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[RP]Sémur, ces murs, nos murs.

Anne_blanche
Citation:
De nous, Anne de Culan, Baronne douairière d'Aupic, Dame de La Mure
A Dame Ccsdb, bourgmestre de Sémur

Dame Bourgmestre,

J'entends emménager dans votre bonne ville de Sémur, avec mes enfants Sylvain et Anne-Marie, dès que possible.

Je vous serais reconnaissante de bien vouloir me faire connaître les dispositions à prendre, s'il en existe, comme autorisations à obtenir ou personnes à avertir.
Il me faudrait aussi une liste des biens disponibles à la vente : un hôtel particulier ou grande maison, de préférence sur les hauteurs de la ville, conviendrait pour abriter ma mesnie.
Enfin, ayant l'intention d'investir dans 6 pièces de terre et une échoppe, je vous saurais gré de bien vouloir me dire quels élevages, cultures et activités seraient en ce moment les plus adaptés à l'économie locale.

Recevez, Dame Bourgmestre, la considération de

Anne de Culan


Anne reposa la plume, non sans se tâcher les doigts. Dans la chambre mise à sa disposition par Dame Marie-Alice, dans sa maison sur l'Armançon, elle sonna Matheline.

Donnez-moi ma cape fourrée...

Ladite cape sur les épaules, Anne descendit. Elle avait envie de se promener, de découvrir la ville. Mais auparavant, il fallait franchir l'Armançon... Ce fut les yeux clos, après une grande inspiration, et la main posée sur le bras de son cocher Bacchus, qu'Anne traversa le pont, les doigts crispés sur le petit rouleau de parchemin qu'elle destinait à la bourgmestre.
A la profondeur du soupir qu'elle poussa en regagnant la terre ferme, on pouvait mesurer son soulagement.

La Mairie lui fut obligeamment indiquée par une commère, laquelle lui montra aussi du doigt la taverne la plus fréquentée. Bacchus, à son grand dam, fut chargé de remettre la missive à la bourgmestre, tandis qu'Anne, déjà transie, entrait dans la taverne.
Dame Marie-Alice s'y trouvait déjà, ainsi que le jeune Cassian, qu'elle avait eu l'occasion de rencontrer lors de son précédent séjour à Sémur. Anne s'installa à leur table, vite rejointe par le père dudit Cassian. Ce dernier, à son habitude, se vantait de ses hauts faits au Conseil, prétendait échapper aux punitions reçues, et pour tout dire agaçait profondément la jeune femme. Quel âge pouvait-il avoir ? Sans doute pas beaucoup plus qu'elle-même quand elle était entrée au Conseil Ducal... Autrement dit, pas beaucoup moins qu'elle maintenant...
Elle finit par se tourner vers lui.


Messire Cassian, vos bonnes jambes sont-elles assorties d'un fier talent pour la négociation commerciale ? Et si c'est le cas, puis-je vous confier une mission ?


Façon comme une autre de prendre la vraie mesure du jeune écervelé...
_________________
--Bacchus
[Quelques jours plus tard]

Norf de norf ! Comment qu'al' va l' prendre ?

Le bon Bacchus se gratte furieusement le scalp. Chez lui, c'est le signe infaillible d'un profond désarroi. Debout à la porte de Dame Anne, il se dandine d'un pied sur l'autre. Ses gros doigts tournent et retournent un parchemin.
Bacchus n'est pas seulement le cocher de Dame Anne. C'est comme qui dirait son intendant. Dame Anne a confiance en lui, en tout et pour tout. Rien qu'à cette douce pensée, il redresse le buste, lisse d'un index satisfait sa formidable moustache, hausse au ras des cheveux l'unique sourcil qui lui barre le front d'une tempe à l'autre.
Le parchemin le rappelle à la réalité.


Mais comment qu'al' va l' prendre ?!

Bacchus sait lire. Il a appris, quand il était huissier au castel des ambassades de ... Pffff ! C'est bien loin, tout ça. Tant mieux ! C'est du passé, n'en parlons plus.
Sauf que comme il sait lire, c'est lui qui décachète les courriers de Dame Anne. Il les lit, les trie, et même qu'il y répond, quand c'est rien que de la tracasserie comme les missives de ces bâsins de douaniers ou celles du collecteur d'impôts. Puis les autres, il les donne à Dame Anne, en plusieurs petits tas : les courriers pour l'Académie, les courriers pour son procès, les courriers pour la gestion de ses terres, les courriers qui portent des nouvelles...

Ce matin, il n'y en avait qu'un. Bacchus a brisé le sceau, et il a lu.


Citation:
A Anne de Savoie et de Berry,
A une Dame qui malgré des origines de douteuse possède de la fichtrement bonne cervelle

Bien du bonjour d'oiseaux chantant afin que votre journée soit aussi belle que ses champs jaunis par du soleil couchant !

Je vous écris – comme vous allez rire j'espère – parce que vous avais complètement oublié de ma tête ! Enfin vous savez ce que c'est quand on est fichtrement occupé : qu'on pense à du truc et que du machin prend place, non ? Là c'est qu'est-ce qui m'est malheureusement arrivé. Alors que nous chevauchions les routes à cheval avec Papa et Aimbaud – mêlant discutassions et guerroyances de maraud – je me suis dit que quelque chose n'avait pas sa place dans ma cervelle pourtant si parfaite d'ordinaire. Et c'est là que j'ai pensé « Tudieu de fichtre ! Mais c'est bien ça ! Y'a ma mission pour l'autre que j'ai pas fait ! » (je me suis dit "l'autre" au début pour aller plus vite comme on fait habituellement en pensées, mais y'a rien péjiratotif là dedans) !

Enfin bref, tout ça pour vous dire que je m'occuperai quand même de vous trouver une auguste demeure un jour, sitôt rentré. En attendant vous pouvez toujours crécher chez Papa, ça sent foutrement fort le mâle viril, mais c'est du genre cossu et il n'y a pas de flotte qui mouille à côté. Inutile de me faire du merci c'est tout naturel.

