--Ziou.
- Ziou, ZIOU ! Ziou... Ziou.. ZIOU ! Ziouziouziou !
Et voilà qu'elle court, & qu'elle sautille, & qu'elle tourne, & se retourne, & virevolte autour d'Elmazilla & Rodrielle, un large sourire sur son visage poupin, des taches de sang sur sa robe de toile grossière.
Boule de joie & de lumière, la rousse enfant s'empare des ruelles crasseuses en tournoyant de tous côtés.
Et pourtant, les portes se ferment à son passage, & les rares volets claquent. Les passants sur son chemin, ne soulèvent pas leur galure*, mais s'effacent derrière des masures délabrées, espérant que ni Ziou, ni une autre, ne s'arrêtera.
C'est que leur réputation semble les avoir précédées.
Mais Folie n'en a que faire, de cette fameuse réputation. Folie veut recolorer les murs des bâtisses, tout repeindre dans le quartier, tout égayer de ce rouge sanglant qui lui tient tant à coeur.
Alors elle saute dans les flaques de pisse & d'eau croupie, fait claquer ses bottines sur les pavés boueux, trépigne d'impatience, parce que tout le monde fuit, & parce que personne ne veut l'aider à tout recolorer. Elle partirait bien à la chasse, mais elle doit attendre le bon moment. Il faut éliminer les traîtres, qu'on lui a dit. Juste les traîtres. Alors elle tente de ne pas trop déborder, pour faire plaisir à son Roi, & puis à sa Reyne Rodrielle, & puis à sa Princesse Elmazilla, & puis..
Et puis à force de vouloir faire plaisir à tout le monde, elle en est frustrée, la jolie rousse, & son nez se retrousse en signe de mécontentement.
Car oui, Ziou a toute l'attitude d'une petite fille choyée. Alors évidemment, elle fait des caprices.
- Ziou !
Voilà, elle s'est arrêtée, & se retourne maintenant sur ses consoeurs.
Elle semble dire "pas contente", mais ne dit rien pourtant.
Parce qu'elle a vu. Là, derrière, caché derrière un mur, qui jette un coup d'oeil effrayé à ces drôles de femmes, pensant se faire discret, & s'étant fait repéré.
Un sourire angélique fend ses lèvres sucrées d'une pomme qu'elle a croquée un peu plus tôt. Celui-là, il est pour elle.
Pas de partage dans le carnage ; Folie n'est pas toujours généreuse.
- Toi, traître ?
Elle a dépassé ses acolytes, & la hache sur l'épaule, elle se penche vers le jeune homme qui semble tétanisé. Il ne répond pas, alors Ziou penche la tête sur le côté, un petit air songeur sur le visage, fixant le garçon qui ne doit pas avoir plus d'une quinzaine d'années.
Elle répète la question, & lui décoche un sourire rassurant.
Qui ne dit mot, acquiesce.
La hache fend l'air dans un sifflement aigu, & finit par fendre le crâne adolescent dans un craquement sinistre, cette fois.
Elle se redresse, & retourne en sautillant vers celles qu'elle pourrait presque qualifier d'amies, si seulement elle savait ce que signifiait ce mot.
Sourire innocent, alors que sa hache, toujours sur son épaule, dégouline de sang frais.
- Ziou !
Traîtres ou pas, le sang rougit les pavés de la même manière.
Et c'est joli, vous dirait-elle.
*Thomas Fersen, Monsieur.
Edit : fautes.
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