Antoine_de_cosne
Antoine inspecta la gargote bourguignonne à la recherche d'un bâtiment assez grand pour abriter moults parchemins...
Son choix tomba sur une grande batisse abandonnée qu'il mit quelques jours à remettre en état, ajoutant mnombre de rayonnages...
Puis il fit appel à la populace qui trainait ses chausses par là :
Oyez braves bourguignones et bourguignons !
Un temple des belles lettres ouvert à toute personne souhaitant faire partager auteurs classiques ou contemporains est ouvert.
J'en assurerais volontiers la charge mais un ou une adjoint serait bienvenue : avis aux amateurs !
N'hésitez point à poster vos parchemins, les rayonnages sont nombreux et doivent être bien garnis...
Puis joignant le geste à la parole il y mit un précieux parchemin narrant comment le goupil Renart vola ses jambons à son compère loup Ysengrin...
Il ne passe pas longtemps
avant que Renart vienne tout doucement
dans sa maison quand il est en train de dormir;
il la découvre sous le faîte.
Par sa grande force et les assauts de tout son corps,
il en fait sortir les trois jambons à l'extérieur.
Il les emporte dans sa maison,
puis les découpe en morceaux,
et les met dans son lit, à l'intérieur de la paillasse.
Ysengrin se lève de bon matin;
il voit sa maison découverte
et constate la perte de ses trois jambons :
« Aïe !, dit-il, dame Hersent,
on s'est joué de nous outrageusement. »
Elle saute sur ses pattes comme une folle,
toute nue et décoiffée.
« Mon dieu, dit-elle, qui a fait ça ?
C'est là un dommage insensé et horrible. »
Il ne savent sur qui faire porter les soupçons,
il ne reste plus à tous deux qu'à se mettre en colère.
Quand il a fini de manger,
Renart s'en va tout joyeusement
dans leur maison pour se distraire.
Il trouve son oncle tout triste :
« Mon oncle, dit-il, qu'avez vous ?
Je vous vois pensif et irrité.
Cher neveu, dit-il, il y a bien de quoi.
Mes jambons sont perdus, tous les trois,
j'en ai le cur plein de douleur et de colère. »
Oncle, dit-il, vous devez l'annoncer maintenant.
Si vous dites le long de la rue
que vous avez perdu cette viande,
après ni parent, ni ami, ni amie
ne vous en réclamera jamais.
Cher neveu, fait-il, je te le dis pour de vrai,
je les ai perdus, et ça me pèse. »
Renart répond : « Je n'ai rien entendu de tel avant,
celui qui se plaint mais n'a pas du tout mal.
Je sais bien que vous les avez mis en lieu sûr
par crainte de vos parents et amis.
Dis donc, fait-il, tu te moques ?
Par la foi que tu dois à l'âme de ton père,
tu ne crois donc pas ce que je dis ?
Racontez quand même, dit Renart, continuez ainsi.
Renart, lui dit dame Hersent,
Je pense que vous n'êtes pas sensé;
si on ne les avait pas perdus,
jamais on n'en refuserait, fût-ce à un moine.
Dame, dit-il, je le sais bien
que vous avez beaucoup de malice et de ruse.
D'ailleurs, tellement il y a perte,
vous avez même découvert votre maison,
dites maintenant qu'ils sont sortis par là.
Par Dieu, Renart, les faits sont ainsi. »
Renart répond : « C'est ce que vous devez dire.
Renart, je n'ai pas envie de rire;
ça me pèse qu'ils soient perdus,
nous avons eu là un grand dommage. »
Là-dessus Renart s'en va joyeux,
et eux restent là à se plaindre.
Ce fut un des exploits de jeunesse de Renart.
Depuis, il a tant appris en ruse et en malice,
qu'il a causé par la suite bien des ennuis,
et à son oncle et à autrui.
Les exploits de jeunesse de Renart
(texte original )
Ne demora mie granment
Que Renart vint tot coiement
En sa meson quant il dormi,
Sus el feste la descovri
Par tel vertu assaut ses cors,
Les trois bacons en gita fors;
En sa meson les enporta,
Et par pieces les despeça,
En son lit les mist en l'estrain.
Ysengrin est levez bien main,
Il vit sa meson descoverte
Et de ses troi bacons la perte :
Ahi ! dist il, dame Hersent,
Conchïé sonmes laidement.
