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[RP]Sémur, ces murs, nos murs.

Vroqu
Sortie du bain, ses malles avaient été portées et posées en dessous de la fenêtre de la chambre, Vroqu fouilla dedans et prit la première robe qui lui vint dans les mains. La secouant, elle la scruta, satisfaite, sa bonne l'avait tellement bien rangé qu'il n'y avait pas de faux plis et elle put l'enfiler aussitôt. Elle se coiffa en vitesse et entendant souffler dans la corne, sortie de la pièce pour se rendre de nouveau sur la terrasse, s'arrêtant en chemin pour taper à la porte de la chambre de son amie pour la prévenir que le dîner devait surement être servi.

Anne l'y attendait et elles discutèrent quelques instants de mondanités, ah le mariage de Ysabeau et Oxytan, qu'ils avaient attendu ce grand moment.


Ma tante, il se dit en Bourgogne, et un peu partout, d'ailleurs, que mon grand-oncle d'Aigurande n'est plus élu que grâce aux voix des brigands qu'il invite à s'installer en Berry. Les Berrichons se satisfont-ils de cette situation ?

Vroqu soupira lourdement en entendant cette question.

Une question très épineuse en effet ma chère nièce, et j'avoue avoir crainte que le Berry devient terre d'accueil pour certains brigands, leur nombre exacte je ne puis vous le donner hélas... elle réfléchie quelques instants et poursuit, déjà au dernier mandat, avant sa réélection il a fait, soi disant, défendre Châteauroux par un Duc de Bretagne pendant que l'autre armée breton rodait sur les chemins berrichons avant qu'elle soit détruite par les Limousins.
Ce qui me chagrine le plus, c'est son total irrespect pour la couronne de France par derrière. Parfois je pense que j'aurai plus de respect pour lui s'il avait l’honnêteté de dire en face ce qu'il dit par derrière.
Il parait que la rumeur court en Berry que mes compagnons et moi-même sont des fuyards, ce qui est ridicule comme vous savez, ce voyage était prévu depuis longtemps. J'ai même eu ouïe dire que l'armée berrichonne a pour ordre de m'abattre sans sommation si je rentre en Berry. Sur quels prétextes, je ne sais pas, sans doute que le Duc d'Aigurande n'a pas apprécié que je porte plainte contre lui pour usurpation de titre et l'usage du sceau ducal dont il n'avait pas droit.

Hélas, d'après ce que j'entends, il y a une manque de communication en ce moment de la part du conseil ducal. L'on m'a raconté que même le refus d'acception de son allégeance par la Reyne n'ai pas été annoncé et je doute forte qu'il abdique comme Elle a ordonné.

Comment savoir comment les berrichons réagissent surtout Saint Aignan, Bourges et Sancerre, du moment qu'on ne leur informe de rien? Vous remarquerez que je ne parle pas des Castelroussins, qui heureusement s'informent et protestent quand ils le trouvent nécessaire.



La vicomtesse s'arrêta, elle en avait tellement à raconter qu'il était difficile de savoir par où commencer.
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Zoyah
Les trois femmes avaient pris place autour d’une table montée sur la terrasse. La conversation s‘engagea et divers évènements mondains furent les sujets de leurs échanges. La Baronne n’était guère bavarde, se contentant de préciser quelques informations ou d’apporter des détails. Loin d ‘elle l’idée de bouder Anne, mais plutôt une volonté de s’effacer afin que cette dernière puisse profiter de sa tante sans être importunée par une tierce personne. Le Berry, sujet brûlant, fut abordé...

A l’instar et quasiment en même temps, les deux femmes poussèrent un soupire.... un soupire lourd de signification pour Vroqu ... un souffle fatigué pour Zoyah. Cette dernière avait vu ses espoirs pour son Duché s’évaporer avec le score écrasant du Fier. « Que les Berrichons sont aveugles », songeait avec affliction la brunette.


Pas seulement la voix des brigands... malheureusement... certains Berrichons lui sont fidèles à lui et son parti, et pour bien des raisons. Aussi, C’est une analyse bien trop simple que d’accorder l’entièreté du mérite des victoires fieristes aux voix des malfrats que le Duc d’Aigurande invite.

