Mhayri
Le purgatoire devait ressembler à cela. A cette marche du Sud vers le Nord, de la mer vers la roche, de la vie vers ce glacial pays balayé par les vents, que l'hiver rendait encore plus pénétrants et tranchants.
Les cheveux engoncés dans une étole de rude coton brunâtre qui lui couvrait les épaules jusqu'aux coudes, la blonde se demandait pour la millième fois au moins ce qui diable l'avait poussée dans ce périple. Et chaque matin au lever, lorsqu'elle quittait les gites ou les modestes auberges qu'elle pouvait se payer pour reprendre la route, cette même question martelait sans cesse derrière ses tempes, tandis que ses doigts gourds luttaient pour maintenir la chaleur à l'intérieur d'un cocon de tissus fort peu coopératif.
Cela avait commencé dans les rues de Nîmes, où un crieur annonçait son message d'une voix de stentor - de cette voix qu'on n'a que lorsqu'on couche bien au chaud - ce dont Mhayri lui avait été fort reconnaissante. En effet, elle avait remarqué que les gens avaient une fâcheuse tendance à placarder des bouts de papiers griffonnés de caractères incompréhensibles - pour elle - sans se préoccuper outre mesure de ceux qui n'avaient pas l'instruction nécessaire pour accéder aux mystères qu'ils recélaient. Injustice criante, en vérité ! Qui donc avait décrété qu'il fallait savoir lire et écrire pour élever des poulets ou couper du blé ? Mila Dieu !
Avant son arrivée en ville, jamais elle n'avait eu même l'idée, et encore moins le loisir, de s'instruire assez pour lire et écrire, et elle n'en avait conçu aucun manque : elle savait compter les écus et les bêtes, elle savait retenir de mémoire toutes les recettes de sa mère, elle savait coudre et s'occuper de la ferme familiale et c'était déjà bien assez pour vivre. Mais maintenant, au fil des jours, son orgueil commençait à lui brûler l'estomac.
Son estomac justement décida de se manifester, la contraignant à grignoter l'avant dernier morceau de pain qu'il lui restait pour terminer son voyage. Son esprit embrumé par la fatigue et le froid peinait à conserver sa droiture. Comment en était-elle arrivée à songer à son estomac ..?
Ah, oui, le messager. Elle entendait encore sa voix puissante énoncer que le Baron de Crussol et sa promise cherchaient du personnel de maison pour le Castel de Crussol, dans le Vivarais, que la place payait honnêtement. La blonde était désuvrée et désargentée, du fait de sa fugue récente du foyer familiale. Mais plus encore, elle était curieuse. Et si elle tenait là une occasion de connaître le monde des Grands ? Peut-être verrait-elle un preux Chevalier, une Damoiselle en détresse et un dragon. Ou peut-être pas. Mais à ses yeux, cela valait la peine de tenter sa chance !
Seulement voilà : le Vivarais, c'était dans le Nord. Elle venait à peine d'arriver à Nîmes, pourquoi fallait-il que Crussol soit si loin ?
La réflexion blondissante* a ceci de particulier que le temps et les distances varient grandement en fonction du moment où ils sont évalués. Par exemple, dans sa chambre de l'auberge de Nîmes, ça avait l'air assez proche et facile à atteindre. Beaucoup plus qu'après la troisième étape, lorsqu'elle tentait de boire une soupe claire avec des morceaux de pains, qui blessaient et déchiraient ses lèvres gercées.
Bientôt, les hautes murailles du château fort s'élevèrent à l'horizon, foudroyant la piteuse voyageuse d'un soulagement soudain qui lui rendit quelques forces. Elle pressa le pas, poussée par l'impérieux besoin de se réchauffer. Enfin, elle passa la muraille qui encerclait la forteresse. Là, les gardes l'interrogèrent sur la raison de sa venue, l'observèrent d'un air dubitatif lorsqu'elle exprima son désir de rejoindre la mesnie de Crussol, puis la laissèrent passer. Une jeune fille congelée ne figurait pas un risque majeur pour la forteresse, visiblement.
Elle traversa le village puis, au bout d'un temps qui lui parut infiniment trop long, se trouva face aux gardes qui protégeaient l'entrée du château fort.
Bien. Et là, on fait quoi ? Le voyage, les provisions, les vêtements chauds, les écus pour payer l'hébergement, tout avait été réfléchi à l'avance. Mais que dit-on aux portes d'un château lorsque l'on est personne et que l'on souhaite en rencontrer les maîtres ? Mmh... Mystère.
Bon, bon, bon...
Inspiration, expiration, concentration. Improvisation.
Rabattant son étole sur ses épaules, elle dévoila son visage, un peu crispé par le froid et la fatigue, mais tout de même souriant, en cadré par ses longs cheveux blonds.
"Adieussiatz, Messers. Je suis venue depuis Nîmes pour entrer au service de la maison de Crussol en tant que domestique. Pourriez-vous me laisser passer, se vos plai ?"
