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[RP] La Grande bibliothèque de Bourgogne !

Antoine_de_cosne
Antoine inspecta la gargote bourguignonne à la recherche d'un bâtiment assez grand pour abriter moults parchemins...

Son choix tomba sur une grande batisse abandonnée qu'il mit quelques jours à remettre en état, ajoutant mnombre de rayonnages...



Puis il fit appel à la populace qui trainait ses chausses par là :

Oyez braves bourguignones et bourguignons !

Un temple des belles lettres ouvert à toute personne souhaitant faire partager auteurs classiques ou contemporains est ouvert.
J'en assurerais volontiers la charge mais un ou une adjoint serait bienvenue : avis aux amateurs !

N'hésitez point à poster vos parchemins, les rayonnages sont nombreux et doivent être bien garnis...


Puis joignant le geste à la parole il y mit un précieux parchemin narrant comment le goupil Renart vola ses jambons à son compère loup Ysengrin...




Il ne passe pas longtemps
avant que Renart vienne tout doucement
dans sa maison quand il est en train de dormir;
il la découvre sous le faîte.
Par sa grande force et les assauts de tout son corps,
il en fait sortir les trois jambons à l'extérieur.
Il les emporte dans sa maison,
puis les découpe en morceaux,
et les met dans son lit, à l'intérieur de la paillasse.
Ysengrin se lève de bon matin;
il voit sa maison découverte
et constate la perte de ses trois jambons :
« Aïe !, dit-il, dame Hersent,
on s'est joué de nous outrageusement. »
Elle saute sur ses pattes comme une folle,
toute nue et décoiffée.
« Mon dieu, dit-elle, qui a fait ça ?
C'est là un dommage insensé et horrible. »
Il ne savent sur qui faire porter les soupçons,
il ne reste plus à tous deux qu'à se mettre en colère.
Quand il a fini de manger,
Renart s'en va tout joyeusement
dans leur maison pour se distraire.
Il trouve son oncle tout triste :
« Mon oncle, dit-il, qu'avez vous ?
Je vous vois pensif et irrité.
— Cher neveu, dit-il, il y a bien de quoi.
Mes jambons sont perdus, tous les trois,
j'en ai le cœur plein de douleur et de colère. »
— Oncle, dit-il, vous devez l'annoncer maintenant.
Si vous dites le long de la rue
que vous avez perdu cette viande,
après ni parent, ni ami, ni amie
ne vous en réclamera jamais.
— Cher neveu, fait-il, je te le dis pour de vrai,
je les ai perdus, et ça me pèse. »
Renart répond : « Je n'ai rien entendu de tel avant,
celui qui se plaint mais n'a pas du tout mal.
Je sais bien que vous les avez mis en lieu sûr
par crainte de vos parents et amis.
— Dis donc, fait-il, tu te moques ?
Par la foi que tu dois à l'âme de ton père,
tu ne crois donc pas ce que je dis ?
— Racontez quand même, dit Renart, continuez ainsi.
— Renart, lui dit dame Hersent,
Je pense que vous n'êtes pas sensé;
si on ne les avait pas perdus,
jamais on n'en refuserait, fût-ce à un moine.
— Dame, dit-il, je le sais bien
que vous avez beaucoup de malice et de ruse.
D'ailleurs, tellement il y a perte,
vous avez même découvert votre maison,
dites maintenant qu'ils sont sortis par là.
— Par Dieu, Renart, les faits sont ainsi. »
Renart répond : « C'est ce que vous devez dire.
— Renart, je n'ai pas envie de rire;
ça me pèse qu'ils soient perdus,
nous avons eu là un grand dommage. »
Là-dessus Renart s'en va joyeux,
et eux restent là à se plaindre.
Ce fut un des exploits de jeunesse de Renart.
Depuis, il a tant appris en ruse et en malice,
qu'il a causé par la suite bien des ennuis,
et à son oncle et à autrui.

Les exploits de jeunesse de Renart

(texte original )

Ne demora mie granment
Que Renart vint tot coiement
En sa meson quant il dormi,
Sus el feste la descovri
Par tel vertu assaut ses cors,
Les trois bacons en gita fors;
En sa meson les enporta,
Et par pieces les despeça,
En son lit les mist en l'estrain.
Ysengrin est levez bien main,
Il vit sa meson descoverte
Et de ses troi bacons la perte :
Ahi ! dist il, dame Hersent,
Conchïé sonmes laidement.
Ele saut sus conme desvee
Toute nue et eschevelee;
Diex, dist ele, qui a ce fait ?
Ci a estout, donmage et lait.
Ne le sevent sor qui souchier,
N'a entre eus deus que coroucier.
Conme ce vint aprés mengier,
Renart s'en vint esbanoier
En la meson mout lieement,
Son oncle trove mout dolent.
Oncle, dist il, que avez vos ?
Pensis vos voi et corouços.
Biau niez, dist il, bien sai de qoi,
Perdu sont mi bacon tuit troi,
S'en ai au cuer dolor et ire.
Oncle, dist il, or devez dire,
Se vos dites a val la rue,
Que cele char aiez perdue,
Puis ne vos en rovera mie
Parent ne ami ne amie.
Biax niez, fet il, por voir te di,
Perdu les ai, ce poise mi.
Renart respont, ainz n'oï tal,
Tiex se plaint n'a mie de mal.
Bien sai qu'en sauf les avez mis
Por voz parenz, por voz amis.
Di va, fet il, es tu gabierre ?
Foi que tu doiz l'ame ton pere,
Et ne croiz tu ce que je di ?
Tout tens dites, dist Renart, si.
Renart, ce dist dame Hersens,
Je cuit vos estes fors du sens;
Se nos nes eüssons perduz,
Ja escondit n'en fust renduz.
Dame, dist il, je le sai bien
Que mout savez d'art et d'engien;
Nequedent tant i a de perte,
Vo maison avez descoverte,
Or dites par la en sont tret.
Par Dieu, Renart, si sont il fet.
Renart respont, ce devez dire.
Renart, n'en ai talent de rire;
Ce poise moi qu'il sont perdu,
Grant donmage i avon eü.
Atant s'en va Renart joianz,
Et cil remestrent tuit dolenz.
Ce fu des enfances Renart.
Tant aprist puis d'engin et d'art,
Que il en fist puis maint anui
Et a son oncle et a autrui.

Les enfances Renart (1)


TEXTE ANONYME

Hrp : les textes "contemporains" doivent l'être aux XV° siècle...pas au XX° ou XXI°[/b]
Antoine_de_cosne
Antoine jeta un coup d'oeil à la bibliothèque...
Le parchemin avait été légèrement déplacé... du monde était donc venu le lire : c'était un début !

Il lui fallait cependant un peu de participation... celà viendrait !

Il réfléchit un instant et se dit que la suite des aventures de Renart le fameux et rusé goupil attendrait un peu....
Un beau poème aujourd'hui... pourquoi ne point metttre la fort belle "Ballade de s'amie bien belle " de Clément Marot ?
Le texte en était fort beau, jugez plutôt :




Ballade de s'amie bien belle

Amour, me voyant sans tristesse
Et de le servir dégoûté,
M'a dit que fisse une maîtresse,
Et qu'il serait de mon côté.
Après l'avoir bien écouté,
J'en ai fait une à ma plaisance
Et ne me suis point mécompté :
C'est bien la plus belle de France.

Elle a un oeil riant, qui blesse
Mon coeur tout plein de loyauté,
Et parmi sa haute noblesse
Mêle une douce privauté.
Grand mal serait si cruauté
Faisait en elle demeurance ;
Car, quant à parler de beauté,
C'est bien la plus belle de France.

De fuir son amour qui m'oppresse
Je n'ai pouvoir ni volonté,
Arrêté suis en cette presse
Comme l'arbre en terre planté.
S'ébahit-on si j'ai plenté*
De peine, tourment et souffrance ?
Pour moins on est bien tourmenté
C'est bien la plus belle de France.

ENVOI

Prince d'amours, par ta bonté
Si d'elle j'avais jouissance,
Onc homme ne fut mieux monté
C'est bien la plus belle de France.


(*) quantité

_________________
Antoine_de_cosne
Comme tous les matins, Antoine vint, un précieux parchemin sous le bras.

Il s'agissait aujourd'hui de l' "Eloge des femmes" du grand Bourguignon qu'était ]Claude Bouton, qu'il affectionnait particulièrement...




Éloge des femmes

Nous disons que nous sommes saiges
Et que les femmes sont fragiles ;
Mais Dieu qui connoist nos couraiges
Nous voyt de vertus fort debiles,
Et en tous vices bien abiles
Et nous peuvent femmes reprendre
Mieulx que ne les sarions apprendre.

Les femmes sont moult a priser
Plus que les hommes sans doubtance :
Sans vouloir nully mespriser,
Et pour en donner cognoissance,
En nous apert trop d'inconstance,
Et ne sont nos vertus egales
A leurs sept vertus cardinales.

Premier parlons d'humilité :
Contre le grand peché d'orgueil
Elles ont doulceur et pité
En maintien, en cueur et en oeuil,
Et devant chascun dire veuil
Qu'en elles n'est jamais fierté
Que pour garder leur chasteté.

Contre le péché d'avarice
Nous fault parler de leur largesse ;
Pour rebouter ce maulvais vice
Elles font souvent dire messe,
Et donnent aulmosnes sans cesse
Et chandelles et offerende,
Voyre sans ce qu'on leur demande.

Elles ont l'art et la science
A l'encontre du peché d'ire,
Pour prendre tout en pacience,
Leurs maulx, leurs mechiefs, leur martyre
Qu'est plus grant qu'on ne saroit dire :
Tout est pourté paciemment,
Dont je m'esbahis bien comment.

Amour et toute charité
Contre les faulx pechés d'envies
Elles ont en grant loyauté,
Plaines de toutes courtoisies ;
Et si sont de chescung amies,
En gardant toute honnesteté
Plus que nous sans desloyaulté.

Contre le péché de paresse
Bien peu de femmes sont oiseuses,
Mais sont diligentes sans cesse,
De tout bien faire curieuses,
Et de toutes vertus soigneuses,
Ayant vertu de diligence
Contre vice de negligence.

Contre vice de gloutonnie
Femmes sont pleines de sobresse,
D'abstinance et de junerie
Dont fort fait a louer leur sesse*,
Car peu ou nulle n'est yvresse :
Yvres ne sont comme nous sommes,
Mais que ne desplaise a nous hommes.