Elle marqua une légère pause, le temps de rassembler ses idées... il y avait tellement à dire.


Il y a ceux qui le suivent par intérêt... qui brigue un poste particulier au Conseil, le siège de Duc ou même un fief. Et encore, il faut distinguer dans ceux là, les arrivistes talentueux des médiocres à l’intellect limité.... Ces derniers sont les pires, car ce sont eux qui s’affichent le plus souvent sur le devant de la scène... imaginez donc la piètre image qu’ils doivent donner du Berry. D’ailleurs, vous avez eu un exemple en Bourgogne en la personne de Rapha de Monté Christo...sa bouche esquisse un faible sourire en se souvenant de l’altercation entre Dame Della et Rapha narré par lui-même au Conseil Ducal. « Pauvre petite chose imbue d’elle-même » avait alors pensé Zoyah en l’entendant se lamenter que les Bourguignons détestaient le Berry, sans même oser imaginer que cette antipathie avait pu être motivée par des comportements outranciers et insultants comme les siens.


Et puis, il y a ceux... trop habitué à ce nom... George Poilu... qui sont déconnectés de la vie politique depuis trop longtemps ou qui ne s’y sont jamais intéressés ... et qui lui trouve un je-ne-sais quoi de rassurant. Des proies faciles... pour ces gens trop Fier. Mais pour répondre à votre question... depuis six mois... depuis qu’ils n’ont fait que 5 sièges... on a vu, effectivement, le Berry se peupler de gens peu recommandables. Entendons-nous bien... il ne s’agit pas d’un raz-de-marée, mais plutôt d’emménagements discrets ... un par-ci....deux par-là. Il y a même une rumeur qui accuse le Poilu d’avoir commandité le récent pillage en Limousin par Nilas. Une façon, soi-disant, de montrer au Limousin qu’ils ont tout intérêt de conserver les liens diplomatiques avec le Berry. J’avoue... que pour avoir constaté de visu que Nilas et sa bande ont pu séjourner en Berry sans encombre...je serai enclin à croire cette rumeur, même sans preuve. Ceci dit, je m’en méfie également. Certains sont prêts à tout pour faire choir de son trône celui qu’on appelle le Poussin qu’il est facile de propager de tels bruits, qui vu la réputation du Duc, pourraient sembler vrais.

Les lèvres de la Baronne se pincèrent légèrement comme lorsqu’elle était contrariée. Le Berry, le Poilu, le Fier se rappelait à elle chaque jour, alors que ce voyage était pour elle un moyen de les oublier. Mais était-ce possible ?

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Anne_blanche
Sylvain ! Sylvain !...Mais où est-il passé, encore ?

Une pause, pour laisser éventuellement le temps à son fils de répondre, mais c'était vraiment pour la forme. Anne savait pertinemment que le garçon se trouvait quelque part en-dehors des murs de la ville, à rêver au bord de l'Armançon, ou plus probablement à arpenter la forêt toute proche.

Bacchus !


Lui, au moins, on pouvait compter sur sa présence, généralement discrète, le plus souvent efficace, et toujours bienveillante. Le cocher poussa la porte de la grand-salle, où Anne se tenait près d'une fenêtre donnant sur la terrasse.


Ah ! Bacchus ! Me trouvez Sylvain au plus vite, je vous prie. Il ne reste que peu de temps avant son anniversaire. Je veux l'entretenir de certaines choses concernant son fief d'Aupic.


Et, tandis que le cocher, larmichette à l'oeil et moustache tremblotante à l'idée de tout ce temps de vie déjà écoulé, sortait à la recherche de son fils, Anne se prit à contempler rêveusement le paysage bourguignon, regard tourné vers le nord-ouest, vers le Berry.

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Sylvain_d_aupic
Courir les bois! Voilà une occupation qui, au delà de toutes, passionnait Sylvain. L'âge aidant, il s'enfoncait toujours de plus en plus loin, curieux de tout, et surtout heureux de ce calme qui lui plaisait tant. Peu de personnes savaient où le trouver. Bacchus était de ceux là. C'est en grande partie lui qui avait initier le jeune homme à l'observation, la cueillette mais aussi l'oisiveté. Pour l'alcool, le cocher avait estimé avoir le temps...

