Anaon
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Paris, ses crimes et ses folies. Sa fine pellicule de givre qui couvre les toits des chaumières et drape le dépravé des routes. Cest le silence, glacé dans le manteau dhiver et les quelques paroles qui fusent se meurent dans des paquets de bué. Cest calme aujourdhui. On la croirait morte, la belle Paris et sa cours de damné. Cest linertie au Miracle. La cours est endormie. La froidure a gelée les plus enhardis.
Paris, mes crimes et mes folies. Et mes lubies aussi
Au cimetière des Miracles, lair glacé semble sêtre figé et seule quelques lambeaux de brume se meuvent avec langueur, tels des fantômes lancinant qui dansent entre les tombe et baisent leurs épitaphes de leurs bouches brumeuses. Et dans la fosse aux macchabées, cest un sacrilège qui se joue. Parmi les morts, il y a la vie.
Une main gantée fouille, retournent, dénudent sans pudeur les quelques chanceux qui ont eu droit au blanc linceul. Un piquet est planté dans la terre gelée, retenant une corde qui plonge dans les entrailles béantes du cimetière. Pont ténu qui retient la scandaleuse au monde du dessus. Une main y est fermement accrochée, lautre continue sa fouille macabre. Elle sait ce quelle veut, la silhouette. Elle sest parée de noire, gantée et nez caché dune étoffe, elle ne laisse apercevoir de son visage que ses yeux dun bleu sombre surmonté de quelque mèche brune.
Troquer avec les fossoyeurs, cest plus simple. Avec les geôliers aussi, on arrive parfois à se dégoter une main ou un bras et on est un peu mieux fixer sur la qualité du cadavre à venir. Aujourdhui pourtant, cest free-style total, on vient directement pioché dans lentrepôt du dernier repos. Au petit bonheur la chance, avec le risque de se faire courser pas le guet à tout moment et au grand jour. Il faut bien son grain dadrénaline pour doper la vie.
Sérieuse et méticuleuse, la main ganté évite de toucher les corps à la peau dune teinte suspecte. Pas de chair putride pour elle, non plus. Du beau, du frais, du sain. Dun geste sec elle balaye quelque grains de terre et son lot de ver avant dattraper le col dun pauvre hère quelle soulève de sa dernière demeure. Pendue par les guenilles le corps est encore souple. Un frais du jour. Mais la tête semble nêtre retenue que par la peau du cou aux muscles émaciés. Ah En voilà un qui a due mourir connement, la nuque éclatée sur la marche dun perron à cause du verglas. Les azurites inspectent avec sérieux puis satisfaite, la silhouette quitte la fosse aux morts.
Le corps est lâché sur la terre ferme, déchirant dans sa chute le voile des fantômes et leur ronde morne et silencieuse. A loutrageuse de sextraire de la gueule aux immondices, comme une morte sort de sa tombe. De sa hauteur de femme, elle toise un instant son jouet du jour, avant de logé une main dans la chevelure sombre et de le soulever par la tignasse. Les doigts gantés viennent forcer les masticateurs déjà crisper, pour sassurer que le bleus des lèvres nest due quau froid et à la mort, et non à une substance qui naurait pas manqué de lui ronger lintérieur de la bouche. Elle toise le mâle, de son âge probablement, prés à reposer dans la fange dans laquelle il est né. Pourtant, il ne dormira pas encore pas tout de suite.
Attrapant de nouveau la dépouille par le colback, elle se plait à le secouer nonchalamment. Et la tête suit avec son retard flasque. Au milieu des spectres de brume, un craquement met le cerf aux abois. Le regard saiguise, loreille se tend. Statue parmi les statues, immobile, la brume lui léchant les chevilles, elle guète.
Une autre vie parmi les morts?
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Images originales: Victoria Francès, Concept Art Diablo III ----[Clik]