Aymon
Schplouf.
C'était le bruit qu'aurait pu entendre un passant noctambule qui se serait égaré du côté d'une taverne Tonnerroise, quelques heures avant le petit jour, suivi immédiatement de "haaaaaaah..." puis, ce passant hypothétique aurait entendu un nouveau schplouf, puis bleblebleble, puis re-haaaaaaah.
Cette douce sérénade était produite par un gringalet boutonneux et passablement éméché dénommé Aymon. Ce dernier venait de se faire expulser assez énergiquement d'une taverne, et tentait vainement d'éclaircir ses idées dans le premier tonneau d'eau glacée venu.
Enfin, le premier...pas tout à fait. Disons le troisième. Le premier, il avait dégobillé dedans. Le deuxième étant complètement gelé, Aymon avait réussi à ajouter une bosse à sa future gueule de bois en tentant d'y plonger la tête.
Mais où que j'vas dormir, moué ?
S'interrogea ingénument notre jeune ivrogne en se frottant le front.
Snirf, reprit-il. Si j'retrouve ce foirard de chiard de noble d'mes couailles, je t' l'assaisonne proprement à la sauce aux châtaignes. Mais qu'est-ce qui m'a pris de quitter Conflans ?
Un moment, je vois que vous ne suivez pas très bien les pensées de notre jeune...protagoniste (héros serait, je crois, déplacé). Bien. Il faut dire qu'il règne dans son esprit une brume assez épaisse, pour l'instant. Non qu'elle se dissipe vraiment en temps de sobriété, mais...passons. Revenons donc quelques semaines en arrière.
Après une longue errance sur les chemins, une vie d'aumône, de braconnage, où notre bon à rien faisait comme l'oiseau, il avait fini par s'installer dans un village pas trop mal, où coulaient la bonne bière et foisonnaient les jolies filles.
Son interrogation est donc légitime : pourquoi ce jeune blanc-bec avait-il quitté ce petit paradis, pourquoi n'était-il pas resté tranquillement à regarder pousser les produits de son champ ?
Parce que c'était un éternel insatisfait et que son cerveau limité ne lui permettait pas d'entrevoir que c'était là la seule carrière qu'il fût apte à embrasser. Quant aux filles du village, il était bien en peine d'en embrasser une, alors, il ne fallait même pas songer à celles d'ailleurs.
Mais voilà, Aymon, du haut de ses quinze ans fraîchement révolus, avait la bougeotte, et trois jours plus tôt, il avait fait son balluchon pour "s'installer en ville". Il s'était mis en route en sifflotant, avait dilapidé la plupart de ses économies en jouant aux dés avec des inconnus qui l'arnaquèrent aimablement, et finit par arriver à Tonnerre, où il avait commencé par "aller reconnaître le terrain" en visitant les diverses tavernes.
Tavernes dans lesquelles il avait fait l'encontre de l'individu précédemment (et copieusement) invectivé. Ce dernier avait offert des verres et distribué des coups. Sur l'instant, Aymon l'avait apprécié pour le vin gratuit et pour son rire communicatif, maintenant, son bras à moitié disloqué et une douleur au ventre le portaient plutôt du côté de la haine.
'T'en ficherais, du vouvoiement...sale danzelon d'mes fesses...
...
Hé !
...
Ah, regardez-le ! Ses yeux s'écarquillent, son acné reluit, son visage se fend d'un rictus idiot : Aymon vient d'avoir une idée, phénomène assez rare et en général catastrophique.
En réalité, notre vilain a soudain réalisé que le damoiseau aux gros biscottos lui a parlé d'une armée. Il y a une armée en ville !
Les éléments s'assemblaient avec lenteur dans l'esprit épais du jeune paysan : qui dit armée dit chevaux et provisions, qui dit chevaux et provision dit retour à la maison !
Eh oui, on a dit qu'il avait une idée, pas qu'elle était bonne. Voilà donc Aymon, rond comme une queue de pelle, s'approchant d'un campement au dessus duquel flottent quelques étendards. Des ronflements émanent de toutes parts, troublés ça et là par quelques éclats de rire avinés et une chanson paillarde en braillement majeur. Fort heureusement pour Aymon, les sentinelles sont à peu près aussi fatiguées que lui, voire aussi ivres.
Avisant un petit groupe de tentes où la symphonie des ronflements est jouée fortissimo, il se coule adroitement (enfin, ça, c'est ce qu'il se dit. En vrai, il rampe d'une manière assez lamentable) jusqu'aux paisibles équidés attachés en rang d'oignons non loin.
Ohh là, tout beau, cheval, murmure-t-il a l'un d'eux.
_________________
Avoir la classe, c'est beaucoup trop "courant principal". Je suis un vaurien doublé d'un pleutre, avec un surcroit de fainéantise : ça, c'est "souterrain".
