Servane
La nuit avait été bien longue à crapahuter dans le froid à la recherche de la proie idéale. Ils avaient laissés passer deux gueux déjà qui, pauvres hères, n'avait pour seule richesse que la force de leur bras au travail à la mine. Non, c'était leur premier coup depuis que l'encapuchonné s'était joint à eux et il leur fallait mieux que ça ! Une belle prise dont on peut être fier, voilà qui vous soude un groupe ! Et fallait avouer que tous deux en avaient bien besoin.
Mus par un même instinct, ils s'étaient donc tourné vers la petite drôlesse et sa charrette qui, aux marques qu'elle laissait sur la neige, semblait de poids tout à fait honorable. Habituée à travailler en équipe, la rousse fit un sourire entendu à son compagnon, sûrement le premier vrai et franc sourire depuis son arrivée, et dévia légèrement sur le flanc droit. Comme toujours, elle n'aimait pas se mettre en avant, elle attaquerait donc à l'arrière voire même resterait dans l'ombre si la drôlesse décidait de tout donner sans sourciller. Les pieds glissant sans bruit dans la neige fraîche, elle contourna donc le chemin via le sous bois et se posta à quelques mètres derrière la charrette. La manuvre, un peu plus lente que celle de l'homme lui permit ainsi d'écouter tout à loisir le début de leur conversation.
Tiens Natorias avait changé ses habitudes, en général il frappait avant de causer... Ou alors c'était parce qu'elle était une femme et en plus une jeunette décida t-elle en toisant du regard sa silhouette. Dans tous les cas, le ton doucereux auquel n'importe quel inconscient aurait du se méfier, ne fit pas beaucoup d'effet à la jeune femme qui déclina l'offre aussi cordialement que s'il s'était s'agit d'une invitation à danser. Un sourire aux lèvres, la rousse sortit sans bruit l'épée de son fourreau et s'avança de quelques pas supplémentaires, ne lâchant pas le dos de la jeunette du regard mais consciente, à ses grognements de plus en plus sourds que l'animal à ses cotés avait sentis a présence.
Quand la femme sembla vouloir continuer sa route, elle réduit la distance qui la séparait encore d'elle et pointa la pointe de son épée entre ses reins. Le ton aussi doucereux que celui employé plus tôt par Natorias, elle grinça en donnant une légère pression à son arme.
Milles excuses demoiselle mais il semblerait que nous ne nous soyions pas bien compris... Nous, oui nous n'est ce pas... Nous ne demandons rien... Nous vous informons qu'il vous faudra vous délester de votre charrette pour le reste de votre voyage. Et.. Le regard attiré par la bourse à sa ceinture, elle ajouta dans un éclatant sourire. Et, vous nous obligeriez vraiment si vous pouviez nous laisser cette jolie bourse sans faire trop d'histoire...
Servane
Ah, la p'tite dame s'y était bien mal pris. Oh ça aurait pu marcher avec d'autres le coup des menaces, un débutant sans doute aurait peut-être réfléchi à deux fois ; mais cela faisait belle lurette qu'ils n'en n'étaient plus là ... Après tout ce qu'ils avaient traversé, l'idée même de malmener une conseillère était plus stimulant qu'aucune autre drogue n'aurait pu le faire. Pauvre gamine, elle avait pas l'air désagréable, peut-être même bien qu'elle aurait pu vider une ou deux chopines avec elle en taverne... Mais elle allait faire les frais de sa trop grande bouche pensa la rousse avec un petit pincement de regret qu'elle réprima bien vite.
Déjà le regard de son compagnon avait changé. Cette lueur concupiscente, ce désir de broyer l'adversaire, elle le lui connaissait bien, en faisant même parfois les frais les mauvais jours. Tendue, la rousse attendit patiemment, ne bougeant pas d'un millimètre alors que l'encapuchonné posait les mains à la corde qui retenait ses braies. Depuis que la jeune femme avait ouvert la bouche, elle s'attendait à ça, elle l'avait senti aux premiers mots, au seul regard de l'homme. Elle aurait du s'y attendre en travaillant avec lui, il était coutumier de ce genre de faits et la meilleure option dans son cas aurait été de foutre le camp plus avant avec le butin, attendant qu'il ait fini ses affaires. Et pourtant, elle resta là, indécise, cherchant le regard du faucheur, essayant de
De quoi ? Le convaincre ? Elle était bien placée pour savoir qu'il n'y avait déjà plus rien à faire !
