--Meme_glaviotte
Il y avait quelqu'un que, dans tout ce remue-ménage, on n'avait pas entendu depuis longtemps (même si, intérieurement, elle avait râlé tout le chemin).
Mémé Glaviotte était vautrée contre un mur de la taverne, sifflant comme un soufflet de forge.
La marche, c'était pu d'son âge, surtout après un si long voyage !
Et même l'allure tranquille du petit Gaston avait suffit à l'épuiser.
Elle plissa les yeux pour mieux y voir à l'intérieur de l'établissement, ce qui lui donna un air curieusement méchant.
Voyant qu'il y avait du monde, elle se redressa de toute sa dignité de petite vieille qui veut pas avouer qu'elle tient à peine debout.
Et dressa le menton d'un air péremptoire en direction de la tavernière.
Le morveux a raison, grinça-t-elle. On a soif ! Et pas du jus d'carotte ou d'la pisse d'âne ou chais-pas-quoi, hein ! J'veux une bonne gnôle qu'on sent où ça qu'ça passe !
Puis Glaviotte avança à tous petits pas vers la tavernière jusqu'à se retrouver nez à nez avec elle.
Ou plutôt nez à épaule, parce que l'aïeule, déjà pas bien grande à la base, avait beaucoup rapetissé, ratatiné et voûté depuis ces trente dernières années.
Vexée, elle leva la tête.
Et tu serviras le p'tit rouquinou aussi. Si t'acceptes d'avoir à ta table une de ces créatures ratées (un doigt boudiné se pointa vers le nain non loin), tu peux bien lui filer un verre, au gamin.
Mémé Glaviotte se fichait bien de la discrimination.
Surtout quand ça ne la touchait pas. Elle connaissait même pas le mot, à vrai dire.
Mais il y avait longtemps, loooogtemps... Elle se souvenait de la mioche qu'elle était.
Et des éclats d'oeufs pourris qu'il fallait, chaque jour, ôter de sa crinière rousse.
Ses premières victoires dans sa carrière de faiseuse de sorts avaient été de s'en venger, d'ailleurs...