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[RP] Errons, errons, petits patapons

Soren
[ Roulotte de Loh...Dans une situation embarrassante]

J'entends du bruit venant de l'intérieur de la roulotte. Il y a du monde. Mon regard fixe le sol. Je cherche à distraire mon attention en attendant. Un léger grincement se fait entendre. La porte s'ouvre et je tourne la tête vers celle qui a répondu à mon appel. Loh… Un instant, elle reste comme figée. Me reconnait-elle? Oui. Elle prononce mon nom. Je lui souris. Elle vient se coller à moi. J'éclate de rire. La surprise passée, je referme à mon tour les bras autour d'elle. Toute la tension accumulée ces derniers jours disparait au travers de cette simple accolade. Je l'ai enfin retrouvé. Rien d'autre ne compte. Elle m'entraine à l'intérieur. Je ne l'ai pas encore lâché. Face à elle, mon regard vient se perdre dans ses prunelles d'azur. Nul besoin de mots. Tout ce que j'ai envie de lui dire passe par ce regard. Je réajuste la fleur qu'elle porte chaque jour dans ses cheveux. Je remets en place une mèche rebelle.

C'est alors que j'aperçois Suyzanna dans une tenue légèrement débraillée.


Suyzanna ! Heureux de vous retrou…

Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase. Je me retourne à nouveau vers Loh, confus de la situation que je viens de créer. Je vais laisser le temps à la saxonne de passer une tenue plus convenable en présence d'un homme.

Loh trépigne d'impatience. Je comprends que l'heure des retrouvailles est arrivée. J'imagine comme son esprit doit bouillonner à l'intérieur. Les femmes ont tout prévu. Pour la grande visite, je serais vêtu de rouge et de noir. Ce sont mes couleurs, celles que j'ai choisi sitôt l'annonce de mon bannissement du Jutland.Elles me représentent bien. Braies, chemise, ceintures, tablier et cape sont bien vite enfilés. J'ai aussi pris le temps de cirer mes bottes avec un morceau de lard de porc. Je n'oublie pas d'accrocher à ma ceinture mon poignard danois: se présenter totalement désarmé eut été des plus inconvenant.

Dehors, je jette mes braies dans un feu qui réchauffe quelques voyageurs. Dans les flammes se consument les derniers souvenirs d'une aventure qui aurait pu tourner mal. Bien mal!


[Devant le château de madame la vicomtesse...]

Adossé au pommeau de ma selle, je scrute la bâtisse qui se dresse devant nous. Ainsi c'est donc ça le château des Gorron. Depuis notre visite à la hérauderie de Champagne, je me l'étais mille fois représenté. Il n'était parfois qu'une simple bicoque de bois entourée d'une palissade chancelante, perché en haut d'une motte. D'autres fois, il était immense, fait de pierres blanches, avec des terres de chasses tout autour. Ouais! On peut dire que la réalité se situe bien entre ces deux extrêmes. Instinctivement, j'évalue ses défenses. C'est une seconde nature chez moi.

Depuis le début du voyage, le corbeau du camp de Rachelle est venu se percher sur la croupe de mon bidet. Bah, je lui dois bien ça après tout . Il m'a été fort utile. Et puis… Il est peut-être dit que les nobles partent à la chasse avec leur faucon tandis que les bannis se contentent d'un corbac! Son pelage est d'un noir parfait…qui s'agence d'ailleurs bien avec mes vêtements.

A côté de moi, j'ai l'impression que Loh est submergée par les émotions. Je serre plus fort ma main contre la sienne. Je suis avec toi Loh. Je serais toujours là à tes côtés. Toujours. Je jette un regard évocateur vers Syuzanna. Elle comme moi savons que même à cet instant, il faut être vigilant et paré à toutes les éventualités. Toutes. Mon regard passe de Syu à mon poignard danois. Elle a compris je crois. Et s'il le fallait, je la sais aussi déterminé que moi pour cette petite damoiselle brune.

Toc! Toc! Toc! Trois coups de marteaux cognent contre l'huis de la porte. Mon corps se crispe légèrement. Mes muscles se contractent. Le moment espéré depuis des semaines maintenant est enfin arrivé.

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Erraa
Les heures défilaient. Tantôt lentes tantôt rapides. Mary et sa jeune-soeur-bientôt-vassale avaient regagné leur demeure. Restée seule, Erraa pouvait réfléchir. Et si Mary avait raison? Si c'était un coup monté? Tellement de chose c'était passé depuis le premier jour de l'année! D'abord elle n'était plus baronne mais vicomtesse. Elle avait encore du mal à s'y habituer. Promue par la Reyne elle même! Et puis cette lettre qui venait tout bouleverser. Et si après avoir tout chambouler il fallait revenir à la vie d'avant? Impossible!

De long en large, de large en travers, dans tous les étages la vicomtesse avait traîné ses pas en essayant de remettre ses idées en place. A un moment elle avait bien essayé de s'asseoir à son bureau pour faire des calculs mais pour la première fois de sa vie les chiffres semblaient une langue étrangère à laquelle son cerveau ne voulait rien comprendre. C'était très déstabilisant pour elle qui était plus douée avec les nombres qu'avec les humains.

Combien de temps la Gorron était restée dans ses pensées à arpenter les pièces de son chateau? Elle n'aurait pas su le dire et c'est Marguerite, oui encore elle, qui la ramena à la réalité.
Madame trois personnes souhaitent vous rencontrer. Les gardes disent qu'ils ont eu des ordres pour les laisser passer sans ça croyez moi que je ne serais pas venu vous déranger.
Déjà! Mais quelle heure est-il?
Le temps de la réflexion était terminé. Mais il n'avait pas totalement était vain, Erraa avait élaboré une stratégie. Bon elle valait ce qu'elle valait hein mais bon c'est pas pour rien qu'au conseil ses postes de prédilection étaient dans le pôle éco et pas dans celui de la guerre ou de la sécurité.
Tu va les faire entrer et les faire attendre dans le hall.Ensuite tu passes par l'entrée des domestiques et tu avertis les gardes de se tenir prêt au cas où. Mais...Tu m'as dit trois personnes? Qui sont les deux autres?
Je ne sais pas Madame c'est un homme et une femme. Ils ont l'air de gardes du corps, d'escorteurs, voyez?
Oui. Merci Marguerite
Sortie en douce de la servante pendant que patronne replonge dans ses extrapolations. Et si c'était des tueurs? Non il n'auraient pas fait tout ça juste pour l'assassiner. Hein non? Ils n'auraient pas fait ça? Et si c'était vraiment sa fille? Elle serait plus bretonne que mainoise. Et tout le monde sait que les bretons sont des monstres sanguinaires qui ne veulent que la guerre.

