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|RP] « Ce que l’amour peut faire, l’amour ose le tenter. »

Maeve
Ma chère enfant, que diriez-vous si nous faisions route à part? Il me faut repartir au plus vite. Je vous laisse le soin de prévenir notre amie.
- Beh, je croyais que vous alliez mourir avant de pouvoir voir vot' mari, alors mourir ici ou plus l...


Trop tard, elle est partie. J'ai toujours la mission chiante à accomplir, ou pas ? Soupir. Et petit pincement au coeur, quand même, en voyant cette Comtesse mystérieuse mais non moins bretonne et sympathique disparaître dans son carrosse. A jamais ? "Dieu seul le sait", aurait-elle sûrement dit.

Je reporte mon attention sur la porte. Elle n'a pas bougé d'un poil, et je commence à m'ennuyer ferme. Je fais quoi, je deviens poireau ? Hors de question ! Lasse, je décide de me dégourdir un peu les jambes. Je longe la chapelle et entend une espèce de raclement bizarre. Intriguée, je m'approche silencieusement d'une silhouette qui a l'air de se battre avec du bois. Ah non, elle grimpe dessus tiens. C'est la femme qui descend les collines en roulé-boulé ! Je m'approche de plus en plus, les yeux grands ouverts. Maligne, cette fille du peuple !


Eh ! Faites-moi une place !

Aussitôt dit, aussitôt fait : je mets un pied sur la bûche, glisse, me raccroche aux jupons de la demoiselle pour enfin rattraper in extremis une pierre faisant office de prise, un peu sous le vitrail. Adieu, douce peau de ma chère main.

Dites, je suis une Dénéré-Malines, futurement d'Artignac et quasi Duchesse du Trégor, alors vous allez vous bouger le... Humpf, ce n'est peut-être pas la bonne technique. On m'a souvent dit que les plus petites gens n'étaient que peu atteint par les menaces. Ouais, enfin, je peux aussi jeter un coup d'oeil, hein ? S'il vous plait ?

Du bruit, trop de bruit, et je ne vois ni n'entends les fugitifs partir. Damned !
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Aymon
Et voilà.

Enfin seul ! Les tourtereaux s'en sont envolés et courent probablement le guilledou à l'heure qu'il est. Et l'écuyer travesti, mal à l'aise dans ses beaux atours, soupire - ou du moins tente de soupirer, le corsage serré à bloc par les doigts Josseliniens ne lui laissant produire qu'une misérable expiration.
Aie l'air de prier, lui a-t-on conseillé. Bon. De toutes manières, il n'y a pas grand chose d'autre à faire dans une chapelle. Aymon s'apprête donc à entrer dans un fervent recueillement, espérant qu'en demandant à Aristote d'avancer le temps, les deux autres reviennent dans la minute suivante pour qu'il puisse redevenir lui même. Mais Aristote ne cautionnant ni le travestissement, ni l'adultère, il ignore superbement l'adolescent pour qui les minutes n'ont jamais été aussi longues.

Un silence quasi-total régnant dans l'édifice religieux, il n'est pas surprenant qu'un bruit au carreau le fasse tressaillir - cependant, de peur de se dévoiler, il n'ose regarder franchement à la fenêtre... sans doute n'est-ce qu'un simple oiselet. Et si c'était son maître qui tentait de lui envoyer un signal quelconque ? Si tout avait capoté, comme il s'y attendait ? Si la petite dame avait fini par lui coller une deuxième beigne et s'était enfuie dans les bois avec ses vêtements à lui, et qu'il restait coincé dans cette fichue église jusqu'à ce qu'Aimbaud la retrouve et la convainque de revenir ?

En arrangeant son voile, il parvient à tourner la tête sans que, de l'extérieur, l'on puisse discerner ses traits. Mais la fine mousseline lui permet tout de même de distinguer l'essentiel : deux têtes se profilent dans l'encadrement de l'un des vitraux. Le voile et le verre épais ne lui permettent pas vraiment de distinguer les deux figures, mais les cheveux longs sont incontestablement féminins. Quant à faire la fouineuse et à regarder par les carreaux, il y en a une à qui l'on peut faire confiance, et notre petit valet à son idée sur l'identité de l'un des deux minois.
Isaure.beaumont
Les yeux se plissaient toujours un peu plus dans l’espoir de mieux discerner les traits et en apprendre plus sur cette dame, mais plus ils se plissaient, moins elle voyait. Logique, me direz-vous.

Trop concentrée, elle n’entendit pas Maeve s’approcher et quand cette dernière s’agrippa à ses jupes, elle manqua de perdre l’équilibre. Bientôt, elles se retrouvèrent à deux sur la fine bûche. Donnant un bon coup de hanche, qu’elle pensait (être) maîtrisé, elle espéra envoyer valdinguer cette petite curieuse – sans résultat. De quoi se mêlait-elle donc?

Constatant son échec, elle se tourna légèrement vers sa camarade d’espionnage alors qu’elle se présentait. Peu avenante, Isaure l’écoutait.



-Il suffisait de demander !
Regard vers sa robe crotteuse. Vous auriez pu déchirer ma robe que j’affectionne particulièrement puisque c’est un présent de ma cousine, j’aurais été alors obligée de vous faire rouer de coup ! Presque duchesse ou pas ! Regard curieux sur la Dénéré. Je suis Isaure Wagner, maîtresse de ses lieux par la volonté de ma cousine pendant son absence. En faire trop ? Jamais ! Que faites-vous donc sur mes terres, et dans ma chapelle ?
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Maeve
Maîtresse des lieux ? Et flûte, malgré cette accumulation de boue aux chevilles, la dame est peut-être noble. Ou amie de noble, en tout cas ! ... Bah, son rang n'est sûrement pas bien élevé.

"Votre" chapelle ? Je croyais que c'était la maison de Dieu, faudrait savoir !
Je suis Maeve de Dénéré-Malines, et je suis sur vos terres parce que cela me plaît !
Incident diplomatique bonjour ! Enfin... C'est également de par la volonté de mon amie la brittano-espagnole qui se trouve icelieu.

J'écrase mon doigt contre le vitrail.

D'ailleurs, je me demande bien ce qu'elle fabrique. Elle est censée prier, mais ça fait trois plombes qu'elle y ait. Ca ne dure pas des heures, les discutions avec Dieu. Si ? Moue. Et impossible de rentrer ! Il faut croire que le valet d'Aimbaud a cassé le loquet. Les domestiques, de nos jours...
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Aimbaud
Le vent à nouveau les frappa quand ils quittèrent le seuil de la chapelle. Des murmures fugaces s'échangèrent avant qu'Aimbaud ne démêle brusquement leurs doigts pour paraître face aux gardes de Décize et aux cochers de la voiture espagnole. Il alla à leur rencontre avec de grands gestes et des sourires forcés, pour couvrir la fuite de Blanche.