Au plaisir de vous faire rapidement moult revoyances,
Avec mes salutations de distingué,
Cassian.


Il n'a pas tout compris, le Bacchus. Il a bien tout lu et relu, pourtant. Il a juste compris que le petit Cassian s'était engagé à faire quelque chose pour Dame Anne et ne l'a point fait.


Quand faut y aller...

Il rentre la tête dans les épaules. Pour sûr qu'elle va être en colère, Dame Anne. Oui, bon, d'accord : c'est plus des colères comme quand elle avait trois ans. Mais c'est des colères bien coléreuses tout de même. Bacchus n'aime pas bien ça.
Il pousse la porte, tend le parchemin à Dame Anne, et attend, l'air dégagé.
Anne_blanche
Anne tournait en rond, au sens propre comme au sens figuré.
On n'aurait pu dire que la maison de Dame Marie-Alice était vide. Elle était jour et nuit peuplée d'une foule de serviteurs. On n'aurait pu dire non plus qu'Anne n'avait rien à faire de toutes ses journées. Elle surveillait de loin les leçons données par le Père Comis à Sylvain et Anne-Marie, préparait la visite de la reine à l'Académie, perfectionnait son latin en lisant Ovide - qu'il l'agaçait, celui-là ! - ou Cicéron, et mettait la dernière main à un projet qui lui tenait particulièrement à cœur.
Mais elle avait été, depuis son plus jeune âge, tellement habituée à un travail incessant, à un cumul de tâches, qu'elle n'y trouvait pas son compte. Ses journées lui paraissaient longues, ennuyeuses. Elle en venait presque à regretter son déménagement à Sémur.

Le Maire avait fini par répondre à sa missive, avec tellement de retard qu'Anne avait déjà investi dans un lot de champs, pas trop près de l'Armançon, et dans une forge où elle avait placé le fort compétent Maître Histos (Hépha de son prénom). Trop tard pour prendre en compte les conseils du Maire.
Les champs, donc, c'était fait.
Mais la maison...
"Je vous trouve ça d'ici à jeudi soir", avait dit Cassian. Si Anne l'avait mieux connu, sans doute lui eût-elle fait préciser à quelle semaine il pensait.

Quand Bacchus poussa la porte de la chambre où elle faisait les cent pas comme une louve en cage, Anne comprit tout de suite que quelque chose n'allait pas. Le cocher contemplait les poutres d'un air si peu naturel que ça cachait forcément quelque chose. Elle prit le parchemin qu'il lui tendait, alla tout de suite à la signature.


Tiens donc ! Messire Cassian daigne enfin se manifester ! Restez, Bacchus. Il y aura sans doute une réponse.


A peine son message délivré, le cocher tentait en effet de se glisser vers la porte. Ce ne fut point tant la manœuvre en elle-même qui alerta Anne, que les gestes dont elle s'accompagnait. Maître Bacchus, se croyant discret, adressait aux enfants des gestes impérieux, qui signifiaient clairement : "Venez ! Mais venez donc !"
A mesure qu'elle lisait, son front se plissait. Ses yeux bleus virèrent au gris ardoise, son teint déjà bien pâle tourna au livide, avec aux pommettes des taches rouges du plus bel effet.


Le sacripant ! Il va voir de quel ... Hum...


Les enfants la regardaient, le domestique aussi.
Anne s'assit, rédigea à toute vitesse une réponse qu'elle scella sans la relire.


Citation:
Messire,
Votre parfaite cervelle ayant poussé la perfection jusqu'à oublier si parfaitement la mission dont j'avais chargé son possesseur, je ne porterai point plus avant atteinte à sa perfection en l'obligeant à d'autres efforts aussi inconsidérés que celui-là.
Oubliez, je vous prie, ma demande, et laissez-moi le soin de trouver moi-même l'auguste demeure qui abritera désormais mes jours et ceux de ma mesnie. En attendant, je reste chez Dame Marie-Alice, où les toits sont à l'épreuve des pluies, comme chez Messire votre père, et où flotte partout un délicieux parfum de violette.

Je profite de cette missive pour combler une lacune de votre éducation : vous eussiez pu m'adresser vos distinguées salutations si votre âge et votre rang eussent été supérieurs aux miens. Puisqu'il n'en est rien, il eût été plus seyant de m'offrir votre respectueux dévouement.

Recevez, Messire Cassian, l'expression de ma désapprobation quant à votre conduite,

Anne de Culan


Bacchus, faites porter sur-le-champ ma réponse, et attelez.
Sylvain, Anne-Marie : chapeaux et mantels, je vous prie. Vous m'accompagnerez.

_________________
Sylvain_d_aupic
Voilà des heures que le Père Comis donnait la leçon à Sylvain et sa soeur. Si le jeune garçon appréciait cet apprentissage, certes soutenu mais indispensable, qui devait lui donner les outils pour répondre à ses futures obligations, la nature dehors exerçait sur lui son irrésistible appel. Sans doute l'héritage biologique de feu son père qui avait passé la plus longue partie de sa vie à l'air libre...

Sylvain réprimait le plus discrètement possible un baillement quand la porte s'ouvrit sur Bacchus, porteur d'un courrier. Anne, qui semblait souffrir elle aussi d'un manque d'activité important, trouverait sans doute dans ces quelques mots une occupation... C'est du moins ce que pensait le jeune garçon.


Tiens donc ! Messire Cassian daigne enfin se manifester ! Restez, Bacchus. Il y aura sans doute une réponse.