Ele saut sus conme desvee
Toute nue et eschevelee;
Diex, dist ele, qui a ce fait ?
Ci a estout, donmage et lait.
Ne le sevent sor qui souchier,
N'a entre eus deus que coroucier.
Conme ce vint aprés mengier,
Renart s'en vint esbanoier
En la meson mout lieement,
Son oncle trove mout dolent.
Oncle, dist il, que avez vos ?
Pensis vos voi et corouços.
Biau niez, dist il, bien sai de qoi,
Perdu sont mi bacon tuit troi,
S'en ai au cuer dolor et ire.
Oncle, dist il, or devez dire,
Se vos dites a val la rue,
Que cele char aiez perdue,
Puis ne vos en rovera mie
Parent ne ami ne amie.
Biax niez, fet il, por voir te di,
Perdu les ai, ce poise mi.
Renart respont, ainz n'oï tal,
Tiex se plaint n'a mie de mal.
Bien sai qu'en sauf les avez mis
Por voz parenz, por voz amis.
Di va, fet il, es tu gabierre ?
Foi que tu doiz l'ame ton pere,
Et ne croiz tu ce que je di ?
Tout tens dites, dist Renart, si.
Renart, ce dist dame Hersens,
Je cuit vos estes fors du sens;
Se nos nes eüssons perduz,
Ja escondit n'en fust renduz.
Dame, dist il, je le sai bien
Que mout savez d'art et d'engien;
Nequedent tant i a de perte,
Vo maison avez descoverte,
Or dites par la en sont tret.
Par Dieu, Renart, si sont il fet.
Renart respont, ce devez dire.
Renart, n'en ai talent de rire;
Ce poise moi qu'il sont perdu,
Grant donmage i avon eü.
Atant s'en va Renart joianz,
Et cil remestrent tuit dolenz.
Ce fu des enfances Renart.
Tant aprist puis d'engin et d'art,
Que il en fist puis maint anui
Et a son oncle et a autrui.
Les enfances Renart (1)
TEXTE ANONYME
Hrp : les textes "contemporains" doivent l'être aux XV° siècle...pas au XX° ou XXI°[/b]
Son choix tomba sur une grande batisse abandonnée qu'il mit quelques jours à remettre en état, ajoutant mnombre de rayonnages...
Puis il fit appel à la populace qui trainait ses chausses par là :
Oyez braves bourguignones et bourguignons !
Un temple des belles lettres ouvert à toute personne souhaitant faire partager auteurs classiques ou contemporains est ouvert.
J'en assurerais volontiers la charge mais un ou une adjoint serait bienvenue : avis aux amateurs !
N'hésitez point à poster vos parchemins, les rayonnages sont nombreux et doivent être bien garnis...
Puis joignant le geste à la parole il y mit un précieux parchemin narrant comment le goupil Renart vola ses jambons à son compère loup Ysengrin...
Il ne passe pas longtemps
avant que Renart vienne tout doucement
dans sa maison quand il est en train de dormir;
il la découvre sous le faîte.
Par sa grande force et les assauts de tout son corps,
il en fait sortir les trois jambons à l'extérieur.
Il les emporte dans sa maison,
puis les découpe en morceaux,
et les met dans son lit, à l'intérieur de la paillasse.
Ysengrin se lève de bon matin;
il voit sa maison découverte
et constate la perte de ses trois jambons :
« Aïe !, dit-il, dame Hersent,
on s'est joué de nous outrageusement. »
Elle saute sur ses pattes comme une folle,
toute nue et décoiffée.
« Mon dieu, dit-elle, qui a fait ça ?
C'est là un dommage insensé et horrible. »
Il ne savent sur qui faire porter les soupçons,
il ne reste plus à tous deux qu'à se mettre en colère.
Quand il a fini de manger,
Renart s'en va tout joyeusement
dans leur maison pour se distraire.
Il trouve son oncle tout triste :
« Mon oncle, dit-il, qu'avez vous ?
Je vous vois pensif et irrité.
Cher neveu, dit-il, il y a bien de quoi.
Mes jambons sont perdus, tous les trois,
j'en ai le cur plein de douleur et de colère. »
Oncle, dit-il, vous devez l'annoncer maintenant.