AAAaah rien de tel qu'une petite prière pour se remettre d'aplomb. VRAIMENT.

Fit-il en se tapant les gants, puis en craquant allègrement ses phalanges dans un poing crispé. Piètre comédien, même un public d'enfant lui eu jeté des légumes pourris... Aux gardes, il donna des ordres stricts.

Vous escorterez la Marquise de Gondomar jusqu'au sortir de nos terres, quand elle aura achevé de se recueillir. Je rentrerai seul. Où est passé la damoiselle de Morvilliers ? Veillez à la ramener au château à coup de pied au derrière, s'il le faut. AU REVOIR MAEVE !

Lança-t'il enfin, la main en porte-voix. Puis ladite main empoigna le troussequin de sa selle, aussi vite que l'eu fait celle d'un fuyard. Il se hissa à cheval aux côtés de l'écuyer travesti, croisant brièvement son regard le temps d'ajuster son assise, grave et fou d'inquiétude. Lugh tressaillait au vue de cette nervosité, comme piqué par des taons. Il réagit aux éperons, électrisé, et donna le départ au galop sur le chemin de cailloux et de givre fendant les bois.

La cavalcade manqua de soulever le chapeau d'Aimbaud. Il s'agrippa, les yeux mouillants à cause du froid cinglant, la bouche bée remplie par le souffle de la vitesse. Ah ! Il fallait bien qu'il avale tout cet air pour avoir les idées claires. Il fallait qu'il respire un grand coup, et qu'il cesse de jeter des coups d'oeil hagards à sa droite où chevauchait toute son âme. Il fallait qu'il inspire à fond, cette bonne odeur de victoire qui parfumait l'atmosphère...! Il avait envie de pousser un "YAHAAAA !" debout sur ses étriers, les mains au ciel. Mais on était encore à portée de hurlement de la chapelle... Et Blanche allait peut-être mal le prendre. Alors il se contenta de serrer bien fort les dents avec un sourire benêt sur le visage, surexcité par le galop et le béguin.

Il alla vite, coupant à travers des champs en friche et passant par des sentiers à peine tracés parmi les breuils qu'il reconnaissait. Il devaient s'éloigner toujours plus, à son sens, gagner un autre lieu, une colline, non une clairière, un coin sympathique... Ou... En vérité il n'avait absolument pas pensé à l'endroit où il mènerait sa belle une fois qu'elle serait délivrée. Savait-il seulement ce qui se passerait par la suite. Il fallait qu'ils s'arrêtent et s'accordent sur la question.

À la lisière d'un champ d'herbe jaunie, couchée et tuée par l'hiver, il fit ralentir sa bête sous la gouttière de quelques branches de pins. Exalté, le souffle court, il attendit d'être rejoint par la cavalière pour mettre pied à terre.

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Blanche_
Ah, Aimbaud de Josselinière...
Pour expliquer ce qui animait les yeux de Blanche lorsqu'elle croisait les siens, il suffit de dire qu'il était ce qu'elle avait toujours connu, toujours aimé, toujours désiré d'aussi loin qu'elle se souvienne. L'homme avait un visage commun, mais pas banal. Pas encore usé par les atrocités qu'il avait vues, bien que l'on sentit à ses épaules fortes qu'il avait été déjà prompt à les assumer, et à les vaincre ; la pureté que l'on lisait en ses yeux reflétait tant de bonté et de piété qu'il eût semblé alors impossible de les enfreindre... s'il n'avait eu à l'éclat de ses yeux saints le rajout de sa peau seule et sa nuque, souvent dégagée, aux contours faits pour qu'on les caresse.
L'exemple parfait de grandeur et de dévotion, l'hymne des cantiques, qui se trouvait devant elle la plupart du temps ; objet de tous les fantasmes et de tous les rêves il ne symbolisait que la pureté, et faisait naître en elle l'exacte opposé. Si Dieu l'avait créé dans ce but, s'il avait voulu par sa face, si fidélité, guider Blanche sur le chemin de la foi, il avait été fort cruel, car ses traits guidaient à la corruption de ses vœux, ses paroles à leur blasphème. Ou très idiot. Elle soupira.

Il vint à elle en frottant ses gants. Jaillirent en elle volutes de fidélité et de trahison indomptables ; une partie voulait d'elle qu'elle le serre dans ses bras, l'autre hurlait au serment de son mariage. Comme deux paroles d'évangile, à chacune leur cœur. Et qui auraient droit de cogner contre le sien tour à tour.
Comme elle s'aidait de ses mains pour descendre de cheval (et la chose n'était pas aisée, pour elle qui n'avait jamais monté comme un homme), elle demanda l'heure qu'il était. C'était donc au tour d'Astaroth d'occuper ses pensées.
Où était-il, d'ailleurs? Près, proche, occupé à leur tendre un piège?
Elle regarda vers le ciel. N'y comprenant rien aux astres, à leur lente montée, ni pourquoi ils tournaient autour de la Terre ainsi, c'était bien trop compliqué pour une femme. Naturellement Aimbaud suivit son regard.


Pas loin de midi, dit-il.

Son sang se glaça. Il eût pu dire tout autre chose, parler de leur séparation prochaine était pire que tout. Comme si annoncer qu'ils se quitteraient fatalement nuisait à son rêve de fuite. Comme s'il eût éteint en même temps qu'il parlait, l'idée folle qu'elle avait de ne plus quitter la forêt, la clairière, les arbres dévorés par le froid et la mousse, l'idée de vivre de graines et de perdreaux, de courir les champs et d'avoir du lierre dans ses cheveux.
S'en suivit un échange triste et inquiétant. Il la voulait rester, elle ne voulait pas partir, se sentait le devoir de le faire ; car elle avait son époux à la tête, la peur qu'ils perdent la leur.

- Eh bien... Je ne pense pas que nous puissions rester ici plus d'une heure.
- Nous ne restons pas ! Si vous le voulez. Je vous mène à Décize ? ... Une auberge ! Vous vous y réchaufferez. Vous avez soif ? J'ai là du vin.
- Decize... Une auberge...? Mais... Si nous n'avons qu'une heure, pourquoi partir ?
- Une heure. Vous ne restez pas ?
- Rester...où ? Là, ici, le milieu de nulle part ?
- Avec moi..!