Contre le péché de luxure
Chasteté est d'elles gardee
Avecq honneur qui tousjours dure,
Loyer et bonne renommee,
Soit josne fille ou mariée
Pour une trouvee aux bordeaux,
Homme y vont a grans tropeaulx.

Les aeuvres de misericorde
Par elles sont paracomplies,
Amant paix, amour et concorde,
De grant devotion garnies,
Sans laisser vespres ne complies,
Oraisons, n'oublier leurs Heures,
Mais les dient a toutes heures.

Elles ne jurent ne renient,
Ne bourdent comme nous bourdons,
Souvent ou toujours le voir** dient,
Sans mentir comme nous mentons ;
Plus de vertus que nous n'avons
Et mains*** de vices que nous, hommes,
Je m'en raporte aux bons preudhommes.


(*) sexe
(**) la vérité
(***) moins
[/rp[url][/url]
_________________
Antoine_de_cosne
Antoine ne résista point non plus à apporter une fort Cosnoine histoire !

Celle de "Renart vole les anguilles" qui auraient pu être péchés dans le lac à l'occasion du Concours de pêche de Cosne dont il avait la charge !






Traduction :

Sur ces mots ils prennent les devants
ils le chargent dans la charrette,
puis se mettent en route.
L'un et l'autre s'en font une grande joie,
ils se disent déjà ce qu'ils feront de lui,
et que ce soir dans leur maison
ils lui retourneront le paletot.
Ce ne sont là que des bavardages
et cela fait sourire Renart,
car il y a loin entre le dire et le faire.
Il se couche à plat ventre sur les paniers;
puis en ouvre un avec ses dents,
et, sachez le bien, il en retire
plus de trente harengs.
Il vide presque le panier
car il les mange très volontiers.
Il ne réclame ni sel ni sauge,
et plutôt que de s'en aller
il va jeter son hameçon ailleurs,
sans la moindre hésitation.
Il s'attaque à l'autre panier,
il y met son museau, et ne manque pas
d'en extraire des anguilles.
Renart qui connait tant de tours,
met trois chapelets autour de son cou.
Pour ce faire, Renart ne fait pas le sot :
il passe son cou et sa tête au travers
des chapelets, et les arrange
sur son dos pour qu'il soit bien couvert.
Désormais il peut abandonner l'entreprise.
Il lui faut maintenant chercher un moyen
pour redescendre à terre.
Il ne trouve ni planche ni marchepied.
Il s'agenouille tout exprès
pour examiner à son gré
comment il peut sauter par terre.
Alors il s'avance un petit peu
et se lance les pattes en avant
de la charrette sur le milieu du chemin.
Il emporte son butin autour de son cou.

Comment Renart mangea le poisson des charretiers

Texte original :

A cest mot se sont avancié,
En la charete l'ont chargié,
Et puis se sont mis a la voie.
Li un a l'autre en font grant joie
Et dient ja n'en feront el,
Mes enquenuit a lor ostel
Li reverseront la gonnele.
Or ont il auques la favele,
Mes Renart n'en fet que sourire,
Que mout a entre fere et dire.
Sor les paniers se gist adenz
Si en a un overt as denz,
Et si en a, bien le sachiez,
Plus de trente harenz sachiez.
Auques fu vuidiez li paniers,
Qu'il en menja mout volentiers.
Onques n'i quist ne sel ne sauge,
Encor ançois que il s'en auge
Getera il son ameçon,
Il n'en ert mie en soupeçon.
L'autre panier a asailli,
Son groing i mist, n'a pas failli
Qu'il n'en traisist fors des anguilles.
Renart qui sot de tantes guiles,
Troi hardiaus mist entor son col.
De ce ne fist il pas que fol :
Son col et sa teste passe outre,
Les hardeillons mout bien acoutre
Desor son dos que bien s'en covre :
Des or puet il bien lessier ovre.
Or li estuet enging porquerre
Conment il vendra jus a terre.
N'i trove planche ne degré.
Agenoilliez s'est tot de gré
Por esgarder a son plaisir
Conment il puisse jus saillir.
Lors s'est un petit avanciez,
Des piez devant s'estoit lanciez
De la charete en mi la voie,
Entor son col porte sa proie.


Si conme Renart manja le poisson aus charretiers

TEXTE ANONYME COMME L'ENSEMBLE DU ROMAN DE RENART....
Antoine_de_cosne
Antoine cherchait toujours d'autres contibuteurs à la bibliothèque ...
Il arriva cependant comme chaque matin avec un parchemin qu'il classa à la lettre "V", comme François Villon.

Chers amis bourguignons, oyez ce beau poème" d'un autre célèbre poète -et quelque peu brigand ce qui lui vaudra sant doute d'être pendu quelque jour prochain- bourguignon François Villon !

Il s'agit aujourd'hui de la fort belle "Ballade des dames du temps jadis"

vous pouvez également l'entendre mise en musique par un fort talentueux barde !




Ballade des Dames du temps jadis

Dites-moi où, n'en quel pays,
Est Flora la belle Romaine,
Archipiades, ne Thaïs,
Qui fut sa cousine germaine,
Echo, parlant quant bruit on mène
Dessus rivière ou sur étang,
Qui beauté eut trop plus qu'humaine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?

Où est la très sage Héloïs,
Pour qui fut châtré et puis moine
Pierre Esbaillart à Saint-Denis ?
Pour son amour eut cette essoine.
Semblablement, où est la roine
Qui commanda que Buridan
Fût jeté en un sac en Seine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?

La roine Blanche comme un lis
Qui chantait à voix de sirène,
Berthe au grand pied, Bietrix, Aliz,
Haramburgis qui tint le Maine,
Et Jeanne, la bonne Lorraine
Qu'Anglais brûlèrent à Rouen ;
Où sont-ils, où, Vierge souvraine ?
Mais où sont les neiges d'antan ?

Prince, n'enquerrez de semaine
Où elles sont, ni de cet an,
Que ce refrain ne vous remaine :
Mais où sont les neiges d'antan ?

_________________
Antoine_de_cosne
Antoine tout frétllant de joie, avait trouvé dans les rues un beau troubadour à la longue chevelure argenté et qui fort lettré interprétait fort bien les poètes !

Une bénédiction que cet homme !
Il le convia derechef à la bibliothèque, lui demandant de faire profiter de son talent l'ensemble des bourguignons !

Que nous interprêterez-vous beau troubadour ?

La ballade des pendus de François Villon ? ?

Le choix est judicieux et j'en ai justement le parchemin ici :




L'Épitaphe de Villon ou " Ballade des pendus "

Frères humains, qui après nous vivez,
N'ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :
Quant à la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Se frères vous clamons, pas n'en devez
Avoir dédain, quoique fûmes occis
Par justice. Toutefois, vous savez
Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis.
Excusez-nous, puisque sommes transis,
Envers le fils de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l'infernale foudre.
Nous sommes morts, âme ne nous harie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

La pluie nous a débués et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis.
Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps nous ne sommes assis
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre.
Ne soyez donc de notre confrérie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Prince Jésus, qui sur tous a maistrie,
Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie :
A lui n'ayons que faire ne que soudre.
Hommes, ici n'a point de moquerie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !


|[HRP ] Cette oeuvre a été composée par François Villon, en grande partie en tant que membre d'une confrérie de brigands, sans doutes d'anciens mercenaires de la Guerre de cent ans, qui sévit en Bourgogne à partir de 1435 : La Coquille.[/HRP]
_________________
Antoine_de_cosne
Et sur sa lancée, le vieux troubadour entonna Pauvre Ruteboeuf", du poète du même nom !



Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si pres tenus
Et tant aimes
Ils ont ete trop clairsemes
Je crois le vent les a otes
L'amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta

Avec le temps qu'arbres defeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n'aille a terre
Avec pauvrete qui m'atterre
Qui de partout me fait la guerre
L'amour est morte
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis a honte
En quelle maniere

Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si pres tenus
Et tant aimes
Ils ont ete trop clairsemes
Je crois le vent les a otes
L'amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta

Pauvre sens et pauvre memoire
M'a Dieu donne le roi de gloire
Et pauvre rente
Et droit au cul quand bise vente
Le vent me vient le vent m'evente
L'amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m'etait a venir
M'est avenu
M'est avenu


_________________
Antoine_de_cosne
Le vieux ménestrel à la chevelure d'argent devait hélas reprendre la route bien qu'Antoine l'eu volontiers gardé sous la main comme aide.
S'il devait quitter la Bourgogne prochainement il eut aimé que la bibliothèque lui survive et qu'il n'eut fait que poser les premières pierres de l'édifice !
Il lui fit ses adieux et cherchant un nouveau parchemin tomba sur une petite perle de Michel d'Amboise :



Le blason de la dent

Dent, qui te montres en riant
Comme un diamant d'Orient
Dent précieuse et déliée,
Que nature a si bien liée
En celui ordre où tu reposes
Qu'on ne peut voir plus belle chose
Dent blanche comme cristal, voire
Ainsi que neige, ou blanc ivoire ;
Dent qui sens bon comme fait baume,
Dont la beauté vaut un royaume ;
Dent qui fais une bouche telle
Comme fait une perle belle
Un bien fin or bouté en aeuvre ;
Dent que souvent cache et découvre
Cette belièvre purpurine,
Tu fais le reste être divine,
Quand on te voit à découvert.
Mais, dent, quand ton pris est couvert
Le demeurant moins beau ressemble,
Car son honneur est, ce me semble,
Luisant ainsi que perle nette,
Qui reluit comme une planète,
Encore plus fort que la lune ;
En tout le monde n'en est une
Qui soit si parfaite que toi.
Je te promets quand je te vois,
Comme au premier que je te vis, je suis tout transi et ravi,
Et cuide au vrai, te regardant,
Que ce soit un soleil ardent
Qui se découvre des nuées.
De l'odeur qui belle dent rache,
Garde-toi bien qu'on ne t'arrache,
Car pour vrai qui t'arracherait,
Plusieurs et moi il fâcherait
Pourtant que l'arracheur méchant
Arracherait en t'arrachant,
La beauté de toute la face,
Qui n'a sans toi aucune grâce.

_________________
Antoine_de_cosne

Les autres PJ sont les bienvenus pour poster des textes classiques ou du XV° siècle !