C'est au bord d'un ruisseau que Sylvain fut rejoint par le cocher:


Bacchus! Que fais tu là? Tu n'as donc rien à faire auprès de Mère?

C'est à dire... ben c'est elle qui m'envoie vous chercher! Et vous la connaissez, il faudrait que vous rentriez rapidement, sinon, c'est encore moi qui va prendre...

Bien, si je suis demandé avec tant d'insistance, autant que j'y aille...

Sylvain se leva et chassa du revers de la main les herbes qui s'accrochaient à ses habits. Puis, suivi de Bacchus, il repris la route de Sémur dont il franchit les murs avant de rejoindre la demeure familliale.

Il trouva sa mère toujours profondément plongée dans l'observation du paysage.


Mère, vous m'avez fait demandé?
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Anne_blanche
La chaleur lourde, à la limite de l'orage, était contenue à l'extérieur par l'épaisseur des murs. Mais par la fenêtre entrouverte parvenaient des pépiements d'oiseaux, le miaulement d'un chat, la rumeur lointaine des cris et appels de la ville basse, les cliquetis d'armes du château tout proche. Anne n'entendait rien, plongée qu'elle était dans la contemplation de la plaine.

Mère, vous m'avez fait demandé?

Elle sursauta. Dans son rêve éveillé, elle suivait les aventures de Matheline, qui la représentait au ban berrichon, et en était à l'instant où deux armées lui fondaient dessus. Elle se reprit immédiatement en reconnaissant la voix de son fils.


Bonjour, Sylvain. Prenez place, s'il vous plaît.

Elle désignait de la main non le tabouret bas sur lequel elle faisait d'ordinaire asseoir ses enfants, quand elle avait à leur parler de leurs progrès sous la férule du Père Comis ou de l'attitude à avoir face à telle ou telle personne, mais une curule, à l'assise de même hauteur que son propre faudesteuil.
Visage sérieux, mains posées bien à plat sur les accoudoirs, elle attendit que son fils fût prêt.

Sylvain, vous atteindrez très bientôt votre quatorzième année. Vous entrerez en majorité.

Qu'elles avaient passé vite, ces quatorze années ! Les yeux bleus d'Anne, inquisiteurs, se posaient sur ceux de Sylvain, sur ses mains, son visage, retrouvaient dans les traits juvéniles ceux de son père. Ce n'était pas le moment de penser au disparu. Elle affermit sa voix avant de poursuivre.

Vous allez entrer en pleine possession du fief de feu votre père, conformément à son testament. Êtes-vous prêt, Messire mon fils, à assumer vis-à-vis du Berry tous vos devoirs de vassal ?

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Sylvain_d_aupic
Vous allez entrer en pleine possession du fief de feu votre père, conformément à son testament. Êtes-vous prêt, Messire mon fils, à assumer vis-à-vis du Berry tous vos devoirs de vassal ?

L'accueil avait déjà surpris le jeune homme, se retrouver au même niveau que sa mère était un réel symbole. Mais la question posée assez subitement le surpris au plus haut point.

Certes il savait sa majorité proche, mais il n'imaginait pas que tout allait s'accelerer à ce point. Néanmoins, il fallait maintenant trouver la réponse à cette question. Il toussa pour s'éclaircir la voix.


Mère, je crois... je sais qu'il est temps pour moi de prendre en main Aupic. Père me l'a confié, je vous remercie d'en avoir assurer la charge jusqu'alors. Oui, il est temps. Je suis prêt.

Au fond de lui, Sylvain sentait que l'enfance s'en allait. Ses mains tremblaient, car avec Aupic venait une lourde charge. Mais il le fallait...
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Anne_blanche
C'est avec une pointe d'angoisse qu'Anne attendait la réaction de son fils. Pas seulement sa réponse : elle le savait suffisamment bien éduqué - le Père Comis était une perle - pour produire au bon moment la réponse adéquate. Mais son attitude. Elle ne le lâchait pas des yeux, percevait sa respiration, guettait le moindre frémissement de paupière, le moindre raclement de pieds sur la jonchée.
Le garçon eut une petite toux. Il n'avait pas tout-à-fait fini de muer. Sa voix se perdait encore parfois dans les aigus. Sans doute avait-il voulu s'éviter cette légère humiliation, et Anne lui en sut gré.


