Anaon
- Fébrile l'Anaon. La crispation légère qui lui enserre subitement les mains et la bouteille qui manquerait presque son verre lui provoque un sursaut soudain. Réaction décuplée qui la laisse crispée tandis que les azurites inquiètes se rivent sur l'hypocras qui retrouve la table sans grande douceur. Les plus inébranlables sont les plus craintifs, c'est la maitrise de la peur au ventre qui fait le sang-froid. En matière d'impassibilité, l'Anaon est Reyne... d'ordinaire. Mais il suffit que la glace se fende pour comprendre à quel point cette femme peut être nerveuse. Comme un chien trainant sa douleur, une plaie béante vidant son flanc, elle, c'est la trouille au ventre qu'elle se trimbale dans l'ombres des ruelles. L'esgourde se fait sourde, l'esprit cadenasse le moindre élan de panique derrière un calme inflexible, mais quoi qu'on y fasse la peur est là. Elle demeure, toujours, rongeant les tripes, crispant les membres. Mais la crainte rend prudent et la prudence garde en vie.
Sans réellement s'inquiéter pour son existence, la mercenaire ne se sent pas non plus des plus rassurée face à la réaction du courtisant. Qu'a-t-elle dit qu'elle aurait du taire? Tout... Probablement.Tu aurais due tout taire Anaon.
La révélation qui suit est une surprise. Ainsi c'est la première fois. La situation la ferait presque sourire, mais il faut croire que la Roide a épuisé son quota de la journée. A cet instant, elle a l'impression de voir deux pommés, accablés d'un paquet dont ils ne savent pas quoi faire. Deux couillons en sommes. Mais ce qui a été fait est fait. Et dans ce crime d'une nuit qu'ils ont commis à deux, il n'y aura qu'un coupable qui en prendra pour perpet': L'Anaon.
Un bref hochement de tête vient répondre aux paroles du courtisant avant que les lèvres ne daignent s'ouvrir de nouveau.
_ Je suis consciente qu'il n'y a eu qu'une seule nuit qui nous a uni. Une nuit de travail qui plus est dans votre cas. Je n'ai rien à attendre de vous, et je n'attend rien. Mais... Vous êtes courtisant, certes, mais surtout humain. Je voulais seulement que vous sachiez que s'il vous prenait quelques envies de... voir ou de connaître l'enfant, je ne m'y opposerais pas... Voilà bien longtemps que je ne vis plus comme une noble et que je n'ai plus de nom à salir...
La dernière phrase est lâchée sur ton où la nostalgie flotte avec l'ironie. Oui, bien que son but n'était pas de trouver une compagnie d'une nuit ce soir-là, il fut un temps où l'Anaon n'aurait jamais mis un seul pied dans un établissement pareil. Oh que non, pour rien au monde! Pourtant cette nuit d'août elle l'avait fait. Et c'est le lapin d'une blonde qu'il l'avait mené indirectement dans les bras du courtisant. De ce savoir enceinte, l'Anaon s'en ronge les doigts. Elle a maudit tous les êtres de l'univers, but bien trop de verre pour y voir clair les jours de grand soleil. Pourtant au fond, là tout au fond, quand l'esprit nie le présent pour se replonger dans le souvenir, elle en est certaine... Elle ne regrette rien.
Il a suffit d'une nuit pour trouver les autres trop vides. Il a suffit d'une étreinte pour manquer de caresses. Il lui a redonner le goût de "l'autre" à elle qui a vécu près de quatorze sans la chaleur d'un homme. Oh! Elle avait bien pleuré l'amour, regretté le fiancé qui l'a laissé veuve avant leurs épousailles, mais jamais elle n'a manqué de charnel et ce, tout simplement parce que la chair ne l'intéressait pas. Plus. Mais depuis Jules, l'Anaon a de nouveau ressentit l'Envie. L'envie de se partager à d'autre... pour peu qu'ils acceptent d'embrasser cette peau meurtrie, comme lui l'a fait sans dégout ni même pitié. Et si Jules n'avait pas été là, avant, Premier depuis des lustres, qui sait si l'Anaon se serait livré aux bras de Judas un matin de Décembre ?
La dextre vient quitter le cocon formé par la pogne masculine pour attraper son verre tout en glissant un "merci" discret à son vis-à-vis. Et les lèvres viennent se noyer dans le breuvage.... ma foy... pas trop dégueulasse. Les azurites se plongent dans la robe du liquide qu'elle regarde danser d'un il septique a fond du verre qu'elle fait tourner.
_ Vous aviez dis que vous me parlerez du boudoir...
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Images originales: Victoria Francès, concept art Diablo III - Montage LJD ANAON----[Clik]