Bon aller t'arrêtes de dire n'importe quoi tu respires un grand coup et tu vas les voir. Tu ne risques rien ici il y a trop de monde. Et puis ils sont peut être gentils et c'est peut être vraiment ta fille.

Ca fait combien de temps que Marguerite est partie? Cinq minutes? Non plutôt dix. Oui c'est ça ça doit bien faire dix minutes. Les gardes doivent être en place et les invités... Ben au moins ils ne croient pas qu'elle va se précipiter dans les bras de la jeune fille en pleurant et en criant ma fille! Ma fille!

Bon première étape, le palier. Ouf c'est fait jusque la tout va bien. Une prière rapide pour ne pas tomber dans les escaliers. Ca serait bête.
Deuxième étape, les marches. Elle ne tombe pas c'est déjà une bonne chose. Au fur et à mesure de la descente les visage se dévoilent. Une rousse, une brune et un blond. Belle brochette. L'homme attire plus son attention. Elle n'y peut rien c'est comme ça. Elle aurait voulu regarder sa "fille" dans les yeux et reconnaître ceux de Raisin. Elle aurait tant aimé scruter son visage et trouver des similitudes avec elle même. Mais l'homme! Erraa l'a déjà vu! Oui oui et il n'y a pas si longtemps en plus!

Estomaquée, y a pas d'autre mots. Ses mots lui reviennent en mémoire : "faites moi confiance" "On se reverra bientôt" "je vais vous apprendre à être une danseuse d'eau" "j'aime une fille de noble naissance"
Une fille de noble naissance!
Le sang de la vicomtesse bouillonne dans ses veines. Sa main agrippe un peu trop fort la rampe de l'escalier. Il n'a pas menti elle l'a lu dans ses yeux. Mais elle ne peut pas s'empêcher de se sentir trahie. Il savait et il n'a rien dit. Pourquoi? Et en même temps Erraa sait qu'il est gentil, pendant la soirée qu'il ont passé ensemble ça au moins c'était clair.
Pas un mot ne peut se frayer un chemin dans sa gorge. Ses yeux ne se détournent pas de lui. Enfin la dernière marche. Et enfin un mot ose sortir. Il est plein de reproches, de doute, de surprise, d'apaisement aussi, tant de choses à la fois!

Vous!
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Syuzanna.
Si elle avait été une de ces donzelles pudiques et choquées pour un rien, nul doute que Syu aurait poussé un hurlement strident plein de "i", lorsqu'il entra dans la roulotte. Mais la Saxonne n'est décidément pas ce genre de femme, et la vue de Soren ne la gêna pas plus que cela. Elle saute au bas du lit, envoie valser définitivement sa robe, vêtue uniquement de sa chaîne brodée de fil d'argent. Serrant vigoureusement la main du Danois, les yeux pétillants de la joie de le revoir vivant, elle lui sourit, hochant la tête.

- Heureuse de vous retrouver également.

Lorsque Loh lui tend un corset, la rousse l'observe en grimaçant. Engin de torture assez bien dissimulé en appareil pour rendre les femmes soit disant plus belles. Les hommes ont toujours des idées ingénieuses, lorsqu'il s'agit de faire souffrir les femmes. Mais peu importe, elle l'enfile, le serre tout comme il faut, et glisse entre ses seins à présent remontés, un poinçon nouvellement acheté. Puis, elle enfile une robe jaune paille, galonné d'or au col et au-dessus des coudes. A partir de là, les manches s'évasent et tombent jusqu'aux genoux. Elle tresse deux mèches de cheveux en nattes, et les noue derrière son crâne. Joli, simple, élégeant. Parfait pour rencontrer une vicomtesse, non ?

Loh étant pressée, une fois que tout le monde fut parfaitement vêtu, ils quittent la place pour se mettre en route. Avant de mettre son cheval au pas, elle attache les rubans de sa cape bordée d'hermine. Puis, un petit coup de talons dans les flans de son alesan, et ils partent enfin vers le destin de Loh.


[Devant le château]

Ils sont enfin arrivés. La demeure, vu d'ici, à l'air immense. Assez majestueuse. Elle n'a jamais rien vu de semblable. Elle se voit à la tête d'une pareille "maison". Syu esquisse un sourire, amusée par l'image d'elle-même en châtelaine.

Ils patientent gentiment, sans rien dire. Le temps lui parait être une éternité. Puis enfin, voilà une Dame. Richement vêtue. La vicomtesse ? Elle l'observe, puis porte son regard vers Loh. Est-ce qu'elles se ressemblent ? Un peu, peut-être. Comme une fille ressemble à sa mère, en somme. Syu ne sait trop quoi dire. C'est à Loh, désormais, de réagir. De dire les premiers mots. C'est sa mère, et enfin, après tout ses efforts, elle se tient enfin devant elle...

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Loh
[ A l'entrée du château des Gorron. Intérieur. ]

- " J'ai soif... "
- " J'ai faim... "

Regard bovin des deux gardes, droit devant.
Grand silence.
Croassement de corbeau.

- " J'ai raté l'amour de ma vie hier. "
- " Ah ouais? Blonde à forte poitrine? Rousse aux mains coquines? "
Gloussements.
Nouveau silence.
- " Aaah si je pouvais à nouveau frétiller de la lance, je ne me priverais pas. Une brune, une rousse, une blonde et une noire de jais aussi tiens! En même temps! Plusieurs fois! "
Regard discret vers un bedon grassouillet.
- " Je ne suis plus tout jeune. J'ai cinq enfants insupportables. Et ma femme est devenue aussi repoussante qu'une marinade de baccalas bouillis. On ne se touche plus depuis des années. Malheur! Bonheur! "
Méditation silencieuse.
Nouveau croassement de corbeau.
Un des deux gardiens se prend la caboche entre les paluches.