Les cheveux engoncés dans une étole de rude coton brunâtre qui lui couvrait les épaules jusqu'aux coudes, la blonde se demandait pour la millième fois au moins ce qui diable l'avait poussée dans ce périple. Et chaque matin au lever, lorsqu'elle quittait les gites ou les modestes auberges qu'elle pouvait se payer pour reprendre la route, cette même question martelait sans cesse derrière ses tempes, tandis que ses doigts gourds luttaient pour maintenir la chaleur à l'intérieur d'un cocon de tissus fort peu coopératif.
Cela avait commencé dans les rues de Nîmes, où un crieur annonçait son message d'une voix de stentor - de cette voix qu'on n'a que lorsqu'on couche bien au chaud - ce dont Mhayri lui avait été fort reconnaissante. En effet, elle avait remarqué que les gens avaient une fâcheuse tendance à placarder des bouts de papiers griffonnés de caractères incompréhensibles - pour elle - sans se préoccuper outre mesure de ceux qui n'avaient pas l'instruction nécessaire pour accéder aux mystères qu'ils recélaient. Injustice criante, en vérité ! Qui donc avait décrété qu'il fallait savoir lire et écrire pour élever des poulets ou couper du blé ? Mila Dieu !
Avant son arrivée en ville, jamais elle n'avait eu même l'idée, et encore moins le loisir, de s'instruire assez pour lire et écrire, et elle n'en avait conçu aucun manque : elle savait compter les écus et les bêtes, elle savait retenir de mémoire toutes les recettes de sa mère, elle savait coudre et s'occuper de la ferme familiale et c'était déjà bien assez pour vivre. Mais maintenant, au fil des jours, son orgueil commençait à lui brûler l'estomac.
Son estomac justement décida de se manifester, la contraignant à grignoter l'avant dernier morceau de pain qu'il lui restait pour terminer son voyage. Son esprit embrumé par la fatigue et le froid peinait à conserver sa droiture. Comment en était-elle arrivée à songer à son estomac ..?
Ah, oui, le messager. Elle entendait encore sa voix puissante énoncer que le Baron de Crussol et sa promise cherchaient du personnel de maison pour le Castel de Crussol, dans le Vivarais, que la place payait honnêtement. La blonde était désuvrée et désargentée, du fait de sa fugue récente du foyer familiale. Mais plus encore, elle était curieuse. Et si elle tenait là une occasion de connaître le monde des Grands ? Peut-être verrait-elle un preux Chevalier, une Damoiselle en détresse et un dragon. Ou peut-être pas. Mais à ses yeux, cela valait la peine de tenter sa chance !
Seulement voilà : le Vivarais, c'était dans le Nord. Elle venait à peine d'arriver à Nîmes, pourquoi fallait-il que Crussol soit si loin ?
La réflexion blondissante* a ceci de particulier que le temps et les distances varient grandement en fonction du moment où ils sont évalués. Par exemple, dans sa chambre de l'auberge de Nîmes, ça avait l'air assez proche et facile à atteindre. Beaucoup plus qu'après la troisième étape, lorsqu'elle tentait de boire une soupe claire avec des morceaux de pains, qui blessaient et déchiraient ses lèvres gercées.
Bientôt, les hautes murailles du château fort s'élevèrent à l'horizon, foudroyant la piteuse voyageuse d'un soulagement soudain qui lui rendit quelques forces. Elle pressa le pas, poussée par l'impérieux besoin de se réchauffer. Enfin, elle passa la muraille qui encerclait la forteresse. Là, les gardes l'interrogèrent sur la raison de sa venue, l'observèrent d'un air dubitatif lorsqu'elle exprima son désir de rejoindre la mesnie de Crussol, puis la laissèrent passer. Une jeune fille congelée ne figurait pas un risque majeur pour la forteresse, visiblement.
Elle traversa le village puis, au bout d'un temps qui lui parut infiniment trop long, se trouva face aux gardes qui protégeaient l'entrée du château fort.
Bien. Et là, on fait quoi ? Le voyage, les provisions, les vêtements chauds, les écus pour payer l'hébergement, tout avait été réfléchi à l'avance. Mais que dit-on aux portes d'un château lorsque l'on est personne et que l'on souhaite en rencontrer les maîtres ? Mmh... Mystère.
Bon, bon, bon...
Inspiration, expiration, concentration. Improvisation.
Rabattant son étole sur ses épaules, elle dévoila son visage, un peu crispé par le froid et la fatigue, mais tout de même souriant, en cadré par ses longs cheveux blonds.
"Adieussiatz, Messers. Je suis venue depuis Nîmes pour entrer au service de la maison de Crussol en tant que domestique. Pourriez-vous me laisser passer, se vos plai ?"
*Façon de penser de la blonde, copyright Mhayri 1460.
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