Et ainsi qu'ils devisaient, haussant le ton, elle perdait son sang froid et sa retenue. Comme c'était étrange, qu'elle devienne aussi colérique parfois, lorsque ses propositions se heurtaient inévitablement à leur impossibilité. Ce n'était pas qu'il était idiot, mais plein d'amour, et elle n'était pas en colère contre lui, sinon contre son humanité qui lui interdisait d'outrepasser les règles physiques et morales. Il fallait toujours se battre, inévitablement, soit contre la partie blanche d'elle, soit contre la noire. Contre la fatalité, les évènements, les liens forgés, contre tout, pour une minute avec lui il fallait braver l'impossible, défier des dragons et des tours, monter une armée, être prêt à perdre les seules choses qu'elle avait gagnées.
Elle grognait contre l'ultime heure qu'il leur restait avant qu'Astaroth n'arrive.
Elle grognait contre l'inconfort des lieux, qui forçaient leur affection à s'exprimer entre quatre troncs.
Elle grognait contre sa propre déraison à l'avoir suivi.
Et ce toujours en allant à lui après chacun de ses reproches, pour serrer son corps et creuser ses joues de baisés déposés, pour l'assurer de son Amour avant qu'un nouveau volcan de rage n'explose et qu'elle ne reparte loin de lui, maugréant sa tristesse et maudissant leur responsables. Et puis elle revenait à lui, encore une fois, si pétrifiée à l'idée de le perdre, mortifiée par ce qu'elle avait pu dire et médire. S'il avait les sourcils froncés elle souriait, s'il baissait le chef elle lui relevait en baisant son front ; et s'il observait juste sa brutale réaction, elle s'obligeait à reprendre un visage paisible et retrouver ses bras.
Oh, Aimbaud de Josselinière...


- Juste une heure
, lui offrit-elle, faisant une croix sur ses résolutions. Et ensuite il faudra vite retourner à la chapelle ou votre homme se fera découvrir.
- Non. Je vous mène à Saint Robert en Limousin sous secret.
Aimbaud
Le mufle des chevaux, en frottant les racines terre à la recherche de jeunes pousses, fait cliqueter les boucles de leurs sangles. L'air gelé de la campagne étouffe les sons et les voix des deux amants qui s'emmêlent de baisers maladroits sous les branches mortes. Ils se parlent avec des chuchots, en se heurtant le nez et les joues, les mains anxieusement pressées dans leurs cols, dans leurs cheveux.

La belle trouille ! Et la joie ! De se trouver là, à partager leurs souffles blancs, à taquiner l'adultère. Mais ce ne sont que de simples baisers, des baisers de jeune homme sur les joues toutes froides, piquées de rouge, de l'hermine. Il s'y glace la bouche, s'y coupe un peu les lèvres, tout à son idée d'être enfin seul avec elle... Pas une servante, pas un page, pas une seule leçon de morale à l'horizon pour l'empêcher de goûter les retrouvailles. Adieu Clémence, adieu Christos ! Il tient Blanche de Walsh Serrant entre ses mains, et plus rien ne compte que ce corps rond qu'il enserre, qu'il enclos, protège et adule. Et puis cette voix... Et puis ce parfum... Cette femme, bon Dieu, cette femme...!

Le chapeau d'Aymon est tombé parterre. La tête blonde, nue, laisse à présent voleter des mèches au vent du nord. Quelques cheveux encore collés à sa lippe, Aimbaud observe le tableau et énonce :


Partons sans attendre ! Je pourvoierai à tous vos besoins, la route n'est pas si longue jusqu'à mes terres.

Il apparaît tout secoué d'enthousiasme, aussi turbulent qu'au déballage d'un cadeau. Et il n'y a qu'à voir, au sourire qu'il arbore en prenant Blanche par les épaules, combien il a foi en son consentement. Mais la belle, pâle, couine en resserrant leur étreinte.

Oh Aimbaud... C'est folie...!
Là... Là ! Vous êtes sauve, ma dame, ma Blanche. Plus rien ne vous retient !
Mon Aimé, mon époux nous suit. Il saura nous trouver. Je vous en conjure pour l'amour du ciel, et de votre fils...!
Astaroth n'est-il pas resté en Espagne ?
Il est... Il est...


Les tons montent. La peur semble palpable... L'un a le regard trahi quand l'autre verse des larmes. Voilà l'aigreur ! Il détourne la tête et veut la repousser, sentant ses entrailles devenir froides, peut-être déjà traversées par une épée de Tolède. La peur... Mais sa main revient naturellement près de la tempe duvetée de blond, il soutient cette pauvre tête en sentant les pleurs lui mouiller la peau du cou... Et de lui parler posément pour étouffer la panique.

Calmez-vous, il n'y a pas de mal. Vous ne risquez rien près de moi. Calmez-vous...

Les sanglots résonnent un instant dans le sous-bois, avant de s'atténuer au profit de protestations et de plaintes, murmurées pleines d'eau salée. Des hoquets, des lamentations. Du réconfort, des approbations.

Tout ceci est si horrible...! Pourquoi faut-il que Clémence soit une Josselinière ? Reniez votre femme, et moi à la place !
À votre guise, oui... Je ferai dissoudre ce mariage.


Disant amen à tout, il essuie les joues trempées. Terre à terre, il songe déjà aux démarches nécessaires qui vont s'en suivre à la hérauderie, et aux valables excuses qu'il devra énoncer face au tribunal... Infertilité de Clémence ? Homme battu ? Qu'importe, le jeu en valait la chandelle s'il fallait cela pour récupérer sa bretonne... Poudre aux yeux. La belle, vraisemblablement, le fait tourner en bourrique. Nous l'allons voir tout à l'heure...

Puisque nous sommes d'accord, en selle ! Vous résiderez secrètement dans mes appartements à Décize, le temps de monter une escorte pour la route de Saint-Robert. Là, vous séjournerez. J'arrangerai tout.

Oh... Non... Comment arrêter les oiseaux, une fois qu'ils s'envolent ? Aimbaud... Ce n'est pas ce que je voulais dire... Soyez raisonnable. Restons ici ! Nous n'avons aucune explication plausible à exposer à mon mari lorsqu'il nous trouvera. Il nous fera tuer tous les deux.

Il va pour ouvrir le bec, déçu et rabroué. L'inconsciente ! Elle ne comprend rien. Mais aveugle, elle s'obstine, et quand elle est ainsi butée il ne sait rien obtenir d'elle... Il voudrait la saisir et la jeter à cheval, tracer le bois sans arrêt jusqu'en cet ailleurs où elle sera sauve et sienne ! Mais elle n'écoute PAS. Il faut se taire et attendre. Faire mine d'obtempérer et d'acquiescer... Revenir plus tard à la charge. Il la caresse. D'autres vues en tête.

