.mahaut.
[Ou comment faire venir à soi ses troupes sans se faire remarquer tout en restant soi-même. Et en portant du rose. Manuel pour les nuls, tome 1, Editions La Baleine rose, 1460, Paris.]
Avouons-le de suite, la tâche nétait pas aisée. Même si personne ne poursuivait particulièrement les poneys, ni même ne les avait menacés, le sentiment dinsécurité, voire de paranoïa, était à son paroxysme dans la petite troupe (au point quelle avait fini par réussir à prononcer le mot, ne restait quà savoir quand lemployer).
A peine les forces ponantaises et royalistes allaient-elles apprendre que les poneys montaient leur propre armée, vêtue de paillettes et chevauchant des poneys tressés en poussant des cris stridents, quassurément la trêve serait rompue, que les catapultes se déchaineraient et que les emplacements de cimetières doubleraient leurs tarifs.
Il convenait donc de se déplacer furtivement et de concevoir une stratégie poussée. Immobilité de la pierre. Sagesse du hérisson. Crédibilité du comptable. Charisme du bijoutier.
- NAN MAIS JAI FROIIIID LAAAAA ! Remettez une bûche nom de moi, comment voulez-vous que jécrive mes mémoires dans un froid polaire ? Si ça continue je réquisitionne un hôtel moi, je vous préviens hein ! Je suis poney, jen suis capable !
Cher journal,
Nous entamons notre 17ème jour de surveillance des frontières. Pour linstant, personne ne nous a repérés. Non, Anatole, ce nest pas parce quon sest précipitées sur le marché pour nous fournir en boules de neige quon a été repérées, enfin. On a été discrètes. Et concentrez-vous, vous nécrivez pas droit. ET JE PARLE A LA VITESSE QUE JE VEUX.
Je disais donc, avant quun sombre limousin ne minterrompe, que nous nous sommes habilement fondus dans le paysage.
Durant tout le voyage, nous nous sommes fait passer pour des vendeurs ambulants, et même si les gens semblaient trouver bizarre que nous nacceptions pas de céder de nos marchandises, et encore moins nos tonneaux, au final je pense que nous avons trompé lennemi en beauté. Et ils peuvent bien dire ce quils veulent mais mes gants pailletés dorés valaient au moins 200 écus, ce nest pas ma faute sils étaient trop radins. (en même temps, ça fait cher léloigne-moineaux à accrocher dans les arbres fruitiers). JE VOUS AI LU ANATOLE ! Je vous préviens cest mon journal, cest moi qui mexprime, la postérité na que faire de vos remarques désobligeantes et inintéressantes. Pour linstant nous devons témoigner de notre furtivité. Qui fut exemplaire. Gnagnagna sauf la fois où, certes, mais sinon, bon, on ne compte pas la fois à la ferme, ça nintéressera personne alors concentrons-nous sur la technique.
Afin de ne pas éveiller les soupçons, jai même pris sur moi de ne pas répondre à la lettre du douanier comme je le fais à mon habitude. Je le regrette profondément, jaime tant nouer de franches amitiés avec ces êtres dénués de cerveau à défaut dinformations.
Orka a eu le bon goût de ne pas trop réveiller son gueux dépoux pendant le voyage ce qui nous a permis de deviser gaiement à notre habitude, et aussi de nous arrêter faire les soldes dans les boutiques proches. Oui, Anatole, Paris nétait pas un si loooong détour que ça, et mince quoi, on nallait pas rater les ventes privées chat nelle non plus, quoi. Cest la guerre mais on a le droit de la faire en houppelande à motifs, élevons le niveau un peu.
Maintenant que je me prends à parler vêtements, il me faut évoquer un point que ma conscience mavait jusque là ordonné de taire. Mais je dois à mes mémoires un minimum dhonnêteté et QUAND VOUS AUREZ CESSE DE POUFFER BETEMENT VOUS ME FEREZ SIGNE, et, disais-je, un chef de guerre se doit dêtre honnête et de présenter ses failles à ses lecteurs, du moment quils ne les lisent que des siècles après. Et que ce ne soit pas trop ridicule. Pis de toute façon je dis ce que je veux.