- " Il n'y avait plus de blondes "où il fait bon soif"! Ni de brunes! Il ne restait plus aucune bière! Même ma préférée a pris la poudre d'escampette! La nuit blanche! "
- " Toutes les mêmes! "

Pleurs collectifs entre hommes forts.
- " Chut, on a toqué! "
- " Reprenons contenance! "

Toussotements faux.


[ A l'entrée du château des Gorron. Extérieur.]

- " Vous n'avez pas entendu quelqu'un pleurer? "

Ma voix se pose entre le murmure et la normalité. Je cille à une vitesse ahurissante en regardant mes protecteurs.

- " On tarde à venir nous accueillir. Est-ce un présage lugubre? "

Bruit de petons. Cliquetis. Raclement. Coup. Bruit métallique.

- " Qui va là! "

Je ne dis mot. Je sors mon médaillon doré et je lui fourre devant les mirettes grillagées. Sur ordre de ma "mère". Le cerbère n'a pas le temps d'apercevoir mon visage. L'ouverture se referme brusquement. Des murmures précipités se font entendre. Une troisième voix vient s'y ajouter. Féminine. Nouveau bruit de pas. Une épée qui tombe au sol. De maladresse. D'empressement. Un boucan de l'enfer lunaire et la lourde porte de bois s'agite.

Un des deux sentinelles est grisonnant. Il est moelleux corporellement. Mirettes et tignasse noirs. Peau légèrement hâlée. La quarantaine? L'autre est plus jeune. Il a le regard bleu rougis. Il est aussi sec que certaines liqueurs alcoolisées. Drôle de duo que tout oppose!

Je plonge mon regard dans le leur. Je les remercie d'un mouvement de tête poli et gracieux. Ils m'indiquent d'entrer. Ils s'adressent à moi comme si mes deux compagnons n'existaient guère. Je regarde brièvement mon pendentif doré pour finir par hausser les épaules. Les soldats restent raides comme un manche à balai, nous dévisageant uniquement de leurs yeux. Je me sens mal à l'aise. Du coup, je les regarde avec un œil plus petit que l'autre. Comme pour dire : "méfiez-vous aussi!"

Le château des Gorron. Pas aussi grand que celui des nobles de Champagne. Mais tout aussi garni d'histoire. Des peintures. Des bougeoirs élaborés. Des fleurs fraîches. Un sol aussi lustré qu'une flaque d'eau. Des armes accrochées. Mon observation se perd lorsqu'une dame nous accoste. Une domestique très certainement. La même entendue précédemment?

- " Madame la Vicomtesse est prévenue de votre arrivée. Elle ne devrait pas tarder. Si vous voulez bien patienter. "

Vicomtesse?! N'était-ce pas Baronne?

Deux phrases et demi et voilà que la servante repart vaquer à ses occupations. Je reste coi. Je ne sais trop que dire. Quoi faire. Mis à part jeter une œillade inquiète à Seurn et Syu.


L'attente. Quelle horrible invention! On fait le pied de grue. On accueille les crampes. On regarde à gauche. A droite. On appelle Messire Torticolis. On enlace nos paluches devant nous. On les croise. On les emmitoufle dans un pli. Ou autre. "Le pire dans le pire, c'est l'attente du pire! " *

Un froissement sourd émane de l'étage. Il s'approche. Mon attention s'y concentre. Il arrive au niveau du palier. En haut des escaliers. Je lève mes yeux océans. Pleine d'espoir. Elle descend. Un pas à la fois. Calme d'apparence. Une main sur la rampe de bois luisante. Je me tiens comme une jeune femme docile prête à marier. Je la toise ouvertement. Brune. Teint pâle. Yeux sombres. Élancée. Je cherche des traits physiques communs. Ma potentielle maman ne me regarde pas. Pincement au cœur. Elle semble au contraire attirée par mon guerrier danois. J'écarquille mes mirettes. Je regarde Seurn. Puis la Vicomtesse. Puis Seurn. Puis la Vicomtesse. Cinq, six fois. Peut-être moins. Peut-être plus.

Vous? Vous?! Que signifie ce ton? Ce simple mot détruit mon premier contact avec ma famille! Même si je n'avais préparé aucun discours, je m'attendais tout de même à mieux! Colère. Oui, je suis en colère! Pourquoi le reconnaît-elle lui et non moi? Pourquoi faut-il toujours que cela ne se passe jamais comme on l'entend?

Sans attendre plus longtemps, je pousse mon protecteur au niveau de l'épaule. Des deux mains. La mer se déchaîne. Des éclairs de tempête sont lancés.

- " Qu'est-ce que tu as encore fait?!"

Remarquez l'insistance du "encore". Très important!


* Citation de Daniel Pennac
Soren
[ Château des Gorron... Avec deux tempêtes annoncées]

Ah bon Sang! Mais pourquoi ai-je toujours autant de difficultés dans mes rapports avec la gente féminine? Pourquoi le Très-Haut m'a t-il doté de cette faiblesse-là? Je commence sérieusement à me demander si mon père n'est pas une femme. Ca expliquerait mes tensions incessantes avec lui.Je toise du regard la vicomtesse de Gorron. Mes mâchoires se crispent. Mes traits se durcissent. Il faut absolument que je me contrôle. Je joue à l'étranger, sur ses terres à elle. Je ne peux me permettre une incartade trop sévère. Pas maintenant. Je gâcherai tout.

Je l'observe de haut de ses titres de noblesse et j'ai envie de lui dire… "For fanden Vicomtesse! Vous venez de retrouvez votre fille! Une fille que vous n'avez pas vu depuis des années! Et tout ce que vous trouvez à dire c'est… Vous! Pourtant je croyais que toutes les femmes avaient la fibre maternelle chevillée au corps!"… Oui, j'ai envie de lui dire tout ceci, mais même sans avoir une seule once de diplomatie, je sais que ça serait une erreur monumentale.

