[Quelques jours avant, à Bergerac]
Alfred, encore ignorant de la terrible et impitoyable menace se profilant presque à lhorizon, vaquait tranquillement à ses passionnantes occupations quotidiennes. Ce jour-là, il sagissait non pas dimaginer une mille-et-unième façon dasticoter une duchesse et peut-être un jour future marquise, mais seulement de rêvasser fraîchement au grand jour en se balançant sur les deux pieds arrières dune chaise, sur son pas de porte, emmitouflé dans une écharpe. Une certaine façon de prendre lair, en quelque sorte. À cet instant précis, il rêvait quil combattait vaillamment de coriaces et gras dragons quil pourfendait de part en part et éparpillait façon puzzle 2 à 3 ans (soit plus de 4 pièces) afin de libérer la princesse prisonnière, et tout et tout comme dans les contes pour mioche vraiment crédules, sauf quils ne vécurent pas ensemble heureux et longtemps ni neurent de beaux enfants, et dailleurs ils ne vécurent pas ensemble du tout, car la princesse était franchement moche et Alfred préféra aller voir ailleurs sil ny avait pas une plus jolie à sauver, sauf que les plus jolies avaient toutes déjà été sauvées, et avaient eu tellement de gosses quelles en étaient devenues moches, et il se dit en conséquence que les princesses belles cétait vraiment que pour faire fantasmer, et quil ferait bien de se réveiller avant de prendre froid, ce quil fit dailleurs mais quà moitié, vu quil éternua vivement.
Le flou artistique suivant cet instant précis nous amène à un autre instant précis de lhistoire, bien plus définissable vu quil sagit de celui où un pigeon visiblement pas du coin sencastra justement dans celui du nord-est du logis dAlfred, qui était en plus de ça le plus pointu vu que la maison ressemblait vaguement à un trapèze, vu de dessus, et que donc les angles nétaient pas droits, mais aigus ou obtus, mais à propos daigus je sens que vous allez bientôt attraper une emmerdite aiguë, surtout quon voit plutôt la maison depuis la rue que du dessus, donc passons. En réaction à cet incident, Alfred eut cette phrase hautement philosophique qui passera certainement à postérité :
Norf ! Encore un pigeon tâchant mon pauvre mur !
Pestant et râlant comme il savait si bien faire, il se dirigea vers le tas de plumes inerte gisant irrévérencieusement au sol, tout en se demandant sil ne pourrait pas lui servir pour le dîner du soir et même le lendemain, à condition de réussir à décider sil lattaquerait par laile ou par la cuisse. Dailleurs, amis lecteurs, jai une question technique existentielle pour la suite de lhistoire : Y a-t-il les sot-ly-laisse sur un pigeon ? Et dailleurs es t-ce que « laisse » de « sot-ly-laisse » prend un « s » au pluriel ? Vu que, logiquement, les sot-ly-laisse vont par paire. À moins bien sûr que ce ne soit « sot » qui prennent un « s », et que « laisse » finisse par « nt »
Je sens que ça vous creuse les méninges de savoir, hein ! À moins que vous ne vous en foutiez, en fait
Bon ben ceux qui ne sen foutent pas sont priés de chercher la réponse et de me lenvoyer au 3615 Alfred555, pour les autres, passons à la suite.
Alfred, donc, était tout à sa recherche des sot-ly-laisse perdus lorsquil se rendit compte que la bestiole était porteuse dun message. Et qui en plus, par le plus grand des hasards improbables et hautement inattendus, lui était destiné. Cest dingue comme les pigeons viennent clamser au bon endroit. Il ouvrit le pli, et reconnu lécriture de la baronne de Valençay, sa bonne amie Zoyah ! Quest-ce quelle devenait, celle-là
aux dernière nouvelles, elle était en balade dans le nord du royaume.
Ça parlait de Normandie, de vacances, de feuilles dartichaut, dIrlandais, et dun tas dautres trucs que seules les femmes peuvent comprendre : de mioches. Dailleurs elle lui annonçait larrivée imminente de deux spécimens, hauts en couleurs. Le sien, et celui dune autre. En « vacances » à Bergerac. Chez lui. Quil allait devoir les garder, les occuper en attendant que leurs mères arrivent. Juste quelques mois.
Réaction normale et totalement proportionnée dAlfred, ses yeux sortant presque de leurs orbites :
QUEEEEEOUAAAAA !
Ce ne furent pas des pigeons mais des petits oiseaux qui tournèrent autour de la tête dAlfred, lorsquil prit pleinement conscience de la catastrophe qui venait de lui tomber dessus.