N'y pensez plus pour l'heure...
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Aymon
Une énième fois, Aymon releva d'un coup sec sa tête dodelinante, évitant de justesse le plongeon dans le sommeil.

Depuis combien de temps était-il coincé dans cette chapelle ? Impossible à dire. Cela pouvait faire aussi bien quelques minutes que plusieurs heures. L'écuyer avait l'impression de connaître déjà par coeur les motifs multicolores des vitraux, l'ornementation des chapiteaux, les scènes pieuses des fresques. Il avait tenté de compter les pierres de la voûte, mais s'était embrouillé tout seul. Quant à la discussion avec Christos, Aristote et tout ça, vraiment, ça n'était pas son truc. Il n'avait jamais vraiment réussi à soutenir une conversation lorsque l'interlocuteur ne faisait pas d'efforts pour répondre.
Immobile sur le petit prie-dieu d'un inconfort absolu, il commençait à grelotter malgré les couches de velours et de brocart qui le recouvraient, et luttait contre une envie tenace de se laisser aller à ronfler. Les deux pies bavardes étaient là dehors qui l'observaient. Il en était sûr : il y avait Isaure, et une autre, non identifiée.

Bon dieu, mais qu'est-ce que je pourrais faire ? songea-t-il, désespéré.

Et puis - fut-elle envoyée par Aristote lui-même, dans un accès de mansuétude ? - une solution qui remédierait à la fois à la fatigue qui s'installait, au froid et à l'ennui lui apparut soudain.

Avec un rapide regard à la fenêtre, il se releva, commença à s'étirer et se retint juste à temps pour que le geste ne parut point trop mâle et décontracté. Il fit mine un moment d'effectuer une pieuse ronde dans la chapelle, les mains jointes et la tête baissée, puis, profitant d'un moment d'inattention des deux têtes qui l'épiaient mais semblaient également fort absorbée par une conversation, il fila vers la sacristie.

N'osant trop fouiller, il embrassa la pièce du regard et tomba vite sur une petite alcôve fermée par des volets de bois ouvragés, sur lesquels les insignes religieux ne laissaient aucun doute quant à son contenu. Il hésita un moment, se demandant s'il n'allait pas être foudroyé sur place pour ce qu'il s'apprêtait à commettre. Mais comme rien ne semblait devoir l'en empêcher, il ouvrit les vantaux de bois et s'empara de la bouteille de vin de messe et du calice qui reposaient là.

Nul nuage sombre charriant des éclairs, nul doigt pointé du haut des cieux ne surgit au dessus de sa tête : bref, se servir du sang de Christos en loucedé n'était donc pas un péché. Il s'en versa donc une bonne rasade qu'il vida d'un trait.


Haaaa ! ça ravigote.
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Blanche_
Ravie, la blanche lui offrit un sourire qui montait jusqu'à ses oreilles.

Oh, c'est parfait ! Son esprit fit trois tours. Que je suis heureuse ! Vous revenez sur de bons sentiments ! J'ai plein de choses à vous dire !
Le train de ses paroles filait aussi vite que celui de ses envies. En baisant sa joue, elle songeait déjà à d'autres sentiments ; et le désir de lui narrer l'absolue totalité de ses pérégrinations en Castille. Le récit était long et laborieux, mais en sautillant d'un paragraphe à l'autre tel qu'elle le faisait à son habitude, c'était on ne peut plus rapide.
Marchons pour que je vous raconte !
Et tandis qu'il la suivait, amoureux, réprimant sans qu'elle le décèle un petit sourire narquois qui l'aurait rendue colère, elle continua :


J'habite à Gondomar depuis des mois, tellement de mois, et pourtant je découvre tout le temps de nouvelles choses. Des nouveaux mots, ou de nouveaux endroits... Quoique sur l'île d'Arousa, où loge mon époux, j'ai déjà vu toutes les belles choses. Les principales, tout du moins.
Au début je ne pouvais pas trop m'éloigner du castel, je voulais y rester pour mes fils, et puis Johann a été envoyé en Bretagne, il ne m'est plus resté que Lestan...
Oh tenez, d'ailleurs en voici un portrait ! Il a de beaux traits n'est-ce pas ? Je le trouve un peu trop blond, cela le rend trop adorable. J'ai cru au départ que ses cheveux boucleraient comme les miens, mais il les a un peu plus raides, tel que vous.
A notre mariage, pourtant, il avait une jolie mèche sur le devant qui tournait un peu. Je trouvait cela très mignon ; mais il l'a perdue, aussitôt qu'il a pu s'exprimer. Il a un esprit si vif, il répète tout ce que je dis, il comprend beaucoup. Il n'avait que très peu plus d'un an, qu'il savait des noms de bien des choses... J'aurais préféré qu'il comprenne moins vite les termes désobligeants qu'il use envers son frère, m'enfin... c'est autre chose.
Ils sont un peu jaloux l'un de l'autre. L'on dirait parfois vous ! Enfin plus Lestan, évidemment...


Évidemment...
Malgré toute son extase, Aimbaud ne semblait pas partager. Il la regardait surtout elle, alors qu'elle l'aurait voulu voir le petit portrait, dessiné à la va-vite à la Cour de Castille, par ces petits peintres de miniatures qui savent vous dresser un portrait en quelques minutes, d'une ressemblance frappante, et à petit prix. Il fallait dire que le médaillon n'était guère plus large qu'un écu, et qu'il tenait sans effort dans la paume d'une main. La sienne, ou celle de son fils, n'eût-il que quelques années.
D'ailleurs, elle avait fait faire pour eux deux son propre portrait, dans un médaillon refermé, qu'ils auraient du mal à ouvrir avec leurs petits doigts boudinés, mais qu'ils auraient plaisir, plus âgés, à contempler en souvenir de leurs parents. Car elle avait accolé le portrait d'Astaroth, évidemment...


Voulez-vous que je vous le laisse, demanda t'elle en agitant sous son nez le profil de Lestan. Aimbaud ?
Mais comme il ne témoigna pas l'amour qu'elle attendait -espérait- envers sa propre chair, et qu'il se contenta de glisser le visage blond dans une poche, elle s'emporta, voulut crier, tremblait surtout de voir ses craintes renforcées. Il ne l'aimait pas, le lâche ! Et c'était toute sa faute à elle ; soit elle avait engendré une face qu'il trouvait sans beauté, soit c'était sa condition de bâtard. Mais il n'aimait pas son fils.
Elle s'en trouva meurtrie.