Mère, je crois... je sais qu'il est temps pour moi de prendre en main Aupic. Père me l'a confié, je vous remercie d'en avoir assurer la charge jusqu'alors. Oui, il est temps. Je suis prêt.


Il y eut un silence, voulu par la mère, subi par le fils. Elle le regardait encore, sans ciller, sans une ombre de douceur dans ses prunelles bleues. Un fief ne se remet pas à la légère. Surtout pas Aupic. Le visage d'Homme_des_bois se surimposait à celui de Sylvain. Dieu ! Qu'il lui manquait, en cet instant ! Comme elle aurait aimé n'avoir pas à imposer, déjà, si lourde charge à si jeune enfant !
Elle finit par rompre le silence, d'une voix égale.


Vos mains tremblent, Sylvain...


Elle leva un index impérieux, pour prévenir les protestations du garçon.


Non, ne dites rien. Je n'y vois nulle frayeur. Je suis heureuse de ce tremblement. Il est la preuve que vous savez à quoi vous attendre.


Son index se reposa sur l'accoudoir, Anne tourna lentement la tête vers l'horizon, vers le Berry, et revint à Sylvain.


Je vous ai instruit, mon fils, de la situation du Berry. Vous savez tout de ce qui a tué votre père, et votre grand-père. Vous savez le sort que tenta de me faire mon grand-oncle, Georges le félon, vous n'ignorez rien du combat que j'ai livré, des années durant, pour que la mémoire de votre oncle Gabriel fût réhabilitée, et que Culan nous fût rendu.
Il est fort difficile, Messire mon fils, d'avoir fief en Berry : plus sans doute que nulle part ailleurs. Je vous sais droit, et loyal. Pesez bien en votre cœur les conséquences de votre acceptation. Vous êtes jeune encore, mais cela, nul ne pourra le faire à votre place. Vous seul engagerez votre foi, mais si vous y manquez, c'est tout votre lignage qui en portera honte et vergogne.


Elle restait bien droite dans son faudesteuil, et seules ses lèvres remuaient. Mais son cœur battait la chamade. D'un coffret posé sur le tabouret où, d'ordinaire, elle laissait son écritoire, elle tira un parchemin roulé. Résistant à l'envie de dérouler elle-même cette copie du testament de Homme_des_bois, elle le tendit à Sylvain, avec un petit signe pour qu'il en prenne connaissance, tandis qu'elle-même se perdait de nouveau dans la contemplation du paysage.

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Sylvain_d_aupic
Ses mains tremblaient plus qu'il ne l'aurait souhaité... Il avait lu nombre d'écrits de la mains de son père, mais d'aussi important et lourd de conséquences que le documents que sa mère lui tendait.

Il respira quelques secondes avant de déplier le document et de le lire:


Citation:
Nous, Homme_des_bois, baron d’Aupic, époux d’Anne-Blanche Cornedrue de Culan, sain d'esprit, et en parfaite liberté, souhaitons la répartition comme suit de nos titres et biens à notre mort:

S’il plaît au Très-haut nous donner héritier, notre titre de baron lui reviendra.
Les droits et devoirs attenants à notre titre et aux terres lui reviendront.
Nos armes lui seront remises à sa majorité par sa mère, notre bien-aimée épouse Anne-Blanche Cornedrue de Culan.

En l’absence d’héritier né de nous et de notre bien-aimée épouse sus citée, notre épouse héritera de nos titre et terres, et des droits et devoirs y afférant.

Que le Très-haut nous donne héritier ou non, notre fortune présente ira tout entière à notre épouse Anne-Blanche Cornedrue de Culan ; notre maison de Sancerre en Berry reviendra à notre épouse en pleine propriété.

Nous désirons que notre corps soit inhumé auprès de celui de Dame Mentaïg de Baugy, en la chapelle du château de Culan en Berry.