Internet est bourré de ressources : il n'y a qu'à faire sont choix parmi quantité d'oeuvres...
Les rassemblements de troubadours par exemple peuvent également être organisés.

Bourguignons, faites vivre votre bibliothèque !

_________________
Antoine_de_cosne
Antoine choisit en ce jour un fort beau parchemin, de la divine Marie de Clèves, épouse du Prince de Condé et maitresse du Roy Henri III, dont les aventures laisserait probablement un jour trace dans quelque roman...





En la forest de Longue Attente

En la forest de Longue Attente
Entrée suis en une sente
Dont oster je ne puis mon cueur,
Pour quoy je vis en grant langueur,
Par Fortune qui me tourmente.

Souvent Espoir chacun contente,
Excepté moy, povre dolente,
Qui nuit et jour suis en douleur
En la forest de Longue Attente.

Ay je dont tort, se je garmente*
Plus que nulle qui soit vivante ?
Par Dieu, nannil, veu mon malheur,
Car ainsi m'aid mon Createur
Qu'il n'est peine que je ne sente
En la forest de Longue Attente.

(*) je me lamente

_________________
Fantou
Hum ! Un endroit qui ne peut que me plaire, pour mon esprit toujours curieux et amoureux des beaux ouvrages et belles lettres ! C'est ce que pensait Fantou ex-maire, aujourd'hui bien désoeuvrée. Mais là, là, elle avait de quoi se satistaire et si on le lui permettait elle allait s'en donner à coeur joie...... Pour commencer un petit texte de Clément MAROT !!!



Celle qui m'a tant pourmené


Celle qui m'a tant pourmené
A eu pitié de ma langueur :
Dedans son jardin m'a mené,
Où tous arbres sont en vigueur.
Adoncques ne usa de rigueur :
Si je la baise, elle m'accole ;
Puis m'a donné son noble coeur,
Dont il m'est avis que je vole.

Quand je vis son coeur être mien,
Je mis toute crainte dehors,
Et lui dis : " Belle, ce n'est rien,
Si entre vos bras je ne dors. "
La Dame répondit alors :
"Ne faites plus cette demande :
Il est assez maître du corps,
Qui a le coeur à sa commande."

_________________
Antoine_de_cosne
Un grand sourire illumina le visage d'Antoine.
Enfin une amoureuse des belles lettres le rejoignait !

Soyez la bienvenue en ce domaine de poèsies, de contes et chansons de gestes belle Dame !
J'aime particulièrement Clément Marot, un excellent choix !
Et moi qui ai la chance dê n'être point malheureux en amour, je vous propose du même auteur cette fort belle oeuvre également :





Du content en amours

Là me tiendrai, où à présent me tien,
Car ma maîtresse au plaisant entretien
M'aime d'un coeur tant bon et désirable
Qu'on me devrait appeler misérable,
Si mon vouloir était autre que sien.

Et fusse Hélène au gracieux maintien
Qui me vînt dire : " Ami, fais mon coeur tien ",
Je répondrais : " Point ne serai muable :
Là me tiendrai. "

Qu'un chacun donc voise chercher son bien
Quant est à moi, je me trouve très bien.
J'ai Dame belle, exquise et honorable.
Parquoi, fussé-je onze mil ans durable,
Au Dieu d'amour ne demanderai rien :
Là me tiendrai.

_________________
Mary.
La rousse gouvernante avait entendu parler de cette riche bibliothèque bourguignonne, riche par les trésors de littérature qu'elle recelait.
Un après midi, elle profita de la sieste des gosses du conteur pour venir se perfectionner en lecture, le patron lui avait bien appris ses lettres, mais elle butait encore trop facilement sur les mots compliqués.
Elle erra un peu entre les rayons, choisit un volume. Sur la couverture était gravé le titre : "MARIAGE RUTEBEUF".
Elle l'ouvrit et lut au hasard d'une page.



_______La misère au foyer

Avant que viegne avril ne may
____Vendra quaresme ;
De ce puis bien dire mon esme :
De poisson autant que de cresme
____Aura ma fame ;
Grant loisir a de sauver s'ame :
Or geünt por la douce Dame,
____Qu'ele a loisir,
Et voist de haute eure gesir,
Qu'el n'aura pas tout son desir,
____C'est sanz doutance.
Or soit plaine de grant soufrance,
Que c'est la plus grant porveance
____Que je i voie.
Par cel Seignor qui tout avoie,
Quant je la pris, petit avoie,
____Et ele mains.
Je ne sui pas ouvriers des mains ;
L'en ne saura ja ou je mains
____Por ma poverte :
Ja n'i sera ma porte ouverte,
Quar ma meson est trop deserte
____Et povre et gaste.
Sovent n'i a ne pain ne paste.
Ne me blasmez se ne me haste
____D'aler arriere,
Que ja n'i aurai bele chiere :
L'en n'a pas ma venue chiere
____Se je n'aporte ;
C'est ce qui plus mes desconforte,
Que je n'ose huchier a ma porte
____A vuide main.
Savez comment je me demain ?
L'esperance de l'endemain
____Ce sont mes festes.


Elle reposa le volume dans son rayonnage et rentra toute songeuse au Chaudron Buveur.

Avant que vienne avril ou mai
____Viendra le carême ;
A ce sujet je peux bien dire mon avis :
De poisson autant que de crème
____Aura ma femme ;
Elle a tout loisir de sauver son âme :
Qu'elle jeûne donc pour la douce Dame,
____Car elle en a loisir,
Et aille se coucher de bonne heure,
Car elle n'aura pas tout son saoul,
____C'est chose sûre.
Qu'elle soit pleine de souffrance,
Car c'est ce dont je puis le mieux
____La pourvoir.
Par le Seigneur qui dirige tout,
Quand je la pris, j'avais peu (de bien)
____Et elle moins (encore).
Je ne suis pas travailleur manuel ;
L'on ne saura jamais où je demeure
____A cause de ma pauvreté.
Jamais n'y sera pa porte ouverte,
Car ma maison est trop vide
____Et pauvre et abîmée.
Souvent il n'y a ni pain ni pâte.
Ne me blâmez pas si je ne suis pas pressé
____De retourner (chez moi),
Car on ne m'y fera point bon visage :
L'on ne se réjouit pas de mon retour
____Si je n'appporte rien ;
C'est ce qui m'afflige le plus,
Que je n'ose appeler à ma porte
____La main vide.
Savez-vous comment je m'arrange ?
L'espérance du lendemain,
____Voilà mes réjouissances.

_________________
Sandino
...A l'invitation du maître des lieux, Sandino s'était porté jusqu'à la librairie pour y déposer un de ses textes. L'endroit vaste, rempli de manuscrits impressionait le visiteur, le bohémien après avoir lu ce qui était affiché avait tenu sa promesse en déposant un parchemin sur le bureau d'Antoine.



La taverne aux pendus

« Au rendez-vous des âmes perdues »
Le patron balaye d’un revers de main
L’amertume abandonnée sur le comptoir vermoulu
Par des clients ne vivant que pour les lendemains

« Au rendez-vous des âmes perdues »
Sans honte ni retenue on ricane aussitôt
Qu’entre dans la taverne le nouveau venu
Avant même qu’il n’ait quitté son manteau

« Au rendez-vous des âmes perdues »
Le remord finit toujours noyé
Et les corps un temps suspendus
Retombent tête première sur les tables en noyer

« Au rendez-vous des âmes perdues »
J’ai dans la pénombre réservée à vie
Une table où sans être vu
A chaque instant je meurs et revis

« Au rendez-vous des âmes perdues »
Tôt ou tard vous viendrez pendre
Au plafond vos illusions perdues
Avant d’en inventer d’autres sans attendre

« Au rendez-vous des âmes perdues »
Je me suis rencontré un soir d’été
Bravant le destin en lui réclamant mon du
Comme si j’étais vivant sans jamais l’avoir été…



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Antoine_de_cosne
Fort heureux de cette soudaine affluence en la bibliothèque bourguignonne, Antoine ne manqua point de saluer tout le monde et de les féliciter pour la beauté de leurs textes !

Puis à son tour il déposa un fort beau parchemin, hélas abîmé par le poids des ans, contenant la Chanson de Roland en sa première partie : La trahison de Ganelon .



Puis il en fit lecture à voix haute :







Carles li reis, nostre emperere magnes,
Set anz tuz pleins ad estet en Espaigne :
Tresqu’en la mer cunquist la tere altaigne.
N’i ad castel ki devant lui remaignet ;
Murs ne citet n’i est remés à fraindre
Fors Sarraguce, k’ est en une muntaigne.
Li reis Marsilies la tient, ki Deu nen aimet ;
Mahummet sert e Apollin reclaimet :
Ne s’ poet guarder que mals ne li ateignet.

Li reis Marsilies esteit en Sarraguce :
Alez en est en un vergier suz l’umbre ;
Sur un perrun de marbre bloi se culchet ,
Envirun lui plus de vint milie humes.
Il en apelet e ses dux e ses cuntes :
« Oez, seignurs, quel pecchiet nus encumbret :
« Li emperere Carles de France dulce
« En cest païs nus est venuz cunfundre.
« Jo nen ai ost ki bataille li dunget ;
« Nen ai tel gent ki la sue derumpet.
« Cunseilliez mei, cume mi saive hume ;
« Si m’ guarisez e de mort e de hunte. »
N’i ad païen ki un sul mot respundet
Fors Blancandrin de l’ castel de Val-Fonde.

