers lavant. Un sourire et la mercenaire vient souffler doucement dans les naseaux frémissant en signe dun énième salut. Une main se pose sur le chanfrein de sa monture quelle gratte avec tendresse. A croire que lAnaon est plus douce avec un cheval quavec un homme.
Le balais est posé dans un coin et la palefrenière occasionnelle juge une fois de plus lécurie parfaitement propre. Si elle le pouvait, lAnaon paillerait bien tous les boxes de la régions sans même demander compensation. Le répits de lesprit na pas de prit. La roide, soit elle cherche à noyer ses tourments dans lalcool, soit elle les abandonnes dans le foin et lalcoolique notoire - qui ne se reconnait pas comme tel, bien évidement - avait préféré délaisser les tavernes pour la journée. Et pour quelque jour encore. Alors que les menaces des taverniers les plus remontés narrivaient pas à déloger la pocharde quand elle tenait à son verre, il navait fallut quune conversation anodine pour len faire fuir.
La vision du ventre rebondie des duchesses lui tord les tripes
A croire que toute les femmes bretonnes se sont mises de mèche pour lui pourrir lesprit. Le bonheur de toutes ses cloquée la ramène amèrement à son propre état. Et çà lui est insupportable. Les mâchoires se crispent et le visage serein reprend son marbre. Tintement soudain dune cloche qui lui tire un sursaut. Damned! Lheure de None déjà!
Coup de fouet qui la fait détaler dans lauberge et grimper les marches quatre à quatre. Elle entre dans sa chambrée à la volée, bottes et linges sales sont abandonnés au milieu de la pièce puis elle courre vers une bassine dans laquelle elle plonge ses mains. Pas le temps ni les moyens pour des ablutions plus longues, une faudra se contenter dune toilette sommaire. Ah! Elle l aurait bien garder sur elle lodeur du foin et des montures, mais elle en connait un qui pourrait le lui reprocher. Et puis malgré tout, on pourrait ne pas le croire, mais lAnaon tient un minimum à son apparence!
La femme sempresse denfiler une tenue présentable. Masculine cela va de soit, voilà bien longtemps que la mercenaire a troqué ses robes contre des braies, et entre surcot et chemise : le supplice dun corset férocement serré. Habituelles cuissardes chaussée, mantel rapidement enfilé, elle ressort de sa chambre tout aussi rapidement. Ne manquant pas au préalable de se viander royalement sur ses bottes laissées au milieu du chemin. On fait les choses bien, ou on les fait pas!
Langage des plus fleuries au bord des lèvres, le visage dalbâtre soffre enfin à la froidure de lhiver. Et direction le perron de la taverne municipal! Et sans traîner! Car bien quelle ai encore beaucoup à apprendre de lui, lAnaon se croit sûr dune chose. Le Von Frayner nest pas patient
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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III ----[Clik]