Bon, je me lance. Anatole, bouchez-vous les oreilles, cest intime. Voilà, donc débouchez-vous les oreilles suffisamment pour pouvoir mentendre dicter, je ne vais quand même pas tout faire moi-même, non plus, je vous signale que jai froid à rester assise, tout le monde na pas la chance davoir quelque chose à faire comme vous.
Même si ma condition de veuve me donne un certain statut de respectabilité, je nai pas lâge suffisamment avancé pour quon ne guette mes réactions à certains propos ou actes. Jai jusque là pris sur moi de ne pas réagir bêtement, mais jai parfois été à deux doigts de me faire remarquer. Oui oh ça va, le limousin, hein.
Si je ne regrette aucunement le choix de mon nouvel homme de main, et Aristote sait que je ne peux lui reprocher les fois où il nous a orientés sur le mauvais chemin, les routes étant si mal indiquées dans ces régions barbares (en même temps je doute quil sache lire correctement), jai néanmoins quelques difficultés à communiquer avec lui. Tout dabord, mon nouveau statut me force à méloigner de lui un minimum, après tout je suis vicomtesse, nest-ce pas, nallons pas partager la même cuiller dans le ragout. Surtout que je naime que le ragout avec du foie gras dedans. Mais ne nous éloignons pas du sujet. Non, ce qui me gêne le plus est son manque criant de Vous savez quoi Si. Si, vous savez, Anatole, ne faites pas lidiot je vous ai entendu faire la réflexion. Voilà. Oui. Il présente la caractéristique de ne pas enfin pas beaucoup En même temps je me demande comment il fait avec ce froid Est-ce quil OUI DEUX SECONDES JE CHERCHE MES MOTS. Bref. Il est peu vêtu, voilà. A vrai dire, je pensais que sa tenue en taverne était un charmant débraillé-chic-ethnique, mais plus le temps passe et plus je me rends compte quil na apparemment pas dautres tenues et que celle-ci sabîme de plus en plus. Surtout au contact de la selle, voyez-vous. Non pas que je regarde cet endroit de son anatomie, juste ciel, non ! Mais enfin, des fois, voyez-vous, quand il se soulève pour regarder la route, je ne peux pas ne pas remarquer Oh et je vous ai déjà entendu faire une remarque à ce sujet, Anatole, alors ça va les messes basses hein. Parfaitement ! Je vous ai entendu ! Cest même de votre faute si jai regardé la première fois ! Vous avez dit « ah et puis en plus il nous montre ses fesses, cest charmant, il ne manquait que ça dans ce paysage idyllique ». Alors ben moi, évidemment, jai passé la tête par la fenêtre pour reg pour vous demander ce quil se passait. Donc tout est de votre faute en fait. En tous cas je ne sais que faire. Je le regarde tous les jours et je cherche une solution. Non enfin pas tous les jours pour ça hein. Mais non ! Si jai pris froid cest parce que le carrosse est très mal chauffé ! Quoiquil en soit je ne sais comment agir. Dois-je lignorer ? Mais la vue de son postérieur parfois à lair pourrait mêtre attribuée, avec largument que je ne le paye pas assez pour une tenue correcte. De fait, je ne le paye pas encore, jattends de voir combien de temps il va mettre à me demander, on a fait un pari avec Orka. Dois-je lui acheter de nouvelles braies ? Ne serait-ce pas outrepasser mes fonctions ? Certes, je pourrais dire que cela serait sa tenue de travail, et les choisir roses à souhait, mais allez savoir pourquoi les hommes ont autant de problèmes avec les garde robes futuristes. Dois-je aller lui parler et glisser dans la conversation que les promotions en ville sont telles que de nouvelles braies sont accessibles au prix de bas ? Que faire ? Pourquoi la vie et les relations avec les employés sont-elles si compliquées ? Quai-je fait pour mériter ça ?
Et pourquoi Gourry ne nous rejoint-il pas à Blois ? Son essence de poney devrait le prévenir de notre présence et le faire accourir, or voilà des jours que nous attendons à la frontière, et que nul ne le voit.
Que faire ? Attaquer par surprise ? Envoyer des espions ? Je ne sais que faire. Je suis si démunie, si faible. Oh, vous entendez Anatole ? Les cloches ! Les échoppes vont ouvrir, viiite, dépêchez-vous ! Orkaaaaa !