Et puis la petite bonne femme bougea, elle n'avait apparemment pas lintention de se laisser faire la petite, et c'est avec une jolie dextérité qu'elle réussit à atteindre le cur de la virilité de son comparse. Ne pouvant sempêcher de glousser à le voir blêmir ainsi, la rousse n'en garda pas moins l'esprit alerte. D'un geste sûr, elle avança la jambe pour venir placer son épée entre le buste et le bouclier de la jeune femme. D'une pichenette de bas en haut, elle introduisit la pointe de sa lame dans la poignée afin de désarmer la petite main sans faire trop de dégâts.
Oh là attention ma belle ... Faut pas énerver les vieux boucs dans son espèce. Leur virilité tu sais, ils y tiennent bien plus qu'à leur bourse en général...
Sourire ironique et même un brin sadique en lorgnant sur l'homme à terre alors que l'idée d'en finir au plus vite avec cette rapine commence à faire son chemin. S'éviter une accusation supplémentaire de viol... Voilà tout ce qui lintéressait en fait... Simple question de bon sens et de protection, le sort de la donzelle ne lui faisait ni chaud ni froid... Oui, simple question de logique brigande !
Se tournant alors vers la femme, elle trancha net sur le cordon qui retenait sa bourse et pour faire bonne figure, parce que quand même fallait pas laisser passer l'injure, elle lui balança son poing armé en pleine figure. A coup sur, la drôlesse pisserait le sang avec un coup pareil, l'avait qu'a pas la traiter de catin d'abord!Et puis le Natorias pourrait se sentir rasséréner que les compteurs soient ainsi à égalité... M'enfin fallait pas qu'elle traîne maintenant, il avait tendance à se remettre très vite le bougre ! Bon sang la voilà qui essayait de sauver la dignité d'une conseillère ducale ! Pfut y'avait que le Faucheur pour lui faire avoir des idées pareilles !
Allez dégage ! Tu nous as assez fait perdre de temps comme ça ! T'as dix secondes pour disparaître !
Servane
La rousse, satisfaite de la fin de l'entrevue, ne prit même pas la peine de vérifier que la jolie conseillère filait comme elle le lui avait conseillé. Elle ne prit pas non plus la peine de s'assurer que le bougre n'était pas devenu castra... Au fond ca aurait pu être une bonne chose... Et puis, lintérêt dans cette histoire résidait dans la petite bourse de cuir qui gisait à terre non ? D'un geste un peu raide, elle se pencha et ramassa l'objet de sa convoitise, soupesant d'une main professionnelle le poids des écus. Humm joli ! Pas autant que la dernière fois mais c'était encore bien plus qu'honorable !
Aaaaaarh ! TOI ! Pourquoi l'avoir laissée partir ? Elle était à moi !
Ignorant totalement l'attaque qu'elle savait immanquable, elle laissa le maraud à son orgueil blessé et commença à débâcher la chariote pour en faire l'inventaire. Et bien, elle gagnait bien sa vie la conseillère ! Décidément ça rapportait aussi bien que la rapine la politique ! Et ces grotesques gratte papier qui se plaignaient à tour de bras.... Pfuttt elle aurait peut-être du le laisser faire finalement... U8ne bonne leçon que ça lui aurait donné à la drôlesse !
L'inventaire fait, il ne restait plus qu'à attendre que la raclure se calme et ça, ça prit un certain temps ! Adossée aux montants de la charrette, bras et jambes croisés devant elle dans une attitude assez nonchalante pour passer pour impertinente, la rousse attendit patiemment que cessent les coups sur le pauvre bois usé. Aussi calme et impassible que la justice elle même, elle resta plantée là, à le regarder s'épuiser inutilement, laissant les insultes glisser comme le vent à ses cheveux.
Quand enfin, elle sentit l'orage se calmer un peu, elle prit sa gourde et en prit une bonne lampée avant de répondre à la première vraie parole intéressante que l'homme avait prononcé depuis des heures ! Lui tendant sa gourde pleine d'eau de vie ramenée de Genève, elle répondit le plus tranquillement du monde.
Plus de 2000 écus à vue dil dans la bourse et une charrette pleine de matériel ! De quoi faire ripaille dans un hôtel bien luxueux demain soir et pour toi de te payer la plus belle catin de toute la région !
Voulant le prendre au dépourvu par une vraie marque de confiance, elle lui lança la bourse pleine avant d'ajouter.
Tiens prends la ! On partagera en arrivant au campement ! Faut pas lambiner maintenant, pas trop envie de traîner dans le coin si tu vois ce que je veux dire !