Qu'il en soit ainsi,
Signé de notre main le mercredy vingt-sixiesme de mai MCDLVIII, à Vienne.
Homme_des_bois, baron d’Aupic



Le ton lui semblait froid, mais devait on attendre autre chose d'un testament? Probablement pas. Le contenu était clair. Sa majorité arrivant, Sylvain deviendrait Baron d'Aupic. Il savait déjà celà, mais cet écrit officialisait les choses et leur donnait un coté solennel.

Il lui fallait peser chaque conséquence de cet héritage. Comme lui avait dit Anne, c'était bien plus qu'un titre, c'était une charge, un engagement envers un duché dont le Duc était probablement la personne la moins digne de confiance du royaume.


Mère, il me faut réfléchir, je vous donnerais ma réponse dès que j'en serais certain, je dois m'isoler quelques heures


Le testament de son père à la main, Sylvain salua sa mère avant de quitter la propriété en direction de la forêt. C'est sous l'ombrage des vieux chênes qu'il allait chercher au fond de lui la force d'accepter cette charge dont il entrevoyait seulement maintenant le poids...
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Anne_blanche
Par-delà cet horizon, c'était le Berry et ses forêts, Sancerre, Bourges, et entre les deux Aupic, à peu près à mi-chemin ; plus loin, Culan, St-Aignan, Châteauroux... Anne ne pouvait penser au Berry sans un mélange très inconfortable de sentiments opposés, douceur d'une petite enfance dont ne restaient que bien peu de témoins, haine vouée au grand-oncle assassin, émerveillement jamais démenti devant la beauté des paysages, dégoût profond face à la bêtise des moutons berrichons.
Elle s'interdisait de surveiller Sylvain, qui prenait son temps pour déchiffrer le testament de son père. En ces longues minutes, il endossait l'habit d'homme.


Mère, il me faut réfléchir, je vous donnerais ma réponse dès que j'en serais certain, je dois m'isoler quelques heures


Anne se retourna vers son fils pour recevoir son salut. Elle le regarda sortir de la salle, copie du testament à la main. Sans doute irait-il se cacher en quelque sous-bois ou taillis. En tous cas, il sortirait de la ville. A Bacchus, qui passait la tête dans l'entrebâillement de la porte, et désignait le garçon d'un geste interrogateur, elle adressa une muette dénégation. Le vieux cocher comprendrait qu'il fallait laisser Sylvain seul.

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Sylvain_d_aupic
Inutile de demander à Sylvain qui il avait croisé en quittant Sémur ou quel chemin il avait emprunté pour rejoindre la forêt, il n'en savait rien.

La réflexion qui occupait son esprit lui imposait une grande concentration et c'est au pied d'un vieux chêne qu'il s'installa pour s'y livrer avec toute l'attention que cela exigeait.

Il lut à nouveau le testament de son père, se remémora les propos de sa mère. Aurait il la force d'honorer ses engagements futurs vis à vis du Berry et surtout son Duc? Cet homme avait depuis longtemps fait des aïeux de Sylvain ses ennemis.

Les heures s'écoulaient, Sylvain était toujours en plein doute. L'arrivée de la nuit coïncida avec la fin de sa réflexion. Il avait choisi, il devait maintenant aviser sa mère. Il reprit le chemin de Sémur, une chance qu'il fut habitué à courir les bois, sans cela il se serait sans doute perdu.

Arrivé au domaine, il gagna le bureau maternel où Anne travaillait encore.


Mère, je suivrais les traces de Père, j'espère en être digne...
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Anne_blanche
Nous partons cette nuit, Sylvain.

Même pas un ordre. Simple constatation.


Tenez-vous prêt. Bacchus nous conduira. Nous emmenons un ami de Dame Ewa, ainsi que ce ...


Elle hésita. Ce quoi ? vagabond ? pauvre hère ? Non : rien de tout cela ne convenait. Ce jeune homme, à peine sorti de l'enfance, qui se disait le protégé de feu son frère Gabriel, ce n'était ni un vagabond, ni un pauvre hère. Anne aurait voulu prendre du temps pour réfléchir à son arrivée, à ses propos, à son éducation. Elle aurait voulu chercher, dans l'attitude de ce garçon, dont le nom rappelait celui de son propre père, des indices scellant la véracité de ses dires.
Ce temps, elle ne l'avait pas. Elle s'étourdissait de travail, courant sans cesse de Dijon à Sémur, de Sémur à Paris, du Louvre à l'Académie, de l'Académie à Dijon. Elle brûlait la chandelle par les deux bouts, se nourrissant quand elle y pensait, dormant dans son coche, entre deux cahots. Le temps de rien, jamais. Elle en était consciente. Elle savait que sa vie lui pesait, et qu'elle ne l'emplissait de travail que pour en oublier la vacuité, l'inanité.