Messire Cassian... ce nom, sans être familier, lui semblait connu. Tandis que le Père Comis affirmait l'absolu nécessité de connaitre les règles du calcul, Sylvain cherchait dans ses souvenir où il avait entendu ce nom... Cassian...
La lumière se fit enfin. Cet homme s'était engagé à trouver une demeure à la famille. Il est vrai qu'il n'avait depuis lors pas donné de nouvelle. La recherche était sans doute plus ardue que prévu.
Néanmoins le comportement de Bacchus changea subitement, il avait perdu son air benêt et regardait maintenant les enfants d'un regard inquiet, les encourageant du geste à le suivre. Sylvain y renonça, ce comportement risquant de ne pas être du goût d'Anne
L'effet de la lecture du courrier sur la physionomie de sa mère ne laissa que peu de doutes à Sylvain sur la teneur du message. Le dit Cassian avait sans doute quelque peu présumé de ses capacités et annonçait sans doutes quelque échec ou renoncement à Anne.


Le sacripant ! Il va voir de quel ... Hum...

Le verbe confirmant le langage corporel, Sylvain commença à sourire. Mère venait de trouver une occupation de premier choix, tancer vertement Messire Cassian. Il observa Anne qui rédigeait un courrier de réponse, dont le contenu lui sembla virulent.

Bacchus, faites porter sur-le-champ ma réponse, et attelez.
Sylvain, Anne-Marie : chapeaux et mantels, je vous prie. Vous m'accompagnerez.


Enfin une bonne nouvelle. Si Mère devait avoir un humeur massacrante, au moins le jeune garçon était il libéré des leçons du Père Comis. Voilà bien la seule prouesse qu'il convenait d'inscrire au solde de Messire Cassian. S'habillant, rapidement, Sylvain rejoignit sa mère qui piétinait en attendant le retour de Bacchus.

Mère, un problème? Où allons nous?
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Armoria
Foyer, doux foyer... Rentrer, c'est bien, se tenir au courant, c'est mieux. Et pour ce faire, Armoria avait son arme pas si secrète : Joséphine. Joséphine, l'aubergiste de Saulieu, accessoirement cuisinière à Ménessaire, et surtout, comme toutes les aubergistes, au courant de ce qui se passait alentour grâce à ses clients, et à ses visites quotidiennes du marché pour trouver de quoi sustenter lesdits clients. Donc, autant profiter de la visite que Joséphine faisait à Armoria pour lui proposer des menus, histoire de se remettre dans le bain.

Tu penseras à concocter de nouvelles recettes de sucreries, Joséphine, j'ai une enfançonne à séduire. Alors, rien de plus, concernant les nouvelles du bourg ?

Oh ben si, mâme la Princesse, pour sûr ! Y'a une dame qu'est venue ici, pis qu'y paraît qu'elle veut s'installer. Pis j'ai pensé à vous, parce qu'y paraît qu'a vient du Berry, et pis qu'a l'a vécu dans le Lyonnais, aussi, à c'te heure. C'qui fait que c'est comme vot' fils le Prince, quoi.

Armoria dressa à demi l'oreille.

Ah oui ? Tu connais son nom ?

Ben dame oui, mâme Vot' Altesse. Anne de Culan, qu'a s'appelle. J'm'en souviens parce que c'est comme ça qu'j'appelle mon commis, qu'est point trop rapide.

Pour le coup, l'oreille fut tout à fait dressée. Et l'inquiétude éveillée. Ni une, ni deux, elle prit sa plume.

Citation:


Bien le bonjour, jeune dame,

Ma cuisinière - mon meilleur vecteur d'informations locales - me dit que le bruit court à Sémur que vous auriez fait le choix de vous y installer. Choix que je conçois et salue, il va de soi, pour l'avoir fait moi-même. Mais de fait, cela m'amène à me demander ce qu'il en est de mon fils : je sais que le Vicomte Argael se chargeait de la partie martiale de son éducation, est-ce à dire qu'à présent, il est en charge du reste ? Si c'est le cas, j'espère qu'il n'en sera pas trop dépaysé, depuis le temps que vous vous occupez de lui - d'une excellente façon, d'ailleurs.

Cordialement, et vous souhaitant la bienvenue en ce chez nous qui semble devoir devenir chez vous aussi,
Armoria de Mortain

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Vous pouvez utiliser mes lettres RP.Héraldique
Anne_blanche
Mère, un problème? Où allons nous?

Anne laissa tomber sur sa progéniture un regard rien moins qu'amène. Que son époux ait manqué de savoir-vivre au point de mourir au lendemain de leur unique nuit commune, passe encore : le Très-haut rappelle à lui qui Il veut, quand Il veut. Qu'il lui ait laissé en cadeau ces deux enfants, elle le lui pardonnait, certes, parce que ces animaux-là se font à deux, et que le modus operandi ne lui avait pas laissé un goût si amer qu'elle y eût définitivement renoncé. Mais c'est à elle, elle, Anne de Culan, qu'elle ne pardonnait pas : le temps qu'elle pleure son époux, puis qu'elle admette que le fait d'avoir envie à toute heure du jour de saucisson au miel avec des fraises des bois est souvent symptôme de maternité future, puis se décide à s'offrir, dans les bois de Messire Walan, la chute de cheval qui devait tout régler, le fruit des derniers efforts de HdB avait si bien mûri que ce sont des jumeaux parfaitement viables qu'avait recueilli dans ses bras Dame Marie-Alice, bien obligée au vu des circonstances à jouer le rôle de matrone.
Il n'empêche que les enfants avaient intérêt à se tenir à carreaux. Autant Anne avait pris plaisir à materner le petit prince Philippe, autant ses propres enfants lui semblaient des obstacles. "Skoilhoù", aurait dit feue sa mère, la vicomtesse Maryan, en sa brette langue. "Obstacles", "accrocs", "écueils", "bâtons dans les roues", "chiens dans le jeu de quilles", "cales", "contretemps", "pannes", ... C'était tout cela, et bien plus encore, ce "skoilh" que sa mère lui grommelait au visage quand elle avait le front de se présenter dans un couloir au même instant que ses robes à paniers.

Mais il fallait faire bon visage, surtout sous le doux regard du bon Père Comis.