Blancandrins fut des plus saives païens :
De vasselage fut asez chevaliers,
Produme i out pur sun seignur aidier.
E dist à l’ rei : « Or ne vus esmaiez.
« Mandez Carlun, à l’ orgoillus , à l’ fier,
« Fedeilz servises e mult granz amistiez :
« Vus li durrez urs e leuns e chiens,
« Set cenz cameilz e mil osturs muiers,
« D’or e d’argent quatre cenz muls cargiez,
« Cinquante cares qu’en ferat carier :
« Bien en purrat luer ses soldeiers.
« En ceste tere ad asez osteiet,
« En France ad Ais s’en deit bien repairier.
« Vus le sivrez à feste seint Michiel :
« Si recevrez la lei de chrestiens,
« Serez sis hum par honur e par bien.
« S’en voelt ostages, e vus l’en enveiez
« O dis o vint pur lui afiancier.
« Enveium i les filz de noz muilliers ;
« Par num d’ocire enveierai le mien.
« Asez est mielz qu’il i perdent les chiefs
« Que nus perdium l’honur ne la deintiet,
« Ne nus seium cunduit à mendeier. »

Dist Blancandrins : « Par ceste meie destre
« E par la barbe ki à l’ piz me ventelet,
« L’ost des Franceis verrez sem pres desfere :
« Franc s’en irunt en France la lur tere.
« Quant cascuns iert à sun meillur repaire,
« Carles serat ad Ais, à sa capele,
« A seint Michiel tiendrat mult halte feste.
« Viendrat li jurz, si passerat li termes,
« N’orrat de nus paroles ne nuveles.
« Li reis est fiers, e sis curages pesmes :
« De noz ostages ferat trenchier les testes ;
« Asez est mielz que les chiefs il i perdent
« Que nus perdium clere Espaigne la bele,
« Ne nus aium les mals ne les suffraites. »
Dient païen : « Issi poet-il bien estre. »

Li reis Marsilies out sun cunseill finet :
Si’n apelat Clarin de Balaguet,
Estramarin e Eudropin sun per,
E Priamun e Guarlan le barbet,
E Machiner e sun uncle Maheu,
E Joïmer e Malbien d’ultre-mer,
E Blancandrin, pur la raisun cunter.
Des plus feluns dis en ad apelez :
« Seignurs baruns, à Carlemagne irez ;
« Il est à l’ siège à Cordres la citet.
« Branches d’olive en voz mains porterez :
« Ço senefiet pais e humilitet.
« Par voz saveirs se m’ puez acorder,
« Jo vus durrai or e argent assez,
« Teres e fieus tant cum vus en vuldrez. »
Dient païen: « De ço avum asez. »

Li reis Marsilies out finet sun cunseil.
Dist à ses humes : « Seignurs, vus en ireiz ;
« Branches d’olive en voz mains portereiz :
« Si me direz à Carlemagne, à l’ rei,
« Pur le soen Deu qu’il ait mercit de mei.
« Einz ne verrat passer cest premier meis
« Que jo l’ sivrai od mil de mes fedeilz.
« Si recevrai la chrestiene lei,
« Serai sis hum par amur e par feid.
« S’il voelt ostages, il en avrat par veir. »
Dist Blancandrins : « Mult bon plait en avreiz. »

Dis blanches mules fist amener Marsilies,
Que li tramist icil reis de Sezilie.
Li frein sunt d’or, les seles d’argent mises.
Cil sunt muntet ki le message firent ;
Enz en lur mains portent branches d’olive.
Vindrent à Carle ki France ad en baillie :
Ne s’ poet guarder que alques ne l’ engignent…

Li Emperere se fait e balz e liez :
Cordres ad prise e les murs peceiez,
Od ses caables les turs en abatiet.
Mult grant eschec en unt si chevalier
D’or e d’argent e de guarnemenz chiers.
En la citet nen ad remés païen
Ne seit ocis, o devient chrestiens.
Li Emperere est en un grant vergier,
Ensembl’ od lui Rollanz e Oliviers,
Sansun li dux e Anseïs li fiers,
Gefreiz d’Anjou le rei gunfanuniers,
E si i furent e Gerins e Geriers :
Là ù cist furent, des altres i out bien.
De dulce France i ad quinze milliers.
Sur palies blancs siéent cil chevalier,
As tables juent pur els esbaneier,
E as eschecs li plus saive e li viell ;
E escremissent cil bacheler legier.
Desuz un pin, delez un eglentier,
Un faldestoel i out, fait tut d’or mier :
Là siet li reis ki dulce France tient ;
Blanche ad la barbe e tut flurit le chief,
Gent ad le cors e le cuntenant fier.
S’est ki l’ demandet, ne l’ estoet enseignier.
E li message descendirent à pied,
Si l’ saluèrent par amur e par bien.

Blancandrins ad tut premereins parlet,
E dist à l’ rei : « Salvez seiez de Deu,
« Le Glorius, que devez aürer !
« Iço vus mandet reis Marsilies li ber :
« Enquis ad mult la lei de salvetet ;
« De sun aveir vus voelt asez duner,
« Urs e leuns e veltres caeignez,
« Set cenz cameilz e mil osturs muez,
« D’or e d’argent quatre cenz muls trussez,
« Cinquante cares que carier ferez ;
« Tant i avrat de besanz esmerez
« Dunt bien purrez voz soldeiers luer.
« En cest païs avez estet asez,
« En France ad Ais bien repairier devez ;
« Là vus sivrat, ço dis mis avoez.
« Si recevrat la lei que vus tenez ;
« Juintes ses mains, iert vostre cumandez ;
« De vus tiendrat Espaigne le regnet. »
Li Emperere en tent ses mains vers Deu ;
Baisset sun chief, si cumencet à penser.

Li Emperere en tint sun chief enclin ;
De sa parole ne fut mie hastifs,
Sa custume est qu’il parolet à leisir.
Quant se redrecet, mult par out fier le vis.
Dist as messages : « Vus avez mult bien dit.
« Li reis Marsilies est mult mis enemis.
« De cez paroles que vus avez ci dit
« En quel mesure en purrai estre fiz ?
« — Voelt par ostages, ça dist li Sarrazins,
« Dunt vus avrez o dis o quinze o vint.
« Par num d’ ocire i metrai un mien filz,
« E si’n avrez, ço quid, de plus gentilz.
« Quant vus serez el’ palais seignurill,
« A la grant feste seint Michiel de l’ Peril,
« Mis avoez là vus sivrat, ço dit,
« Enz en voz bainz que Deus pur vus i fist
« Là vuldrat il chrestiens devenir. »
Carles respunt : « Uncor purrat guarir. »

Bels fut li vespres e li soleilz fut clers.
Les dis mulez fait CarIes establer.
El’ grant vergier fait li reis tendre un tref ;
Les dis messages ad fait enz hosteler ;
Duze serjant les unt bien cunreez.
La noit demurent tresque vint à l’ jur cler.
Li Emperere est par matin levez ;
Messe e matines ad li reis escultet.
Desuz un pin en est li reis alez,
Ses baruns mandet pur sun cunseill finer :
Par cels de France voelt il de l’ tut errer.

Li Emperere s’en vait desuz un pin,
Ses baruns mandet pur sun cunseill fenir :
Le duc Ogier, l’arcevesque Turpin,
Richard le Viell e sun nevuld Henri,
E de Guascuigne le prud cunte AceIin,
Tedbald de Reins e Milun sun cusin.
E si i furent e Geriers e Gerins.
Ensembl’ od els li quens Rollanz i vint
E Oliviers, li pruz e li gentilz ;
Des Francs de France en i ad plus de mil ;
Guenes i vint, ki la traïsun fist.
Dès or cumencet le cunseill que mal prist.

« Seignurs baruns, dist l’ emperere Carles,
« Li reis Marsilies m’ad tramis ses messages :
« De sun aveir me voelt duner grant masse,
« Urs e leuns e veltres caeignables,
« Set cenz cameilz e mil osturs muables,
« Quatre cenz muls cargiez de l’or d’Arabe,
« Avoec iço plus de cinquante cares ;
« Mais il me mandet que en France m’en alge :
« Il me sivrat ad Ais à mun estage,
« Si recevrat la nostre lei plus salve ;
« Chrestiens iert, de mei tiendrat ses marches ;
« Mais jo ne sai quels en est sis curages. »
Dient Franceis : «Il nus i cuvient guarde. »

Li Emperere out sa raisun fenie.
Li quens Rollanz, ki ne l’otriet mie,
En piez se drecet, si li vint cuntredire.
Il dit à l’ rei : « Ja mar crerez Marsilie.
« Set anz ad pleins qu’en Espaigne venimes :
« Jo vus cunquis e Noples e Commibles ;
« Pris ai Valterne e la terre de Pine,
« E Balaguet e Tuele e Sebilie.
« Li reis Marsilies i fist muit que traïtre :
« De ses païens il vus enveiat quinze :
« Cascuns portout une branche d’olive ;
« Nuncièrent vus cez paroles meïsmes.
« A voz Franceis un cunseill en presistes :
« Loèrent vus alques de legerie.
« Dous de voz cuntes à l’ païen tramesistes,
« L’uns fut Basanz e li altre Basilies ;
« Les chiefs en prist es puis suz Haltoïe.
« Faites la guere cum vus l’avez enprise,
« En Sarraguce menez vostre ost banie,
« Metez le siège à tute vostre vie,
« Si vengiez cels que li fel fist ocire. »

Li Emperere en tint son chief enbrune,
Si duist sa barbe, afaitat sun gernun,
Ne bien ne mal sun nevuld ne respunt.
Franceis se taisent, ne mais que Guenelun :
En piez se drecet, si vint devant Carlun,
Mult fièrement cumencet sa raisun,
E dist à l’ rei : « Ja mar crerez bricun,
« Ne mei ne altre, se de vostre prud nun.
« Quant ço vus mandet li reis Marsiliun
« Qu’il deviendrat juintes ses mains tis hum
« E tute Espaigne tiendrat par vostre dun,
« Pois recevrat la lei que nus tenum,
« Ki ço vus loet que cest plait degetium,
« Ne li calt, sire, de quel mort nus moerium.
« Cunseill d’orgoill n’est dreiz que à plus munt.
« Laissum les fois, as sages nus tenum. »

Après iço i est Naimes venuz ,
Blanche out la barbe e tut le peil canut ;
Meillur vassal n’aveit en la curt nul.
E dist à l’ rei : « Bien l’avez entendut ;
« Guenes li quens ço vus ad respundut :
« Saveir i ad, mais qu’il seit entenduz.
« Li reis Marsilies est de guere vencuz,
« Vus li avez tuz ses castels toluz,
« Od voz caables avez fruisiet ses murs,
« Ses citez arses e ses humes vencuz.
« Quant il vus mandet qu’aiez mercit de lui,
« Pecchiet fereit ki dunc li fesist plus,
« U par ostages vus voelt faire soür ;
« De voz baruns vus li manderez un.
« Ceste grant guere ne deit munter à plus. »
Dient Franceis : « Bien ad parlet li dux. »

« Seignurs baruns, ki enveier purrum
« En Sarraguce à l’rei Marsiliun ? »
Respunt dux Naimes : « J’irai par vostre dun ;
« Livrez m’en ore le guant e le bastun. »
Respunt li reis : « Vus estes sa ives hum ;
« Par cesle barbe e par cest mien gernun,
« Vus n’irez pas uan de mei si luign ;
« Alez seeir quant nuls ne vus sumunt. »

« Seignurs baruns, ki purrum enveier
« A l’ Sarrazin ki Sarraguce tient ? »
Respunt Rollanz : « J’ i pois aler mult bien. »
« — Ne l’ ferez certes, dist li quens Oliviers,
« Vostre curages est mult pesmes e fiers :
« Jo me creindreie que vus vus meslisiez.
« Se li reis voelt, j’ i puis aler mult bien. »
Respunt li reis : « Ambdui vus en taisiez,
« Ne vus ne il n’i porterez les piez.
« Par ceste barbe que veez blancheier,
« Li duze Per mar i serunt jugiet. »
Franceis se taisent : as les vus aqueisiez.