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Avouons-le de suite, la tâche nétait pas aisée. Même si personne ne poursuivait particulièrement les poneys, ni même ne les avait menacés, le sentiment dinsécurité, voire de paranoïa, était à son paroxysme dans la petite troupe (au point quelle avait fini par réussir à prononcer le mot, ne restait quà savoir quand lemployer).
A peine les forces ponantaises et royalistes allaient-elles apprendre que les poneys montaient leur propre armée, vêtue de paillettes et chevauchant des poneys tressés en poussant des cris stridents, quassurément la trêve serait rompue, que les catapultes se déchaineraient et que les emplacements de cimetières doubleraient leurs tarifs.
Il convenait donc de se déplacer furtivement et de concevoir une stratégie poussée. Immobilité de la pierre. Sagesse du hérisson. Crédibilité du comptable. Charisme du bijoutier.
- NAN MAIS JAI FROIIIID LAAAAA ! Remettez une bûche nom de moi, comment voulez-vous que jécrive mes mémoires dans un froid polaire ? Si ça continue je réquisitionne un hôtel moi, je vous préviens hein ! Je suis poney, jen suis capable !
Cher journal,
Nous entamons notre 17ème jour de surveillance des frontières. Pour linstant, personne ne nous a repérés. Non, Anatole, ce nest pas parce quon sest précipitées sur le marché pour nous fournir en boules de neige quon a été repérées, enfin. On a été discrètes. Et concentrez-vous, vous nécrivez pas droit. ET JE PARLE A LA VITESSE QUE JE VEUX.
Je disais donc, avant quun sombre limousin ne minterrompe, que nous nous sommes habilement fondus dans le paysage.
Durant tout le voyage, nous nous sommes fait passer pour des vendeurs ambulants, et même si les gens semblaient trouver bizarre que nous nacceptions pas de céder de nos marchandises, et encore moins nos tonneaux, au final je pense que nous avons trompé lennemi en beauté. Et ils peuvent bien dire ce quils veulent mais mes gants pailletés dorés valaient au moins 200 écus, ce nest pas ma faute sils étaient trop radins. (en même temps, ça fait cher léloigne-moineaux à accrocher dans les arbres fruitiers). JE VOUS AI LU ANATOLE ! Je vous préviens cest mon journal, cest moi qui mexprime, la postérité na que faire de vos remarques désobligeantes et inintéressantes. Pour linstant nous devons témoigner de notre furtivité. Qui fut exemplaire. Gnagnagna sauf la fois où, certes, mais sinon, bon, on ne compte pas la fois à la ferme, ça nintéressera personne alors concentrons-nous sur la technique.
Afin de ne pas éveiller les soupçons, jai même pris sur moi de ne pas répondre à la lettre du douanier comme je le fais à mon habitude. Je le regrette profondément, jaime tant nouer de franches amitiés avec ces êtres dénués de cerveau à défaut dinformations.
Orka a eu le bon goût de ne pas trop réveiller son gueux dépoux pendant le voyage ce qui nous a permis de deviser gaiement à notre habitude, et aussi de nous arrêter faire les soldes dans les boutiques proches. Oui, Anatole, Paris nétait pas un si loooong détour que ça, et mince quoi, on nallait pas rater les ventes privées chat nelle non plus, quoi. Cest la guerre mais on a le droit de la faire en houppelande à motifs, élevons le niveau un peu.
Maintenant que je me prends à parler vêtements, il me faut évoquer un point que ma conscience mavait jusque là ordonné de taire. Mais je dois à mes mémoires un minimum dhonnêteté et QUAND VOUS AUREZ CESSE DE POUFFER BETEMENT VOUS ME FEREZ SIGNE, et, disais-je, un chef de guerre se doit dêtre honnête et de présenter ses failles à ses lecteurs, du moment quils ne les lisent que des siècles après. Et que ce ne soit pas trop ridicule. Pis de toute façon je dis ce que je veux.