Ce 'Vous!' me fait l'effet d'un poignard qui vient s'enficher dans l'os de ma jambe. Il vibre et une onde malsaine et douloureuse se répercute dans l'ensemble de mon ossature. C'est encore plus désagréable que le grincements de dents l'un contre l'autre.Je suis en rage. Mon sang doit littéralement bouillir dans mes entrailles. La colère est indicible. Il me faut pourtant la contenir. Oui, il le faut. Erraa de la Huchaudière… que j'ai rencontré par hasard un soir dans un taverne lavalloise. Erraa de la Huchaudière… à qui je me suis présenté comme mercenaire danois… qui m'a demandé de lui enseigner l'art du combat pour ne plus… avec qui j'ai partagé quelques bières… dont j'ai entamé la formation de danseuse d'eau. Erraa de la Huchaudière… avec qui une confiance mutuelle s'est établie… à qui j'ai avoué être amoureux d'une noble damoiselle… en omettant simplement de lui dire que cette damoiselle n'était autre que sa propre fille.

Les muscles de mon visage se détendent. Mon regard se fait moins lourd, mais tout aussi insistant. Mes yeux se plissent et se déplissent. Je suis désormais capable de répliquer posément. Ce 'Vous!', je le prends simplement comme une incitation à faire les présentations, à jouer les chambellans. Loh me repousse, visiblement furieuse. Son ton de voix ne trompe pas. Ce n'est pas le moment d'être désarçonné. D'un geste de la main droite, je la désigne.


Madame la vicomtesse de Gorron, vous rappelez-vous qu'un jour vous m'avez accordé votre confiance? Eh bien aujourd'hui, je désire en user. Madame la vicomtesse, je vous présente votre fille Loh.

J'effectue une petite courbette en direction de la vicomtesse-mère, une autre vers Loh. De ma main, je l'invite à faire un pas en avant. Moi, telle une drôle de danse, j'en fais un en arrière. Il sera bien temps de régler tout ça plus tard. D'autres explications que les miennes doivent prendre place en ce moment.Mon rôle en cet instant précis est celui de garde du corps. Il est temps pour moi de me retirer dans l'ombre, deux pas en arrière de Loh. Je ne la lâche du regard. D'un geste vif et discret je vérifie que mon poignard danois se dégaine facilement. Je suis d'un calme rare. Un calme qui contraste avec les deux tempêtes familiales qui s'annoncent devant moi.
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Loh
[ Il l'a pas volé celle-là! ]

Il veut se retirer? Qu'il le fasse en beauté!

Clac!


Ma paluche droite part vers sa joue gauche. D'un geste bref. Et enflammé. Elle a bien claqué celle-là! Je ne dis toujours rien. Mais mon regard en dit long. Plissé. Sombre. Critique. Tu n'es qu'un goujat! Un homme à femmes!

Je me détourne de lui. Impossible de le regarder sans m'énerver. Je serre les poings. J'évite également celui de la saxonne. Je tente de me calmer. De penser à autre chose. Mais je n'y arrive pas. Je suis ainsi. Une impulsive. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi ce "vous" me met dans un tel état de colère. Parce que Seurn s'approche d'autres dames que moi? Parce qu'il leur promet monts et merveilles? Parce qu'il est attirant? Parce que je suis jalouse? Je n'en sais rien! Plus j'y pense et plus je me perds!

Je secoue la caboche remplie de boucles brunes. Je me masse les tempes quelques secondes. Je pose ensuite mon regard clair dans celui de celle qui doit être ma mère. Et j'avance. Lentement. Pour me retrouver au pied des marches. Instinctivement, j'empoigne le médaillon familial. Le gardant toujours autour du cou, je le tends vers elle de mes doigts fins. Et je la regarde. Je ne la lâche pas d'une prunelle. A s'en brûler les orbites! Sans un mot. Je lui tends une de mes paluches. Comme un signe à faire le pas suivant.
Erraa
[Telle fifille, telle môman!]


CLAC! Celle là elle a du faire mal! Et c'est bien fait! Si la petite n'avait pas été si rapide la vicomtesse aurait fait pareil! D'ailleurs pourquoi aurait? Du coin de l'oeil elle voit la brunette qui s'avance mais elle ne la regarde pas. Son attention toute entière est bloquée sur le danois. D'un geste de la main qu'elle lève, Erraa signifie à Loh d'attendre, de se reculer, de partir elle ne sait pas trop bien elle même. Ce qui est sur c'est qu'il a menti. Par omission certes pas par méchanceté c'est sur mais menti quand même!

Alors la bailli marche d'un pas décidé jusqu'à Soren tout en lui parlant.

Comment osez vous parler de confiance?! Comment avez vous oser vous jouer de moi?!

Et re CLAC! Comme quoi y a des choses qui sont génétique. La peur, l'angoisse, l'énervement tout ça c'est lui qui prend. Il avait qu'à pas être là! Mon Dieu que ça fait du bien!

Les gardes entrent en entendant les cris et les coups. La Gorron leur fait signe de ne pas attaquer, elle n'est pas en danger. Mais au cas où ils restent quand même dans la pièce. Le guerrier plus ou moins hors d'état de nuire par six gardes qui lui barrent le chemin entre lui et les filles Erraa se retourne tranquillement sans avoir peur des représailles. Pour la première fois elle regarde vraiment cette enfant qui se présente à elle. Elle la détaille mais en fait il n'en est pas besoin. Ses yeux, la vicomtesse les connait, c'est ceux de son mari, de son père. Ses cheveux se sont les siens, aussi noir, aussi soyeux. Ses traits...Oui en un instant son instinct lui dit que c'est vraiment sa fille.

Seulement l'instinct et la raison font rarement bon ménage. Et pendant que son coeur lui cri que c'est sa fille sa tête hurle que c'est une usurpatrice. Comment faire cohabiter les deux?

Tu t'emballes trop vite petite. Il faut leur laisser le temps de comprendre ce qu'il va se passer. Sinon tu t'enlèves le meilleur : La joie de lire dans leurs yeux l’incompréhension, le doute, la peur la supplication de ne pas le faire!

Un sourire. C'est déjà ça. Le coeur à fait entendre sa voix. Mais le tête reprend ses droits et de la main qui vient de taper si durement elle prend le médaillon le regarde une seconde et le relâche.

C'est une bonne imitation. Ma fille a un VRAI prénom et ne vient pas de Champagne. Qu'as tu à répondre à cela?