Non, Sylvain. Aucun problème. Encore quelqu'un qui nous fait faux bon, voilà tout. Nous en avons l'habitude...

"Nous" royal ? ou bien englobait-il sa descendance ? Bien malin qui eût pu le dire.

Nous allons chercher nous-mêmes quelque maison de ville à acquérir.

Elle s'impatientait, poussait devant elle Sylvain et Anne-Marie.
Il était dit cependant qu'ils ne bénéficieraient pas dans l'immédiat de l'air frais du dehors. Bacchus revenait, porteur d'un pli. Anne sentit monter un certain agacement, voire une légère colère. Quoi ?! Ce jeune godelureau de Cassian avait le front de répondre à sa réponse ? Elle allait abandonner le pli sur son écritoire, pressée de sortir, quand elle reconnut le sceau.


Son Altesse ! Son Altesse est rentrée, Bacchus ? Les soldats sont de retour ?


Bah oui, Dame Anne. Les premiers sont arrivés de c'te nuit. Les éclopés suivent, à c'qui paraît. Le Jeannot des écuries, 'l'a vu Son Altesse s'faufiler dans l'église, tôt matin.


Un regard sévère lui cloua le bec et lui fit arracher son bonnet, qu'il avait oublié d'ôter.


Son Altesse ne se faufile point. Son Altesse entre.


Et Son Altesse semblait inquiète, et quelque chose semblait lui avoir échappé... Anne avait beau tourner la chose dans son esprit, elle ne voyait pas où elle avait commis d'erreur. Messire Argael avait conduit l'enfant au Louvre, il l'en avait assurée. Se pouvait-il que ... ? Mon Dieu !



Dame,

Comme convenu avec Votre Altesse, Sa Seigneurie Argael a conduit Monseigneur Philippe au Louvre, lors de son voyage vers les Flandres.
Dame Marie-Alice me fait l'honneur de m'offrir gîte et couvert le temps que j'aie trouvé où placer mes propres meubles. J'attendais ce moment pour solliciter de Votre Altesse une audience, afin d'évoquer la suite de l'éducation à donner à Monseigneur Philippe.
S'il plaît à Votre Altesse me l'accorder dès à présent, c'est avec joie que je retrouverai Votre Altesse au lieu qui lui conviendra.

Daigne, Dame, considérer que je suis de Son Altesse la très dévouée,

Anne de Culan


Sable, cire, scel, parchemin tendu au Père Comis...

Mon Père, rendez-moi le service de porter vous-même ce pli à Son Altesse, je vous prie.

Puis, à Bacchus dont la moustache en berne disait assez le dépit de n'avoir point été choisi :


Mon bon Bacchus, l'on m'a parlé tantôt d'une grande maison tout en haut de la ville, près du château, qui serait à vendre. Vous me donnerez votre avis. Vous êtes bien plus apte que moi à juger de la solidité des murs et de l'état des poutres. Partons, maintenant, avant un nouveau sk... hum ... contretemps.

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Armoria
Votre Altesse ? Vous avez une réponse.

Ah, parfait... Reste là, Robert, je pense renvoyer missive aussitôt.

Citation:


Le bonjour de nouveau, dame,

Je pensais que les dispositions avaient été changées puisqu'entre temps, les liens entre mon fils et le Louvre ont disparu. Je doute fort que sa nouvelle... locataire goûte de voir le petit-fils de Sa Majesté en ces murs. L'élection ne doit point aimer le sang, à mon humble avis. Du reste, je ne sais mie de son entourage, et allez savoir si quelque mauvais conseiller n'irait point lui murmure, voire décider de son propre chef, que ceux qui continuent à aimer notre Roy pourraient espérer voir son petit-fils monter un jour sur le Trône.

Non, vraiment, je pense devoir le mettre à l'abri de tout cela. Et en vous écrivant ceci, je me rends compte à présent que toutes ces années où je me suis privée de mon fils afin qu'il vive en terre du Dauphin, et qu'il reçoive l'éducation de son rang, toutes ces années de privation pour lui plus encore que pour moi, sont passées en vain. Mon Dieu, si je ne l'aimais tant, comme l'on aime un père, en cet instant, je me surprendrais à détester mon Roy. Mon cœur de mère m'y pousserait plus que de raison, et je dois à tout prix me reprendre.

J'en viens à penser que peut-être, le mieux à faire serait de faire venir Philippe-Lévan à Saulieu.

Cordialement,
AdM

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Anne_marie_d_aupic
Pendant la leçon une interruption vint tout chambouler. Son jeune frère, qui regardait plus souvent qu'à son heure les jardins au dehors, s'était levé comme un petit militaire dès que leur mère le leur avait ordonné.

Anne-Marie, elle, était un peu moins dégourdie et si elle aimait bien faire pour plaire à sa génitrice, mettait plus de temps, se tortillant sur les fesses pour finalement être bien droite sur ses pieds.

Elle regardait le visage d'Anne. Elle le connaissait par coeur malgré l'éloignement subit au plus jeune âge, lorsqu'elle était au couvent. Mais les sourcils froncés et le front barré indiquait des soucis.
Voilà qu'à présent ils étaient sur le point de partir visiter une maison. La petite fille fit la moue un instant, espérant aussitôt n'avoir été point vue par Anne qui ne manquerait pas de lui faire une réflexion.

Avait on besoin d'aller tous visiter une maison ?


Si elle plait à Mère, alors on y vivra...

Cette pensée la fit soupirer. Elle avait hâte, tout de même, d'être enfin dans leur chez eux à eux. Point qu'elle n'aîmât pas dormir chez la Dame Marie-Alice qu'elle connaissait à peine, mais enfin, être chez soi laissait tout de même plus de liberté. Enfin, quand Mère en laissait...

Mère, elle sera grande comment notre maison ? Il y aura des animaux dans les champs à côté ?
Et moi, j'aurais le droit d'avoir des moutons ?