Bon, je me lance. Anatole, bouchez-vous les oreilles, cest intime. Voilà, donc débouchez-vous les oreilles suffisamment pour pouvoir mentendre dicter, je ne vais quand même pas tout faire moi-même, non plus, je vous signale que jai froid à rester assise, tout le monde na pas la chance davoir quelque chose à faire comme vous.
Même si ma condition de veuve me donne un certain statut de respectabilité, je nai pas lâge suffisamment avancé pour quon ne guette mes réactions à certains propos ou actes. Jai jusque là pris sur moi de ne pas réagir bêtement, mais jai parfois été à deux doigts de me faire remarquer. Oui oh ça va, le limousin, hein.
Si je ne regrette aucunement le choix de mon nouvel homme de main, et Aristote sait que je ne peux lui reprocher les fois où il nous a orientés sur le mauvais chemin, les routes étant si mal indiquées dans ces régions barbares (en même temps je doute quil sache lire correctement), jai néanmoins quelques difficultés à communiquer avec lui. Tout dabord, mon nouveau statut me force à méloigner de lui un minimum, après tout je suis vicomtesse, nest-ce pas, nallons pas partager la même cuiller dans le ragout. Surtout que je naime que le ragout avec du foie gras dedans. Mais ne nous éloignons pas du sujet. Non, ce qui me gêne le plus est son manque criant de Vous savez quoi Si. Si, vous savez, Anatole, ne faites pas lidiot je vous ai entendu faire la réflexion. Voilà. Oui. Il présente la caractéristique de ne pas enfin pas beaucoup En même temps je me demande comment il fait avec ce froid Est-ce quil OUI DEUX SECONDES JE CHERCHE MES MOTS. Bref. Il est peu vêtu, voilà. A vrai dire, je pensais que sa tenue en taverne était un charmant débraillé-chic-ethnique, mais plus le temps passe et plus je me rends compte quil na apparemment pas dautres tenues et que celle-ci sabîme de plus en plus. Surtout au contact de la selle, voyez-vous. Non pas que je regarde cet endroit de son anatomie, juste ciel, non ! Mais enfin, des fois, voyez-vous, quand il se soulève pour regarder la route, je ne peux pas ne pas remarquer Oh et je vous ai déjà entendu faire une remarque à ce sujet, Anatole, alors ça va les messes basses hein. Parfaitement ! Je vous ai entendu ! Cest même de votre faute si jai regardé la première fois ! Vous avez dit « ah et puis en plus il nous montre ses fesses, cest charmant, il ne manquait que ça dans ce paysage idyllique ». Alors ben moi, évidemment, jai passé la tête par la fenêtre pour reg pour vous demander ce quil se passait. Donc tout est de votre faute en fait. En tous cas je ne sais que faire. Je le regarde tous les jours et je cherche une solution. Non enfin pas tous les jours pour ça hein. Mais non ! Si jai pris froid cest parce que le carrosse est très mal chauffé ! Quoiquil en soit je ne sais comment agir. Dois-je lignorer ? Mais la vue de son postérieur parfois à lair pourrait mêtre attribuée, avec largument que je ne le paye pas assez pour une tenue correcte. De fait, je ne le paye pas encore, jattends de voir combien de temps il va mettre à me demander, on a fait un pari avec Orka. Dois-je lui acheter de nouvelles braies ? Ne serait-ce pas outrepasser mes fonctions ? Certes, je pourrais dire que cela serait sa tenue de travail, et les choisir roses à souhait, mais allez savoir pourquoi les hommes ont autant de problèmes avec les garde robes futuristes. Dois-je aller lui parler et glisser dans la conversation que les promotions en ville sont telles que de nouvelles braies sont accessibles au prix de bas ? Que faire ? Pourquoi la vie et les relations avec les employés sont-elles si compliquées ? Quai-je fait pour mériter ça ?
Et pourquoi Gourry ne nous rejoint-il pas à Blois ? Son essence de poney devrait le prévenir de notre présence et le faire accourir, or voilà des jours que nous attendons à la frontière, et que nul ne le voit.
Que faire ? Attaquer par surprise ? Envoyer des espions ? Je ne sais que faire. Je suis si démunie, si faible. Oh, vous entendez Anatole ? Les cloches ! Les échoppes vont ouvrir, viiite, dépêchez-vous ! Orkaaaaa !
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