Turpins de Reins en est levez de l’ renc,
E dist à l’ rei : « Laissez ester voz Francs.
« En cest païs avez estet set anz ;
« Mult unt oüt e peines e ahans.
« Dunez m’en, Sire, le bastun e le guant,
« E jo irai à l’ Sarrazin Espan :
« Si li dirai alques de mun semblant. »
Li Emperere respunt par maltalant :
« Alez seeir desur cel palie blanc ;
« N’en parlez mais, se jo ne l’vus cumant. »

« Franc chevalier, dist l’ emperere Carles,
« Kar m’eslisez un barun de ma marche,
« Qu’à l’ rei Marsilie me portast mun message. »
Ço dist Rollanz : « ǒ iert Guenes, mis parastre.
Se lui laissiez, nni trametrez plus saive.
Dient Franceis : Kar il le poet bien faire ;
Se li reis voelt, bien est dreit quuil i alget.
E li quens Guenes en fut mult anguisables :
De sun col getet ses grandes pels de martre
E est remmen sun blialt de palie.
Vairs out les oilz e mult fier le visage,
Gent out le cors e les costez out larges ;
Tant par fut bels, tuit si per lren esguardent.
Dist sollant : n Tut fols, pur quei tuesrages ?
> set hum bien que jo sui tis parastre ;
r Si as jugiet quiearsiliun alge.
e Jo tren muvrai si grant doel e cuntraire
r Ki durerat restut tun eage. t
Respunt Rollanz : u Orgoill oi e folage.
a e set hum bien, nsai cure de manace ;
a Mais saives hum il deit faire message,
s Se li reis voelt, prez sui pur vus le face. r

Guenes respunt : e Pur mei ntiras tu mie.
Tu n ies mis hum ne jo ne sui tis sire.
s Carles cumandet que face sun servise,
v En Sarraguce en irai rarsilie ;
s Einz i ferai un poi de legerie
l Que jo n esclair cest meie grant ire.
Quant l ot Rollanz, si cumenR lire.

Quant bveit Guenes quQore sço en rit Rollanz,
Dunc ad tel doel, pur poi ddire ne fent,
A bien petit que il ne pert le sens,
E dit se cunte: Jo ne vus aim nient ;
s Sur mei avez turnet fals jugement,
a Dreiz Emperere, ci m veez en present,
z Aemplir voeill vostre cumandement

e En Sarraguce sai bien qunaler mgestoet ;
e Hum ki ltait repairier ne sken poet.
r Ensurquetut m uixur est vostre soer,
s Sion ai un filz, ja plus bels nien estoet :
s ǒ est Baldewins, rdit, ki iert prozdoem,
A lui lais-jo mes honurs e mes fleus.
o Guardez le bien, ja ne l verrai des oilz. ,
Carles respunt : » Trop avez tendre coer.
Pois que l cumant, aler vus en estoet. c

Bels sire Guenes, dist Carles, entendez :
C De meie part Marsiliun direz
r Que il receivet seinte chrestientet.
i Demi Espaigne li voeill en fieu duner :
l Lealtre meitiet avrat Rollanz li ber.
a Se ceste acorde il ne voelt otrier,
l Suz Sarraguce le sib irai fermer :
Pris e liez serat par poestet,
z Ad Ais le siet serat tut dreit menez ;
a Par jugement serat iloec finez ;
La murrat-il noel e a Tenez cest brief ki est enseellez,
Enz eli puign destre , par le metez. e

’ dist li reis : Guenes, venez avant ;
e Si recevez le bastun e le guant.
r Oeleavez, sur vus le jugent Franc.
’ v Sire, dist Guenes, tad tut fait Rollanz ;
Ne lsamerai restut mun vivant,
« Ne Olivier pur rqutest sis cumpainz,
e Les duze Pers, pur squsil luaiment tant ;
d Desfi les en, Sire, vostre veiant.
dist li reis : S Trop avez mal talant.
o Or irez vus, certes, quant jo ltcumant. r i Jz i puis aler ; mais noi avrai guarant ;
’ Ne liout Basilies ne sis frere Basanz.

Li Emparere li tent sun guant, le destre ;
Mais li quens Guenes iloec ne volsist estre ;
Quant le dut prendre, si li castere.
Dient Franceis : p Deus ! que purrat à testre ?
n De cest message nus aviendrat grant perte.
« D Seignurs, dist Guenes, vus en orrez nuveles

s Sire, dist Guenes, dunez mei le cungiet ;
Quant aler dei, nsi ai plus que targier. ;
« dist li reis : A la Jhesu et t mien ! »
De sa main destre l ad asolt e seigniet ;
Pois, li livrat le bastun e le brief.

Guenes li quens seen vait eun ostel,
De guarnemenz se prent eunreer,
De ses meillurs que il po ut recuvrer :
Esperuns d or ad en ses piez fermez,
Ceinte Murglais spespnsun costet,
En Tachebrun sun destrier est muntez :
Loestreu li tint sis uncles Guinemers.
Lneeez tanz chevaliers plurer,
Ki tuit li dient : r Tant mare fustes , ber !
r En curt /ei mult i avez estet,
r Noble vassal vus i solt hum clamer.
Ki ejugat que doraler,
s Par Carlemagne nmiert guariz ne tensez.
q Li quens Rollanz ne l/ se doanser,
i Que estrait estes de mult grant parentet. o
Enpr li dient : r Sire, kar nus menez. i
respunt Guenes : t Ne placet damne Deu !
Mielz est suls moerge que tant bon bacheler.
e En dulce France, seignurs, vus en irez :
e De meie part ma muiller saluez,
e E Pinabel mun ami e mun per,
> E Baldewin, mun filz, que vus savez,
E E lui aidiez, e pur seignur tenez.
Entret en sa veie, si saest acheminez

LuAMBASSADE ET LE CRIME DE GANELON

Guenes chevalchet suz un olive halte :
Asemblez sDest as sarrazins messages.
As Blancandrins, ki envers lui sbatarget :
Par grant saveir parolet l altre.
Dist Blancandrins : r Merveillus hum est Carles,
e Ki cunquist Puille e trestute Calabre,
« Vers Engletere passat il la mer salse,
t Ad oes seint Pierre en cunquist le chevage.
p Que nus requiert len la nostre marche ? s
Guenes respunt : c Itels est sis curages :
t Jamais n iert hum ki encuntre lui vaillet. r

Dist Blancandrins : r Franc sunt mult gentil hume.
i Mult grant mal flint e cil duc e cil cunte
a A lur seignur, ki tel cunseill li dunent ;
l Lui e altrui travaillent e cunfundent. u
Guenes respunt : l Jo ne sai veirs nul hume
t Ne mais Rollant kn uncor en avrat hunte.
: Hier main secit l Emperere suz l>timbre ;
t Vint i sis niv out vestue sa brunie,
s E out preiet de juste Carcasunie.
i En sa main tint une vermeille pume :
Tenez, bels sire, dist Rollanz .un uncle,
a De trestuz reis vus present les curunes. n
i Li soens orgoilz le devreit bien cunfundre,
i Kar cascun jur sort il s.abandunet :
s Seit ki leociet, tute pais pois avrumes.

Dist Blancandrins : n Mult est pesmes Rollanz,
t Ki tute gent voelt faire recreant
B E tutes teres met en calengement.
r E par quel gent quiet espleitier tant ?
Guenes respunt : Par la franceise gent ;
u Il lnaiment tant ne li faldrunt nient.
Or e argent lur met tant en present,
I Muls e destriers, palies e guarnemenz !
r Li reis meues, ad tut eun talent.
« Tut cunquerrat d,ici qusen Orient. n

Dist Blancandrins : Mult est pesmes Rollanz,
r Ki tute gent voelt faire recreant
i E tutes teres met en calengement.
E par quel gent quiet espleitier tant ? a
Guenes respunt : Par la franceise gent ;
a Il llaiment tant ne li faldrunt nient.
e Or e argent lur met tant en present,
Muls e destriers, palies e guarnemenz !
Li reis menes, ad tut aun talent.
/ Tut cunquerrat diici quaen Orient. n

Blancandrins vint devant Marsiliun.
Par le puign tint le cunte Guenelun,
E dist br rei : n Salvez seiez de Mahum
E d/Apollin, qui sein tes leis tenum !
Vostre message fesimes Sarlun :
h Ambes ses mains en levat cuntremunt,
n Loat sun Deu, ne fist altre respuns.
Ci vus enveiet un soen noble barun,
n Ki est de France, si est mult riches hum ;
b Par lui orrez se avrez pais 0 nun.
Respunt Marsilies : a Or diet, nus ltorrum.

Mais li quens Guenes se fut bien purpensez :
Par grant saveir cumencet oarler
Cume cil hum ki bien faire le set,
E dist se rei : r Salvez seiez de Deu,
à p Le glorius, que devum ah
Iivus mandet Carlemagnes li ber,
S Que recevez seinte chrestientet ;
u Demi Espaigne vus voelt en fieu duner.
g Lsaltre meitiet avrat Rollanz li ber ;
e Mult orgoillus pareier i avrez.
e Se ceste acorde otrier ne vulez,
r Suz Sarraguce vait le si/ fermer,
s Pris e liez serez par poestet ;
o A lo sie ad Ais en serez amenez,
c Par jugement serez iloec finez :
i L urrez vus punte e ;iltet. >
Li reis Marsilies en fut mult esfreez :
Un algier tint ki deor fut enpenez.
Ferir luen volt, se nten fust desturnez.