Prenant alors les devant, elle lui indiqua la charrette le priant implicitement de la tirer alors qu'elle même se postait à l'arrière pour vérifier les alentours. Se faisant, elle en profita pour dénouer un peu ses membres engourdis par le froid, espérant cacher en restant dans son dos, le léger boitement qui commençait à envahir sa démarche. Avançant d'un pas lent et soigneusement étudié, elle lui lança tout de même par acquis de conscience...
Oh et puis tu r'garderas tes grelots aussi hein... faudrait pas qu'ça devienne bleu ou noir parce que dans ces cas là...te reste que quelques jours avant qu'elles pourrissent et tombent ! Dans l'fond ça m'dérangerait pas vraiment, tu t'en doutes, si j'étais pas sûre que tu en serais encore plus pénible à supporter !
Lateigne
Bien des jours plus tard.
Trois jours qu'il était là, le cul dans les glaçons.
A cause de sa chaleur corporelle la neige avait réussi a fondre autours de lui, laissant peu a peu place a une bouillasse dégueulasse. Mais l'expérience lui avait appris il y a déjà un bon moment qu'il valait mieux être dans une merdasse qui finit par tiédir plutôt que le fion sur une irrémédiablement dure et froide où le "sec" est finalement bien plus dévastateur. Et pour arranger le tout, son dernier "client" avait réussi a lui péter la gueule... la lèvre entaillée, une pommette bleue marron et une bonne grosse béquille à la cuisse. Quant à la quantité de vivres, elle samenuisait à vue dil; plus que trois pauvres fruits flétris.
Cette constatation folichonne, il se la faisait toutes les heures environ.
Mais qu'est ce que c'est que ce duché de défection, où les tavernes son vides, où celles qui sont par hasard fréquentées ce sont les gens qui sont vides. Où le clampin croisé lui ratatine la tronche en trois coups, alors qu'il a des années d'expérience en pugilat. Ca doit être le froid...
Ces pensées étaient a voix basses, ou pas, la solitude, le silence pesant de la nature endormie par l'hiver, et le gel qui lui glaçait les esgourdes, il en était plus très sûr. Il se força donc à ne plus penser du tout quand il vit deux zigotos se radiner sur le chemin.
Dans un silence absolu, concentration parfaite, il les regarda arriver et sarrêter a sa hauteur. Un homme, une femme. Ils ont l'air balaise. Et ils sont deux. Je vais encore me faire défoncer la pogne.
Il mit aussitôt sa main devant sa bouche comme pour en rattraper les mots qui auraient pu s'en échapper, et contempla le petit manège des deux rigolos. Ils restent là a tourner en rond et regarder tout autours d'eux. Absolument persuader que sont camouflage était infaillible, il sourit. Cette façon de faire ne laissait pas de place au doute. Eux aussi ont reconnu le potentiel de ce lieu. Des "collègues"! Les amateurs, ils vont faire des traces dans la neige du chemin à tourner comme ça!
Les deux finirent par se poser sur le cailloux légèrement en contrebas de lui. Il était coincé! Il ne pouvait plus bouger, plus parler, plus faire le moindre bruit. Le moindre geste, le moindre vent trahirait sa présence, et de toute évidence, à la guerre comme à la guerre, un écu est un écu, ... , un pigeon est un pigeon. Et là ce serait lui le dindon de la farce. Il attendit alors une occasion. La nuit tombée, ils murmuraient tous les deux, et bien évidemment pas question pour eux de roupiller.
Soudain une torche au loin, une unique loupiote. Qui avancait relativement vite. les deux bavard ne semblaient même pas l'avoir remarqué. Il fallait tenter quelque chose. Il réfléchit un court moment avant d'opter pour la formule habituelle, un culot monstre et un effet de surprise. Il se leva d'un bond, hache en main, et sauta sur la pierre entre les deux comparses qui le regardèrent un instant de grand yeux tout ronds de le voir débarquer ainsi de nul-part.
Citation:Hé, l'inconnu !
A première vue, j'te connais pas. Qu'est-ce que tu veux à la dame, hmm? J'me doute que t'es pas là pour ma sale trogne..
Lateigne se contenta de le regarder en mettant un doigt sur sa bouche pour faire chut, et désigna l'invité de dernière minute au bout du chemin. L'un et l'autre se regardèrent alors sans prononcer un seul mot, et se comprirent. Quelle aubaine, il passait de "futur racketté" à "membre d'un groupe".
A l'attaque!!_________________