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[RP] Laisse-moi t’apprendre ma Bretagne

Anaon
    Les derniers brins de paille sont poussés dans une volute de poussière et la porte du boxe se referme dans un craquement de bois. Une main gantée vient flatter l’épaule de l’équidé et d’un regard presque aimant, elle embrasse l‘écurie. Doux renâclement des montures. Bruissement du foin que l’on remue. Une bulle de calme que l’Anaon avait fait sienne. Cocon de sérénité parsemé de quelque hennissement que même ses noires pensées auraient bien du mal à troubler. Pourtant l’humeur, la balafrée l’avait exécrable ces derniers jours. Rien de bien inhabituelle certain diront, mais cette fois-ci cet état d’âme n’est pas le fruit de ses démons coutumiers.

    L’œil professionnel inspecte afin de déceler le moindre élément qui pourrait venir agacer l’esprit perfectionniste. Puis lentement, le corps s’ébranle, remontant l’allée de boxe, non sans laisser une main effleurer les parois de bois et d’y abandonner un regard qui en suit chaque rainures. Geste curieux mais tendre. Comme si d’une caresse, c’est l’apaisement même qu’elle touchait du bout des doigts. Elle effleure, comme on le ferait avec une peau amante, guettant le premier frisson. A chacun ses vieilles manies… A son passage, l’ibérique redresse la tête, oreilles pointées vers l’avant. Un sourire et la mercenaire vient souffler doucement dans les naseaux frémissant en signe d’un énième salut. Une main se pose sur le chanfrein de sa monture qu’elle gratte avec tendresse. A croire que l’Anaon est plus douce avec un cheval qu’avec un homme.

    Le balais est posé dans un coin et la palefrenière occasionnelle juge une fois de plus l’écurie parfaitement propre. Si elle le pouvait, l’Anaon paillerait bien tous les boxes de la régions sans même demander compensation. Le répits de l’esprit n’a pas de prit. La roide, soit elle cherche à noyer ses tourments dans l’alcool, soit elle les abandonnes dans le foin et l’alcoolique notoire - qui ne se reconnait pas comme tel, bien évidement - avait préféré délaisser les tavernes pour la journée. Et pour quelque jour encore. Alors que les menaces des taverniers les plus remontés n’arrivaient pas à déloger la pocharde quand elle tenait à son verre, il n’avait fallut qu’une conversation anodine pour l’en faire fuir.

    La vision du ventre rebondie des duchesses lui tord les tripes…

    A croire que toute les femmes bretonnes se sont mises de mèche pour lui pourrir l’esprit. Le bonheur de toutes ses cloquée la ramène amèrement à son propre état. Et çà lui est insupportable. Les mâchoires se crispent et le visage serein reprend son marbre. Tintement soudain d’une cloche qui lui tire un sursaut. Damned! L’heure de None déjà!

    Coup de fouet qui l’a fait détaler dans l’auberge et grimper les marches quatre à quatre. Elle entre dans sa chambrée à la volée, bottes et linges sales sont abandonnés au milieu de la pièce puis elle courre vers une bassine dans laquelle elle plonge ses mains. Pas le temps ni les moyens pour des ablutions plus longues, une faudra se contenter d’une toilette sommaire. Ah! Elle l’ aurait bien garder sur elle l’odeur du foin et des montures, mais elle en connait un qui pourrait le lui reprocher. Et puis malgré tout, on pourrait ne pas le croire, mais l’Anaon tient un minimum à son apparence!

    La femme s’empresse d’enfiler une tenue présentable. Masculine cela va de soit, voilà bien longtemps que la mercenaire a troqué ses robes contre des braies, et entre surcot et chemise : le supplice d’un corset férocement serré. Habituelles cuissardes chaussée, mantel rapidement enfilé, elle ressort de sa chambre tout aussi rapidement. Ne manquant pas au préalable de se viander royalement sur ses bottes laissées au milieu du chemin. On fait les choses bien, ou on les fait pas!

    Langage des plus fleuries au bord des lèvres, le visage d’albâtre s’offre enfin à la froidure de l’hiver. Et direction le perron de la taverne municipal! Et sans traîner! Car bien qu’elle ai encore beaucoup à apprendre de lui, l’Anaon se croit sûr d’une chose. Le Von Frayner n’est pas patient…

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III ----[Clik]
Judas
Et la patience, Judas en avait usé pour arriver jusqu'en Breizh. Le chemin Nevers-Vannes avait été difficile, peuplé d'armées et souvent enneigé. La Bretagne était froide, et un tantinet austère. Mais qu'attendre d'autre du Pays de la Roide? Sans escorte, il avait gagné la ville portuaire en maudissant l'éloignement des deux pays, qui s'épousaient pourtant. Un heureux hasard lui fit croiser la route d'une certaine Chimera, qui lui offrit le gîte en sa baronnie de Bubry. Le Français profita du confort du castel de Kernivinen, découchant quelques soirs pour rejoindre les douceurs que lui offrait le Pays... On ne change pas la nature d'un Frayner.

Après quelques jours chez la Dénéré Maline donc, il se rendit dans la taverne la plus fréquentée de Vannes, et se posa, comme un matou sur son trône. Un siège fut tiré près du feu et le Von Frayner s'y effondra en silence. Ses prunelles grises balayèrent l'endroit et sa fréquentation, il héla le taulier.

- Une coupe de vin.
- De vin? Ha ben po d'vin ici...
- Pas de vin... Diantre, quoi d'autre?
- Ha ben Chouchenn... Hydromel...
- Ha, c'est vrai... du Chouchenn. Allons vous avez bien un petit vin gouleyant parbleu!
- Pas de vin! Chouchenn!
- Rhaaa... Soit...


Les bretons avaient un caractère à faire pâlir les siciliens. Agacé, il fronça deux sourcils contrariés qui firent naitre un pli soucieux sur son front. Pas de vin... Adieu Baumont, Adieu Railly... Bonjour breuvage obscur des terres barbares. Il se fit servir, lorgnant d'un air décontenancé la boisson locale dans laquelle il peina à tremper ses lèvres. Pisseux, épicé. Rien de bien noble en le chouchenn. Il réprima un toussotement dédaigneux et délaissa sitôt sa coupe... Même une bonne piquette Bourguignone serait meilleure en bouche.