Changement de ton. Il est froid. Glacial. Givrant. Un...rite de passage en quelque sorte. Si la petite répond sans se tromper et sans hésiter alors il ne sera plus possible de nier l'évidence...Peut être...
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Soren
[ Fais-moi mal, Johnny, johnny...]

Le rôle de garde du corps n'est-il pas de prendre les coups à la place de la personne protégée? C'est la première idée qui me passe par la tête après que la main eut claquée sur ma joue rugueusement masculine. Je ne réagis presque pas. Je me contente de hausser les sourcils, marquant ainsi un léger étonnement.

Je me rappelle une phrase de Loh après notre premier baiser: Soren, tu es un homme à femmes! J'esquisse un sourire qui s'efface presque immédiatement. Un homme à femmes est capable d'anticiper leur comportement. Il les connait sur le bout des ongles. Il sait quoi dire et quoi éviter. Il calcule. Il est diplomate. Toujours le bon mot au bon moment. Tout ça m'est étranger. Je viens une fois de plus de le prouver.

A quoi peut bien penser Loh en ce moment? Que croit-elle? Que j'ai cherché à la duper en prenant contact avec Erraa sans lui en parler? Que j'ai cherché à séduire sa mère pendant qu'elle n'était pas à mes côtés? Ou pire… que je me suis vautré dans la couche de madame et que je lui ai fait fougueusement l'amour en pensant à sa fille chérie? Pfffiouuuu… Il parait que l'imagination du sexe féminin est sans limite… ou du moins bien plus développé que celui des hommes? Si c'est ça, je sens que je vais avoir tout un travail de reconstruction à faire moi! Rebâtir ses fausses idées préconçues pour la faire adhérer à la réalité.

La réalité? Quelle réalité? Celle d'une rencontre fortuite en taverne alors que je noyais ma mélancolie face à deux chopes de bière vides? Un homme frappé de fièvre qui me prend pour une femme aux formes plantureuses et qui se jette sur mes lèvres pour m'embrasser. Yark! Rien que d'y penser, ça me donne encore des hauts-le-coeur! Une dame entre. Je cherche à maitriser le forcené pour garder intact ma virginité face à la gente masculine. La dame parle. Je ne la connais pas. Le forcené maitrisé, la conversation peut enfin débuter. Elle se présente. Erraa de la Huchaudière! Ce nom! Je m'en souviens encore! Ce nom me fait l'effet d'une épée qui transperce mon abdomen de part en part. Je me plie sous l'effet de l'onde de choc qui me traverse. J'ai du mal à respirer. Je cherche à recouvrer mes esprits. Je me trouve face à la mère de Loh, celle qui est dans mon esprit la source de tous mes tracas futurs. Pourtant, la discussion s'engage. Je lui fais la même promesse qu'à sa fille : celle de la former pour qu'elle devienne danseuse d'eau. Mais sa fille elle, détient une promesse bien plus forte encore. Celle de mon am…

Bang! Je suis soudainement sorti de mes pensées par une deuxième claque! La Gorron vient à son tour de décharger son anxiété sur l’étranger que je suis. Un autre sourcil se lève! On dirait que ce n’est guère mon jour. De garde du corps et du cœur, je passe rapidement au stade de souffre-douleur, d’exutoire pour femme en furie. Quand on te frappe, tend l’autre joue nous dit le livre des vertus. Je n’ai même pas eu le temps de le faire que l’autre joue est déjà marquée du sceau de la Gorron, un sceau à 5 branches.

Et comme si cela ne suffisant pas, voilà que des gardes s’en mêlent! Mais que croient-ils? Que je vais occire la vicomtesse dans son propre castel, devant les yeux de sa fille? Que je vais me jeter dessus, et lui faire subir les derniers outrages ? Hum… j’imagine que ça doit encore être comme cela que l’on voit les scandinaves ici! L’imagerie viking est tenace.

Par la fenêtre, un croassement ricaneur se fraie un chemin jusqu'à mes esgourdes! Maudit Corbac! Garde tes commentaires pour toi si tu ne veux pas finir rôti dans mon assiette. Faute de grives, on mange des corbacs parait-il...

Mon attention se tourne vers Loh. Erraa vient de lui poser une question. Je me demande comment tout ça va finir... 3 contre 6 gardes?

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Loh
[ Je pense donc j'agis. ]

Je me mordille la lèvre inférieure. J'hésite entre éclater de rire ou agrandir grand la bouche de stupeur. A la place, j'agrandis mes mirettes azurs pour regarder la Vicomtesse. Mon souffle devient irrégulier. Je suis figée. Elle s'avance vers moi. Nous nous observons mutuellement. Sans un mot. Ou presque. Mon médaillon de noblesse s'immisce entre nous. Faufilant le doute. La peur. L'envie. L'instinct. Le Bien. Le Mal. A mon tour, je prends le pendentif entre mes doigts fins. Je toise le verso. Ensuite, le recto. Lentement. Pensivement.

- " Je ne sais si c'est une imitation. Je le possède depuis ma naissance. "

Le métal froid glisse de mes mains, retombant sur ma peau chaude de jeune femme.

- " Mon prénom entier est Laure-Anaëlle. Attribué par les sœurs du couvent où j'ai été élevée. Mon surnom est Loh. Une bien longue histoire. Mon vrai prénom leur était inconnu. Elles m'ont accueilli comme leur propre fille. Sans rechigner."

Je hausse les épaules. Je zieute dans le vide.

- " La Champagne n'a été qu'un détour de recherche. Je viens de Bretagne. Du couvent de la Mère Sérénité plus exactement. "

Je laisse échapper un bruyant soupir. Secouant doucement ma caboche d'incompréhension. Je n'ai pas envie de batailler. Je me sens fatiguée. Las. Le voyage, très certainement.

- " Vous savez, Madame la Vicomtesse... "

Le respect est de mise. Elle est noble. Je suis orpheline. Elle est mon aînée. Je suis sa cadette.