Elle allait sûrement se faire reprendre, mais elle était curieuse depuis toujours, et ne pouvait jamais s'empêcher de poser des questions.

Bon, là, le moment n'avait pas forcément été bien choisi, au vu de toutes ces missives échangées...
Anne_blanche
Mère, elle sera grande comment notre maison ? Il y aura des animaux dans les champs à côté ?
Et moi, j'aurais le droit d'avoir des moutons ?


Cessez vos bêtises, Anne-Marie.


Quel besoin avait cette enfant de venir parler moutons - de venir parler tout court, d'ailleurs - alors qu'Anne était justement en train de puiser en elle le courage de ne pas penser au pont qu'il allait falloir traverser pour quitter l'île de Dame Marie-Alice ? Des moutons ! Je vous demande un peu ... Quoique...

Alors qu'elle allait monter dans le coche, Anne s'arrêta net, un orteil sur le marchepied. Elle avait à peu près l'âge d'Anne-Marie, quand elle avait réclamé à Bacchus ... un cochon. Elle avait constaté le manque de viande sur le marché de Vienne, avait écrit à feue Dame Elorane, d'une large écriture enfantine, et avait obtenu confirmation que son choix était le bon. Or, le marché de Sémur manquait manifestement de laine. Se pouvait-il qu'Anne-Marie s'en fût avisée ?
Elle posait sur sa fille un regard scrutateur. Après tout, les nonnes de Rohan lui avaient-elles peut-être appris un peu plus que le breton. A moins que le hasard...
Elle haussa les épaules et prit place sur la banquette, en face des jumeaux.

La maison qu'on lui avait recommandée fut atteinte plus rapidement qu'elle n'aurait pensé.
Trois corps de logis disposés autour d'une cour carrée, pavée de petits galets ronds ; de hauts toits dont la forte pente rappelait les coiffes de dame ; une large porte ouverte dans le mur séparant l'ensemble de la rue. C'était vaste, cossu ... et en fort mauvais état. L'on visita le rez-de-chaussée, organisé autour d'un immense vestibule d'où partait un escalier de bois, bien peu semblable aux marches de pierre auxquelles Anne s'était si bien habituée, à Vienne. Les plafonds étaient hauts, les cheminées vastes, les courants d'air nombreux. Un seul étage, surmonté de combles où Bacchus grogna après les vers, les araignées, les chauves-souris et les souris tout court.
On redescendit, et Anne découvrit, sur l'arrière de la maison, la terrasse. Elle donnait sur l'Armançon, mais de si haut que la rivière, tout en bas, paraissait inoffensive. Le château, sur la droite, dominait le tout. De la terrasse on pouvait descendre, par des marches grossières taillées à même la terre, à une autre terrasse, qui avait dû autrefois être un potager, puis à deux autres, qui portaient encore des arbres fruitiers.


On dirait Culan...

Anne était conquise. Tant pis pour les dalles craquelées, les lambris arrachés, les volets vermoulus, les poutres repeintes au guano de chouette. Les terrasses rachetaient le tout, malgré l'âpre bise qui montait de l'Armançon.

Bacchus, vous irez donner au vendeur les arrhes qu'il réclame dès ce soir.
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Sylvain_d_aupic
Voyant le regard d'Anne quand il lui demanda quelle était leur destination, Sylvain comprit aussitot que celle ci était dans un état d'esprit qui ne laissait que peu de place à la tendresse maternelle. Certes cela n'avait rien d'exceptionnel, mais il appréciait ces brèves périodes où sa mère était un peu plus proche d'eux et regrettaient qu'elles soient aussi rares...

Il accompagna sa mère et sa soeur jusqu'au coche, jugeant inutile de tenter une quelconque interrogation supplémentaire. Ce faisant, il observait sa soeur. Certes ils étaient jumeaux, nés à quelques instants d'intervalle dans les mêmes conditions, mais la longue séparation qui avait suivi avaient quelque peu détendu les liens naturels qui auraient dû les unir. Sylvain le regrettait, mais n'avait jamais vraiment su comment faire pour se rapprocher d'Anne Marie. Ils jouaient encore peu ensemble, le jeune garçon préférant courir la campagne.

Après un court trajet, il découvrit ce qui devait devenir la demeure familiale à Sémur. La batisse lui sembla prometteuse. Cette grande demeure devait disposer d'un grenier, peut être même de caves... Voilà qui ferait un bel espace de jeu et de fouilles pour les jours de pluie. Quand au terrain, les vieux arbres fruitiers et les terrasses seraient parfaites pour échapper à Anne et au père Comis.

Sylvain observa sa mère, et compris que leur installation en ces lieux ne saurait tarder. Il se tourna vers sa soeur.



J'ai bien l'impression qu'il va nous falloir déménager une nouvelle fois. Ma foi, je pense que cela pourra me convenir. Pas toi?

Sans attendre la réponse et après s'être assuré qu'Anne était occupée avec Bacchus, Sylvain parti en courant observer l'Armançon depuis la terrasse.
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Anne_blanche
Les enfants discutaient entre eux. Il faudrait faire vérifier, avant toute chose, que la dernière des quatre terrasses, tout en bas, était séparée de l'Armançon par une haie solide, propre à décourager les instincts d'explorateur de Sylvain. Anne ignorait que son fils quittait régulièrement l'île de Dame Marie-Alice pour s'en aller battre la campagne alentour, avec la complicité des domestiques, qui préféraient cacher les fugues à la mère plutôt que d'avoir le gamin à traîner dans leurs jambes.

Rentrons, Bacchus.


Un mouvement, perçu du coin de l'oeil, lui fit tourner la tête. Elle se pétrifia sur place, livide, les yeux agrandis. Une sueur froide lui coulait dans le dos, ses mains moites tremblaient, elle sentait sous la plante des pieds des vagues de crispation qui remontaient dans les jambes, puis venaient lui tordre les tripes.