Reprenant un peu la chaleur qui lui avait manqué lors du trajet Bubry-Vannes, il ôta ses gants de cuir et dénoua les liens de sa cape. Ses cheveux longs furent ramené en une coiffure correcte et il jeta sur la table quelques écus tout droit sortis de son aumonière. Retrouvant le confort de son siège, Judas ne manqua pas de jouer des doigts sur sa coupe délaissée qu'il fit tourner machinalement sur elle même. Les rumeurs d'un patois grossier bourdonnèrent à ses oreilles, il pensa que son séjour en Breizh ne manquerait pas de l'étonner encore...

Bubry était bel et vaste, cependant les absences de son hôte avaient eu raison de l'excitation de Judas, et sa petite pointe d'audace laissait place à une douce torpeur. Petit Bolchen ferait défaut un bon moment... Il revit en pensées Nyam, sa jeune esclave laissée aux soins d'Ayoub au domaine et lâcha un soupir décontenancé. Une présence féminine manquait depuis son départ de Nevers, lui qui n'avait su que s'entourer des attentions du beau sexe, toujours... Il décida de faire venir sa jeune obligée, et de répéter ses fugues nocturnes à l'avenir. L'éclat d'une gemme bleue à son annulaire droit le conforta dans ses désirs, après tout ce que Judas voulait, Dieu ne le voulait-il pas...? Il bailla. La roide n'était toujours pas arrivée.

Du moins le croyait-il.

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Anaon
    Elle est là l’Anaon, pas très loin des murs de la taverne qui se découvrent sous le regard des deux azurites. Devant la porte, point de Judas. Vifs mouvements de tête, elle scrute les rues voisines tandis qu’elle parcoure les derrières foulées qui la séparent du bâtiment. Le bourguignon serait en retard? Inconcevable. Perdu peut être? L’Anaon s‘arrête. En quelques jours, il avait bien eu le temps de se repérer. Il a beau être étranger, ce n’est pas une tanche pour autant. Tour complet sur elle-même. Elle avait bien dit la taverne municipale, non? Les yeux se lèvent alors, les épaules s’affaissent quand la réponse lui apparait tout naturellement. Se retournant, la mercenaire vient se claquer le front contre la vitre de la taverne, les deux mains en œillère. Les silhouettes se font floues derrière le verre embué. Elle distingue le comptoir - chose très importante -, quelque personnes dont elle distingue vaguement les traits, la lueur rougeâtre de l’âtre crépitant contre le mur et…. Arg! Elle lui avait dit devant la taverne ! DEVANT pas dedans grands dieux !

    Un soupir sonore s’extirpe des lèvres pâles, se faisant paquet de buée qui lui grimpe dans le nez et lui tire un éternuement. La balafrée se décolle alors de la fenêtre pour lui tourner le dos. Elle avait décrété qu’elle n’irait plus en taverne et elle comptait bien s’y tenir. Alors c’est pas aujourd’hui qu’elle va se contredire! Les bras se croisent. L’idée de poireauté dehors le temps que Judas perde patience et en ressorte lui traverse sérieusement l’esprit. Sauf que parfois, il faut savoir arrêter de jouer au plus con.

    Longue inspiration qui lui glace la gorge et elle se décide à rentrer dans la taverne. Les pas s’arrêtent dès la porte franchie. L’Anaon prend soin d’ôter ses gants et de défaire les attaches de son mantel. L’oreille se tend pour se noyer dans les conversations en patois brittonique. Et certain sujet ne la surprennent guère. Voilà des jours que l’on parle de " l’Estrañjour "* . Une arrivée pareille ne passe pas inaperçue, d’autant plus en ces temps de conflit entre le Royaume de France et la Breizh. Encore moins quand on est Von Frayner et que l’on se plait à marchander les âmes. Judas où l’art de déchainer les passion… Quand elle ne l’a pas vu, elle en a prit plein les oreilles.

    D’un regard vif elle cherche à débusquer les visages indésirables et les ventre dangereux pour la sérénité de ses nerfs. Voie libre? A pas feutrée, elle s’avance alors près du fauteuil où trône le Von Frayner tout en se disant qu’elle trouvera bien quelque prétexte pour l’attirer dehors. Voir les menhirs, les falaise, partir à la recherche désespérée d’un vin bourguignon dans les champs d’Armorique, qu’importe, elle trouvera bien l’argument pour arracher le frileux à sa cheminée.

    Les perles d’un bleu sombre avisent les doigts nerveux qui jouent sur une coupe que l’œil et l’odorat avisés ont bien vite fait de deviner la contenance. La dextre féminine vient se poser doucement sur la main agitée.

    _ « Quand un verre est plein on le vide. Et quand il est vide on le plaint »… Dicton Breton…

    Voix nimbée de velours. Ce n’est pourtant pas le verre du bellâtre qui sera à plaindre.

    _ Le cidre et l’hydromel sont plus doux…

    Vague sourire qui nait au coin des lèvres près à recevoir un nouveau blâme sur la culture " barbare ".


*Estrañjour: Etranger

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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III ----[Clik]
Judas
La main d'une Roide vient se poser sur celle du Français. Les yeux gris eux, viennent se planter dans les bleus de l'Anaon. La vision de la Garçonne savait apaiser les idées noires de Judas, il s'attarda sur les apprêts masculins qui cachaient si bien ce que la brune avait de meilleur. Une paire de cuissarde tranchant avec un mantel, voilà toute la contradiction incarnée de la bretonne. Le sourire de l'Ange savait s'étirer en réel sourire lorsqu'il se retrouvaient, n'etait-ce pas là une belle victoire... Si ce n'est pas un sourire qu'il lui servit, ce fut tout de même un air de soulagement.

J'ai cru que tu ne viendrais pas.