- " ... je ne cherche à duper personne. Je ne désire faire aucun mal. Juste savoir si je possède une famille ou non. Une mère. Un père. Savoir à qui je dois m'accrocher. De qui je dois me méfier. Je ne cherche rien de plus. "

Je m'éloigne d'elle. Je n'ose la regarder. Je recule. Je sens mes océans briller. Je n'ose regarder personne en réalité. Je sens la déception me gagner. J'ai dû me tromper. Je n'ai pas de famille. Je suis seule au monde. J'ai été rejetée. Je dois l'accepter.

- " Rien de moins. "

Je m'engage au milieu des gardes. Je les pousse de mes mains maladroites. De ma vue embuée. Leur métal armée est glacé. Comme cette conversation. Je m'en moque. Je me moque de tout. Je veux qu'on me fiche la paix. Qu'on me laisse seule. A jamais.
Erraa
[On peut pas rembobiner? Aller juste un peu!]



Quand la tête a fini de hurler c'est le coeur qui prend son tour. Et celui là se serre en voyant la déception de la gamine. C'est vrai qu'elle y a été un peu fort. Mais ne lui en voulez pas trop elle s'est tellement barricadée pour ne pas souffrir qu'elle en oublie que les autres ne l'ont peut être pas fait. Alors ses yeux aussi s'humidifient et la vicomtesse cherche comment se rattraper.
Des excuses? Surement pas à une "inconnue". Mais il faut faire vite, Loh est déjà près des gardes. D'un regard ils comprennent qu'ils ne doivent pas la laisser passer. Les hommes se rapprochent et forment une barrière infranchissable pour une fillette de 14 ans. Par contre le danois...Bref pour le moment tout va bien. Enfin bien. Personne n'est blessé physiquement. Bon sauf la joue de Soren mais ça c'est une autre histoire.
Où j'en était moi? Ha oui renouer le dialogue. Erraa s'avance d'un pas, toujours calme en apparence mais dans sa voix quelqu'un qui la connaîtrait sentirait l'angoisse et la précipitation.

Ma fille s'appelle Audrey. Quand elle a eu un an mon mari...Ton père l'a emmené dans un couvent en Bretagne.

Oui oui elle a dit "ton père" au milieu de sa phrase. Si ça c'est pas un signe pour faire comprendre à Loh que la vicomtesse la reconnait comme sa fille, qu'est ce c'est? Une maladresse? Y a de forte chance oui. Mais tant que les gens ne se comporteront pas comme des chiffres, Erraa est pas prête de faire des progrès en communication.

Viens avec moi je vais te montrer.

C'est que mine de rien la bailli est sentimentale et elle a gardé toutes les petites affaires de sa fille. Des vêtements, des jouets et même un portait qu'ils avaient fait faire pour les 6 mois du bébé.
Sans un regard pour les deux accompagnateurs, elle entraîne la brunette dans une pièce adjacente. Seule à seule, elles pourront parler plus librement. Au moment de disparaître derrière la lourde porte en bois, elle se retourne une dernière fois, s'adressant à Joseph, le chef des ses gardes.

Restez là. S'ils bougent faites leur visiter le sous sol du château.

Ben oui elle a pas trop envie de se faire encore déranger. Alors le sous sol avec ses chambres individuelles, vue sur rien et grillagées sur trois cotés sera parfait pour avoir un peu de paix. La rousse n'y est pour rien, elle n'a rien dit depuis le début mais on ne sait jamais. Elle n'est peut être pas si innocente qu'elle y parait. Mieux vaut prévenir...
Loh
[Môman versus fifille]

- " Poussez-vous! Vous me faites mal! Je veux sortir! Fichez-moi la paix! "

Plus de bruit que de souffrance. Quoique. Pourquoi cette Dame désire-t-elle me garder alors que je ne suis rien à ses yeux?

J'entends le son de sa voix. Je me fige. J'emmagasine chacune de ses syllabes via mes esgourdes. Ses mots s'imprègnent dans ma caboche pour doucement la faire fumer de réflexion. Le démonstratif possessif me laisse particulièrement une marque au fer rouge bien plus forte que les autres. La Vicomtesse s'en est-elle rendu compte?

Aucun son ne sort toujours de ma bouche. Une invitation? Je me tourne vers mes deux amis chers. Je plonge mon regard dans celui de Seurn. Puis de Syu. Que dois-je faire? La suivre? L'assommer avec ma gourdasse? Lui tendre un croche-pied? La serrer dans mes bras? Ou simplement la suivre? Mes océans débordent de demandes d'aide. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle me propose de la suivre. Si calmement et courtoisement en aparté.

La porte de bois claque derrière nous. Nous voici seuls. Je me retourne vers la fautive. Je parle de l'objet de fermeture. Non, de la personne. Regrets? Excitation? Curiosité? Rire nerveux? Peur?Fuite? Tendresse? Je résiste à tout cela en plongeant mes mirettes dans celles de ma pseudo mère. Elle ne me regarde pas. Au lieu de cela, elle me tend une peinture de famille dénichée dans une proche étagère. Entre deux pages d'un livre poussiéreux. J'empoigne délicatement le présent. Et d'un frôlement, j'y passe mes doigts fins. Je découvre avec émotion la frimousse de ce bambin quasiment chauve et heureux aux magnifiques yeux bleus perçants. Comme ceux de son père. Il semble rire. Il faut dire que le géniteur lui tire la langue dans ce but! Est-ce un ajout du peintre? Ou a-t-il dû poser ainsi de longues heures? La mère de famille quant à elle berce le bébé entre ses bras. Étrangement. Elle est un peu raide. Maladroite. Comme si elle avait peur que celui-ci pleure à tout moment. Ou qu'il ne tombe par-terre en s'agitant. Je souris. Sans me cacher. Je ne connais guère la Dame de Gorron mais cela lui ressemble fortement. Est-ce moi sur cette illustration?

Gardant le portrait en main, mes azurs se posent ensuite sur l'étagère aux mille trésors. Entre des livres, une carte du Royaume de France, un boulier et d'autres souvenirs, siège une poupée. Un bout de chiffon grotesquement coloré. Des boutons à la place des yeux. De la ficelle rouge pour la tignasse. Une robe à pois vert pomme et blanc. Très kitsch soit dit en passant. Mais au côté adorable. Et des chaussons noirs en tissu cousus carré. Le peau de la concernée est hâlée, sale. Lui donnant une dimension de gueuse. Mais je l'aime. Je ne sais pourquoi, elle m'attire.

