Loh
[En Champagne. A Compiègne plus exactement. Début janvier 1460.]
Sans avoir réellement compris, je me retrouve protégée. 14 ans. Sortie fraîchement d'un couvent où j'ai été mise à la porte. Cette flammèche sur le bas de la soutane de cette Soeur n'était qu'une toute petite farce de rien du tout! Si elle avait cessé de s'agiter, le feu ne se serait pas attisé! Est-ce ma faute?
Seurn Eriksen. C'est ainsi que son nom entier se prononce. L'orthographe exacte? Je n'en sais rien! Et je m'en fiche. Il m'a embrassé. Je l'ai repoussé. Je l'ai giflé. Et je ne m'en fiche pas. Un conte ne peut devenir réalité. La princesse doit rester dans sa tour et le prince doit se faire dévorer par le dragon! Il ne peut aimer une fillette qui ne sait pas qui elle est! Et pourtant. C'est ce que je désire le plus dans ce Royaume. Prendre soin de lui comme il le fait pour moi en ce moment.
Syuzanna NicDouggal. Connue ni d'Eve, ni de la pomme. Elle est rousse. Je suis brune. Elle est saxonne. Je ne suis rien. Elle flamboie. Je crépite. C'est une femme. Je suis une fillette. Elle est belle. Je n'ai aucune confiance en moi. Elle m'apprend à chasser, à manier les armes. Je n'ai pas ma langue dans mon carquois. Elle non plus. Je lui apprends la proximité affective. Elle est devenue ma protectrice et amie. Je suis en admiration.
J'ère dans les rues de Compiègne. Je sors du château de la noblesse champenoise. En courant. Je viens de baffé le guerrier danois. Mon coeur s'agite comme les battements d'ailes d'un bourdon en plein travail. La héraut y était. Sa chevaucheuse aussi. Enceinte jusqu'au bout du cou. Mon médaillon doré semble venir d'un Comté non loin d'ici. Le Maine. Gorron. Chaudière. Quelque chose comme ça. Jamais entendu parler. Je ralentis la cadence. Les évènements me rendent perplexe. Mes doigts fins glissent pensivement sur le métal précieux. Ma cape sombre agencée ainsi sur mes épaules et ma caboche me font passer pour une frauduleuse marchande. Mon regard abyssal et plissé en dit long.
Trois têtes de loups arrachées de sable sur champ d'argent.
Les blasons nobliaux sont-ils offerts aux possesseurs en fonction de leur caractère? Ma mère est-elle un tyran? Car oui, la héraut royale a bien parlé d'une détentrice. Le sable représente-il les marécages? Les jeux malsains qu'une Dame de la Haute exercent pour mettre à jour ses désirs et ses humeurs capricieuses? Et l'argent, fait-il référence à ses contes et légendes sur ses loups assoiffés de tueries lors d'une lune ronde et étincelante? J'ai hâte! Et j'ai si peur! Ne ferai-je pas mieux de rester orpheline? Auprès de Seurn et Syuzanna? Nous vivrions heureux, tous les trois!
Non, je dois en avoir le coeur net. Arrivée à l'auberge du Chat Perché, je monte en vitesse à l'étage. Quatrième chambre à droite. Mon guerrier n'est pas là. Ouf! J'empoigne une plume d'oie. Un vélin de bonne qualité. Je pose mon popotin sur une chaise. Face à une minuscule table en bois. Et je perds mon regard azur aux travers des vitraux colorés avant de commencer à tracer des lignes sinueusement noires sur le parchemin. Avec application. Comme Soeur Marie-Clarence me l'a appris.
Madame la Duchesse de Champagne,
Yunab Cardofer d'Asceline,
Vous ne me connaissez pas. Pas encore. Ne soyez pas sur vos gardes. J'ai besoin de vous. J'ai besoin que vous me rendiez un service.
Qui suis-je pour oser cela? Je n'en sais rien moi-même. Là est le centre brûlant de ma demande. Je possède un médaillon doré. Apparemment, de noblesse. Selon votre héraut royal, Dame Maltéa Wagner di Favara, il provient du Maine. Il est associé au territoire des Gorrons. Je n'en sais pas plus. Mais j'aimerais!
Pourriez-vous perdre quelques grains de sablier de votre temps et prendre contact avec la Comtesse du Maine? De dirigeante à dirigeante, la solution ne peut que se trouver.
Demandez-moi ce que vous voulez en échange, je m'y attellerai. Je ne suis peut-être qu'une adolescente mais ma parole est d'or. Mon silence est de diamant.
Avec tout mon respect,
Le message semble clair. Mon écriture est soignée. Le pli aussi. Je descends quatre par quatre les marches en bois.