Si vous dites le long de la rue
que vous avez perdu cette viande,
après ni parent, ni ami, ni amie
ne vous en réclamera jamais.
Cher neveu, fait-il, je te le dis pour de vrai,
je les ai perdus, et ça me pèse. »
Renart répond : « Je n'ai rien entendu de tel avant,
celui qui se plaint mais n'a pas du tout mal.
Je sais bien que vous les avez mis en lieu sûr
par crainte de vos parents et amis.
Dis donc, fait-il, tu te moques ?
Par la foi que tu dois à l'âme de ton père,
tu ne crois donc pas ce que je dis ?
Racontez quand même, dit Renart, continuez ainsi.
Renart, lui dit dame Hersent,
Je pense que vous n'êtes pas sensé;
si on ne les avait pas perdus,
jamais on n'en refuserait, fût-ce à un moine.
Dame, dit-il, je le sais bien
que vous avez beaucoup de malice et de ruse.
D'ailleurs, tellement il y a perte,
vous avez même découvert votre maison,
dites maintenant qu'ils sont sortis par là.
Par Dieu, Renart, les faits sont ainsi. »
Renart répond : « C'est ce que vous devez dire.
Renart, je n'ai pas envie de rire;
ça me pèse qu'ils soient perdus,
nous avons eu là un grand dommage. »
Là-dessus Renart s'en va joyeux,
et eux restent là à se plaindre.
Ce fut un des exploits de jeunesse de Renart.
Depuis, il a tant appris en ruse et en malice,
qu'il a causé par la suite bien des ennuis,
et à son oncle et à autrui.
Les exploits de jeunesse de Renart
(texte original )
Ne demora mie granment
Que Renart vint tot coiement
En sa meson quant il dormi,
Sus el feste la descovri
Par tel vertu assaut ses cors,
Les trois bacons en gita fors;
En sa meson les enporta,
Et par pieces les despeça,
En son lit les mist en l'estrain.
Ysengrin est levez bien main,
Il vit sa meson descoverte
Et de ses troi bacons la perte :
Ahi ! dist il, dame Hersent,
Conchïé sonmes laidement.
Ele saut sus conme desvee
Toute nue et eschevelee;
Diex, dist ele, qui a ce fait ?
Ci a estout, donmage et lait.
Ne le sevent sor qui souchier,
N'a entre eus deus que coroucier.
Conme ce vint aprés mengier,
Renart s'en vint esbanoier
En la meson mout lieement,
Son oncle trove mout dolent.
Oncle, dist il, que avez vos ?
Pensis vos voi et corouços.
Biau niez, dist il, bien sai de qoi,
Perdu sont mi bacon tuit troi,
S'en ai au cuer dolor et ire.
Oncle, dist il, or devez dire,
Se vos dites a val la rue,
Que cele char aiez perdue,
Puis ne vos en rovera mie
Parent ne ami ne amie.
Biax niez, fet il, por voir te di,
Perdu les ai, ce poise mi.
Renart respont, ainz n'oï tal,
Tiex se plaint n'a mie de mal.
Bien sai qu'en sauf les avez mis
Por voz parenz, por voz amis.
Di va, fet il, es tu gabierre ?
Foi que tu doiz l'ame ton pere,
Et ne croiz tu ce que je di ?
Tout tens dites, dist Renart, si.
Renart, ce dist dame Hersens,
Je cuit vos estes fors du sens;
Se nos nes eüssons perduz,
Ja escondit n'en fust renduz.
Dame, dist il, je le sai bien
Que mout savez d'art et d'engien;
Nequedent tant i a de perte,
Vo maison avez descoverte,
Or dites par la en sont tret.
Par Dieu, Renart, si sont il fet.
Renart respont, ce devez dire.
Renart, n'en ai talent de rire;
Ce poise moi qu'il sont perdu,
Grant donmage i avon eü.
Atant s'en va Renart joianz,
Et cil remestrent tuit dolenz.
Ce fu des enfances Renart.
Tant aprist puis d'engin et d'art,
Que il en fist puis maint anui
Et a son oncle et a autrui.
Les enfances Renart (1)
TEXTE ANONYME
Hrp : les textes "contemporains" doivent l'être aux XV° siècle...pas au XX° ou XXI°[/b]