C'est qu'avec ces femmes ci, Judas ne promettait de rien. Un peu rebelle, un peu insoumise, il en fallait peu pour que tourne le vent en cette caboche éprouvée. En attendant, le Chouchenn fit bien les choses... Las de ne pas trouver de quoi se rincer le gosier comme il se devait, il repoussa la coupe d'un air dédaigneux en déclarant:

Quant à la Douceur... Je ne la gagnerai pas dans ma coupe... Allons ailleurs, je n'ai pas trouvé de quoi me contenter ici...


Judas se leva, et se couvrit, comme quoi... Inutile de trouver milles stratagèmes pour faire sortir la souris de son trou. Promettez lui fromage. Les cheveux longs du seigneur marbrèrent le col de sa cape sombre, lui donnant du noir au noir un étrange relief.

Il regretta presque les écus dormant au bois de la tablée, pour s'être abreuvé d'un jus de chausse. Mais le Von Frayner n'était pas pingre, plus habile à faire faire des petits à ses fortunes, il s'en détourna donc pour retrouver le chemin de la sortie.

Voilà quelques jours qu'il était à Vannes, l'idée d'aller visiter la capitale faisait son chemin, restait à voir s'il irait seul ou accompagné. Lorsqu'il retrouva la fraicheur de l'extérieur, ses mains longues et fines vinrent remonter contre ses joues le col fourré de son surcot hivernal, bien calé sous celui de sa cape brodée. Un soupir hasardeux exhala des volutes brumeux de vapeur, les yeux du seigneur balayèrent le décor. Dieu que la Bretagne était belle, diable qu'elle était froide.


J'ai, voilà quelques années, acheté des appartements à Rennes. Si je m'y rend, me suivras-tu?

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Anaon
    A croire que le chouchen exauce tout. A défaut de satisfaire le palet du Von Frayner il se fait l’argument parfait pour l’Anaon qui n’aura pas à le chercher. Ah! Que ferait-on sans un peu d’alcool… Un tantinet surprise par l’exaucement imprévue de son envie, mais bien ravie, la balafrée laisse Judas se lever. Au seigneur insatisfait de s’emparer des rennes. Et la voilà sur ses pas… du moins… Enjambée à reculons. Les azurites se plongent au fond du verre qui n’est toujours pas vide. Mes aïeux! Soudaine envie d’hurler au bellâtre un " Sacrilège! Outrage! Inculte du palet! " sortit tout droit du fond du cœur. Une verve qu’elle a tôt fait de ravaler. Le bourguignon ne passe déjà pas inaperçue, mieux ne vaut pas en rajouter une couche. Mais grands dieux, tout de même! Le chouchen, çà reste le chouchen! Ne pas aimer c’est une chose, ne pas le finir s’en est une autre ! Expression outrée sur le visage, la mercenaire reprend son chemin….Enfin, d’un pas en avant, deux en arrière… Ma fille, te mettre aux infusions çà ne te fera pas de mal! Ultime regard larmoyant jeté au verre qui n’attend qu’elle. D’un menton redressé, la mercenaire s’empresse de quitter cette tentation pour en rejoindre une autre.

    De nouveau livré au froid hivernal. L’Anaon accuse la claque glacé avec contentement. Les azurites se plantent dans le dos de l’homme et entre le pouce et l’index féminin, une mèche noire vient être pincée. Amatrice de belle crinière l’Anaon? Assurément. La main l’abandonne aussitôt pour se couvrir de cuir et venir refermer son mantel, tout en prêtant une oreille attentive à son amant. Un sourcil se rehausse sur le front pâle. Des appartements à Renne? Voilà une chose qu’il ne lui avait pas dit. Quant à la réponse, elle n’est pas longue à venir.

    _ Il te faudra bien une interprète quand tu tomberas sur les chauvins qui ne parlent pas un traitre mot de la langue d’oïl… Et puis il serait dommage que tu te perde en route…

    Ton mi-désinvolte, mi-amusé. Summum de la crédibilité quand on sait que la mercenaire n’a jamais mis les pieds à Rennes. A croire que lui sortir un simple " oui " l’aurait écorché. La réponse aurait sans doute été bien trop sincère. " La Roide ". Ce sobriquet risque de lui aller encore longtemps.

    Les prunelles viennent trouver celles de Judas et marchant à reculons vers on ne sait trop où, l’Anaon enchaine sans attendre:

    _ Veux-tu partir en quête d’un vin qui saura ravir tes papilles? Courir après les Korrigans aux pieds des dolmens? Ou bien te jeter du haut d’une falaise? Mais je gage que ma Bretagne n’est pas aussi désespérante que cela…

    Sourire narquois. Elle avait baigné une nuit dans son monde, à elle de la plonger dans le sien: beauté de caractère couverte de son manteau de neige.

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Judas
Anaon, ou comment allier fierté et persuasion... Se perdre, cela pouvait arriver. Se laisser compter patois aussi. Judas fit donc semblant de ne pas prendre cette réponse pour une pirouette à un simple oui et hocha la tête, ses yeux courant sur le visage de la Roide. Incrédule. Il fit quelques pas, continuant de la dévisager, elle et le seul sourire qu'elle offrait souvent , là sur sa joue.

Soit.

La brune n'avait pas besoin de plus d'argument pour satisfaire Judas, il avait compris depuis leur rencontre combien sa cuirasse était épaisse, sous sa douce peau d'albâtre. Laissons jouer les femmes à leur joutes enfantines, quand leur égo se préserve elles n'en sont que plus intéressantes. Un visage commun s'embellit par le fard, Le beau n'a pas besoin des ornements de l'art... Et sans se soucier des stigmates, il la trouvait belle, de par ses attitudes et ce caractère particulier. Bien sûr il ne perdait pas de vue d'apprivoiser la beste, mais rien ne pressait. Se contenter de ce qu'elle lui laissait, au gré des humeurs , convenait pour l'heure. La grande aventure, c'est de voir surgir quelque chose d'inconnu, chaque jour, dans le même visage. C'est bien plus grand que tous les voyages en terre ennemie ... Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ? Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !

