--Thanatos.
Premier sang
Il souffle sur cette terre un vent de désespoir. Il ne reste que quelques heures avant le renouveau de la nature. Dans la fraîcheur de la nuit, un homme dort dun sommeil agité ; pourtant ces derniers temps son inconscient nest le siège daucun songe, d'aucun rêve, d'aucun cauchemar. Un mal profond le ronge et plus rien ne parvient à lapaiser. Il se réveille dans un sursaut. La sueur ruisselle sur son visage. Il est assis sur son lit, les yeux grand ouvert et il contemple le néant qui lhabite. Des pulsions sordides frappent aux portes de son esprit depuis plusieurs jours. Elles le poussent à satisfaire un besoin, celui de remplir son vide intérieur de sentiments extrêmes, de palpitations, de jubilation. Et lui, simple mortel, résiste tant bien que mal. Ce soir cependant il se sent impuissant face à lobscurité grandissante de son être.
Il flotte dans lair comme un parfum de mort. Un monstre nouveau-né parcourt la campagne champenoise en quête dune proie. Lheure nest pas propice à une rencontre improvisée et il a fallu attendre longtemps le pauvre braconnier qui, soucieux de relever ses pièges avant les premières lueurs de laube, a eu le malheur de croiser son chemin. Ironie du destin, le chasseur devient le gibier. La cible est un homme de bonne taille, mais la rage qui envahit la bête lui confère une sensation de puissance ; elle se sent invincible et personne ne peut lui résister. Dans lombre dun bosquet, elle épie limprudent, impatiente de mettre fin à son insignifiante vie.
Ses sens sont exacerbés, son poignard est aiguisé, son bras est prêt à frapper. Au moment de bondir, un doute lassaille. Un sursaut de moral vient de le traverser ; il sait tuer, il la déjà fait, mais il y avait chaque fois une raison, bonne ou mauvaise. Lexcitation pourtant reprend vite le dessus, démultipliée par la gratuité de son acte. Le monstre reporte alors toute son attention sur sa proie. Elle lui tourne le dos, cest le moment. Il fond sur elle en un éclair et lui plante son poignard dans le creux des reins. Elle na pas le temps de répliquer et saffale sur le sol humide. Ses cris de douleur et ses gesticulations pathétiques ne la sauveront pas. Le tueur se penche doucement sur sa victime, saisit ses cheveux puis tire sa tête en arrière. Dun geste vif, il égorge le malheureux, abrégeant ainsi ses souffrances. Le sang bouillonne, sécoule, se mêle à lhumus ; finalement le cur cesse de battre. Lassassin reste debout, immobile, près du corps sans vie, contemplant le tableau quil vient de parfaire dune note pourpre. Il prend le temps de se calmer car il a besoin de recouvrer toute son habileté.
Enfin sa respiration est plus posée, ses émotions sont maîtrisées. Dun coup de botte il retourne le cadavre puis sagenouille près de la poitrine. La lame incise sereinement la peau, puis la chair. Les gestes sont encore imprécis cest sa première fois et le métal rencontre quelques côtes, il faut les écarter pour atteindre le cur. Mais le monstre le trouve enfin. Il entaille les veines qui le retiennent, le saisit à pleine main et larrache de la carcasse fumante de sa proie. Il na que faire de cet organe, il le jette à même le sol. Prenant un peu de recul, il lance un dernier regard sur le corps mutilé, un trou béant est visible là où quelques minutes plus tôt résidait le siège des sentiments humains.
La bête est soulagée pour un temps et rentre dans sa tanière. En prenant la vie elle sest sentie revivre. Cependant il manque quelque chose ; la traque a été trop courte, il na pas eu le temps de voir la terreur dans les yeux de sa victime. La prochaine fois peut-être
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