Sylvain !


Le petit était à la balustrade, penché en avant. Anne se précipita, l'enleva dans ses bras, le déposa dans ceux de Bacchus, qui avait suivi sans comprendre. Décontenancée par sa propre attitude, elle tâcha de se reprendre en redressant sa coiffe.

Ne refaites jamais ça !

"ça", c'était s'approcher du bord de la terrasse. Furieuse, Anne empoigna la main d'Anne-Marie et l'entraîna vers le coche. Elle avait éprouvé, à voir son fils se pencher ainsi, une terreur folle, animale. Tous les symptômes du vertige étaient là, alors même qu'il n'y avait aucun danger. La balustrade était solide, suffisamment large pour qu'on puisse marcher dessus, construite suffisamment en retrait de l'abrupt talus menant à la terrasse suivante pour qu'on ne le dévale pas en la franchissant, les balustres suffisamment serrés pour qu'un enfant de cinq ans ne puisse se glisser entre. Aucun danger, objectivement. Mais Anne avait eu peur. Elle avait éprouvé le vertige, elle qui ne l'avait jamais ressenti pour elle-même. Voilà encore un des mystères de la maternité avec lequel il lui faudrait composer.

L'on rentra dans l'île, pour trouver une autre missive, la réponse de Son Altesse Armoria. Encore sous le coup de la frayeur qu'elle avait éprouvée, Anne en prit connaissance. Elle y rencontra un écho à sa propre peur, si fort qu'elle dut s'asseoir, le cœur battant à tout rompre. Des images de son prince égorgé dans son sommeil lui venaient, et elle dut les repousser de toutes ses forces. Pour conjurer le sort, elle rédigea aussitôt une réponse.




Dame,

Nous autres mères vivons dans la terreur de faire le malheur de nos enfants en voulant faire leur bien.
Son Altesse est le petit-fils de Sa Majesté Levan, je n'ose croire que quiconque se sentira jamais suffisamment au-dessus de la loi du Très-haut pour toucher au sang levanide. Son Altesse Philippe a été fort longtemps séparée de Votre Altesse, sa place est désormais à Saulieu.
Si Votre Altesse le permet, je prends dès à présent toute disposition pour que les biens de Messire Philippe en Dauphiné soient confiés à un intendant. Dès que Votre Altesse l'ordonnera, je m'offre à l'aller chercher moi-même, et à le ramener à Sémur.


La formule de salutations lui posa quelque problème. La blonde altesse avait conclu son billet par un "cordialement" fort flatteur, mais fort gênant. Anne opta pour son habituelle déférence.



Daigne, Dame, considérer que je suis de Son Altesse la très dévouée

Anne de Culan


Sous ses fenêtres coulait l'Armançon. Impossible, donc, de se mettre à la fenêtre. Anne soupira. Elle avait tant aimé, à Vienne, passer des heures sur son coussiège, à contempler son courtil, son verger, ou, de l'autre côté de la grand-salle, la rue et le parvis de St-Maurice. Le petit prince jouait à ses pieds, ou prenait sa leçon de latin avec le Père Comis, ou s'initiait avec Blanche à l'astronomie. Blanche... sa jumelle, son double, la douce Blanche, ensevelie à tout jamais sous ses voiles de nonne.
Malgré la présence de ses enfants, Anne se sentit soudain terriblement seule. Quand donc Messire Walan et Dame Marie-Alice rentreraient-ils ?

_________________
Anne_marie_d_aupic
Évidement. Elle s'était faite réprimander. Mais elle ne savait pas trop comment faire pour attirer sur elle l'attention de cette mère si lointaine, qui l'avait déjà abandonnée si longtemps, sous prétexte de parfaire son éducation Bretonne.

Elle avait donc emboité le pas d'Anne sans plus rien dire, restant dans ses jupons mais pas trop dedans non plus, tandis qu'elle sentait le regard scrutateur de son jumeau. Elle baissa instinctivement les yeux, sa timidité reprenant le dessus. Comment vivre en société lorsqu'on n'a eu comme compagnes de vies que des sœurs priant du matin au soir, et demandant une obéissance parfaite (qu'elle était pourtant loin de leur donner) ?
Elle n'avais jamais joué avec d'autres enfants. Elle n'avais jamais joué...

Devant la bâtisse, qui lui semblait déjà immense de par la rue, elle fut si impressionnée qu'elle en oublia d'ouvrir la bouche, laissant chacun, comme elle, à la contemplation du lieu.
Enfin, contemplation... Mais pas que ! Son frère, déjà, frondeur, avait tôt fait de s'élancer vers la balustrade, après lui avoir indiqué que le lieu lui plairait sûrement.

Ni une ni deux, Mère s'élançait pour récupérer le jeune garçon. Anne Marie fit la moue un instant. Si cela avait était elle, sa mère aurait elle couru si vite ?
Son petit cœur se serra, mais elle préféra bien vite ne plus y penser, d'autant qu'Anne avait une mine plus terrorisée encore que lorsque le coche passait au dessus de l'Armançon, que l'on retraversait déjà pour retrouver la maison de la Dame.


Sylvain..?

Une voix, toute petite, interrogative, s'adressait à son frère...


Crois tu que Mère nous laissera jouer dans les jardins ?
Tu sais, chez les nonnes, je jouais parfois avec les moutons dans le pré...


La vie en ville lui semblait si lointaine de ce qu'elle avait toujours connu jusqu'alors... Arriverait elle à s'y faire ? Sans nul doute, mais il faudrait tout de même quelques temps...

Elle rergadait Sylvain, cherchant à savoir si l'épisode de tout à l'heure l'avait quelque peu calmé, ou si son imagination allait les transporter dans leur nouveau chez eux, explorant par la pensée le terrain de jeu immense qui allait les accueillir...
Sylvain_d_aupic
Le rappel à l'ordre avait été brutal, peut être un peu plus qu'à l'accoutumé. Mais dans les yeux de sa mère, c'est surtout une grande peur que lisait Sylvain. Le garçon comprenait la colère, après tout, il avait (encore) légèrement désobéit. En tous cas le percevait il ainsi. Mais quelle pouvait donc être la raison d'une telle peur?