"Si tes falaises savent aussi bien donner le vertige que toi..."


Korrigans? dolmens...?

Rire bref. Il n'avait aucune idée de ce que pouvaient être ces choses ci... La Bretagne restait une terre gonflée de croyances et de fables dont le Frayner ignorait tout, si ce n'est leur mystères. Judas avait aussi compris que ses croyances et celles de son amante ne se tenaient pas la main, aussi évitait-il soigneusement le sujet, de peur de trouver enfin une réelle raison de séparer leur route. Il la fréquentait déjà en connaissance de cause, elle gueuse, lui noble, se contentant de garder à l'esprit qu'au lit et nu, les corps savaient parler le même langage et croire aux mêmes désirs. Bien qu'il se plaisait à casser les codes et à choquer son prochain, il préférait taire l'inutile... Il ne faut jamais blâmer la croyance des autres, c'est ainsi qu'on ne fait de tort à personne. Il y a même des circonstances où l'on doit honorer en autrui la croyance qu'on ne partage pas, mais ... A l'évidence Judas n'était pas prêt pour cela. L'incroyance en une chose n'est jamais que fondée sur la croyance aveugle en une autre... En cela, il avait une infime once de sagesse... Dans un haussement d'épaule et un sourire imperceptible il se contenta d'un:


Offres-moi donc ton plus doux poison…


Le vent agita quelques mèches sombres et Judas tira un peu sur ses gants.
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Anaon
    Le vent se fait porteur d’un souvenir et les azurites caressent d’un regard le visage balayé de mèche sombres. Prunelles à prunelles. Si les lèvres ne s’ébranlent pas, son regard sourit pour elle. " Offres-moi donc ton plus doux poison… " Une phrase qui avait scellée leur rencontre et les avait mené aux limbes d’une folie au parfum d’Ipomée. Et si mon plus doux poison, c’était toi?

    Toujours à reculons, le pas ralentit, les mains viennent se lier dans son dos et imperceptiblement, le menton se rehausse comme un défis que l’on accepterait de relever. Et la voix se pare d’un ton suave.

    _ Ainsi je te ferais gouter une langue aux accents comme la houle. Je te dévoilerais les secrets des Mari Morgan* sur les pierres de nos rivages. Je t’endiablerais au son de nos Fest-Noz…

    Mais avant je pose mon décor. Demi-sourire qui se fend sur les joues entaillées. La femme se retourne pour reprendre son chemin. Pas d’auberge, pas de taverne pour eux, mais la fraicheur d’un hiver bien avare de neige cette année. La Breizh, c’est le chouchen, les bombardes, les danses, mais c’est surtout ses landes chevauchées de bise aux saveurs salines, son océan qui s’écrase en fracas d’embrun contre la roche des falaises grises. La Breizh, c’est son silence. Des champs jalonnés de mystère. Derrière chaque pierre un mythe, dans chaque rivière un crime dont la souillure à laissé place aux fables qu’on se raconte au coin de l’âtre. Esprit breton taillé au couteau de la superstition. Brut comme ses falaises, doux comme ses plaines.

    Les foulées s’allongent jusqu’au port de la ville pour claquer la jetée de bois. Des accents pleins les tympans et des odeurs pleins les narines. Les bateaux tanguent nonchalamment, les marins s’activent à leurs tâches coutumières. Le pas calme ne ralentit pas car là n’est pas où elle veut mener Judas. C’est le silence loin du bourg qu’elle vise. Le regard se contente de balayer furtivement mats et voiles. Crissement de la fine pellicule de givre qui se meurtrie sous leurs pas.

    _ Il est vrai que tes esclaves viennent de pays loin dans le Sud, par delà même la mer de Provence, dans des pays où il ne neige même pas?


*  " Fée de la mer " bretonne, à l’apparence de femme, ayant la symbolique des sirènes

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Judas
Du céleste s'éteint ma bouche... Aller vers toi.
Du parfum le désir que j'aime, t'étais là.
Seule au bord du ravin, tu me dis "On y va?"


Et cet air de défi dans la prunelle, encore cette lueur indicible qui fait l'Anaon, là, paisible comme l'eau qui dort et pourtant tout aussi trouble, insondable et dangereuse. Elle a compris l'invitation, y répond par jeu, c'est ce qu'il aime Judas. C'est qu'il aime Judas, voir la Roide entrer dans ses sinistres désirs et prendre la main qu'il lui tend ou la jeter, tendant les lèvres. Judas aime, aimez Judas, et ses jeux opaques et ce gout de ce qu'il ne faut pas aimer. Qu'est-ce qui les ébranle, si ce n'est leurs corps qui se fracassent l'un contre l'autre et la fièvre parfois, qu'est-ce qui les retient l'un dans l'ombre de l'autre si ce n'est ce gout de la provocation, ce gout d'aller toujours à l'inverse de l'autre tout en s'effleurant pour mieux s'agripper. L'amour n'est-il pas ce jeu cynique, cette indifférence feinte aux yeux qui s'assassinent ? Elle joue l'Anaon, dieu que c'est bon.

Dans la boîte d'ennui c'est la soif qui a faim
Dans le ventre grandit, s'envisagent les seins;
Dans le cri de la nuit qui nous détruira, je n'ai peur de rien
Quand tu es là, moi je ne crains...


C'est le gout du secret qu'ils cultivent, chacun derrière son rictus-armure, sourire-forteresse. Lui et ses amantes, ses passagères de l'aube, elle et ses entrailles habitées, là, le ventre fécond. Personne n'est dupe. Elle dissimule, il vend du boniment, l'amour n'est pas une chose sérieuse. Du futile trop répandu pour lui accorder du crédit, du trop doux pour leurs âmes écorchées. Quand Anaon boit les tisanes du diables ployant aux genoux d'une faiseuse d'ange Judas sillonne de ses lippes volages d'autres panses aux rondeurs fertiles. L'une tue l'avenir quand l'autre l'encense. gout d'aller toujours à l'inverse de l'autre tout en s'effleurant ...

