Marzina
Deux semaines après la trêve, Nantes.
Pas là, il nétait pas là. La trêve avait été décrétée, et depuis, elle lattendait, son petit nez hautain collé aux fenêtres du château de Nantes, guettant depuis la direction du Maine larrivée de lEpine à la robe blanche Mais rien, rien, rien Son cur parfois se serrait, et elle sen trouvait plus lunatique encore quà son habitude, passant de la méchanceté à la tristesse en un rien de temps, agressant les gens la côtoyant avant de se faire passer victime presque aussitôt.
Il va venir Il va venir Il va venir
Il était toujours venu, pourquoi ne viendrait-il pas maintenant ? Cétait lui qui avait souhaité lépouser non ? Il le lui avait promis, et elle, amoureuse, lavait cru Pourquoi en aurait-il été autrement ? Elle ne pouvait sincèrement pas douter de son amour, il risquait sa vie plus encore quelle dans cette passion, le peuple français était autrement moins tolérant que le peuple breton à légard des penchants du cur pour les nations ennemies Encore que, elle en avait destitués sur ordre du Grand Duc justement. Mais elle, elle navait pour seule faute que de laimer, contrairement à ces autres. Et bientôt, son amour éclaterait au grand jour, il viendrait avec cette bague, et elle lui dirait oui, et ils pourront enfin profiter tout leur saoul de se retrouver ensemble. Elle sétait fait baptiser, elle était prête maintenant, il ne manquait plus que le fiancé Mais il ne venait pas, et désespérément, elle restait accrochée à la fenêtre, caressant le verre glacé, écoutant la complainte du vent qui exprimait si bien le chagrin quelle ne parvenait à exprimer, parce quelle nen avait pas le droit, et parce que si elle le faisait, ce serait se résigner à ce quil ne viendrait pas
Il viendra.
Parce quil le faut
Parce que s'il ne vient pas, elle en mourra...
Une larme roule sur sa joue, doucement, vient sécraser sur le sol de pierre froid comme son cur qui saigne, et disparait Un cri de folie retentit dans tout le château tandis que vole en éclat la vitre devant laquelle elle était postée. Un garde arrive, un valet, une servante Elle ne prend plus garde à ce quil se passe autour delle, se répandant en sanglots qui paraissent intarissables en un faible gémissement, tandis quon retire son poing ensanglanté de la vitre brisée. En ce trou béant sengouffre le vent glacial de lhiver qui hurle à nouveau la souffrance de lamante trahie, le froid lenveloppe, caresse sa peau pâle, lengourdit. On lui parle, certes, mais elle nentend pas. Bientôt elle sent des bras puissants qui soulèvent son corps frêle, et sa conscience senfuit de ce corps amaigri par les privations dun amour contrarié. Les boucles d'or volettent dans le vide, légèrement agitées par le courant dair, dernier signe de vie dune princesse inconsciente.
*livre de Sébastien Japrisot, long-métrage de Jean-Pierre Jeunet
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Pas là, il nétait pas là. La trêve avait été décrétée, et depuis, elle lattendait, son petit nez hautain collé aux fenêtres du château de Nantes, guettant depuis la direction du Maine larrivée de lEpine à la robe blanche Mais rien, rien, rien Son cur parfois se serrait, et elle sen trouvait plus lunatique encore quà son habitude, passant de la méchanceté à la tristesse en un rien de temps, agressant les gens la côtoyant avant de se faire passer victime presque aussitôt.
Il va venir Il va venir Il va venir
Il était toujours venu, pourquoi ne viendrait-il pas maintenant ? Cétait lui qui avait souhaité lépouser non ? Il le lui avait promis, et elle, amoureuse, lavait cru Pourquoi en aurait-il été autrement ? Elle ne pouvait sincèrement pas douter de son amour, il risquait sa vie plus encore quelle dans cette passion, le peuple français était autrement moins tolérant que le peuple breton à légard des penchants du cur pour les nations ennemies Encore que, elle en avait destitués sur ordre du Grand Duc justement. Mais elle, elle navait pour seule faute que de laimer, contrairement à ces autres. Et bientôt, son amour éclaterait au grand jour, il viendrait avec cette bague, et elle lui dirait oui, et ils pourront enfin profiter tout leur saoul de se retrouver ensemble. Elle sétait fait baptiser, elle était prête maintenant, il ne manquait plus que le fiancé Mais il ne venait pas, et désespérément, elle restait accrochée à la fenêtre, caressant le verre glacé, écoutant la complainte du vent qui exprimait si bien le chagrin quelle ne parvenait à exprimer, parce quelle nen avait pas le droit, et parce que si elle le faisait, ce serait se résigner à ce quil ne viendrait pas
Il viendra.
Parce quil le faut
Parce que s'il ne vient pas, elle en mourra...
Une larme roule sur sa joue, doucement, vient sécraser sur le sol de pierre froid comme son cur qui saigne, et disparait Un cri de folie retentit dans tout le château tandis que vole en éclat la vitre devant laquelle elle était postée. Un garde arrive, un valet, une servante Elle ne prend plus garde à ce quil se passe autour delle, se répandant en sanglots qui paraissent intarissables en un faible gémissement, tandis quon retire son poing ensanglanté de la vitre brisée. En ce trou béant sengouffre le vent glacial de lhiver qui hurle à nouveau la souffrance de lamante trahie, le froid lenveloppe, caresse sa peau pâle, lengourdit. On lui parle, certes, mais elle nentend pas. Bientôt elle sent des bras puissants qui soulèvent son corps frêle, et sa conscience senfuit de ce corps amaigri par les privations dun amour contrarié. Les boucles d'or volettent dans le vide, légèrement agitées par le courant dair, dernier signe de vie dune princesse inconsciente.
*livre de Sébastien Japrisot, long-métrage de Jean-Pierre Jeunet
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