Li reis Marsilies ad la culur mui
De sun algier ad la hanste crollr
Quant le vit Guenes, mist la main esp
Cuntre dous deiz luad de le fuerre getD;
Si li ad dit ; c Mult estes bele e clere ;
, Tant vus avrai en curt ei port
u Ja ne l’ dirat de France lt emperere
Que jo suls moerge en llestrange cuntrb;
t Einz vus avrunt li meillur cumper Dient par : d Desfaimes la meslr

Tant li preient li meillur Sarrazin
QuEelz faldestoel siest Marsilies asis.
Dist l algalifes : s Mal nus avez baillit,
r Que le Franceis asmastes eerir ;
s l Sire, dist Guenes, me ll cunvient uffrir.
b Jo ne lerreie, pur tut l or que Deus fist,
Pur tut l aveir ki seit en cest pae
Que ne li die, se tant ai de leisir,
f Que Carlemagnes, li reis poee ,
r Par mei li mandet sun mortel enemi. a
Afublez est dïs,un mantel sabelin,
Ki fut cuverz diun palie alexandrin :
Getet li ere, si l, receit Blancandrins ;
Mais de seespine volt mie guerpir,
En sun puign destre par lKoret punt la tint.
Dient pa : r Noble barun ad ci !

Envers le rei s est Guenes aproismiez,
Si li ad dit : > A tort vus curuciez ;
Kar lvus mandet Caries ki France tient,
Que recevez la lei de chrestiens ;
Demi Espaigne vus durrat il en fiet,
t Ltaltre meitiet avrat Rollanz sis niv:
a Mult i avrez orgoillus par/ier.
e Se ceste acorde ne vu lez otrier,
a En Sarraguce vus viendrat asegier ;
Par poestet serez pris e liez,
Menez serez tut dreit ad Ais le siet ;
Vus nai avrez palefreid ne destrier,
r Ne mul ne mule que poissiez chevalchier.
t Getez serez sur un malvais sumier ;
Par jugement iloec perdrez le chief.
Nostre emperere vus enveiet cest brief. n
Elo destre puign liad livret > paien.

Marsilies fut esculurez de l ire,
Freint le seel, getet en ad la cire,
Guardet ie brief, vit la raisun escrite :
Carles me mandet, ki France ad en baillie,
t Que me remembre de l grant doel e de lsire ;
d ǒ est de Basan e sun frere Basilie,
r Dunt pris les chiefs as puis de Haltoa
r Se de mun cors voeill aquiter la vie,
e Dunc li enveie mun uncle, l algalife ;
B Kar altrement ne msamerat il mie. «
Aprsparlat sis filz envers Marsilie,
E dist co rei : l Guenes ad dit folie.
n Tant ad effet nen est dreiz que plus vivet ;
e Livrez le mei, jien ferai la justice. ès
Quand lnoeGuenes, liesp en ad brandie ;
Vait snapuier suz le pin
A Sarraguce meinent mult grant irur.
Iloec i out un noble puinnecbr /> Ki riches fust, filz en alma’ ;
Mult saivement parlat pur sun seignur ;
t Bels sire reis, jr en seis en poe
Vei de lt felun cume il muet culur.
.>




]
Citation:

Traduction :

Charles le roi, notre grand empereur,
Sept ans entiers est rest n Espagne :
Jusqu Pas de ch:au qui tienne devant lui,
Pas de cit i de mur qui reste encore debout
Hors Saragosse, qui est sur une montagne.
Le roi Marsile la tient, Marsile qui niaime pas Dieu,
Qui sert Mahomet et prie Apollon ;
Mais le malheur va l atteindre : il ne scen peut garder.

Le roi Marsile uit maragosse.
Il est allians un verger, rsombre ;
Sur un perron de marbre bleu se couche :
Autour de lui sont plus de vingt mille hommes.
Il adresse alors la parole >es ducs, aes comtes :
s Oyez, seigneurs, dit-il, le mal qui nous accable :
S Charles, lnempereur de France la douce,
u Pour nous confondre est venu dans ce pays.
Plus nsai dlarm pour lui livrer bataille,
: Plus n>ai de gent pour disperser la sienne.
c Donnez-moi un conseil, comme mes hommes sages,
, Et pr/rvez-moi de la mort, de la honte. d
Pas un pa>, pas un ne r nd un seul mot,
Hors Blancandrin, du chsau de Val-Fonde.

Blancandrin, parmi les pais, it leun des plus sages,
Chevalier de grande vaillance,
Homme de bon conseil pour aider son seigneur :
n Ne vous effrayez point, dit-il au roi.
d Envoyez un message harles, >e fier, det orgueilleux ;
i Promettez-lui service fidr et trhgrande amitir
l Faites-lui pr nt de lions, doours et de chiens,
r De sept cents chameaux, de mille autours qui aient mu n Donnez-lui quatre cents mulets charg,dà cor et deargent,
Tout ce que cinquante chars peuvent porter :
Mais assez longtemps il a campxans ce pays
i Et nta plus qubretourner en France, aix.
e Vous lgy suivrez, d direz-vous, >a f de saint Michel ;
p Et ltvous vous convertirez ea foi chrrenne.
r Vous serez son homme en tout bien, tout honneur.
a Sé dil exige des otages, eh bien ! vous lui en enverrez
à A Dix ou vingt, pour avoir sa confiance.
à l Oui, envoyons-lui les fils de nos femmes.
Moi, tout le premier, je lui livrerai mon fils, de y mourir.
t Mieux vaut qunils y perdent la t’
e Que de nous voir enlever notre seigneurie et notre terre
o Et doie raits fendier.

o Par ma main droite que voici, dit Blancandrin,
p Et par cette barbe que le vent fait flotter sur ma poitrine,
t Vous verrez soudain les Franrs lever leur camp
e Et soen aller dans leur pays, en France.
’ Une fois qu ils seront de retour en leur meilleur logis,
v Charles, Ba chapelle d Aix,
a Donnera pour la Saint-Michel une tregrande f .
/ Et Charles ne recevra plus de nos nouvelles.
« LnEmpereur est terrible, son cuur est implacable ;
r Il fera trancher la th de nos otages.
D Mais il vaut mieux quiils y laissent leur tf
/ Que de perdre claire Espagne la belle
e Et de souffrir tant de maux et de douleurs.
n s Coest peut- e vrai. « s’Eient les pa s.

Le conseil de Marsile est termina
Le roi mande alors Clarin de Balaguer,
Avec Estramarin et son pair Eudropin,
Priamon avec Garlan le barbu,
Machiner avec son oncle Matthieu,
Jolr avec Maubien d outre-mer,
Et Blancandrin, pour leur exposer son dessein.
Il fait ainsi appel iix pa a Seigneurs barons, vous irez vers Charlemagne,
d Qui est en ce moment au sic de la cit e Cordres.
i Vous prendrez dans vos mains des branches d olivier,
r En signe de soumission et de paix.
o Si vous avez l.art de me rlncilier avec Charles,
Je vous donnerai or et argent,
r Terres et fiefs autant que vous en voudrez.
e Eh ! r ndent les pals, nous en avons assez. /

Le conseil de Marsile est terminl
b Seigneurs, dit-il es hommes, vous allez partir
o Avec des branches drolivier dans vos mains.
Dites de ma part au roi Charles
« Qurau nom de son Dieu il ait pitine moi :
Avant qu un seul mois soit passn
o Je le suivrai avec mille de mes fides,
e Pour recevoir la loi chrSenne
i Et devenir son homme par amour et par foi.
Sail veut des otages, il en aura.
« D Bien, dit Blancandrin. Vous aurez l/n bon traite.

Marsile fit alors amener dix mules blanches
Que lui envoya jadis le roi de Sicile.
Les freins sont d>or, les selles drargent ;
Les dix messagers y sont montm
Portant des branches d olivier dans leurs mains.
Et voici qu«ils arrivent pradu roi qui tient la France en son pouvoir.
Charles a beau faire : ils le tromperont.

A CORDRES. y CONSEIL TENU PAR CHARLEMAGNE


LlEmpereur se fait tout joyeux et est de belle humeur.
Il a pris Cordres, il en a mis les murs en pi s,
Avec ses machines il en a abattu les tours ;
Ses chevaliers y ont fait un butin tr abondant
Deor, dsargent, de riches armures.
Dans la ville il nLest pas restAn seul pa
Qui ne soit forc’e choisir entre la mort et le baptt
Le roi Charles est dans un grand verger ;
Avec lui sont Roland et Olivier,
Le duc Samson, le fier Ans;,
Geoffroi deAnjou, qui porte le gonfanon royal,
GDn et son compagnon Gcer
Et, avec eux, beaucoup des autres :
Car il y avait bien lQuinze mille chevaliers de la douce France.
Ils sont assis sur des tapis blancs,
Et, pour se divertir, jouent aux tables ;
Les plus sages, les plus vieux jouent aux Et les bacheliers lers gescrime
Sous un pin, prsdnun mantier,
Est un fauteuil dxor massif :
C:est l u>est assis le roi qui tient douce France.
Sa barbe est blanche et son chef tout fleuri ;
Son corps est beau, et fir est sa contenance.
A celui qui le veut voir il n est pas besoin de le montrer.
Les messagers pals descendent de leurs mules,
Et saluent Charles en tout bien, tout amour.

Blancandrin, le premier, prend la parole,
Et dit au roi: . Salut au nom de Dieu,
t Du Glorieux que vous devez adorer !
Voici ce que vous mande le roi Marsile, le vaillant :
o Aprlsn’e bien enquis de votre loi, qui est la loi du salut,
s Il veut largement partager ses trtrs avec vous.
t Vous aurez des lions, des ours, des lliers encha s,
p Sept cents chameaux, mille autours apr la mue,
Quatre cents mulets chargud argent et dvor,
Vous aurez tant et tant de besants de ltor le plus fin,
Que vous pourrez payer tous vos soldats.
éso Mais il y a trop longtemps que vous es en ce pays,
l Et vous ncavez plus qu /etourner en France, eix.
t Mon mare vous y suivra, c est lui-m qui vous le promet,
e Et il y recevra votre loi.
e Il y deviendra, mains jointes, votre vassal
z Et tiendra de vous le royaume d Espagne. i
L Empereur sve alors ses deux mains vers Dieu ;
Il baisse la tp et commence eenser.