... que ce Valatrion qui nous vient de Jérusalem. Dans deux jours, vous verrez vos terres, Messire le baron d'Aupic.

Et en deux jours, peut-être aurait-on le temps, dans le coche, de faire plus ample connaissance avec le voyageur.
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Sylvain_d_aupic
Dans deux jours, vous verrez vos terres, Messire le baron d'Aupic.

Cette phrase à elle seule décrivait le but le plus important de ce voyage pour Sylvain. Il avait hérité de ce titre depuis peu de temps, mais il souhaitait plus que tout rejoindre à nouveau Aupic qu'il n'avait vu qu'une fois, et il y avait fort longtemps.

Certes ce n'était pas là l'objectif de ce voyage, mais cela ne pouvait que l'embellir face aux risques que le petit groupe prendrait sur les chemins.


Bien Mère, je vais vérifier mes affaires, je ne voudrais rien oublier.

Sylvain vérifia sa besace, elle contenait des vivres, les bouteilles confiées le soir même par Breiz et quelques vêtements pour la route. Aucun ne portait encore les armes d'Aupic, mais ce serait chose faite dès son retour. Puis il tira son épée. Elle aussi faisait partie de l'héritage de son père. Elle portait encore les trace d'anciens combats mais demeurait affutée. Il en vérifia le fil, espérant ne pas avoir à s'en servir. Mais s'il le fallait, il lui faudrait se montrer digne de son sang. Il ajusta les courroies de sa besace, et se dirigea vers le bureau maternel.

Je vais m'assurer du chargement du coche, nous partirons dès que vous en donnerez l'ordre, Mère.

Estimant de plus devoir attendre de réponse, il parti vers les écuries.
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Anne_marie_d_aupic
La matinée était déjà bien avancée lorsqu'un coche s'arrêta devant la demeure d'Aupic. On en sort une petite malle, une petite fille et voilà que la voiture, à peine arrivée, repart, laissant l'enfant et son bagage seuls.

De sous le capuchon de la cape couleur prune s'échappent quelques mèches de cheveux bruns, défaits par le vent trop violent pour la saison. Si violent que le capuchon lui-même finit par glisser sur les épaules de celle qui le porte. Jeune, quoiqu'un peu trop petite pour son âge, elle se présente cependant comme une prometteuse jeune femme: une longue chevelure auburn, des yeux azur, une peau pâle et des formes légères. Ses lèvres étaient peut être un peu trop pleines, mais elles présentaient une douce couleur rosée. Mais ses traits, à coup sûr étaient ceux d'Anne-Blanche de Culan, reçus en héritage. Le nom de cette enfant devenait alors évident, il s'agissait d'Anne-Marie d'Aupic.

Elle leva le nez vers la demeure, dans une moue interrogative, puis regarda à gauche, puis à droite avant de taper ses poings graciles contre le bois de la porte massive qui lui interdisait l'accès à son foyer. Elle toqua une fois, puis deux. Puis une minute passa. Une troisième fois. Une autre minute s'écoula et aucune réponse ne vint. Mais cela ne suffit pas à la défaire de sa fière assurance. Aussi, s'enhardit-elle et elle s'enquit d'entrer sans que l'on ne lui ouvre, poussant le loquet avec mille précautions. Après tout, elle était chez elle et sûrement son frère aurait été aussi heureux qu'elle de la retrouver plus tôt que la date prévue initialement.

