Watelse
Maitre Watelse, votre plaisance fut un hommage à la beauté et au raffinement. Notre commande nous a ravit et votre talent transparaît dans chaque dorure.
Le fat personnage répétait tout bas une dernière fois les louanges d'un de ses clients. Il sortait par ailleurs de chez ce nobliau à la bourse généreuse. Le vieil Orfèvre avait le sourire de ceux qui connaissent la valeur de leur personne.
Les rues étaient désertées, les parisiens n'aimant pas particulièrement le froid. Et le Paon de Gascogne profitait de ce calme pour cheminer tranquillement jusque chez lui. Chez lui , sa femme l'attendait, grosse comme une laie sur le point de mettre bas. Bientôt il aurait un fils (il ne pouvait pas s'agir d'une fille, dans l'esprit du misogyne). Et tout fier qu'il était, il se demandait ce qu'il ferait d'un si petit être : le mettre en nourrice. Voilà la solution.
L'inexpérimenté paternel continuait sa route jsuqu'à ce qu'un bestiaux poilu pointa son museau en sa direction et rua sur ses jambes, prêt à le faire tomber :
Sale rat de clébard de Machinchouette! jura t'il.
Il fulminait l'orfèvre, les quatre fers en l'air dans la rue. On aurait dit un diable, rougeot de faciès, et pointant rageusement dans le vague un chien qui avait déjà détallé.
Ma Personne va se faire un manteau de tes poils crasseux!
Le colérique ne se doutait pas un instant que deux paires d'yeux l'observaient.
Watelse
Tahioooooooooooooooooooo!
Le cri de petit sauvageon était sorti de nul part. Le vieillard toujours baigné dans sa colère watelesque essayait avec difficulté de se remettre sur ses deux pattes. Sa canne d'appui lui manquait alors particulièrement :
1) il aurait pu s'y appuyer pour se redresser
2) il aurait pu se protéger plus vivement de ce cri inconnu
Mais revenons au cri. Aux oreilles de plus en plus sourdes du vieil orfèvre, le "tahio" guerrier ressemblait d'avantage à un pétillement d'oiseau qu'à un assaut barbare. A quatre pattes sur le pavé, Maitre Watelse leva la tête vers son envahisseur. L'image mit du temps à se préciser de deux petites formes s'avancement avec passion vers Sa Personne. Ses yeux de myope (ah.. l'âge!) se plissèrent : des nains? des lutins? des diablotins? Non... pire : des enfants !!
Il y avait chez les enfants une part d'impulsivité qui rendait le Grand Watelse mal à l'aise. Il aimait prévoir. Il aimait contrôler.
Sa vue se précisait tandis que les formes n'étaient plus qu'à quelques centimètres. Et le mal être se transforma en effroi et il hurla :
Des bébés femelles!!! Foi de Watelse, il vaut mieux fuir à toute jambes!!!
La peste, la misère et l'humiliation n'avaient pas autant d'impact sur la personne de Watelse que l'apparition de son pire cauchemar : des avortones de poulettes, des dindes en devenir, des prémices de colères hormonales. En bref : les diablesses de l'Enfer sur terre en modèles réduits.
Le vieillard en était à vouloir fuir. Et se hissant contre un mur, sa carcasse se grandit et tenta s'éloigna en claudicant. Là où sa jeunesse l'aurait portée en deux secondes, sa vieillesse peinait à l'atteindre en vingt. A ce rythme là, les deux épouvantables galopines ne tarderaient pas l'atteindre... C'est pâle de peur que Sa Grandeur Watelesque attendait son destin.
Watelse
Vipère ! Elle mordait comme une vipère dans les herbes hautes de Gascogne. Watelse en avait attrapé une dans sa jeunesse et lavait mis dans le lit de sa voisine qui rouspétait trop souvent.
Haha ! riait-il autrefois.
Haaaaaaaaaaaaahaaaaaaaaaaaaaa ! criait-il maintenant.
Watelse tirait sur sa jambe douloureuse, hésitant à empoigner la dindonnette par la crête et lenvoyer valser contre le mur. Mais lhomme était mysogyne, mais certes pas meurtrier (quoique parfois
). Non, il nallait pas enlever la vie à un poussin même repoussant comme cette bestiole qui enfonçait sans relâche son bec de mioche dans la charnue cuisse watelesque.
Comment écarter une chienne dun os moelleux ? Lui lancer un met encore plus appâtant ! Et Maitre savait quel était le pêché mignon des femelles : lor. Grimaçant, il décrocha de son cou une chaine dorée et lagita devant le regard de lhargneux chiot.
Raaaaaaaaaa ! Ptiote, va chercher !
Et il balança de lautre côté de la rue le dit trésor, espérant intensément que les enfantes étaient aussi vénales que leurs mères. et que la seconde bestiole qui s'élançaient vers lui suivrait le même mouvement que la Dentée Hargneuse.[/list]