J'eûs été plus heureuse qu'il vous plaise.
Je suis marri de vous avoir imposé cette charge.

Cette... cette... elle en perdit son souffle.
Cette charge, j'en suis heureuse ! Lestan est admirable, vous ressemblant en tous points, si ce n'est qu'il n'aurait pas honte de vous...!

Et ce dernier mot, lâché avec toute l'indélicatesse dont son âme de mère était capable, sonna comme un glas. Dieu, si elle avait su seulement, que d'ici quelques phrases, il meurtrirait à nouveau son égo !
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La royauté? Bof.
♥ Je marie le Prince de Castille, Mesdemoiselles si vous êtes intéressées, mp! ♥
Aimbaud
Blanche allait le pied léger, elle pépillait avec des volutes d'air blanc près de sa bouche. Aimbaud lui se contentait d'observer vaguement le portrait de cet inconnu, tentant de s'y intéresser. Mais malgré-lui mal à son aise sur le sujet, il ne prononçait pas mot et se contentait souvent d'opiner. Ça n'était pas qu'il n'aimait pas l'enfant ! Il ne le connaissait PAS. Ce nouveau-né apparaissait de nulle part après un an d'absence, avec ses joues rebondies, son peu de cheveux blonds et ces grands yeux de BÉBÉ qui observaient le peintre (ou le père) avec sévérité. Pourquoi fallait-il qu'il soit né, celui-là ? Ne pouvait-on jouir juste un été de sa mère, sans que cette chose bâtarde ne vienne pointer le bout de son nez trop MIGNON dans un contexte déjà assez compliqué ? De quel droit était-il né ? N'avait-il pas capté, l'embryon, qu'une mère expatriée bretonne et un papa bourguignon de seize ans, tous deux pécheurs de surcroit, ne feraient pas de BONS PARENTS ? Quelle idée d'exister ! Non pas que l'on eut souhaité sa mort, au bambin... Mais juste son effacement. Son oubli. Sa non-naissance. Oui, Blanche ! Faisons comme s'il n'existait pas. Viens, on joue ?

Mais non. "Lestan" était né. Le grand chariot des problèmes était arrivé. Une mauvaise herbe dans l'arbre généalogique, une monstrueuse claque paternelle si le Duc de Corbigny l'apprenait, et la risée, et la honte... Oui la honte ! Sa faute, son vilain petit péché aux dents de laits ! Cet illégitime. Ce secret qui devait rester enfoui en terres castillanes... Comment voulait-elle qu'il s'en réjouisse, au juste ?

Il la regardait gravement.
Elle, et la limite de ses cheveux blonds sur fond de branches mortes. Son petit air outré... Il soupira cruellement, encaissant mal les vilaines vérités qu'elle proférait. Puis grimaçant, prenant sur lui, il vint nouer les mains aux siennes autour du médaillon.


Ne soyez pas fâchée. Je tâcherai de... l'assumer.
Personne ne vous demande de le faire. Il ne saura de toute façon rien de vous. Son père, tel qu'il le croit, a des cheveux bruns hauts-perchés, et parle galicien. Je ne suis pas fâchée... Je vous aime trop désormais pour vous en vouloir de quoi que ce soit.
Il faudrait tout de même que je le voie.
Et pourquoi donc ?
Mais... si c'est mon fils !
Si...?
...
Si ?!
Non pas que j'en doute !...


Il se mit à rougir en se fendant de gestes brusques, mais Blanche déjà fondait sur lui comme oiselle de proie en frappant contre-lui la chaînette d'or et le visage de l'enfant à force de les brandir. L'objet finit jeté violemment à terre dans une série d'invectives qui pleuvaient sur le garçon comme gifles. La prenait-il pour ce genre de femmes ?! Il voulait voir l'enfant pour s'assurer qu'il était de lui ?! Comme s'il était évident qu'elle s'était offerte à mille autres hommes que lui !! Et bla bla bla...

Aimbaud, s'énervant d'avoir à se justifier, ramassa le portrait du bâtard dans les miettes de branches et parla fort pour couper court à la dispute .


Non ! Non, non. Baste... J'ai toute fiance en vous, je ne le verrai pas !

Ils se calmèrent, se rejoignirent avec des gestes de paix. Un murmure : "... aucun doute. ... il a tout de vous.". L'on force un sourire, l'on passe la chaînette autour de sa coupe au bol pour signer le pacte. Les yeux souverains de Blanche le regardent un long instant.

Ne soyez pas fou. Cachez-le bien.
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Blanche_
Et puisqu'il ne savait pas s'y prendre, elle s'en alla enterrer le médaillon par ses propres mains, ses mains sans gant, ses mains nues de bagues, ses mains sous sa chemise. Elle avait les doigts froids, glaciaux même, mais pas autant que la chaîne, qui au moins, de mauvaise facture, était très légère. A la moindre pression les crans auraient cédé, ils étaient fait pour entourer un cou de femme, de toute façon, pour suivre les mouvements lents et passifs d'une fille, pas les saccadées bourrasques qui caractérisaient les mouvements d'Aimbaud (quoiqu'il était extrêmement calme depuis quelques instants).
C'était un peu de son fils qu'elle abandonnait au beau milieu de son torse, entre les deux proéminences musclées, ces deux monts qu'elle touchait à peine ; Clémence y avait-elle posé les lèvres ? C'était son fils, et elle embrassa le visage de peintures avant de l'y abandonner définitivement, et de le recouvrir avec tendresse et lenteur, de galons d'or et de tissu blanc. Se forçant à tout refermer avec soin, elle y passa cinq bonnes minutes, pendant lesquelles quelques mots banaux furent échangés, et quelques regards emplis d'espoir aussi.
Le contraste d'ailleurs, entre ce qui sonnait creux à sa bouche, et ce qui sonnait plein à ses yeux paraissait empli de puissance ; ils avaient une conversation triste et nostalgique, bien ancrée dans la réalité, alors que leurs yeux, eux, leurs yeux ne languissaient de se retrouver plus près encor.


...suis mieux auprès de mon père. Et puis Clémence est partie à Rome...
Ah oui ? C'est embêtant. Et c'est très loin... On aurait vite fait des mauvaises rencontres... Non pas que je les souhaite.
C'est bien ce que je lui ai dit !
Bah, laissez, si elle veut prier. Rome, c'est bien. Est-ce qu'elle va y rester longtemps ?