Rien que toi, rien que moi faits de fièvres et d'envie
Dans la suie on se noie assoiffés d'interdits.
Rien que toi rien que moi au sein de l'incendie
Je t'invite au combat et toi tu me dis oui,
Allez viens...


La danse a changé de meneur, nous ne sommes plus en Bourgogne, plus de Judas en maistre, le Von Frayner est l'hôte taciturne des désirs de la Roide, sur cette terre à son image. N'est-il pas venu aussi pour un soupçon d'elle? Pour une autre danse, pour tenir fermement cette main qu'il craint et moque de voir fuir? Toujours où on ne l'attend pas, il la suit, la laisse voyager au gré des fabliaux qui ont forgé la Bretagne, SA bretagne. Lui l'étranger, lui l'indésirable laisse son amante lui ouvrir le chemin avec le pas sûr des grandes souveraines.

Sur la piste décollent les chevaux enragés.
S'emballent et puis se collent les lèvres empoisonnées.
S'unissent les venins et nous ne faisons qu'un.
Vérités du sacré, tu me donnes la clef.
A l'amour à la mort toi tu cherches le jour
A l'amour à la mort, couteaux dans le velours

Là où il pense qu'elle le mènera au tourment déchainé de la bise marine, perché sur les falaises d'où se jettent à mourir mille désespérés , elle le garde plus près de l'enfer, là sur le plancher des vaches dans les embruns diffus et calmes des quais. Mais elle ne s'arrête pas, ni sa langue trop peu bavarde. Judas détaille la silhouette garçonnée laissant aux marins leur destin tragique, à leur femmes le chagrin qui leur fait cortège, à leur enfants leurs ports aux soirs échoués. Il revoit fugacement la nuit où elle s'est abandonnée, lèvres poudreuses et scepticisme dans les yeux. Et ça l'étrangle d'un plaisir trop quiet pour lui plaire. Sauf qu'on ne renie pas ce que le coeur décide.

A l'anarchie des corps tu t'élèves et tu brûles
Tu gémis au secours à la mort, à l'amour
Toi tu cherches le jour à l'amour à la mort
Couteaux dans le velours à l'anarchie des corps
Tu t'élèves et tu brûles tu souris et tu cours


Judas regarde l'horizon, comme pour donner du sens au mots de sa voisine, les yeux plissés.


Il est vrai, ils viennent de contrées où l'on ne fait pas cas de leur sort, là ou personne ne saurait s'offusquer de les voir enchainés. Là où leur condition n'est qu'une punition divine, et non humaine.

Même si les hommes se prennent encore et toujours pour des dieux. Finalement, on aime vraiment que ce qui n'est pas pieds et poings liés à quelque chose, ou quelqu'un.
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Anaon
    Pas besoin d’autre pour sceller les fers, on s’enchaine suffisamment à soi-même. Une passion pour prison, des démons pour raison. Mais ça fait quoi d’avoir les fer à la peau et pas l’étau au cerveau? Laisser sa vie filer sous quelque coup de badine, les rennes vendus au plus offrant. Sans réfléchir: obéir. L’existence est elle plus simple quand on n’a plus à s’en soucier? Qu’importe quel sera ton pain du lendemain. Tu sers et tu vis. Point barre. Et toi, marchand d’esclave, mon âme tu la vendrais combien?

    Les pas quittent le bois pour aller fouler le givre d’un sentier, abandonnant dans leurs sillages le port aux mouettes agitées. Lente ascension qui les élèvent doucement au dessus du remous de vague. Les lèvres de la brune n’éclosent pas, se gardant de briser le silence qui leur fait escorte. Quoi que de silence il n’a rien d’absolu. Sous leurs pieds qui grimpent , le soupire de l’océan qui expire une dernière complainte, celle de sa houle qui se meurt contre la roche. Sur le sentier, un souffle en galère par la petite montée et la main qui se serrent contre le mantel. Et sous le mantel, le corset et son étreinte brutal, témoin de la haine viscéral qui ronge les tripes maternelles. Dur de cacher cinq mois de misère...

    Les bottes bifurquent du tracé de terre, préférant le craquant d’une neige gelée qui tapisse herbe brune et roche grise. Elle s’éloigne, suivit de l’être dont elle ne perd pas le souffle, elle s’éloigne, pour aller jouer sur le fil de la chute. Poser le pied à l’extrémité, là, sur la limite de l’abrupt. Sentir le vent repousser et le gouffre appeler. Inconscience qu’elle fait nonchalance. Que le pas malvenu soit celui qui signe çà course. Crever par maladresse, ce serait bien con, mais tellement bon. Fin de l’Anaon,. The End. Bouclez le livre, s’en est fini. Sourire d’autodérision. Non. Ce serait trop bête, trop simple, trop doux. Devoir subir la vie et avoir le trépas facile? Aisé. La mort, j’veux avoir le temps de lui sourire, j’veux la sentir, j’veux en souffrir. Je veux pourvoir me dire: bientôt se sera finit. Bientôt tu vas dormir. Savourer l’agonie en sachant que cette fois-ci, se serait la bonne, la der des ders. Là, la falaise n’est pas assez haute, la chute ne serait pas assez longue…

    Les pas s’éloignent pour retourner un peu au cœur des terres. Elle ne se retourne pas pour voir Judas. Il est là, elle l’entend, elle le sent. La neige craque derrière elle tout comme çà claque dans ses veines… ou dans son cœur peut être? Ca lui pique la nuque de sentir les prunelles masculines. Comme ca l’écorche quand il la touche. Esprit torturé qui ne sait même plus quand il faut arrêter de maudire. Judas, l’envie de fuir et d’y revenir. Elle hait son envie de lui… Haïr quand on ne sait plus aimer, c’est tout aussi violent, tout aussi viscéral. Mais haïr à sa manière, comme l’alcoolique hait sa liqueur. Avec passion et véhémence.