C'était le bruit qu'aurait pu entendre un passant noctambule qui se serait égaré du côté d'une taverne Tonnerroise, quelques heures avant le petit jour, suivi immédiatement de "haaaaaaah..." puis, ce passant hypothétique aurait entendu un nouveau schplouf, puis bleblebleble, puis re-haaaaaaah.
Cette douce sérénade était produite par un gringalet boutonneux et passablement éméché dénommé Aymon. Ce dernier venait de se faire expulser assez énergiquement d'une taverne, et tentait vainement d'éclaircir ses idées dans le premier tonneau d'eau glacée venu.
Enfin, le premier...pas tout à fait. Disons le troisième. Le premier, il avait dégobillé dedans. Le deuxième étant complètement gelé, Aymon avait réussi à ajouter une bosse à sa future gueule de bois en tentant d'y plonger la tête.
Mais où que j'vas dormir, moué ?
S'interrogea ingénument notre jeune ivrogne en se frottant le front.
Snirf, reprit-il. Si j'retrouve ce foirard de chiard de noble d'mes couailles, je t' l'assaisonne proprement à la sauce aux châtaignes. Mais qu'est-ce qui m'a pris de quitter Conflans ?
Un moment, je vois que vous ne suivez pas très bien les pensées de notre jeune...protagoniste (héros serait, je crois, déplacé). Bien. Il faut dire qu'il règne dans son esprit une brume assez épaisse, pour l'instant. Non qu'elle se dissipe vraiment en temps de sobriété, mais...passons. Revenons donc quelques semaines en arrière.
Après une longue errance sur les chemins, une vie d'aumône, de braconnage, où notre bon à rien faisait comme l'oiseau, il avait fini par s'installer dans un village pas trop mal, où coulaient la bonne bière et foisonnaient les jolies filles.
Son interrogation est donc légitime : pourquoi ce jeune blanc-bec avait-il quitté ce petit paradis, pourquoi n'était-il pas resté tranquillement à regarder pousser les produits de son champ ?
Parce que c'était un éternel insatisfait et que son cerveau limité ne lui permettait pas d'entrevoir que c'était là la seule carrière qu'il fût apte à embrasser. Quant aux filles du village, il était bien en peine d'en embrasser une, alors, il ne fallait même pas songer à celles d'ailleurs.
Mais voilà, Aymon, du haut de ses quinze ans fraîchement révolus, avait la bougeotte, et trois jours plus tôt, il avait fait son balluchon pour "s'installer en ville". Il s'était mis en route en sifflotant, avait dilapidé la plupart de ses économies en jouant aux dés avec des inconnus qui l'arnaquèrent aimablement, et finit par arriver à Tonnerre, où il avait commencé par "aller reconnaître le terrain" en visitant les diverses tavernes.
Tavernes dans lesquelles il avait fait l'encontre de l'individu précédemment (et copieusement) invectivé. Ce dernier avait offert des verres et distribué des coups. Sur l'instant, Aymon l'avait apprécié pour le vin gratuit et pour son rire communicatif, maintenant, son bras à moitié disloqué et une douleur au ventre le portaient plutôt du côté de la haine.
'T'en ficherais, du vouvoiement...sale danzelon d'mes fesses...
...
Hé !
...
Ah, regardez-le ! Ses yeux s'écarquillent, son acné reluit, son visage se fend d'un rictus idiot : Aymon vient d'avoir une idée, phénomène assez rare et en général catastrophique.
En réalité, notre vilain a soudain réalisé que le damoiseau aux gros biscottos lui a parlé d'une armée. Il y a une armée en ville !
Les éléments s'assemblaient avec lenteur dans l'esprit épais du jeune paysan : qui dit armée dit chevaux et provisions, qui dit chevaux et provision dit retour à la maison !
Eh oui, on a dit qu'il avait une idée, pas qu'elle était bonne. Voilà donc Aymon, rond comme une queue de pelle, s'approchant d'un campement au dessus duquel flottent quelques étendards. Des ronflements émanent de toutes parts, troublés ça et là par quelques éclats de rire avinés et une chanson paillarde en braillement majeur. Fort heureusement pour Aymon, les sentinelles sont à peu près aussi fatiguées que lui, voire aussi ivres.
Avisant un petit groupe de tentes où la symphonie des ronflements est jouée fortissimo, il se coule adroitement (enfin, ça, c'est ce qu'il se dit. En vrai, il rampe d'une manière assez lamentable) jusqu'aux paisibles équidés attachés en rang d'oignons non loin.
Ohh là, tout beau, cheval, murmure-t-il a l'un d'eux.
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Avoir la classe, c'est beaucoup trop "courant principal". Je suis un vaurien doublé d'un pleutre, avec un surcroit de fainéantise : ça, c'est "souterrain".