D'accord, certes, en effet, assurément, les petits gestes répétés autour de son col et de son épaule, la fâcheuse tendance à y abandonner les doigts ne facilitait pas un échange verbal détonnant. Son cadeau, comme elle lui avait promis dans la chapelle, était ces instants évadés, échappée dans les bois, et elle les gâchait à maudire intérieurement Clémence de l’Épine, à la maudire de baiser son amant, à vouloir le vouloir embrasser à sa place. Blanche n'était qu'une pauvre chair qui lui était dévouée, paresseuse et soumise en sa présence, prête à décupler ses forces si on l'avait ôté d'elle.
Elle perdait tout sens commun ; et continuait à tripoter machinalement, dans un geste mainte et mainte fois répété à Donges un an auparavant, ce qui avait fait leur quotidien d'amants au petit matin... Elle l'habillait, oui, voila, elle rhabillait sa chemise autour du médaillon, s'y activait avec dévotion, espérant par son attachement à chaque bouton, chaque nœud, lui indiquer l'abominable souffrance d'en être privée depuis juillet.


Vous... Savez. Vous êtes charmante, vêtue à la garçonne...
Oh ! C'est vrai que j'ai l'air d'un homme, comme ça. C'était une idée brillante.


Pour la première fois de sa vie, elle le complimenta pour son intelligence.
Elle le faisait pour ne pas le complimenter sur ses joues, sa bouche, son front droit ou ses épaules. Pour dresser une barrière entre eux que l'indécence ne franchirait pas ; car elle, consciente qu'elle en était capable -de chavirer-, elle s'en protégeait en partant sur une direction qu'ils n'avaient jamais empruntée jusqu'alors. Parler comme deux amis, à défaut d'être amants, en guise de radeau de fortune, et de rempart à son intransigeante affection.
Elle fut prise d'un sursaut intérieur en sentant que cela marchait : elle se sentait presque prête à parler de Clémence à nouveau en de termes plus glorieux, à l'écouter parler, à le complimenter sur sa fortune, sa maisonnée, sa nouvelle droiture.
C'est lui qui la scia en sautant d'un bond au dessus de son fragile barrage, pour faire poindre un nez timide à l'orée de sa paupière.

Qu'elle ferma en sentant sa tête basculer, ou tenter de le faire vers l'arrière. Le poids, ou le sang, passait d'un bord à l'autre, faisait bouillir l'arrière de sa nuque dans un pénible bruissement brûlant, pour venir en cascade à ses joues, lui donnant une allure pétrifiée et stupéfaite qui rendait bien son étonnement, moins sa colère.
Déçue d'être à ce point dépendante, soumise à sa faiblesse. Et à son front de roy.


C'était vraiment une idée intelligente. Tout comme ces lettres... C'était parfait.

Puérilité de cette dernière tentative, qui mourut dans un bégaiement, simultané à ses propres résolutions. Elle songea que ce n'était que folie, qu'un jour elle en mourrait, et qu'elle perdait la tête. C'était un blasphème. Un mensonge.
Mais elle n'y pouvait plus rien, ni arrêter l'avancée lente de son visage, ni ralentir ses maux, ni user d'autres mots pour se défaire de lui ; d'ailleurs, il l'entourait à nouveau de ses bras, dont elle aurait voulu se parer jusqu'au sépulcre.
Sous les rameaux verts, à mille pas de la chapelle où les attendaient leurs amis, elle lui demanda de la mener jusqu'à chez lui.

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La royauté? Bof.
♥ Je marie le Prince de Castille, Mesdemoiselles si vous êtes intéressées, mp! ♥
Aimbaud
Il fallait, pour bien comprendre l'état de fébrilité d'Aimbaud, envisager toute l'année qui s'était écoulée, où guerre et parents l'avaient tenu écarté de sa maîtresse, en sachant qu'à chaque jour il y avait pensé, jusque même au soir de sa nuit-de-noces avec une autre. Il fallait comprendre combien de barreaux s'étaient dressés entre Blanche et lui, de risques et de privations, et combien le désir s'en trouvait décuplé. Être là seul en ce bois avec sa bretonne, cela tenait du miracle, de la chimère... Et puis la sentir répondre au baiser qu'il lui donnait à présent à l'ombre d'un branchage, doucettement bien qu'à la dérobée, avec une réticence naturelle due aux angoisses de l'adultère... Cela le mettait fou. Le régal de ces lèvres là, leur chaleur de printemps...

Ils n'allèrent pas chez lui.

Le velours d'une cape écrasa l'herbe nouvelle. La saison était fraîche et les peaux par-endroits démaillotées de leur lin avaient tout de gelé. Le soleil de les réchauffait même pas, les feuilles mortes leur glaçaient les mains, les épines les piquaient, en somme l'inconfort était à son comble... Mais leur embrassement, ô leur embrassement, lui, avait un goût de paradis. C'était étonnant de voir apparaître de belles jambes de filles, hors des vieilles braies d'écuyer... De redécouvrir ces contours adorés, moitié dévoilés, moitié laissés au chaud. Le trouble d'Aimbaud n'avait pas de nom. Il attardait ses doigts et son regard sur le visage de sa dame, la lèvre un peu bleuie, et tremblant (le froid sans doute ?). Comment trouver le mot juste, pour dire tout l'amour qu'il ressentait ? Il aurait voulu ! Mais face à cette figure languie, sainte aux cheveux dispersés comme rayons de soleil sur le sol, il avait le verbe qui restait tapi dans la gorge...
Alors il parla du bout des lèvres sur la peau amie... Il l'habilla de baisers. La dévotion était parfaite... Il la vénérait de l'extrémité des doigts jusqu'à... jusqu'au... Nombril. Et autres.


Hiii !

La belle sursauta. Silence dans le sous bois.

J... J'ai cru entendre quelque chose là non ?
Un merle, ma c'hoantennig.
Aimbaud....? Si on nous voit là on aura...
...
Vous êtes tellement beau. Bon... d'accord. D'accord, d'accord, d'accord...
...
Oui mais enfin...
Blanche ! Voulez-vous ou bien ?!
Eh bien... RAAH. C'est que... n'avez vous pas peur? Je veux dire... l'enfer, tout ça...


Les scrupules de l'amante eurent vite fait de refroidir l'esprit d'Aimbaud qui, oscillant d'abord entre un air penaud et un regard trahi, se vit définitivement interdire l'allée aux câlineries par deux genoux noués et deux bras croisés. Il se fendit d'un soupire, et adressa un regard exaspéré au ciel ainsi qu'aux quelques branches qui leur servaient de toit, mais surtout à cet infernal piaf qui passait en piou-pioutant au dessus de leurs têtes (certainement dans le but d'appeler sa femelle qui elle, ne s'embarrassait pas de soucis théologiques à la saison des amours)...