    Sous leurs yeux, dans la lande blanche, un cercle de pierre dressé que la balafrée vient trouver. Et le cuir est ôté pour laisser à la main hyaline le gout du touché de roche. Froidure de la pierre emperlée de givre que la caresse n’abandonne que pour passer d’un roc à l’autre. Et au détour d’un menhir, elle vient pénétrer le cercle. Frisson qui lui parcoure l’échine. Ce cercle, c’est elle, son chemin de vie, sa foi bafouée. Son cœur de païenne, son âme d’hérétique matérialisé dans quelque pic de roche et de l’autel qui trône en son centre. Qu’importe pourtant ses croyances, car aujourd’hui il y a lui. Aujourd’hui, pas de prière à Korridwen ou à Lug, juste une main dénudée qui vient glisser le long de la mâchoire amante pour en emprisonner le menton et en voler les lèvres de la morsure des nacres.

    _ M’abandonneras-tu cette nuit encore pour ta duchesse, ma c’haredig milliget*?

    A la main de cuir de se faire possessive sur la cape qu’elle agrippe au cou et de le faire reculer jusqu’à l’acculer contre l’autel de pierre. Laisse-moi te gouter une fois encore, là, dans mon église, avant que tu ne repartes dans ton castel. Avant qu’il ne me prenne l’envie de ne plus te vouloir pour mieux te languir. Cours les bretonnes, répands tes faveurs, que m’importe! Tant que tu me donnes, à moi, de quoi courir et le plaisir de te voir me courir. Embrase-moi ou fais-toi de marbre que je m’acharne sur ta carcasse de glace jusqu’à te faire ployer d’envie. Puisque la provocation sera notre lot, j’irais la provoquer, la géhenne dans tes veines.

    Titille l’Anaon, d’une canine sur la gorge blanche.

    Si l’on ne se provoque pas, c’est qu’on n’a plus rien à se dire.


* Mon amant maudit 

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Judas
Le duo se suit de près dans une procession silencieuse, jusqu'à ce que les esclaves et les farfadets n'intéressent plus personne, jusqu'à ce que l'amante vienne froisser les non-dits. Judas frémit.

Morsure d'émaux, morsure des mots. Le regard se fait dur, pour réponse à la Roide le gaucher vient immiscer la senestre sous l'étoffe du mantel, balayant les replis d'un geste presque colérique, presque brutal, heurtant ses doigts repliés sur la rigidité du corsage. La tête se penche imperceptiblement de coté et les yeux furibonds claquent au nez de l'insolente ses questions interdites. A chacun ses secrets... Il est des tombeaux qu'il ne fait pas bon trop remuer. Pas ce jeu là l'Anaon, pas celui-ci.

Dieu savait que ça l'arrangeait bien qu'il ne vienne plus s'attarder sur cette panse qui se gonflait chaque jour un peu plus d'une vie qui ne lui appartenait pas. Diable savait combien les mains s'étaient entendues livrer l'arcane de ce clandestin, au détour d'une poitrine trop lourde, au détour de maladroits aveux, d'hasardeuses pirouettes et de mots malheureux. Sourd par convenance, mais point aveugle, Judas n'avait pipé mot, même à l'odeur des breuvages cabalistiques qui passaient de mains de femmes à main de meyre. Comment avait-elle pu penser que le marchand de poisons pouvait passer à coté de détails aussi révélateurs lorsque ses baisers avaient encore le gout des herbes-à-passer...


Tu parles peu ma mie, mais les autres le font pour toi, et parfois cela vaut mieux.


Les mâchoires masculines frémissent, sillon des zygomatiques tracé sous la griffe terrible de la mercenaire. L'envie de dénuder l'infâme qui dort soigneusement sous les laçages pèse sur la conscience de Judas, pourtant le poing se retire à hauteur du nombril comme une vague qui retourne à l'amertume, pour laisser les reins prendre place de choix. Imprimant un léger mouvement, la vigueur se révèle, la bouche sans épaisseur vient reprendre ses baisers salins. C'est la soif qui a faim. Jalouse l'Anaon? Quelle ironie. L'art de coudre des ourlets au coeur, l'art de porter la provoc' en boutonnière.

Le froid n'aura raison de l'homme qu'après avoir obtenu ce qu'il désire, et ni la brise ni la pierre ne saurait rapporter le spectacle qui se jouait dans le cercle païen. La révélation officieuse de cette grossesse trouve son châtiment ailleurs, Judas se refuse de posséder ce ventre. La poigne de force se crispe sur les nattes brunes et l'épaisseur des crins jetés au vent, Judas fait ployer la provocation jusqu'à la sentir mettre genoux à terre. Asservie. Les prunelles corbeaux toisent de leur hauteur la Roide et sa verve qui n'est plus, bientôt perdue dans l'évidence de son désir. Eclair lubrique irisant l'oeil du seigneur. Le joug la tient fort par la nuque, forçant le plaisir de la voir se soumettre à ses pratiques qu'on dirait scabreuses. Qui cherche à interpeller trouve de quoi se taire.


Viens-là que je t'aime un peu, viens là que te t'apprenne le scandaleux.

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Anaon

    Lance ta pique l’Anaon, mais ne te surprend pas de la répartie. Accuses sans mots la frappe sur tes entrailles et scelle ton outrage dans un frêle sourire… navré. Que faire d‘autre? Rien. Attendre qu’il retire son poing de cette engeance qui n’est pas sienne. C’est son erreur à elle, son délit avant lui, fruit d’une nuit qui sera bien vite expier par les crimes maternelles. Il fait mal le Judas, là dans la caboche, sous l’expression de marbre qui ne cille que de ce sourire à peine esquissé. Ce n’est pas la satisfaction d’avoir viser là ou elle aurait due se taire, c’est un sourire pincé comme un " oui, je sais " qui reste muet.

    Les secondes lui paraissent longues avant que les paroles ne cinglent et que la senestre n’abandonne son ventre maudit pour se nicher dans ses cheveux d’une poigne douloureuse. Les baisers s’enhardissent alors que les narines se crispent. Il fait mal le Judas. Grimace. Le visage tailladé retrouve bien vite son marbre sous les prunelles qui la dardent. Gorge blanche qui palpite des muscles qui s’y crispent. La tête qui ploie d’abord et l’envie de le gifler pour maltraiter ainsi les deux tresses brunes. Plus qu’une coquetterie, une symbolique qu’il insulte de sa poigne brutale. Les azurites se font acérées et sous la glace, la rage résignée.