En effet, la fille d'Anne-Blanche venait d'atteindre l'âge de quatorze ans, soit sa majorité, tout comme son frère jumeau, Sylvain. Elle avait donc achevé ses longues études au couvent de Sémur. Son retour à la demeure familiale était prévu pour la fin du mois, mais, par un concours de circonstances trop long pour que son esprit d'impatiente l'ait gardé en mémoire, son départ avait été avancé. Mais revenons-en à notre porte.
Le sourire de la jeune fille se décomposa: malheureusement pour elle, la porte d'entrée était bel et bien verrouillée. Elle recula, la demoiselle, prenant une grande inspiration dans le même mouvement.


Bacchus? Baaacchus!

Insistant sur le 'a' du prénom du domestique, elle s'impatientait, la demoiselle d'Aupic. Encore quelques minutes passèrent, à s'époumoner pour un résultat nul, tandis que quelques badauds sur le chemin la regardait avec étonnement... Ou agacement, selon la portance de sa voix. Elle s'assit sur sa malle, le visage posé sur ses mains, ses coudes sur ses genoux, le regard rivé au mur droit devant elle tandis que les premiers froids de la saison commençaient à glacer sa peau.
Elle se laissa aller à ses pensées, que penserait sa mère de son retour précoce? Elle redoutait que cela ne lui vaille un accueil froid. Mais elle sourit. Elle verrait Sylvain.
--Bacchus


Dame Anne est descendue en ville, à pied. La Matheline l'accompagne. Bacchus a proposé ses services, évidemment. Mais Dame Anne n'en a point voulus. Elle a dit comme ça qu'elle voulait profiter des derniers soleils.
C'est bien vrai qu'il fait beau, cet automne. Bacchus est sur la terrasse, à regarder l'Armançon, qu'on devine en contrebas, maintenant que les arbres ont un peu perdu de leurs feuilles. Mais ils y mettent le temps, cette année. Heureusement qu'il y a ces bonnes bourrasques, parce que si les feuilles restent trop longtemps aux arbres, ça fait des nids à maladies. Enfin bon : de toutes façons, c'est point le Bacchus qui va décider de la pluie et du beau temps.

Il reste une grande heure à tuer avant le dîner. Puisque Dame Anne n'a point voulu de son coche, Bacchus va en profiter pour le nettoyer. Il en a bien besoin. Il vient de faire l'aller-retour de Touraine, par les mauvais chemins berrichons, défoncés par le passage des armées.


J'croyons ben qu'un essieu est tout coti. J'm'en vas t'remettre ça dret, ma.

Bacchus quitte la terrasse, traverse la maison, se dirige vers les écuries, au fond de la cour pavée qui sépare le logis de la rue. Il sifflote un air nouveau, entendu dans une taverne de Chinon. Il fait beau. Le grand vent a un goût de vin nouveau et de champignons frais.


Lalalaaaaaaaaa lalalalaaaaaaaaaaaa
Lalalaaaaaaaaa lalalalaaaaaaaaaaaa
Lalalaaaaaaaaa


Cette idiote de Matheline dit toujours qu'il chante faux, mais Bacchus sait que ce n'est pas vrai. Elle est jalouse, la Matheline, pis qu'une vieille chatte, voilà tout.

...aaa...

Tiens, il y a de l'écho.


Lalalaaaaa lalalaaaaaaaa

...aaaaaaaachus...


Bacchus tend l'oreille, réfléchit. Ah wéménan ! C'est point d'l'écho ! C'est quelqu'un qui le hèle du dehors.
Il tire le gros verrou, même que ça ne grince point, parce qu'il met un point d'honneur à le graisser régulièrement.
Personne.
Ah si. Tout contre la borne qui protège le mur de coches mal conduits, il y a une gazoute assise sur une malle. Bacchus se retient d'exploser de rire à l'idée du jeu de mots qui germe dans son cerveau tout ragaillardi et par le beau temps, et par le bon pichet de montrachet qu'il a descendu tout-à-l'heure.


Heulà ! une marmotte sur une marmotte ! Tu veux quoi, petite ?

Il sort, vient se planter devant la petite, et soudain son bon gros visage se fige. C'est-y qu'il a trop bu de ce montrachet ? Purée d'nous autres ! V'là-t-y pas qu'il croit voir Dame Anne, mais pas celle de maintenant, celle d'il y a 15 ans. Sauf que celle-ci a plus de soleil dans les cheveux.