- " Marjo? Marjo! J'ai besoin de toi! J'ai une lettre à envoyer! Pourrais-tu m'aider? "
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Sans avoir réellement compris, je me retrouve protégée. 14 ans. Sortie fraîchement d'un couvent où j'ai été mise à la porte. Cette flammèche sur le bas de la soutane de cette Soeur n'était qu'une toute petite farce de rien du tout! Si elle avait cessé de s'agiter, le feu ne se serait pas attisé! Est-ce ma faute?
Seurn Eriksen. C'est ainsi que son nom entier se prononce. L'orthographe exacte? Je n'en sais rien! Et je m'en fiche. Il m'a embrassé. Je l'ai repoussé. Je l'ai giflé. Et je ne m'en fiche pas. Un conte ne peut devenir réalité. La princesse doit rester dans sa tour et le prince doit se faire dévorer par le dragon! Il ne peut aimer une fillette qui ne sait pas qui elle est! Et pourtant. C'est ce que je désire le plus dans ce Royaume. Prendre soin de lui comme il le fait pour moi en ce moment.
Syuzanna NicDouggal. Connue ni d'Eve, ni de la pomme. Elle est rousse. Je suis brune. Elle est saxonne. Je ne suis rien. Elle flamboie. Je crépite. C'est une femme. Je suis une fillette. Elle est belle. Je n'ai aucune confiance en moi. Elle m'apprend à chasser, à manier les armes. Je n'ai pas ma langue dans mon carquois. Elle non plus. Je lui apprends la proximité affective. Elle est devenue ma protectrice et amie. Je suis en admiration.
J'ère dans les rues de Compiègne. Je sors du château de la noblesse champenoise. En courant. Je viens de baffé le guerrier danois. Mon coeur s'agite comme les battements d'ailes d'un bourdon en plein travail. La héraut y était. Sa chevaucheuse aussi. Enceinte jusqu'au bout du cou. Mon médaillon doré semble venir d'un Comté non loin d'ici. Le Maine. Gorron. Chaudière. Quelque chose comme ça. Jamais entendu parler. Je ralentis la cadence. Les évènements me rendent perplexe. Mes doigts fins glissent pensivement sur le métal précieux. Ma cape sombre agencée ainsi sur mes épaules et ma caboche me font passer pour une frauduleuse marchande. Mon regard abyssal et plissé en dit long.
Trois têtes de loups arrachées de sable sur champ d'argent.
Les blasons nobliaux sont-ils offerts aux possesseurs en fonction de leur caractère? Ma mère est-elle un tyran? Car oui, la héraut royale a bien parlé d'une détentrice. Le sable représente-il les marécages? Les jeux malsains qu'une Dame de la Haute exercent pour mettre à jour ses désirs et ses humeurs capricieuses? Et l'argent, fait-il référence à ses contes et légendes sur ses loups assoiffés de tueries lors d'une lune ronde et étincelante? J'ai hâte! Et j'ai si peur! Ne ferai-je pas mieux de rester orpheline? Auprès de Seurn et Syuzanna? Nous vivrions heureux, tous les trois!
Non, je dois en avoir le coeur net. Arrivée à l'auberge du Chat Perché, je monte en vitesse à l'étage. Quatrième chambre à droite. Mon guerrier n'est pas là. Ouf! J'empoigne une plume d'oie. Un vélin de bonne qualité. Je pose mon popotin sur une chaise. Face à une minuscule table en bois. Et je perds mon regard azur aux travers des vitraux colorés avant de commencer à tracer des lignes sinueusement noires sur le parchemin. Avec application. Comme Soeur Marie-Clarence me l'a appris.
Madame la Duchesse de Champagne,
Yunab Cardofer d'Asceline,
Vous ne me connaissez pas. Pas encore. Ne soyez pas sur vos gardes. J'ai besoin de vous. J'ai besoin que vous me rendiez un service.
Qui suis-je pour oser cela? Je n'en sais rien moi-même. Là est le centre brûlant de ma demande. Je possède un médaillon doré. Apparemment, de noblesse. Selon votre héraut royal, Dame Maltéa Wagner di Favara, il provient du Maine. Il est associé au territoire des Gorrons. Je n'en sais pas plus. Mais j'aimerais!
Pourriez-vous perdre quelques grains de sablier de votre temps et prendre contact avec la Comtesse du Maine? De dirigeante à dirigeante, la solution ne peut que se trouver.
Demandez-moi ce que vous voulez en échange, je m'y attellerai. Je ne suis peut-être qu'une adolescente mais ma parole est d'or. Mon silence est de diamant.
Avec tout mon respect,
Le message semble clair. Mon écriture est soignée. Le pli aussi. Je descends quatre par quatre les marches en bois.
- " Marjo? Marjo! J'ai besoin de toi! J'ai une lettre à envoyer! Pourrais-tu m'aider? "
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