    Bruit sourd des genoux qui percutent le sol. Asservie. Regard qui se faire dur. Il fait mal le Judas, là, dans les derniers soupçon d’amour propre. Mains qui se font douces sur les jambes qu’elle remonte, sur l’ardeur libérée. Bouche qui devient soumise sous la main brute. Avilie. Offrir pour mieux chercher à obtenir. Obéir quand il ordonne parce qu’il est ainsi, elle l’a compris. Il ne quémande pas, il prend. Il vole. De plus ou moins bonnes grâces, l’Anaon découvre et s’exécute, mais sous l’air docile se refreine la vigueur de reprendre les rennes qu’il lui a arraché. Pour l’instant, au palais c’est le gout d’un nouveau scandale. L’Amour made in Judas. Doux comme un viol avec consentement.

    L’esclave se satisfait de la jouissance de son maître.*

    Mais de l’esclave, la balafrée n’en a que la posture. Ici c’est la Bretagne pas la Bourgone, ici, la reyne est Anaon. Amante condescendante. Elle garde le genoux plié, jusqu’à ce qu’elle en aie assez. Les mains se crispent sur les étoffes, les orbes céruléennes cherchent l’ardeur des prunelles sombres. Et les lèvres abandonnent le vit impudent alors que la dextre vient enserrer le poignet qui la tient en soumission. Et de forcer le joug pour retrouver taille humaine, pour toiser d’œil à œil son amant outrageux, pour le pousser jusqu’à l’assoir sur la pierre froide et le coucher sur l’autel qui leur fait piédestal.

    Savourer sa hauteur quand elle l’enfourche, par ce que lui se plait tant à la rabaisser. Quelque instant de fausse prétention qu’elle laisse durer, mais pas plus que de raison, préférant noyer ses lèvres dans le cou sur lequel plus d’une à laissé s’échouer son parfum. D’une main ancré sur son épaule, elle se fait féroce pour la garder cloué sur le roc, bien décidé à lui ôter le choix de la danse. De l’autre elle se fait tendre, descendant en caresse sur le touché d’étoffe jusqu’à venir se libérer elle-même pour chercher l’union de leurs êtres.

    Ca lui lance dans le crâne et la nuque, elle chauffe la peau malmenée. C’est qu’il fait mal le Judas. Mais pour son propre dam, l’Anaon le pardonne.


*Proverbe Arabe

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Judas
Le grognement du mâle touché se meurt dans le râle satisfait pendant que les doigts fourragent les cheveux sombres. C'est bon comme l'Anaon, et lorsqu'elle se détourne de lui c'est la frustration qui laisse son gout de trop peu. Qui peut le plus , pas forcément ne veut.

Combien de femmes pour égaler le plaisir d'une seule? Les contraires s'attirent , s'attisent, s'attristent, s'amenuisent et se maitrisent, comme les gestes chaque fois plus déterminé d'une amante qu'il a connue farouche et qui ce jour l'enfourche. Finalement, qui des deux aura apprivoisé l'autre...

Combien de nuits à mépriser ce qui vampirise lorsqu'on le tient au creux du cou? C'est fragile une Roide, c'est délicat comme une claque retenue et si dur à la fois. Conciliante en dent de scie, oui, toujours, et ça n'aime pas se faire chasser sur son propre terrain. Judas capitule, laisse sa faiblesse s'exaucer, là tout en bas. Il fait froid, pourtant rien ne saurait réfréner ce que son amante fait naître en elle. Il tend l'autre joue, laissant le corps et l'esprit s'abattre sur l'autel marmoréen, les yeux exultant pour sa bouche. La rangée de crin coiffant les prunelles fend le regard, dans l'expectative. Sacrifié aux dieux des amours pacifiques, Judas happe avec une tendresse à peine contenue la lippe stigmatisée. Il est des saveurs qui ne lassent pas, le Frayner l'apprend chaque fois qu'il vient baiser la peau laiteuse de l'Anaon.

Et ça se prend, et ça se traine encore sur des sentiers égarés, c'est qu'avec elle rien ne marche jamais qu'à l'instinct. Elle claque des doigts et met le feu aux poudres, c'est un plaisir sulfureux qui laisse un gout incendiaire, là sur la langue qui serpente pernicieusement le long de la chaude jugulaire. Le palpitant s'est emballé, cette femme le met en tension maximum. Ce n'est pas la beauté, ce n'est pas la noblesse, ce n'est certainement pas le plaisir de l'engeance. C'est l'instantanée exaltation de la dope.

Amants qui se malmènent toujours se retiennent. Le geste libre vient tirer le maudit corsage par le haut, libérant un globe suintant le premier lait, aréole couronnée d'une perle cristalline. La main s'en saisit en coupe, pour le plaisir de sentir la paume remplie de pure féminité. Passionnant. Voilà, on peut bien crever comme ça, là, entre ciel et mer. Qu'importe, la chaleur accueillante d'une invitation s'imprime en assauts passionnels, qu'importe, la vie pour le charnel! Gast... Le seigneur ne fait pas le difficile bien longtemps face à son impétueuse gueuse. Les corps claquent imitant non loin les drapeaux d'Armorique livrés aux assauts du vent sur les grands mâts. Leçon bretonne numéro une:

il a le refus chic.
Elle a l'ordre choc.

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Anaon
Sur la piste décollent les chevaux enragés.
S'emballent et puis se collent les lèvres empoisonnées.
S'unissent les venins et nous ne faisons qu'un.


    Que les dieux la blâme pour ce temple qu’elle profane. Qu’ils maudissent l’étreinte qui se joue sur la pierre qui a vu milles chandelles embrasées de prière. Qu’importe la damnation, si c’est pour le sentir se livrer sous elle, s’exaucer dans ce corps qu’elle lui offre un fois encore. Qu’ils la vouent aux enfers d’une existence sans résurrection s‘ils le veulent, tant que Lui continue de la damner avec la même application.

