DameBlondeur
On dit souvent que c'est à l'approche de la mort que notre esprit est le plus clair.
Une feuille tombe négligement sur les couvertures de sinoples brodées, légère, évanescante, éphémère. Si fine... Cette finesse qui peut vous entailler un doigt. Ses bords, résolument en angle droit fendent l'air d'une multitude de petite ouvertures. Vers ou vont ces fentes ? Est-ce les minuscules et translucides portes d'un autre monde ? Un bruit de pas coupe le silence ambiant de l'aile ouest du château de Domfront, fief famillial des Varenne. Une femme, que l'on peut placer vers sa vingt-sixième année se déplace, ses pieds nus et pâles foulant la pierre glaciale du sol. Elle n'a pas froid... Elle sait. Une longue chemise blanche en lin couvre à peine un corps de petite taille, maigre et nerveux. La transparence à la lumière de ce bout de tissus dispraît au niveau des épaules ou une cascade de cheveux blonds tombe. Ces cheveux là qui ont fait son image, son signe distinctif parmis la masse identitque de gueux et de nobles, tous si ressemblant. Une telle couleur lui venait de sa mère lui avait-il dit, qui possédait une blondeur extrêmement pâle à la limite du blanc. Elle n'en sait rien. Chaque fois que les mirettes grises se posent sur le tableau ou sont représentés deux personnes, un homme et une femme définitvement blonds, hautains et avec ce port que l'on attribue à la noblesse, elle ne reconnaît pas. Rien, le vide, pas même un sentiment de regret ou de mélandcolie. Indifférente. Ses géniteurs sont des inconnus, seulement des êtres biologiques qui lui ont permis un jour de naître aux côtés de Richard, juste après lui, juste à ses côtés, si proches... Des morceaux de chair qui permettent d'en faire d'autres... Des enveloppes corporelles ridicules qui enfement égoistement des âmes qui, bien plus riches, peuvent s'élever jusqu'au zénith de la vie éternelle, des esprit qui peuvent un jour atteindre l'eldorado qu'est la sagesse. Sa main gauche qui affiche encore les marques des entailles faites à Ryes se tend pour s'emparer d'une bougie. Elle ne tremble pas, la flamme semble ne jamais pouvoir vasciller, perpétuellement droite et fière. Elle sait, elle est sûre. Dans l'autre main, le poignard...
On dit souvent que c'est à l'approche de la mort que notre esprit est le plus clair.
Les mirettes grises se posent un instant sur ce lit qui avait tantôt abrité un corps heureux et ces derniers jours un corps meurtri. Sur le drap de sinople brodé de fil d'or se trouvent quatres parchemins : un ou est rédigé son testament, un autre destiné à son frère, sa soeur et Rilliath, un autre pour sa fille et un à l'attention du comté du Béarn. Le testament, futilité administrative, dictait ses dernières volontés, ses derniers dons à ses proches. Elle qui avait su si peu aimer de son vivant comptait bien le prouver une fois morte à travers ses donations. Ce bout de papier lui permettait de partir d'une façon digne et organisée, celle qu'elle avait été avant, cette personne qui prévoyait tout... Ainsi, elle savait qu'elle pouvait prendre son ultime chemin en paix. Ce qu'elle souhaitait serait réalisé. Le second, qui est une lettre explique tout à la famille, toute son histoire du début à la fin, ces choses inavouables qu'elle ne pouvait confier de son vivant, ces excuses si simples pour ce qu'il allait advenir. Une lettre qui l'avait faite pleurer, qui l'avait faite reconsidérer ses projets... Mais la douleur, toujours si présente, cette douleur sourde qui vous assome était revenue, forte, insoutenable, pour martyriser le frêle corps de la Vicomtesse de Domfront. La troisième était une lettre destinée à sa fille, des excuses et des conseils, des souhaits et encore des excuses, des mots d'amours et des encouragements à lever le menton, fièrement, et à avancer. L'Estelle n'avait partagé ses sentiments à haute et intelligible voix qu'avec deux êtres : celui qu'elle pleure, et celle qui porte ses traits, son sang, sa Nolen. Et enfin, le quatrième parchemin était destiné à Valère d'Arezac, Coms do Béarn et indiquait le sous-sol de Monein ou étaient cachées les économies de la Blonde... Là-bas, il trouverait des écus pour le Béarn, qu'elle offrait à cette terre qui plus qu'une autre avait su la séduire, lui faire éprouver des sentiments profonds pour un Comté à qui vous vous êtes donnée, et qui a quant lui fait encore plus à son égard... Elle ne pouvait plus avoir peur maintenant. Tout était en ordre. Elle partait sereine, elle allait arpenter ce chemin difficile qui mène à d'autres sphères l'esprit clair.
On dit souvent que c'est à l'approche de la mort que notre esprit est le plus clair.