Oh, non... Ne soupirez pas ! Ne soyez pas fâché !
Je ne suis pas fâché. Peu me chaut ! J'ai envie de vous. Je me confesserai !

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Blanche_
Combien de fois depuis leur séparation avait elle rêvé de cet instant ? Une fois, deux, mille ? Elle avait imaginé et fantasmé des scénarios de retrouvailles semblables aux étreintes qu'ils avaient vécues à Donges, souvent dans ses rêves elle le voyait revenir dans la grande bâtisse de maître, scrutant sa silhouette dans l'ombre des chambranles qui dessinait par son armure des lézardes argentées au plafond. Plusieurs fois, elle s'était couchée en l'imaginant tomber près d'elle, elle avait murmuré son nom et fermé les yeux sur cette douce illusion, voire, avec plus de malignité, elle avait transformé les nuits avec Astaroth comme une nuit avec lui, elle avait forcé son esprit à écarter l'hispanique de son visage, à redessiner sa tête, couper les boucles, tailler un bol brun, rogner un nez trop long, caresser un menton pour qu'il soit plus jeune, elle en avait effacé les rides et la sauvage apparence lorsqu'il la possédait, et ainsi, bien que remplissant son devoir, il lui était parfois apparu une agréable sensation proche de celle qu'elle ressentait avec le bourguignon. L'imaginer lui, à la place de l'autre, cela l'avait aidée, mais maintenant qu'elle se retrouvait face à lui, il fallait bien admettre qu'ils étaient très différents. Les regards qu'il posait sur elle, ou sa façon de prendre chacun de ses membres comme s'il eût été en porcelaine, de baiser toute sa peau pour n'en perdre l'odeur, tout cela, un époux habitué à l'obtenir quotidiennement ne s'en gavait plus ; il n'en avait pas besoin. Sa femme, après tout, lui était redonnée tous les soirs... Et il n'avait jamais pensé la perdre un jour.

Ce jour-là cependant, da Lua écrasait les fleurs sous ses jupons. Certaines brindilles, se glissant sous les pans de tissus, allaient jusqu'à piquer ses jambes, ce qui ne la contrariait sûrement pas, car elle se défit alors complètement de ses souliers pour laisser les herbes hautes s'agripper à ses pieds, comme lui s'agrippait à son cou. Dévorée en deux endroits.
La morsure cependant, n'avait plus rien de douloureux, et perdait même en intensité ; elle s'en étonna, voulut s'assurer que tout allait bien, mais déjà, oh douleur subite, il s'éloignait d'elle et se renfrogna avec une figure déconfite, la faisant frémir et se liquéfier. Allez, Aimbaud, ne fais pas ta mauvaise tête. Elle s'assit près de lui. Allez, Aimbaud... Mais il ne bougeait point.


« J'aimais mieux avant.
- Avant quoi, mon Amour ?
- Avant on faisait l'amour dans vos champs de Donez sans que vous m'embêtiez avec l'enfer lunaire ! »


Déglutition impossible. Avant l'on était libres, sans époux, sans anneau au doigt, avant on ne craignait rien. Ah, comme elle aurait voulu lui dire, l'intensité de cette frustration, l'imposante évidence qu'il n'avait plus envie d'elle, l'odieuse déception qu'elle en ressentait alors... Qu'elle avait eu tort de rêver de lui quand c'étaient des mains espagnoles qui la pétrissaient, qu'elle avait eu tort, tort ! Tordue par ce refus, elle n'en sentait plus les pissenlits contre ses orteils. Elle n'en sentait plus rien, si ce n'était...

« ...L'envie de vous me reste encore ! Vous êtes mon Seigneur, je suis toute à vous. Je n'aurais pas dû. Revenez-moi.
Non ça n'a pas de sens, comme ça...!»


Quoi, l'enfer lunaire, leur damnation ? Quoi, gâcher une heure de leur précieux temps, une heure espérée depuis des mois, une heure pour laquelle elle aurait échangé des jours de sa vie, qui allait peut être lui coûter des jours de sa vie, une heure meurtrie par ce refus, allait-elle l'accepter ? Elle se ragaillardit. Trouva la parfaite solution.
Et fondit en larmes le suppliant de se damner avec elle.

Elle pleura si fort, que ses larmes coulèrent sur lui aussi. Pressées entre deux peaux, elles se frayaient un chemin entre le corsage que l'on délaçait, les boutons qui n'en aspiraient goutte. Certaines tombèrent au sol, où elles furent écrasées par un dos nu. Elle pleura encore, et un petit filet salé coula vers son front, dépassant le sourcil, se divisant en plusieurs ramures dans ses cheveux blonds, où il fut libéré en de multiples particules lorsque les doigts d'Aimbaud s'y frayèrent pour la décoiffer. Il restait une trace d'eau sur sa joue, il en effaça la marque de son pouce et l'embrassa à nouveau ; le soleil, lorsqu'ils se relevèrent pour se dévisager, fixa à cet endroit des poussières dorées qui la rendit plus belle qu'elle n'était vraiment.
Elle renifla. Des gouttes qui avaient perlé, en restait deux insolentes qui descendaient, étage par étage, filaient le long de sa gorge, drapaient un torrent argenté entre ses seins, allaient mourir sur son ventre.
Elles disparurent lorsqu'il la pressa contre lui. Elle ne pleurait alors plus du tout, elle était devenue assoiffée de lui, accusant sa propre décadence sur des pissenlits et un tapis de mousse. Mais elle n'en avait pas conscience. Cela n'importait pas.

Plus tard elle y repenserait peut être, lorsqu'elle se redresserait, marquée et luisante de toutes ces larmes versées pour sa vertu, mais alanguie et exténuée d'emplir un désir si souvent rêvé, elle n'aurait sans doute pas la force de s'en blâmer.
Quand bien même elle serait nue, transfigurée, quand bien même elle aurait une feuille de chêne collée sur la nuque, ou coincée dans les cheveux. Elle profiterait de l'ultime baiser qu'il lui donnerait, remerciant le Ciel de lui offrir ; oubliant que la généreuse donation viendrait des Enfers.