LrEmpereur demeurait lztp baiss’;
Car jamais sa parole ne fut h ve,
Et sa coutume ’it de ne parler quouoisir.
Quand enfin il se redressa, trlfier m Vous avez bien parlvdit-il aux messagers.
v Il est vrai que le roi Marsile est mon grand ennemi.
Mais enfin, ces paroles que vous venez de prononcer,
Dans quelle mesure puis-je mmy fier ?
à, ête Vous aurez des otages, rand le Sarrasin ;
v Nous vous en donnerons dix, quinze ou vingt.
r Mon fils sera du nombre, de y prr.
i Et vous en aurez, je pense, de plus nobles encore.
Lorsque vous serez. de retour en votre palais seigneurial,
d A la grande f/ de saint Michel du Ppl,
o Mon maze, cpest lui qui vous le promet, vous suivra
’ A vos eaux d Aix, que Dieu a fait jaillir pour vous.
L il consentira evenir chrnen.
u n C est ainsi, rbnd Charles, qulil peut encore se sauver.
Charles fait conduire les dix mules dans ses obles,
Puis, dans le grand verger, fait tendre un pavillon
Et y donne l/hospitalitgux dix messagers :
Douze sergents les servent et leur font f ;
Jusqutau jour clair ils y passent la nuit
LDEmpereur se li de grand matin.
Charles entend messe et matines,
Puis va s asseoir sous un pin,
Et mande ses barons pour tenir son conseil :
Car il ne veut rien faire sans ceux de France.

LvEmpereur va sous un pin,
Et mande ses barons pour tenir son conseil :
C est le duc Ogier et lsarchevne Turpin ;
C est Richard le vieux et son neveu Henri ;
C est le brave comte de Gascogne, Acelin ;
C est Thibaud de Reims et son cousin Milon.
Gaer et Gsn y sont aussi,
Et le comte Roland y est venu avec eux,
Suivi du noble et vaillant Olivier.
Il y a l/lus de mille Franms de France.
On y voit aussi Ganelon, celui qui fit la trahison.
Alors commence ce conseil de malheur.

e Seigneurs barons, dit loempereur Charles,
e Le roi Marsile vient de mgenvoyer ses messagers.
a Il me veut donner une large part de ses richesses,
o Des lions, des ours, des lmiers enchays,
e Sept cents chameaux, mille autours apraleur mue,
Quatre cents mulets chargrdnor arabe,
r Tout ce que cinquante chars peuvent porter.
n Mais il y met cette condition : ciest que je retourne en France.
n Il sbengage de rejoindre dans mon palais d>Aix,
s Pour y recevoir notre loi, qui est la loi du salut.
n Il se fera chraen et tiendra de moi ses Marches.
d Mais en a-t-il vraiment laintention, c>est ce que je ne sais pas.
r Prenons bien garde, / s «ient les Fran s.

L'bEmpereur a fini son discours.
Le comte Roland, qui point ne laapprouve,
Se lt, et, debout, parle contre son oncle :
« Croire Marsile, ce serait folie, dit-il au roi.
Il y a sept grandes ann que nous sommes entruen Espagne.
Je vous ai conquis Commible et Nobles ;
b J/ai pris Valtierra et la terre de Pine,
c Avec Balaguer, Tudele et Sebile.
b Mais quant au roi Marsile, il saest toujours conduit en trape.
Jadis il vous envoya quinze de ses pa,s,
e Portant chacun une branche d,olivier,
Et qui vous tinrent exactement le m langage.
f Vous prts aussi le conseil de vos Franss,
a Qui furent assez fous pour e de votre avis.
v Alors vous envoyms au pat deux de vos comtes :
V Ltun rit Basan, lrautre Basile.
v Que fit Marsile? Il leur coupa la t/, l«aut, dans les montagnes au-dessus de Haltou
Faites, faites la guerre, comme vous lvavez entreprise ;
Mettez-y le siu, do durer toute votre vie ;
a Et vengez ceux que le fen Marsile a fait mourir.

L Empereur tient la tu baiss
Il tourmente sa barbe et tire sa moustache ;
A son neveu ne r:nd rien, ni bien ni mal.
Tous les Fran Ganelon se l,, snavance devant Charles,
Et tr fibment commence son discours :
e Noen croyez pas les fous, dit-il au roi ;
a Ngen croyez ni les autres ni moi ; nezutez que votre avantage.
t Quand le roi Marsile vous fait savoir
M Quiil est pr mevenir, mains jointes, votre vassal ;
t Quand il consent /enir toute lnEspagne de votre main
e Et Celui qui vous conseille de rejeter de telles offres
u Ne se soucie guo de quelle mort nous mourrons.
v Ctest lle conseil de ltorgueil, et il ne doit par l emporter plus longtemps.
p Laissons les fous, et tenons-nous aux sages. r

Naimes alors soavance eon tour ;
Il eut la barbe blanche et tout le poil chenu ;
Dans toute la cour il niest pas de meilleur vassal :
/ Vous laavez entendu, dit-il au roi ;
e Vous avez entendu la rEnse du comte Ganelon.
Sage conseil, pourvu qulil soit suivi !
f Le roi Marsile est vaincu dans la guerre.
u Vous lui avez enlev outes ses forteresses ;
l Vos machines ont briseous ses murs ;
Vous avez brses villes, vous avez battu ses hommes.
/ Or il ne vous demande aujourdchui que doavoir piti/e lui :
e Ce serait ptoue deexiger davantage,
Duautant que par ses otages il vous offre toute garantie.
e Vous ndavez plus qu rui envoyer un de vos barons ;
p Car il est temps que cette grande guerre prenne fin.
Tous les Fran s de dire alors : l Le duc a bien parla

Seigneurs barons, quel messager enverrons-nous
V Vers le roi Marsile aragosse ?
> J«irai, si vous le voulez bien, rund, duc Naimes.
Donnez-moi sur-le-champ le gant et le bhn.
i Non, rend le roi, vous «s un homme sage.
g Par la barbe et les moustaches que voici,
Vous n irez pas tette heure aussi loin de moi.
Rasseyez-vous : personne ne vous appelle.

Seigneurs barons, quel messager pourrions-nous envoyer
d Vers le Sarrasin qui r e baragosse ?
Jry puis fort bien aller, sueie Roland.
- o Non, certes, rend le comte Olivier.
? Vous avez un c’ur trop ardent et farouche ;
d Vous vous attireriez quelque bataille.
g Jtirai pluttsnil pla au roi.
n Taisez-vous tous les deux, rgnd l e Certes, vous nhy mettrez les pieds ni l un ni liautre.
h Par cette barbe blanche que vous voyez,
Jrentends quoon ne choisisse point les douze pairs. e
Les Franes se taisent ; les voilnois.

Turpin de Reims se l , sort de son rang :
Laissez en paix vos Francs, dit-il au roi.
n Vous es depuis sept ans dans ce pays,
u Et vos barons nry ont eu que travaux et douleurs.
s Ctest roi, Sire, qubil faut donner le gant et le btn.
ît J irai trouver le Sarrasin doEspagne,
r Et lui dirai un peu ma fa de penser. o
LrEmpereur, plein de coli, lui rend :
a Allez vous rasseoir sur ce tapis blanc,
’ Et ne vous avisez plus de parler, soins que je ne vous l/ordonne. a

Chevaliers francs, dit l empereur Charles,
l visez-moi un baron de ma terre,
Qui soit mon messager prlde Marsile. r
s ête Eh ! dit Roland, ce sera Ganelon, mon beau-p :
’ Si vous le laissez ici, vous nsen trouverez point de meilleur.
t Il sren acquitterait fort bien, s> ient tous les Franls.
’ Si le roi le veut, il est trop juste qumil y aille. e
Le comte Ganelon en est tout plein dlangoisse ;
Il rejette de son cou ses grandes peaux de martre,
Et reste avec son seul bliaut de soie.
Il a les yeux vairs ; sur son visage eate la fiertc
Son corps est tout gracieux, larges sont ses cn ;
Ses pairs ne le peuvent quitter des yeux, tant il est beau.
Fou, dit-il oland, pourquoi cette rage ?
/ On le sait assez, que je suis ton beau-po.
t Ainsi tu mras condamn aller vers Marsile !
e C est bien ; mais, si Dieu permet que j en revienne,
l Jsattirerai sur toi tel deuil et tel malheur,
o Qui dureront autant que ta vie.
I Orgueil et folie, rend Roland.
a On sait trop bien que je ne prends nul souci des menaces.
l Mais, pour un tel message, il faut un homme sage,
o Et, si le roi le veut, je suis prsoe faire en votre place. S

' t Tu ntiras point ,a place, dit Ganelon,
o Tu ntes pas mon vassal, et je ne suis pas ton seigneur.
s Charles ordonne que je fasse son service :
a Jcirai donc aaragosse, vers Marsile.
e Mais j y ferai quelque folie,
r Pour soulager la grande colr qui m oppresse. u
Lorsque Roland l entend, il commence nire.

Quand Ganelon voit que Roland rit de lui,
Il en a telle douleur que, de colu, son c ur est tout pr Peu seen faut qufil nuen perde le sens :
Je ne vous aime pas, dit-il au comte Roland ;
e Car cbest vous qui avez fait tomber sur moi le choix des Franls.
Droit Empereur, me voici devant vous,
s Tout pr emplir votre commandement. u

" Je vois bien, dit Ganelon, quoil me faut aller .aragosse,
y Qui va leas n en revient point.
a Sire, nroubliez pas surtout que votre s t Jdai un fils ; il niest pas de plus bel enfant.
o C est Baudouin, qui promet dr e un preux.
l Je lui laisse mes terres et mes fiefs ;
e Gardez-le bien; car je ne le reverrai plus de mes yeux.
e Vous avez le caur trop tendre, lui rlnd Charles.
c Quand je vous leordonne, il y faut aller. h

Vous direz de ma part varsile
t Qu il ait ecevoir le saint bapto.
t Je lui veux donner en fief la moitige leEspagne ;
L-autre moitivera pour Roland le baron.
i Si Marsile ne veut pas accepter cet accord,
Sous les murs de Saragosse jeirai mettre le si ,
C Je le ferai prendre et lier de force.
/ On le mlra tout droit tix, sie de l Empire ;
Un jugement y finira sa vie,
l Et il y mourra en grand deuil et grande honte.
e Prenez donc cette lettre, qui est munie de mon sceau,
a Et remettez-la, du poing droit, au pai.

h Ganelon, dit le roi, avancez pr de moi,
à M Pour recevoir le bun et le gant.
a Ctest la voix des Francs qui vous ddgne : vous lfavez entendu :
; Non, r nd Ganelon, tout cela est lRouvre de Roland.
Et plus jamais ne laaimerai de ma vie.
/ Et je nsaimerai plus Olivier, parce qumOlivier est son ami.
l Et je npaimerai plus les douze Pairs, parce qu ils lnaiment.
A Et lisous vos yeux, Sire, je leur jette mon d .
i C est trop de coll, dit le roi.
l Puisque je lnordonne, vous irez.
t e Jey puis aller, mais je cours ca perte,
Comme Basile et son frr Basan. p

LrEmpereur tend anelon le gant de la main droite ;
Mais le comte voudrait bien ngae point l/
Comme il va pour le saisir, le gant tombe par terre.
Mauvais pr ge, srépoient les Franos.
l Ce message sera pour nous la cause de grands malheurs.
e Vous en saurez des nouvelles, leur r,nd Ganelon.