Bacchus s'ébroue comme un vieux cheval. Il sent déjà perler une larme sous sa paupière. Bacchus a la larme aussi facile que le rire.


C'est-y point Dieu possible ?! C'est-y toi ... norf ... vous ? C'est-y notre demoiselle ?

Mais il se croit aussitôt obligé de prendre un aire sévère.


Dites-voir, Demoiselle Anne-Marie : vous auriez point quitté votre couvent sans ren dire aux nonnes, hein ? Parce que si Dame votre mère l'apprend, ça va point se passer coum ça ! Z'avez de la chance, elle est point là. Venez çà ! J'vous ramène au couvent, pis on dira aux nonnes que ... que ... que j'sais point, ma. Z'auriez point une idée de chose à dire aux nonnes ?
Anne_marie_d_aupic
Heulà ! une marmotte sur une marmotte ! Tu veux quoi, petite ?

Cela ne faisait que quelques minutes qu'Anne-Marie s'était assise sur sa malle lorsque la voix gouailleuse de Bacchus se fit entendre. Un large sourire fendit le délicat visage de la jeune fille tandis qu'elle se mettait sur ses pieds dans un saut de cabris, afin de gagner de la hauteur pour répondre à son interlocuteur. Chose inutile, Bacchus était massif, et elle lui arrivait à peine au torse, tant elle était petite et gracile.

C'est-y point Dieu possible ?! C'est-y toi ... norf ... vous ? C'est-y notre demoiselle ?

Elle hoche fièrement la tête en guise de réponse. Et voilà que la voix bourrue se mue en chevrotement, sous le coup de l'émotion de voir la dernière de la famille retrouver le foyer. C'est qu'il lui porte de l'affection, Bacchus, à la demoiselle d'Aupic.

Mais, soudainement, le voilà changeant d'expression, se redressant, toussotant pour prendre un air presque paternel, prêt à renvoyer l'enfant d'où elle vient.
Dans sa panique, la jeune fille agrippa la main de l'homme qui lui faisait face, secouant vigoureusement la tête de gauche à droite, comme si cela pouvait traduire son sentiment violent: pour rien au monde elle ne voulait recouvrer le couvent.
Ce n'était pas que la vie y était foncièrement désagréable, au contraire. Son existence y avait été tranquille, dans la sécurité routinière des couloirs et des jardins du couvent de Sémur, de plus, les soeurs n'avaient pas été plus sévères que de raison avec Anne-Marie, elles lui avaient constitué une éducation des plus complètes et elle y avait toujours trouvé un grand intérêt. Non. Là où le bas blessait, c'était dans l'attachement qu'elle avait pour son frère jumeau. Sans l'affection de sa mère distante, c'était dans l'amour fraternel de Sylvain qu'elle se consolait.


Enfin Bacchus! C'est sur décision des soeurs de Sémur que je me trouve ici. J'ai terminé mes études, selon elles. Ne me ramenez pas là bas, c'est inutile.

N'avait-elle pas le souvenir de le tutoyer quand elle était plus jeune? Elle avait quitté ses mots d'enfants, poussée dans la lecture par les soeurs. Mais cette idée ne traversa son esprit que l'espace d'un court instant et il avait déjà dévié de cette pensée, paralysé par la peur que sa joie de retrouver l'hôtel serait annihilée à peine exprimée. Elle se mordait les lèvres à un tel point qu'elles en étaient blanchies, retenant Bacchus par sa main massive qui avait au moins le double de taille de celle d'Anne-Marie.

S'il vous plaît.

Il sembla alors abandonner son projet, libérant l'esprit d'Anne-Marie de son effroi. C'était là le propre du caractère de la demoiselle d'Aupic: une capacité à oublier ce qui lui causait du souci aussi rapidement que si rien ne s'était passé. En ce point, elle ne ressemblait nullement à sa mère et cela lui valait une certaine insouciance. Les paroles prononcées précédemment par Bacchus revinrent alors en tête à la jeune fille.

Ne m'avez vous pas dit que Mère n'était pas présente? Mon frère Sylvain est-il parti avec elle? Quand revient-t-elle?


Le revoilà, le bel entrain de la demoiselle d'Aupic qui presse son pauvre domestique de questions.
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