Matalena
[Pendant ce temps, sur les marches... Interlude en Reine de Pique.]
Derrière l'éventail des cartes à jouer, solidement ancrées entre ses doigts, se gaussa une illade furibonde, brûlante, de ses vastes yeux Onyx. Un funeste claquement de langue accueilli la main du mercenaire, étalée sur la marche comme une pitoyable barrière de papier à son destin, désormais scellé par les voies impénétrables du hasard, et moins impénétrables des mathématiques. Tricher ? Allons bon, de suite, les grands mots. En sus de quoi, lui eussiez-vous posé la question, la malheureuse gueuse aurait bien été en peine de vous citer ses chiffres jusqu'à cent. Alors établir des calculs de probabilités... Jusqu'au mot lui était inconnu. Et c'est l'intention qui compte n'est-ce pas ?
Dans l'immédiat, et ce depuis déjà une bonne heure, son unique objectif se résumait à ce simple mot : gagner. On est joueur où on ne l'est pas, tout un chacun vous signifiera que la pitié ou les sentiments n'ont rien à voir là dedans. Aussi essuya-t-elle la considération proprement haineuse de son ainé de la plus parfaite indifférence quand, abattant son propre jeu sous sa face médusée de balafré, sonna sa cinquième victoire consécutive.
N'allez pas insinuer quoi que ce soit de fâcheux, il faut vous rendre à l'évidence et assumer : vous êtes nul, et je suis excellente.
En toute modestie bien sur.
Et au sourire triomphant qu'elle lui adressa, éclairé de cruelles canines, il pu voir danser les 24 victimes royalistes desquelles il l'avait surclassée au score lors de leurs combats de l'année passée. Un affront qu'elle n'était pas prête de digérer, d'autant plus que le mercenaire ne manquait jamais une occasion de lui rappeler l'infériorité au combat que lui avait valus ses dix jours de convalescence -selon elle- / sa médiocrité aux armes -selon lui-. Ce à quoi, s'ils ne vouaient un si farouche attachement au culte réformé, on aurait pu qualifier l'un ou l'autre de "mauvaise foi".
Une pointe de langue au coin des lèvres, la jeune femme le considéra de la tête au pied avec un sérieux glacé, les sourcils froncés de concentration... Ignorant la moue désabusée, le regard de poussin noir martyrisé, que lui adressa le borgne. Elle contempla une seconde le butin accumulé : quelques malheureuses pièces, un dés pipé, une pipe ébréchée, l'outre de vinasse désormais complètement vide... Sachant que son compagnon n'avait dorénavant plus un sous vaillant en poche, ni quoi que ce soit d'autre, d'ailleurs.
Puis, d'une voix atone que seul contredisaient ses pupilles luisantes d'un amusement sadique, le verdict tomba :
Faites péter la chemise.
Rétrospectivement, cette journée ne serait peut-être pas si faisandée que ça.
_________________
« Ne confondez pas le sombre avec l'obscur. L'obscur accepte l'idée de bonheur; le sombre accepte l'idée de grandeur. »
Victor Hugo
Derrière l'éventail des cartes à jouer, solidement ancrées entre ses doigts, se gaussa une illade furibonde, brûlante, de ses vastes yeux Onyx. Un funeste claquement de langue accueilli la main du mercenaire, étalée sur la marche comme une pitoyable barrière de papier à son destin, désormais scellé par les voies impénétrables du hasard, et moins impénétrables des mathématiques. Tricher ? Allons bon, de suite, les grands mots. En sus de quoi, lui eussiez-vous posé la question, la malheureuse gueuse aurait bien été en peine de vous citer ses chiffres jusqu'à cent. Alors établir des calculs de probabilités... Jusqu'au mot lui était inconnu. Et c'est l'intention qui compte n'est-ce pas ?
Dans l'immédiat, et ce depuis déjà une bonne heure, son unique objectif se résumait à ce simple mot : gagner. On est joueur où on ne l'est pas, tout un chacun vous signifiera que la pitié ou les sentiments n'ont rien à voir là dedans. Aussi essuya-t-elle la considération proprement haineuse de son ainé de la plus parfaite indifférence quand, abattant son propre jeu sous sa face médusée de balafré, sonna sa cinquième victoire consécutive.
N'allez pas insinuer quoi que ce soit de fâcheux, il faut vous rendre à l'évidence et assumer : vous êtes nul, et je suis excellente.
En toute modestie bien sur.
Et au sourire triomphant qu'elle lui adressa, éclairé de cruelles canines, il pu voir danser les 24 victimes royalistes desquelles il l'avait surclassée au score lors de leurs combats de l'année passée. Un affront qu'elle n'était pas prête de digérer, d'autant plus que le mercenaire ne manquait jamais une occasion de lui rappeler l'infériorité au combat que lui avait valus ses dix jours de convalescence -selon elle- / sa médiocrité aux armes -selon lui-. Ce à quoi, s'ils ne vouaient un si farouche attachement au culte réformé, on aurait pu qualifier l'un ou l'autre de "mauvaise foi".
Une pointe de langue au coin des lèvres, la jeune femme le considéra de la tête au pied avec un sérieux glacé, les sourcils froncés de concentration... Ignorant la moue désabusée, le regard de poussin noir martyrisé, que lui adressa le borgne. Elle contempla une seconde le butin accumulé : quelques malheureuses pièces, un dés pipé, une pipe ébréchée, l'outre de vinasse désormais complètement vide... Sachant que son compagnon n'avait dorénavant plus un sous vaillant en poche, ni quoi que ce soit d'autre, d'ailleurs.
Puis, d'une voix atone que seul contredisaient ses pupilles luisantes d'un amusement sadique, le verdict tomba :
Faites péter la chemise.
Rétrospectivement, cette journée ne serait peut-être pas si faisandée que ça.
_________________
« Ne confondez pas le sombre avec l'obscur. L'obscur accepte l'idée de bonheur; le sombre accepte l'idée de grandeur. »
Victor Hugo