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La royauté? Bof.
♥ Je marie le Prince de Castille, Mesdemoiselles si vous êtes intéressées, mp! ♥
Isaure.beaumont
Parler avec le Très-Haut peut prendre du temps, si. Elle doit avoir beaucoup de choses à lui dire. Voilà tout ! IL n’y a rien d’étonnant à cela. N’allez-vous donc jamais prier tout un après-midi ? Mais ? Regardez ? Que fait-elle ??? Elle boit ? Mais elle boit le sang de Christos ?!!

Les minutes s’égrenaient tandis que les deux jeunes filles observaient la silhouette gauche et titubante de la dévote. Sur la pointe des pieds, le visage plaqué contre le vitrail, Isaure tentait de mieux discerner la jeune femme, n’ayant pas saisi qu’il s’agissait de Blanche.

Mais qui est-ce ? Et pourquoi donc êtes-vous là ?

Isaure ne connaissait que très peu la Bretonne et son aversion pour elle ne trouvait sa source que dans une jalousie irrationnelle. A vrai dire, Isaure voyait en Blanche une rivale de taille. Il lui semblait que Clémence l’aimait bien plus qu’elle, ce que la jeune Wagner ne pouvait supporter. Clémence était son sang, Clémence était à elle et la voir si heureuse en parlant de la Bretonne la faisait mourir de jalousie. Possessive ? Si peu.

Le regard toujours fixé sur Aymon-Blanche, Isaure toqua au vitrail et fit de grand signe de la main, espérant ainsi attirer l’attention de la femme mystérieuse. Et s’adressant à Maeve :


Vous êtes sûre que la porte est fermée à clé ? Ne pouvons-nous pas la rejoindre et prier avec votre… amie ?
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Aimbaud
Quand on a seize ans et qu'on s'appelle Aimbaud de Josselinière, on a depuis toujours en tête une certaine idée de la femme qui s'est petit à petit affirmé au fil du temps, à force d'étude, d'échecs et d'erreurs de jugement...

La femme, telle qu'il la concevait, était volatile et fragile, prévenante, soumise à des pulsions étranges, des émotions sans cesse contradictoires, elle était douce, souvent ennuyeuse et molle de caractère, ou tramait des complots et commérait, elle parlait trop, elle disait des choses anodines qui vous amenait dans vos retranchements, elle attirait l'oeil et elle le savait, et bien souvent pour le malheur d'Aimbaud, elle était une ennemie hautaine qui cherchait à lui foutre la honte en public.
Et s'il était à ce point fou de Blanche, c'est tout simplement... parce qu'elle n'avait rien d'une femme ordinaire...
À l'heure dite, il baisait ses doigts et son front comme ceux d'une sainte.

Il lui dévouait tout de lui-même, lui offrant sa peau ou sa tête sur la plateau d'argent si elle le voulait ! Il était devenu bête. Dépendant. Il ne pouvait plus respirer que contre sa gorge, il ne voulait plus parler qu'en sa compagnie, il n'entendait pas séparer ses mains des siennes. Si elle décidait de rompre leur étreinte et de l'abandonner là, il se pouvait qu'il se trouve comme un orphelin.

Blanche de Castille avait un regard sur le monde qui sonnait juste à l'esprit d'Aimbaud, elle avait une construction d'âme commune à la sienne, mis ensemble c'était comme des arcs-boutants qui élevaient leurs natures en Cathédrale vers quelque chose de pur, son corps tout velouté de nacre savait répondre au sien à l'unisson, et elle éveillait son entendement par des phrases inattendues, des gestes étrangers, et toutes sortes de manies qui faisaient elle, qui la rendaient nouvelle et toujours plus désirable aux yeux de son soupirant.
Vient un jour, en amour, où il faut convenir tout simplement qu'on a perdu toute sa logique. Si Aimbaud aimait Blanche, ça n'était pas pour ses yeux, pour son intelligence, pour son petit accent de Bretagne dans les mots enthousiastes, pour la blondeur de ses cheveux ou la forme de ses tétins, pour ses titres ou sa noblesse, pour la drôlerie de leurs échanges, pour sa franchise, ses colères ou son panache, pour ses lèvres, pour le danger ou pour l'exploit de la faire maîtresse...
Il l'aimait pour ce tout, mystérieux, indescriptible, qui l'entourait d'une aura désirable. Elle était devenue une légende, comme une statue sacrée, et caressée à la fois très crument, aimée, bien vivante et simple corps nu dans les mousses d'un sous-bois.

Il songeait ainsi à tout l'amour qu'il vouait à sa belle dame, en observant sa figure blanche et mouillée, avec le fond des poumons un peu brûlants à force de ressentir. Dans ces yeux d'eau, le souffle pressé, il avait tout-à-fait fini par oublier la notion de péché. Cette dernière s'était étouffée sous la chape de leurs pèlerines, et le poids d'eux-deux sur une vilaine terre de forêt... Il n'y avait pas d'eau bénite, de prière, de confession ou d'union sacrée ici, tout cela était resté cloîtré dans la chapelle de Decize, loin là-bas à une bonne lieue dans les bosquets. Ce que l'on vivait là était trop ardent au contact de la peau, pour souffrir la froideur des églises !
Aimbaud avait tout oublié de ses devoirs.

Et du temps.
Pourtant la lumière qui venait sur les joues et les tempes de la jeune femme avait changé depuis l'heure qui s'était écoulée, elle était devenue plus claire puisque le vent avait soufflé les nuages, et elle faisait ressortir le rouge pâmé des pommettes de Blanche, ainsi que le contour presque gercé de sa bouche. Rappelons qu'il faisait froid. Il l'embrassa encore.


Il commence à se faire tard. Rentrons, pensez si l'on nous trouve.
Je pourrais faire l'amour avec vous tout le jour...
Pas s'il vous fait tuer. Rhabillez-moi, Aimbaud.


Un silence marqua leur décision commune. Il fallut peu à peu prendre des distances et revenir à des gestes sans importance, se consacrer à des choses qui ne comptaient pas. Se saisir amèrement d'un pourpoint pour l'ouvrir avec deux mains lasses.
Le front chagrin, le garçon renoua autour de son amante les ficelles de cuir avec une lenteur exaspérante. Il ne jouait pas la comédie, ses mains lui semblaient peser le poids d'un mort, il tremblotait malhabilement. Sous ses doigts le tissu moite du vêtement d'écuyer peinait à reprendre sa forme de déguisement et à couvrir tout à fait l'aimable poitrine de Blanche piquée par le froid... Elle l'aida par endroits, accolant son front au sien avec compassion et douceur.
Et ce fut là, entre les branchages d'un talus de Bourgogne sur la fin de l'hiver, qu'ils échangèrent les dernières promesses.

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