Le bruit d'une porte qui se ferme. Puis, ceux de pas foulés tantôt sur les tapis, tantôt sur le pierre rugueuse. Le calme est maître des lieux à cette heure tardive. Tout le monde doit dormir, du garde au palfrenier en passant par la servante. Peut-être rêvent-ils, peut-être tuent-ils dans leurs rêves, peut-êtres pleurent-ils les yeux fermés, le rêve libère souvent nos pulsions les plus secrètes ou nos peurs les plus enfouies. La Blonde s'en fiche, elle. Elle marche, résolue, laissant son odeur de mûre derrière elle, descend le grand escalier, passe la porte du château. A l'extérieur la lune joue son éternel jeu de séduction avec les nuages : ils se touchent, se frôlent, se mèlent puis elle triomphe une fois de plus, bien accrochée au plus haut du ciel. Les arbres, par leurs feuilles mutines applaudissent leurs instants d'osmose par des bruissements. Les pieds nus de la Blonde foulent la terre gelée. L'hiver est difficile en Alençon, la terre est comme paralysée, la vie semble avoir cessé ailleurs que dans son corps... Elle n'a pas froid. Elle ne ressent plus, il n'y a qu'une seule chose dans son esprit, qu'un seul objectif : le retrouver. La flamme de la bougie vascille dangereusement sous l'effet du vent. Au loin, on entend presque plus les gorges de la Varenne : elle s'est calmée elle aussi, en adéquation avec l'humeur de la maîtresse des lieux. La nature aussi l'a mise en sourdine, elle attend, patiente, le dénouement de tant de mois de souffrance. Un conte de fées de prépare t-il ? La fin sera t-elle heureuse ou bien... Tragique ? Une nuit étrangement calme... Quelques marches gravies, la bougie est posée tout près de la lourde porte de la chapelle. Avant de pousser cette dernière, notre Blonde se retourne pour embrasser une ultime fois ce paysage famillial, ce lieu qui avait abrité autant de joies que de peines, cet endroit ou elle était née, avait été chassée, puis était revenue dans un cocon d'amour aux côtés d'un frère chérrit. Et maintenant, il allait être théâtre de sa disparition...
La lourde porte est poussée et se referme dans un claquement. Elle n'entend pas, la Blonde. Les mirettes grises sont accrochées au fond de la petit chapelle, tout au bout de la nef, derrière l'autel, dans cette alcôve aux murs de vitraux par lesquels la lune innonde de sa lumière blanchâtre les lieux. Il est là... Les lèvres vermeils s'entrouvent, elle est fascinée. Enfin... Elle attendait cet instant depuis tant de temps ! Elle se presse, court presque jusqu'à lui, jusqu'à sa dernière demeure. L'austère cerceuil de bois avait été déposé sur une table de fortune alors qu'à même le sol trônait un moulage du corps du Duc. Quelques jours plus tard, la famille de Varenne s'apprêterait à enterrer Richard. Se doutaient-ils ? Certainement pas... Qui pourrait se douter qu'un être en apparence si fort allait se montrer en l'espace de quelques minutes si lâche ? Naturellement, elle se retrouve à genoux et ses mains, vides, caressent la scultupre. Puis dans un geste tout aussi vif et brusque elle se lève pour que ses mains parcourent le couvercle du cerceuil. Il est là... Ils sont à nouveau réunis... C'est une frénésie presque obsessionelle, une passion qu'ont donnerait plus à des amants qui animent les caresses de la Blonde sur le bois, et qui voilent ces yeux d'une couleur sombre. Voilà si longtemps qu'elle attendait d'être là, à ses côtés, à jamais... Comment pouvait-elle vivre sans lui ? Dans quels bras allait-elle se jetter après une énième crise ? Vers qui ses mirettes grises allaient se lever en quête d'une approbation ? Qui pourrait la connaître après qu'il l'ait apprise, amadouée, à un point que personne n'avait jamais atteint ? Il était son Tout... Ils étaient venus au monde ensemble, ils devaient le quitter ensemble. Cette obsession la fait trembler, dans un geste saccadé elle recule. Les yeux se lèvent vers la voute du petit édifice religieux. De la buée sort de sa bouche, il fait froid... Jamais Estelle de Varenne n'avait été aussi belle. Non pas d'une beauté commune faite de proportions harmonieuses, de traits fins, d'éclat de peau, de subtilité dans le regard, de formes subtiles. Non. Non. Loin de tout ceci. Elle semble... Evasnescante. Vêtue de blanc, la lune jouant de transparence avec le tissus, ses cheveux blonds brillant étrangement et le visage si... Déterminé. Jamais un individu n'est aussi beau que lorsqu'il sait ce qu'il veut, le chemin qu'il veut emprunter. Et à ce jour, elle qui avait si souvent fait la nique aux généralités se retrouve plongée dans une d'entre elles. Les mirettes grises brillent à nouveau mais ce n'est ni de pleurs, ni de tristesse, ni d'ibriété, juste de détermination.
La respiration s'accélère et gonfle sa poitrine de façon saccadée.
- Seigneur... Je ne peux plus. Je m'excuse. La vie n'est plus ce qu'elle était, elle ne mérite plus d'être vécue. Je ne suis pas assez forte... Je m'excuse.