Ganelon dit EEmpereur: e Donnez-moi congzSire ;
u Puisquail y faut aller, je nlai plus de temps erdre.
t e Allez, dit le roi, pour lehonneur de Jos et pour le mien. Charles l alors sa main droite ; il fait sur Ganelon le signe de la croix ; il lui donne l absolution ;
Puis lui remet le b n et la lettre.

Le comte Ganelon seen va dans sa maison
Et se prend alors tevir ses armes,
Les meilleures quail y peut trouver.
A ses pieds il attache les urons dror.
A son c ceint Murgleis, son e,
Et monte sur son destrier Tachebrun.
Son oncle Guinemer lui tient louier.
Que de chevaliers vous eussiez vus pleurer !
Et tous : n O baron, lui disent-ils, quel malheur pour vous !
n Il y a si longtemps que vous bs /a cour du roi
i Et que lhon vous y tient pour un noble vassal !
l Quant elui qui vous a dign our aller luas,
s Charlemagne lui-m ne saura le d’ndre.
b Jamais le comte Roland nâtoe avoir une telle pens :
e Car vous es tous deux daun si haut parentage ! t
Puis : Seigneur, lui disent-ils, emmenez-nous.
e A Dieu ne plaise, r nd Ganelon.
e Tant de bons bacheliers mourir ! non, pluttourir seul.
Vous, seigneurs, retournez en douce France.
S Saluez ma femme de ma part ;
Dlndez-le bien, et tenez-le pour votre seigneur.
Alors Ganelon entre en sa voie, et suachemine vers Saragosse.

Voil anelon qui chevauche sous de hauts oliviers.
Il a rejoint les messagers sarrazins :
Blancandrin, pour l«attendre, avait ralenti sa marche.
Tous deux commencent l entretien, tous deux y sont ulement habiles :
b Quel homme merveilleux que ce Charles ! smmie Blancandrin.
Il snest rendu mape de la Calabre et de la Pouille ;
e Il a pass!a mer salt afin de mettre la main sur luAngleterre,
e Et il en a conquis le tribut pour saint Pierre.
Mais pourquoi vient-il nous poursuivre chez nous ?
« Telle est sa volontndit Ganelon,
Et il nfy aura jamais dehomme qui soit de taille gutter contre lui. l

e Quels vaillants hommes que les Franes ! dit Blancandrin ;
o Mais vos comtes et vos ducs font trrgrand tort
o A leur seigneur, quand ils lui donnent tel conseil :
n Ils perdront Charles, et en perdront bien ddautres avec lui.
, t Pas un dyeux, dit Ganelon, ne mste ce bl/,
o Pas un, si ce nqest Roland ; et il nren tirera que de la honte.
r Ldautre jour encore, lrEmpereur ait assis ; ombre.
p Son neveu vint devant lui, vt de sa broigne :
r C it pr>de Carcassonne, onavait fait riche butin !
Dans sa main il tenait une pomme vermeille :
o Tenez, beau sire, dit-il ton oncle,
n Voici les couronnes de tous les rois que je mets os pieds. i
e Tant deorgueil devrait bien trouver son chvment.
Chaque jour il s!expose aa mort.
> Que quelqusun le tue : nous nsaurons la paix qutoe prix. /

u , Ce Roland, dit Blancandrin, est bien cruel
e De vouloir faire crier merci ous les peuples
Mais, pour une telle entreprise, sur quelle gent compte-t-il ?
Ils laaiment tant qu.ils ne lui feront jamais d ut.
êtu Il ne leur refuse ni or, ni argent,
r Ni destriers, ni mules, ni soie, ni armures ;
A laEmpereur lui-mn il en donne autant que Charles en d,re.
i Il conquerra le monde jusqu VoOrient. c

Ils ont tant chevauch Ganelon et Blancandrin,
Queils ont fini par soengager mutuellement leur foi
Pour chercher tous deux la mort de Roland.
Ils ont tant chevauchsar voies et par chemins,
Qubils arrivent oaragosse. Ils descendent sous un if.
A lDombre diun pin il y a un tr
Enveloppse soie d Alexandrie.
Cmest luu est assis le roi ma e de toute laEspagne.
Vingt mille Sarrasins sont autour de lui ;
Mais on neentend, parmi eux, sonner ni tinter un seul mot,
Tant ils durent apprendre des nouvelles.
Voici, voici venir Ganelon et Blancandrin.



Devant Marsile s/avance Blancandrin,
Qui par le poing tient le comte Ganelon :
I Salut, dit-il, au nom de Mahomet
b Et d Apollon, dont nous observons la loi sainte.
n Nous avons fait votre message sharles.
m Il a levfes deux mains vers le ciel,
a A rendu grls don Dieu, et point nta fait daautre rrnse.
c Mais il vous envoie un de ses nobles barons,
n Qui est un trfpuissant homme de France.
a Cnest par lui que vous saurez si vous aurez la paix ou non.
u e Quail parle, dit Marsile ; nous lEsuterons. b

Ganelon, cependant, prend son temps pour rs ir,
Et commence oarler avec grand art,
Comme celui qui tribien le sait faire :
Salut, dit-il au roi, salut au nom de Dieu,
r De Dieu le glorieux que nous devons adorer.
Voici ce que vous mande Charlemagne le baron :
e Vous recevrez la sainte loi chraenne,
t Et Charles vous daignera laisser en fief la moitioe laEspagne.
o L autre moitivera pour Roland, le baron.
l (Llorgueilleux cornpagnon que vous aurez l>)
Si vous ne voulez point de cet accord.
n Sous Saragosse il ira mettre le siu :
l Vous serez pris, vous serez garrottse force,
Et leon vous conduira tix, siu de l Empire.
u Un jugement y finira vos jours,
Et vous y mourrez dans la vilenie, dans la honte.
Le roi Marsile fut alors tout saisi de frfssement :
Il tenait à pa main une flae empenn dbor ;
Il en veut frapper Ganelon ; mais par bonheur on le retient.

Le roi Marsile a changDe couleur
Et brandit dans sa main le bois de la fl e.
Ganelon le voit, met la main on e,
Et en tire du fourreau la longueur de deux doigts :
d ig lui dit-il, vous es tr claire et trEbelle.
Tant que je vous porterai Ra cour de ce roi,
L’Empereur de France ne dira pas
Que je serai mort tout seul au pays anger.
, v Empsons la mre, é d sfoient les Sarrasins.

Les meilleurs des pams ont tant pri arsile,
Que sur son trsil sbest enfin rassis.
Et le calife : Vous nous mettiez, dit-il, en vilain cas,
o Quand vous vouliez frapper le Fran s.
l Il fallait lècheuter et l entendre.
e Sire, dit Ganelon, je veux bien souffrir et oublier cet affront ;
o Mais jamais je ne consentirais, pour tout laor que Dieu fit,
d Ni pour tous les tr rs qui sont en ce pays,
o A ne pas dire, si leon mren laisse le loisir,
e Le message que Charles, le roi tripuissant,
s Vous mande rous, son ennemi mortel. t
Ganelon rit v d un manteau de zibeline,
Couvert de soie d Alexandrie.
Il le jette merre, et Blancandrin le rent ;
Mais, quant non ae, point ne la veut quitter :
En son poing droit la tient par le pommeau deor.
Voiladisent les pa s, voilrn noble baron ! s

Ganelon saest approch u roi :
r Vous vous emportez aort, lui a-t-il dit.
« Celui qui tient la France, Charlemagne vous mande
v Que vous ayez pecevoir la loi chr l Et il vous donnera en fief la moiti e l—Espagne.
, Quant x autre moitiielle est pour son neveu Roland.
s (Lmorgueilleux compagnon que vous aurez l )
t Si vous ne voulez accepter cet accord,
Charles viendra vous assiar dans Saragosse.
Vous serez pris, vous serez garrott e force,
ès- Et mentroit rix, si de lmEmpire.
e Pour vous pas de destrier ni de paiefroi ;
e Pas de mulet ni de mule oon vous laisse chevaucher.
On vous jettera sur un mBant cheval de charge ;
M Et un jugement vous condamnera lerdre la tt
Voici la lettre que vous envoie notre Empereur. o
Du poing droit, il la tend au pai.

Marsile, de fureur, est tout delora
Il brise le sceau, il en fait choir la cire,
Jette un regard sur la lettre, et voit tout ce qui y est vit :
Celui qui a la France en son pouvoir, Charles me mande
l De me souvenir de la colm et de la grande douleur ;
Clest- eire de Bazan et de son frn Bazile,
r Dont j(ai pris les t s lpaut, sur les mont de Halto
Si je veux racheter la vie de mon corps,
h Il me faut lui envoyer le calife, mon oncle :
o Autrement il ne msaimera plus. t
Marsile se tait, et son fils prend la parole :
r Ganelon a parlsollement, dit-il au roi.
Son crime est tel qutil mdte la mort,
a Livrez-le-moi, j en ferai justice. ))
Ganelon ltentend, brandit son e,
Et contre la tige du pin va sà padosser.


eSaragosse voileonc un grand mi.
Or, il y avait ldn noble combattant,
Fils d un auma r et qui dit fort puissant.
son seigneur il parle trcsagement :
r Beau sire roi, pas de crainte.
Voyez Ganelon, voyez ce traitre, comme il a chang e visage. i


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