Quelques instants plus tard, il se retrouva dans le coche, avec sa mère et sa soeur.


Crois tu que Mère nous laissera jouer dans les jardins ?
Tu sais, chez les nonnes, je jouais parfois avec les moutons dans le pré...


La question surprit le garçon. D'une part il était rare que ca soeur lui demande son avis tant elle était discrète et réservée, d'autre part, il était évident que la volonté de sa mère était un obstacle qu'il fallait simplement contourner...
Néanmoins, dans le cadre exigu de ce coche, il préféra une réponse plus diplomate.


Bien sur qu'elle nous laissera jouer, ma chère soeur, ce serait bien triste de ne pas pouvoir profiter de ces terres de cette vue si belle. Et puis, s'il le faut, je t'offrirais moi même un mouton!

Sylvain sourit. Il appréciait finalement cette soeur qu'il connaissait si peu. En lui même il espérait juste qu'un mouton, celà ne coutait pas trop cher...
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Anne_blanche
Tu vois, Gabriel, ça recommence...

Sur la plus haute branche d'un pommier tout tordu un pinson lançait ses trilles dans la brume qui montait de l'Armançon. A deux toises de lui, accoudée à la balustrade de la terrasse supérieure, Anne ne bougeait pas d'une ligne. Elle était venue se poser là à peine le soleil levé. Son arrivée avait fait taire l'oiseau, son immobilité l'avait rassuré, et les trilles échevelés montaient de nouveau à la rencontre de quelque pinsonne susceptible d'en être émue.
Etrange, que cette ombre blanche, gantée, bottée, dont on ne voyait que le visage étroitement enserrée dans une guimpe, connût son nom. Le pinson ne pouvait pas savoir, quand il s'interrompit pour écouter, qu'il s'appropriait les mots destinés à un autre Gabriel, le frère aîné d'Anne, mort depuis longtemps dans sa cathédrale, à Genève.


C'est chaque fois la même chose. Je ne sais pas faire, vois-tu ?

Le pinson ne voyait pas grand-chose, à vrai dire. Il tournait pourtant la tête de profil, ouvrait grand son œil rond, tentait de saisir le murmure qui fusait des lèvres d'Anne. Il avait fort à faire, ceci dit. De la troisième terrasse - la quatrième, trop proche de la rivière, était interdite aux enfants - montaient les menus bruits que font en s'amusant un frère et une sœur, cris, rires, interpellations, petites disputes. Ils étaient couverts par un vacarme provenant de l'hôtel lui-même. L'oiseau avait failli aller ailleurs chanter l'amour de sa belle, quand les maçons avaient investi l'hôtel. Ça cognait, tapait, trépidait de l'aube au couchant. Ce jour-là, c'est des cuisines, dont les soupiraux ouvraient à fleur de sol sur la terrasse, que provenait le fracas. L'on restaurait le potager, vaste fourneau de pierre où pouvait cuire la soupe de toute une maisonnée.

Un nuage de plâtre monta par le soupirail le plus proche, dérangeant Anne dans son discours à l'oiseau. Ankylosée par une trop longue immobilité, elle se dirigea à pas lents vers la maison. Elle y avait aménagé, avec ses enfants, son cocher Bacchus et sa servante Matheline, depuis quelques jours, avant la fin des travaux. Elle n'en pouvait plus, de devoir franchir l'Armançon chaque fois qu'elle sortait de chez Dame Marie-Alice. Là-bas, au milieu de toute cette eau, elle se sentait prisonnière. Ici, sur les hauteurs de Sémur, elle respirait ... quand la poussière n'envahissait pas les corridors.

Elle se réfugia dans sa chambre, qui était d'ores et déjà aménagée. On était loin de la pièce minuscule, qui ne prenait jour que par une étroite fenêtre close de gros vitrail verdâtre, où elle dormait dans son hôtel viennois. Elle avait choisi, dans sa nouvelle demeure, la plus vaste pièce de l'étage. Les proportions en demeuraient cependant modestes, il ne serait pas trop difficile de la chauffer quand reviendrait la bise de Nord-Est, à l'automne. La cheminée, au milieu du mur de droite, en était vaste. Le lit, à gauche, était isolé du reste de la pièce par des courtines bien lourdes, faciles à clore. En face, deux grandes fenêtres à meneau donnaient sur les terrasses. Anne en avait fait remplacer les vitraux par d'autres, plus clairs, avec le moins de plomb possible, seulement ornés des armes de Culan, Aupic, La Mure et Cornedrue. Une folie... Mais les revenus de sa baronnie et de sa seigneurie y avaient pourvu.

Ce fut là qu'elle rédigea, sans relire, et sans s'attarder, un courrier à Messire Walan.




Messire,

J'ai démissionné hier soir du Conseil Municipal de Sémur. Vous n'étiez pas là pour me rappeler que la démission n'est jamais une solution, qu'on vous la reproche toujours, que ça laisse la place libre à ceux qui n'ont pour arguments que leur mauvaise foi et leur agressivité. Eussiez-vous été là que j'eusse tout de même rendu mes clefs.
De l'immonde cadeau que me fit le Très-haut en me donnant, à un âge où d'autres balbutient à peine, les capacités de raisonnement d'une adulte, il me reste, et me restera toujours, un lourd handicap : je ne sais pas faire face à la mauvaise foi et à l'agressivité. Quand on rapporte comme véritables des paroles que je n'ai jamais prononcées, quand on me prête des intentions que je n'ai jamais eue, quand on présente comme volonté d'imposer mes vues tous mes efforts pour comprendre, je reste bouche bée.
Me voici donc libre comme l'air, et en proie à un profond ennui, par la faute de mon incapacité à rétorquer intelligemment à une femme qui m'a prise en détestation.
Hier, j'ai oublié de manger. Oh ! Rassurez-vous, je vais bien. Bacchus s'est ému de retrouver intact à la cuisine le plateau que m'avait porté Matheline, et a refusé de quitter mon chevet, ce matin, afin de m'avoir vue avaler la soupe d'arroche et le lait de poule qu'il m'avait préparé lui-même.