Je pose la photographie sur le bureau au milieu de la pièce. Cette poupée m'obnubile. Je ne la lâche pas de la mirette. Je m'avance vers l'étagère. Et comme lorsque j'étais gosse, je me mets à grimper sur l'armoire pour attraper ce que je désire le plus au monde sur le moment. A mes risques et périls. A mon âge et mon poids changeant surtout! Car ne voilà-t-il pas que le meuble se met à trembler pour commencer à basculer en arrière. C'est-à-dire sur moi! Et sur les petons de la Vicomtesse!
Syuzanna.
Syu soupire doucement en se passant une main sur la figure. Quelle histoire. La rousse a assisté à tout ceci sans mot dire, se contentant d'observer. Voilà deux caractères qui s'affrontent. C'est toujours intéressant, finalement.

La pauvre Loh semble si abattue. La rousse peut le comprendre. Tout ce chemin pour s'entendre dire que... Mais voilà que la Vicomtesse semble changer d'avis, et rappelle sa fille au moment où celle-ci fait mine de partir ! La Saxonne fait un mouvement vers la demoiselle. Si Loh part, Syu la suit. Elle lui collerait aux basques jusqu'aux enfers s'il le fallait.

La jeune fille s'arrête, et fait demi-tour, puis disparait avec sa mère. Les laissant tous les deux, Soren et elle, dans l'entrée. Soupirant de nouveau, la rousse fait quelques pas vers les marches. Aussitôt, un garde surgit à ses côtés, l'air assez patibulaire. La Saxonne lui renvoit un regard glacial. Elle peut bien s'assoir, non ? Et c'est exactement ce qu'elle fait.

Prenant place sur la troisième marche, elle appuie les coudes sur ses cuisses, et observe le blond Danois. Que peut-il bien songer, à ce moment précis ? L'aime-t-il vraiment, la petite ? N'est-il pas trop âgé ? Et finalement... Quelle sera sa place, à elle, Syuzanna NicDouggal, une fois les deux mariés ? Elle devra sans doute reprendre la route, trouver autre chose à faire, une autre personne à aider. Ou repartir en Saxe ? Mais pour y faire quoi ? Venger les siens ? En tous les cas, sa place ne sera pas au milieu du couple. Mais elle a finalement tout le temps d'y penser. Le mariage n'est pas pour demain.

Nouveau soupire. Syu observe toujours le Danois. Et toujours cette question. A quoi peut-il bien penser, maintenant ?

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Erraa
[Duel au sommet]

Elle regarde la fifille. Elle fouille. C'était le but! Ses souvenirs sont là depuis bien longtemps dans l'attente de cet moment. La vicomtesse se souvient du jour enfin des jours ou ce portrait de famille fut peint. La petite refusait de rester tranquille et le peintre s'arrachait les cheveux. A cette époque leur vies était encore heureuse et Raisin avait trouvé le moyen imparable pour que le bébé arrête de gigoter. De toute façon c'était dans sa nature de faire le pitre. Toute la journée ce n'était que que singeries et drôleries en tout genres. Il avait toujours peur qu'une des deux s'ennuie.

Bien vite le cadre ne l'intéresse plus, et Audrey reporte son attention sur une chose en haut de l'armoire. Quoi exactement? Aucune idée. Et la voila pas qui se prend pour une alpiniste à escalader cette maudite armoire qui ne tient que par un équilibre précaire? Et voila que le meuble se met à pencher dangereusement, menaçant d'écraser la brunette.

Ni une ni deux l'instinct maternel enfin réveillé, l'adrénaline ou appelez ça comme vous voudrez, môman vole au secours de fifille attrape l'armoire et fais pression de toutes ses forces pour la plaquer au mur! Les livres tombent et se retrouvent empilés sur un tas de bibelots réduits en miettes dans un vacarme de tous les diables.


Joseeeeeeeeeph!!!!! A l'aiiiiiiiiidddddddddddeeeeeeee!!!! Venez viiiiiiiiiittttteeeeeee

De quoi ça à l'air de l'extérieur? D'une vicomtesse seule avec une inconnue qui appelle au secours dans un bruit assourdissant. Pas sur que le Joseph en question débarque pas avec ses 5 compagnons l'épée à la main prêts à tuer Fifille.
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Soren
[ Quand le passé vous tombe dessus, l'avenir vous réserve un bon massage*]

Laure-Anaelle… Ce nom semble surgir de nul part. Un passé révolu qui semble si loin. Les couloirs sombres et glacials du couvent de la Mère-Sérénité... Une fillette qui rit aux éclats poursuivie par une sœur empêtrée dans sa robe de moniale. Le duel est inégal. La fille est agile et rapide. Preste comme un serpent. Souple comme la soie d'été. La moniale semble déjà hors d'haleine. Dans l'embrasure de la porte, j'ai du mal à retenir mon sourire, et cela ravive les douleurs de ma blessure. Je me demande ce qu'elle a fait cette fois pour subir un tel courroux.

Aujourd'hui, sous mes yeux, Loh… ou Laure-Anaelle… vient de se transformer en Audrey. Par un simple échange de tirades, la mère et la fille viennent de jeter un pont entre un passé incertain et un avenir qui s'éclaire. Une page se tourne désormais. La famille se reconstitue. Erraa retrouve Audrey. Le père? Personne n'en parle. Il semble absent. Tout ceci me projette plusieurs années en arrière. J'ai l'impression d'avoir emprunté le chemin inverse de Loh : une mère morte en couches lors de ma naissance. Un père qui se referme chaque jour un peu plus sur lui-même. Aigri par un destin qu'il refuse obstinément, il devient autoritaire, presque despotique, tyrannique. Il doit tout régir. Il ne supporte pas qu'on lui tienne tête. Il refuse tout conseil. Il décide seul. Suis-je vraiment son fils? Hum…. Difficile à dire. En un sens, il me voit comme son héritier oui. Mais je lui dois obéissance autant que quiconque. Il ne m'écoute pas plus. Il ne tolère pas plus mes conseils. Cette idée de mariage, c'était sa lubie. Il me l'a imposé. Comme tout le reste. Il ne s'attendait pas à un refus. Sa réaction fut à la hauteur de sa surprise. Après tout, je ne lui étais plus si indispensable. Son remariage lui avait amené un nouvel héritier potentiel.