    La chair de poule se noie dans le frisson, les souffles embués s‘échauffent et l’Anaon chevauche. L’étalon capricieux a ployé sous la main de velours et cette volonté de fer. Sous les jambes en étau le sanguin se ferait presque tendre avant de se faire ardent. Et dans la lande muette le vent a retenu son souffles pour mieux laisser les leurs envahir le silence. L’Anaon exulte. Ce n’est plus la panse encombrante qui règne sur ses pensées, c’est la main sur son sein, c’est le corps recouvert sur lequel elle acharne ses doigts recourbées. Froisse les étoffes comme la peau en dessous d’une avidité maitrisée avant de reprendre son touché de satin quand elle vient plonger ses doigts dans les filins d’ébène.

    Cadence. L’Anaon mène sa danse cavalière avec dévotion, pareille à la houle océanique qui se meurt à chaque heurt contre la roche. Périr dans un soupir pour mieux revenir. Avec l’acharnement passionné et l’envie de vouloir faire frémir. Le désir de touché là, au fond des tripes l’amant volage pour lui faire comprendre comme çà lui claque dans les veines à chaque fois qu’il la fait sienne. Les lèvres méprisées et adorées se confondent comme les corps se fondent l‘un dans l‘autre…

    Jusqu’à ce qu’elle les achève dans la dernière salve. L’ultime cambrure qui courbe l’échine et tend la gorge hyaline. La dernière crispation pour embrasser l’exultation. Et se scelle le désir viscéral de leur amour particulière dans l’écrin échaudé. Le souffle en saccade, cœur qui bat la chamade et le corps d’une roide rompue qui se laisse ployer, cheveux en cascade autour du visage enfiévré.

    Poings fermés, azurites perchées au dessus des prunelles amantes, elle cherche la satisfaction qu’il lui trahirait dans un regard. Une main se risque dans la douceur en repoussant les mèches rebelles qui zèbrent le visage et sa peau d’albâtre. Et de venir piquer les lèvres d’une tendresse qui se finit en morsure délicate.

    Du Judas, qu’on lui en serve encore, toujours, qu’elle s’en saoule jusqu’à plus soif. Qu’on l’en drogue. Que çà lui foute le vertige à chaque étreinte. Ca la ronge comme çà l’émeut. Ah! L’Anaon et ses contradictions malmenés par son roy de l’inconstance.

    Judas, il fait mal, mais c’est un mâle qui fait bien.


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Judas
Jouissance. Corps qui abdiquent en quelques spasmes et hoquets anarchiques, instant auquel se soumet fébrile tout homme, noble, gueux, Roy, Dieu. La normalité est une expérience plus extrême que ce que les gens veulent communément admettre. Combien de fois se prennent-ils aux filets de l'animale envie? Combien de temps encore pour le duo interdit? On dit qu'un amant exceptionnel ne peut faire qu’un mauvais mari. Judas est certainement de ce bord là.

Il rabat d'un geste ample le mantel en courtepointe, préservant de la morsure du froid les corps qui déjà abandonnent leurs chaleurs incendiaires. Les nez se frôlent tandis que meurent les derniers soupirs. Sens tu la gravité qui reviens mon amour? Dis, la sens tu? L'air est plus sec et tes yeux aussi, notre face à face a quelque chose de combattif. Déjà nous ne nous aimons plus, nous laissons ce jeu aux autres, à ceux qui se mettent les cordes au cou et les bagues aux doigts. Mes mains repoussent les limites des lignes des tiennes, sûres qu'elles ne sont pas faites pour s'épouser. Elles sont faites pour se saigner. Tu sais bien qu'on est vivant tant qu'on est inconscient. L'infinie tendresse s'est cassée la gueule sur l'inéluctable. Différents, retenus par l'assouvissement seul de nos travers, on sait pas trop où ça nous mènera, on s'en fout on y va.

Corps à corps comateux, la torpeur gagne le couple. Avant que le silence ne soit trop lourd, murmurés quelques mots à l'esgourde de l'amante.


Viens, gagnons Rennes. Puis la Bourgogne. Puis ce que tu veux. Viens ma belle.

Elle est belle ta Bretagne, mais je la préfère à travers toi. Froissement d'étoffe, les bras cueillent l'alangui et l'abandon de sa voisine. Et la silhouette du Frayner découpe l'horizon cobalt sur la crête, portant en épouse la Roide et ses secrets, un peu débraillé, un peu désabusé. L'étreinte du coeur est une absurdité doucereuse.
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Anaon
    Après la tempête des sens, vient la langueur et son lot de douceur muette. On y croirait presque à la tendresse. C’est la trêve après la guerre, avant qu’elle ne reprenne d’une tout autre manière. Oui, le froid, je le sens de nouveau. Le désir expire, les mains se quittent, il est l’heure de partir.

    Les bras la soulève et la balafrée ne bronche pas, ni ne se crispe. Elle se laisse aller l’alanguie. La première fois çà l’avait gêné. Maintenant çà la fait sourire, d‘être porté comme une promise. C’en est presque comique. Il y a les époux, qui passe devant l’autel et se consomme sur la couche de leur noce. Eux, ils se couchent sur l’autel et iront se consumer dans d’autres lits, infidèles. Pas besoin d’anneaux pour qu’ils se retiennent. Il y a quelque chose d’autre, là, dans les veines, d’impulsif et capricieux. S’asseoir sur les traditions. De toute façon, nous, devant l’autel on aurait l’air con …

    Seigneur et mercenaire, une relation particulière. Quelle le reste…

    Allons donc à Rennes. Rentrons en Bourgogne, si tu le souhaite. J’irais bien ou tu iras. Me perdre sur les chemins, ou quelque part dans nos délires. J'te suivrais bien le temps que çà durera. Comme tu le dis si bien, on sait pas où çà nous mènera, mais on s’en fou on y va!

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