Ellya
La culpabilité et le péché...
L'Oblate venait d'achever ses ablutions et de tresser sa chevelure, les mains tremblantes, quand elle décida qu'il était grand temps pour elle de se confesser.
Voilà huit mois que se lovait en son sein l'héritier du célèbre orfèvre de Paris, Georges Léonard Watelse. Voilà huit mois que la nonnette éprouvait une douce amitié pour ce dernier, époux pourtant indésiré et indésirable au début. Il était parti pour ses affaires, il était revenu par amour pour elle, la féconde.
Mais hélas... Voilà huit mois que la promesse faite n'avait pas été tenue et cela rongeait la douce Ellya plus que la haine qui l'avait habitée le jour de leurs noces.
"Jaccepte de me faire baptiser mais seulement par vos mains, car c'est par vous et pour vous uniquement que j'aimerai votre dieu. Mais ne m'en voulez pas trop si parfois, mon esprit réfléchit encore comme le Spinoziste que je suis. Le seul cadeau que je vous demande alors, est votre indulgence."
Elle frémit en se rappelant la vaine parole du quinquagénaire. Que n'avait-elle écouté Odoacre? Elle, fervente aristotélicienne, épouser un Spinoziste contre le droit canon?
Le frémissement devint tremblement. Elle avait froid. Les sept premiers jours de chaque mois, les Cisterciens du Prieuré Ste Illinda du Rivet devait abandonner leurs hardes pour revenir la chemise des pauvres. Grosse jusqu'aux yeux, la chemise râpeuse ne couvrait pas grand chose. Ellya vint se poser près de l'âtre, espérant ainsi gagner un peu de chaleur. Le doute pourtant s'était incrusté. Et, comme un châtiment divin, une folle toux vint la prendre tandis qu'une sueur froide imbibait doucement le vêtement. La maladie s'infiltrait doucement en elle et, pieuse comme elle était, la sacristine ne pouvait y voir qu'un jugement céleste: l'héritier mourrait si elle ne parlait pas.
Elle avait peur. Mais lui, son frère de cur, son ami de toujours, garderait le secret: car tel est le pouvoir de la confession, n'est-ce pas?
A mon frère adoré,
Ô, toi, étoile parmi les étoiles, j'ai grand peine à t'écrire alors que le malheur doit encore t'éteindre la nuit. Pourtant, c'est à l'homme d'église que j'en appelle, et à son pardon.
Car j'ai péché, mon frère, en mots et en actes. Ces derniers ne peuvent être changés et je demande simplement l'absolution afin de permettre à mon âme de continuer sur le chemin qui mène à l'Astre Solaire.
Tu imagines fort bien que le destin m'a pris de court et que mes choix eussent été différents si on me l'avait permis.
Accepte, je t'en prie, d'écouter mes maux et de les sceller derrière la barrière de tes lèvres. Je crains tant l'Inquisition que je ne puis me tourner vers personne d'autre. Tu me connais, mon frère, et tu sais mieux qu'eux que je ne cultive que la vertu. Donne moi la chance de continuer sur cette voie.
Garde le pigeon, il te renverra à moi.
Ta sur,
E.
Malheureusement pour la nonnette, le destin choisit de lui mettre entre les mains un pigeon douteux. Et, loin de voler vers le bon destinataire, l'infâme volatile qui tenait entre ses mains un secret qui pouvait valoir fort cher, se mit à errer vers le premier inconnu venu.
... ne sont que peurs du passé.*
* Charles Curtis
_________________
L'Oblate venait d'achever ses ablutions et de tresser sa chevelure, les mains tremblantes, quand elle décida qu'il était grand temps pour elle de se confesser.
Voilà huit mois que se lovait en son sein l'héritier du célèbre orfèvre de Paris, Georges Léonard Watelse. Voilà huit mois que la nonnette éprouvait une douce amitié pour ce dernier, époux pourtant indésiré et indésirable au début. Il était parti pour ses affaires, il était revenu par amour pour elle, la féconde.
Mais hélas... Voilà huit mois que la promesse faite n'avait pas été tenue et cela rongeait la douce Ellya plus que la haine qui l'avait habitée le jour de leurs noces.
"Jaccepte de me faire baptiser mais seulement par vos mains, car c'est par vous et pour vous uniquement que j'aimerai votre dieu. Mais ne m'en voulez pas trop si parfois, mon esprit réfléchit encore comme le Spinoziste que je suis. Le seul cadeau que je vous demande alors, est votre indulgence."
Elle frémit en se rappelant la vaine parole du quinquagénaire. Que n'avait-elle écouté Odoacre? Elle, fervente aristotélicienne, épouser un Spinoziste contre le droit canon?
Le frémissement devint tremblement. Elle avait froid. Les sept premiers jours de chaque mois, les Cisterciens du Prieuré Ste Illinda du Rivet devait abandonner leurs hardes pour revenir la chemise des pauvres. Grosse jusqu'aux yeux, la chemise râpeuse ne couvrait pas grand chose. Ellya vint se poser près de l'âtre, espérant ainsi gagner un peu de chaleur. Le doute pourtant s'était incrusté. Et, comme un châtiment divin, une folle toux vint la prendre tandis qu'une sueur froide imbibait doucement le vêtement. La maladie s'infiltrait doucement en elle et, pieuse comme elle était, la sacristine ne pouvait y voir qu'un jugement céleste: l'héritier mourrait si elle ne parlait pas.
Elle avait peur. Mais lui, son frère de cur, son ami de toujours, garderait le secret: car tel est le pouvoir de la confession, n'est-ce pas?
A mon frère adoré,
Ô, toi, étoile parmi les étoiles, j'ai grand peine à t'écrire alors que le malheur doit encore t'éteindre la nuit. Pourtant, c'est à l'homme d'église que j'en appelle, et à son pardon.
Car j'ai péché, mon frère, en mots et en actes. Ces derniers ne peuvent être changés et je demande simplement l'absolution afin de permettre à mon âme de continuer sur le chemin qui mène à l'Astre Solaire.
Tu imagines fort bien que le destin m'a pris de court et que mes choix eussent été différents si on me l'avait permis.
Accepte, je t'en prie, d'écouter mes maux et de les sceller derrière la barrière de tes lèvres. Je crains tant l'Inquisition que je ne puis me tourner vers personne d'autre. Tu me connais, mon frère, et tu sais mieux qu'eux que je ne cultive que la vertu. Donne moi la chance de continuer sur cette voie.
Garde le pigeon, il te renverra à moi.
Ta sur,
E.
Malheureusement pour la nonnette, le destin choisit de lui mettre entre les mains un pigeon douteux. Et, loin de voler vers le bon destinataire, l'infâme volatile qui tenait entre ses mains un secret qui pouvait valoir fort cher, se mit à errer vers le premier inconnu venu.
... ne sont que peurs du passé.*
* Charles Curtis
_________________