Votre absence, à vous et Dame Marie-Alice, me cause bien du tourment. Je tremble pour vous deux, et pour notre Royaume. Il s'y passe tant de choses affreuses ! Quand reviendrez-vous en Bourgogne ?
L'on dit qu'un petit oiseau peut tomber raide mort, au matin, de la branche où il a tremblé de froid toute la nuit, sans s'être jamais apitoyé sur son propre sort. Je ne suis pas un petit oiseau. Les larmes que Mère a versées, toute mon enfance, sur la mort de mon père me retombent sur la tête, maintenant que je suis mère à mon tour. Elles l'ont empêchée de m'aider à grandir, elles m'empêchent de donner à mes enfants l'affection dont ils ont besoin. "Vous êtes forte, Anne", "Vous êtes intelligente, Anne", "Vous en êtes capable, Anne", "Vos capacités ne sont plus à démontrer, Anne"... Combien de fois ai-je entendu ces phrases qui ne voulaient rien dire ? Je ne suis pas forte. Je n'ai simplement pas eu le choix. Ces phrases sont aussi stupides que ceux qui les prononcent.

Si vous revenez dans la quinzaine qui s'annonce, vous ne me trouverez pas à Sémur. Je dois m'absenter. Mes enfants restent à la garde de Matheline.

Transmettez, je vous prie, toute mon affection à Dame Marie-Alice, et recevez l'expression du sincère attachement de

Anne de Culan


La lettre fut confiée à Bacchus, qui saurait quoi en faire, et Anne sortit de nouveau sur la terrasse. La brume avait fait place à un soleil léger et pétillant comme ce vin que l'on servait à Die. Profitant d'une éclaircie dans le tapage des ouvriers, elle appela les enfants, attendit qu'ils fussent près d'elle. D'un geste machinal, elle retira des cheveux de Sylvain une brindille de pommier, redressa le fichu d'Anne-Marie.


Sylvain, Anne-Marie, je pars ce soir avec Son Altesse Armoria. Matheline veillera sur vous.

Elle allait rentrer, elle s'éloignait déjà, quand l'image d'une petite fille livide, seule, qui regardait sa mère partir pour Noirlac, pétrifiée à l'idée de ne jamais la revoir, s'imposa à elle. La petite fille pouvait avoir cinq ans, comme ses enfants, et Anne sentait encore, après toutes ces années, ses tripes se tordre sous l'effet de l'angoisse. Elle revint vers les jumeaux, mit maladroitement un genou en terre devant eux.

Je reviendrai, enfants. Dans moins de deux semaines, je serai de retour, avec du nougat.


Elle s'arracha un sourire contraint, parce qu'elle avait l'impression que c'est ce que doit faire une mère qui aime ses enfants.

A bientôt.
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--Matheline


Dame Anne est revenue. Matheline s'est précipitée vers le coche, quand il est entré dans la cour. Dame Anne en est descendue, même qu'elle a pas regardé ses mioches. Ça tombe bien, vu qu'ils étaient tout crassous, vu que Matheline elle a autre chose à faire qu'à torcher les gnards. Pis le Sylvain il fait ren qu'à courir toute la sainte journée, pis qu'il rentre sale comme entre des doigts de pied. L'Anne-Marie, l'est moins souillon. C'est une fille, quoi. N'empêche qu'elle renifle tout le temps et qu'elle sait jamais où trouver le mouchoir.

Dame Anne est revenue. Matheline s'est dit que ça y est, c'est les ennuis qui vont recommencer, Matheline par ci, Matheline par là, Matheline faites ci, rangez-moi ça, mais réveillez-vous Matheline. Et puis non. Ren de ren. Dame Anne l'était triste comme un jour sans pain, comme si que ça lui faisait point de plaisance d'avoir quéri le petit prince. Une tête d'une aune, les yeux profonds et tout bleu-noir, pis elle s'est mise à tousser à s'en secouer la cervelle.

Dame Anne est montée à sa chambre. Matheline lui a porté tisane, tout de même, pasqu'on ne peut point laisser tousser une dame comme ça. Il y avait des bourgeons de sapin, dans la tisane, pis du thym, pis du miel, pis des tas d'herbes qu'on cueille à la Saint-Jean d'été, en se cachant des curés qui n'y comprennent ren, vu qu'ils sont curés, et que ces gens-là ça ne comprend que ce que ça veut ben.

Dame Anne a refusé la tisane. Elle l'a laissée refroidir sur le banc-coffre. Elle s'est roulée en boule sous l'édredon, cette horreur de chat qui colle des poils tertoute tellement qu'il est vieux bien calé dans son giron, comme quand qu'elle était petite. Elle a toussé toute la nuit, et voilà la Matheline ben embêtée, comme qui dirait.

Ya ben ce grand bâsin de Bacchus, que des fois il est de bon conseil, mais pas quand c'est pour Dame Anne. Il serait capable de la mener sur la Lune si elle lui demandait, et d'y rester avec. Si Dame Anne décide de tousser, Bacchus dira 'core qu'elle a raison.

Sauf que Matheline n'a pas envie de se retrouver avec deux orphelins sur les bras. Elle a déjà élevé Anne, même que c'était pas facile tous les jours, avec son caractère de cochon. Pas question de recommencer avec les jumeaux.


Messire Walan !

Ni une ni deux, elle file chercher le beau vicomte, et tant pire s'il veut pas viendre, Matheline ira le cafter à Dame Marie-Alice.
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