Loh, tu as grandi sans connaître ta famille et tu viens de la retrouver. Moi, j'ai connu ma famille et je l'ai perdu à jamais. Sommes-nous fait l'un pour l'autre? Toi qui maintenant a retrouvé ta place au château des Gorron, accepteras-tu qu'un banni sans terre demande ta main? Je croise son regard. Elle cherche de l'aide. Elle a besoin qu'on la laisse partir vers sa destinée. Je lui souris. Je ne lâche pas ses deux océans, cherchant même les courants porteurs qui me mèneront jusqu'au plus profond de son âme.


Tu n'as rien à craindre! Va! Syu et moi ne serons jamais loin! Et n'oublie pas Loh… En cas de besoin, joue de la pièce danoise et je répondrais immédiatement.

J'ai envie d'ajouter : N'oublie pas que je t'aime Loh. Mais c'est superflu. Superflu et surtout déplacé. Ce n'est ni le moment, ni l'endroit. Je la suis du regard jusqu'au dernier instant puis je me retourne vers Syu. La mère et la fille vivent leur premier moment d'intimité depuis des années.

Bon, chère saxonne, je crois que nous n'avons plus qu'à attendre. Heureusement, nous sommes en joyeuse compagnie!

Mon regard amusé se tourne vers ce ramassis d'hommes qui se donnent le titre de garde. Ventripotent, bigleux, bègue, haleine à faire fuir les porcs, nez rouge vinasse et visage vérolé. Voilà éparses quelques caractéristiques des gardes du château. Rien de bien méchant là, ni de très efficaces. De mon escarcelle, je sors quelques osselets.

Une petite partie messieurs? Syu? Partante?

J'ai à peine le temps de ratiboiser la fière compagnie de Gorron lorsqu'un cri se fait entendre! Je profite que la protection rapprochée est quelque peu distendue pour foncer dans la direction prise par les dames il y a peu.

Syu! Suivez-moi! Vite!

Je cours dans les couloirs. Je me guide à la voix que j'entends encore. Si jamais Erraa s'est jouée de notre confiance, je ne me contenterai pas de la baffer. Non. C'est un acte manqué de guerrier dont je la gratifierais. Les bruits semblent venir de cette porte fermée devant moi. Le spectacle qui m'est donné de voir est assez incompréhensible. Je ne sais ce qui se passe : accident, tentative de meurtre… L'heure n'est pas à la réflexion. Je me porte au secours de mes deux baffeuses.

Loh? Es-tu blessée? Attends! Je vais te dégager de là!

La vicomtesse? Quoi la vicomtesse? Il y a une vicomtesse qui a un problème dans la pièce?

Dépêchez-vous de sortir de là! Je ne vais pas tenir longtemps. Elle est aussi lourde que ma grand-mère normande!

* Proverbe scandinave de Søren Kierkegaard... enfin... Le bucheron! Pas le philosophe!
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Loh
[ L'émotion nous égare : c'est son principal mérite.*]

Égarée. C'est mon état d'esprit du moment. J'ai réussi à me glisser dans un des coins de la pièce. Lequel? Je ne sais trop. Mes genoux sont repliés contre ma poitrine. Je tiens fermement Chiffon contre mon cœur. Et je regarde dans le vide. Mes océans refusent de se fixer sur un objet ou une situation précise. Je ne pense à rien. Du haut de mes 14 ans, je m'y refuse.

Je ne m'en rends pas totalement compte mais autour de moi siège un vrai capharnaüm. Les voix me semblent si lointaines. La Vicomtesse crie sur un homme nommé Joseph. Le danois jure à tue-caboche. Sur Syuzanna? Impossible! Elle lui retournerait une troisième claque! L'étagère sur laquelle je viens de grimper est retournée. Étalée sur le sol. Mettant à la vue de tous divers objets. Mes pupilles se figent enfin. Sur un cheval de bois recouvert de parchemins au charabia chiffré. J'incline la tête à droite. Je ne le quitte pas des yeux. Imaginairement, j'y vois une petite fille aux boucles brunes. Si foncées qu'elles paraissent noires à certains moments. Deux ans? Elle rit à dents déployées. Du moins ce qu'il en reste. Car un trou siège à la place de ces deux incisives. Elle chantonne tout en se balançant.

Bonsoir Madame la Lune,
Que faites-vous donc là ?
Je fais mûrir les prunes
Pour tous ces enfants là

Bonjour Monsieur le soleil,
Que faites-vous donc là ?
Je fais mûrir les groseilles
Pour tous ces enfants là.
**

Ses yeux bleus pétillent de joie. Ils sont aussi mystérieux que l'océan. Ils sont aussi profonds que les abysses. A la voir, elle semble calme. Accompagnée d'une certaine impulsivité surprenante. Ses pieds sont positionnés d'une telle manière que l'enfant pourrait sauter de son destrier de bois à tout moment afin de vaquer à une autre occupation. Un dessin. Un montage de château fort avec des cubes dans le même acabit. Ou encore créer une folle histoire romantique entre Chiffon et une chausse élégante de sa mère. C'est ce qui aurait dû se passer.

Les deux parents siègent dans un coin opposé au mien. Toujours imaginaires. Ils s'enlacent. Ils sourient. Ils regardent leur joyeuse petite fille. A mon tour de les regarder. De les observer. De comparer les traits familiaux entre eux. Ils sont indubitables.

La vision vient de disparaître. Je serre un peu plus la poupée contre mon buste. De l'eau. Il me faut de l'eau! Il faut que je compare mes traits à ceux de la Vicomtesse! Nous serons alors certains!

Je me lève soudainement, ne prenant nullement garde de qui est au-dessus ou à côté de moi. Je suis décidée. Même si mes mirettes ne fixent personne en particulier.

- " De l'eau! Il nous faut de l'eau! "

Telle môman, telle fifille. Certaines traces caractérielles sont dans les gênes.

- " Tout de suite! "

* Citation d'Oscar Wilde.
** Paroles venant de ce site : http://http://chansonsenfantines.chez.com/M22.htm
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