Sa main droite se lève, presque tremblante.
Le regard se pose sur le poignard qui fermement coincé dans sa paume, brille à la lumière de la lune. Celui que Cerridween lui avait donné à Ryes, celui de Richard... Comme possédée. Omnibulée par ce qu'elle s'apprête à faire, omnibulée par cette lame si brillante qui va enfin l'arracher à ce corps si gênant pour lui permettre de le rejoindre... Un dernier regard vers le moulage au sol qui allait acceuillir, dessous, le cerceuil de son Tout. Et... Elle sourit. Un de ces sourires rares qu'on ne lui à jamais vu. Simple, extrêmement simple, mais qui exprime tant de bonheur... Le bonheur que tout le monde cherche à atteindre durant son passage sur terre, celui qui ne vous transporte pas mais qui innonde chaque partie de votre corps d'une sérénité et d'un calme exceptionnel. Une drogue douce. " J'arrive... ". Elle déglutit. Le regard se pose une dernière fois sur la lame. Puis son bras s'avance, doucement, dangereusement vers son coeur. La respiration s'accèlère, c'est la dernière fois, oui la dernière qu'elle peut sentir ses poumons se remplir, son coeur battre, son sang circuler.
La lame touche le lin. Puis le transperce pour caresser la peau. La pointe s'enfonce, doucement, du sang perle.Lancinante lenteur. La lame plonge un peu plus profond. Elle a mal mais ne grimace pas, c'est un mal qui vous fait du bien. Eternelle masochiste qui trouve un additif dans la douleur. Un mal qui vous libère... Elle sent le métal froid sous sa poitrine. Elle suffoque. Les mirettes grises se lèvent une dernière fois vers le ciel, emplies de larmes, alors que son corps se courbe sous cette douleur bienfaisant... Regard qui se voile. Elle tombe.
L'odeur du sang chaud se mêle à celle de la mûre.
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Co-fondatrice avec Apo du fan-club "Engue et Cerrid for ever"
Une feuille tombe négligement sur les couvertures de sinoples brodées, légère, évanescante, éphémère. Si fine... Cette finesse qui peut vous entailler un doigt. Ses bords, résolument en angle droit fendent l'air d'une multitude de petite ouvertures. Vers ou vont ces fentes ? Est-ce les minuscules et translucides portes d'un autre monde ? Un bruit de pas coupe le silence ambiant de l'aile ouest du château de Domfront, fief famillial des Varenne. Une femme, que l'on peut placer vers sa vingt-sixième année se déplace, ses pieds nus et pâles foulant la pierre glaciale du sol. Elle n'a pas froid... Elle sait. Une longue chemise blanche en lin couvre à peine un corps de petite taille, maigre et nerveux. La transparence à la lumière de ce bout de tissus dispraît au niveau des épaules ou une cascade de cheveux blonds tombe. Ces cheveux là qui ont fait son image, son signe distinctif parmis la masse identitque de gueux et de nobles, tous si ressemblant. Une telle couleur lui venait de sa mère lui avait-il dit, qui possédait une blondeur extrêmement pâle à la limite du blanc. Elle n'en sait rien. Chaque fois que les mirettes grises se posent sur le tableau ou sont représentés deux personnes, un homme et une femme définitvement blonds, hautains et avec ce port que l'on attribue à la noblesse, elle ne reconnaît pas. Rien, le vide, pas même un sentiment de regret ou de mélandcolie. Indifférente. Ses géniteurs sont des inconnus, seulement des êtres biologiques qui lui ont permis un jour de naître aux côtés de Richard, juste après lui, juste à ses côtés, si proches... Des morceaux de chair qui permettent d'en faire d'autres... Des enveloppes corporelles ridicules qui enfement égoistement des âmes qui, bien plus riches, peuvent s'élever jusqu'au zénith de la vie éternelle, des esprit qui peuvent un jour atteindre l'eldorado qu'est la sagesse. Sa main gauche qui affiche encore les marques des entailles faites à Ryes se tend pour s'emparer d'une bougie. Elle ne tremble pas, la flamme semble ne jamais pouvoir vasciller, perpétuellement droite et fière. Elle sait, elle est sûre. Dans l'autre main, le poignard...
On dit souvent que c'est à l'approche de la mort que notre esprit est le plus clair.
Les mirettes grises se posent un instant sur ce lit qui avait tantôt abrité un corps heureux et ces derniers jours un corps meurtri. Sur le drap de sinople brodé de fil d'or se trouvent quatres parchemins : un ou est rédigé son testament, un autre destiné à son frère, sa soeur et Rilliath, un autre pour sa fille et un à l'attention du comté du Béarn. Le testament, futilité administrative, dictait ses dernières volontés, ses derniers dons à ses proches. Elle qui avait su si peu aimer de son vivant comptait bien le prouver une fois morte à travers ses donations. Ce bout de papier lui permettait de partir d'une façon digne et organisée, celle qu'elle avait été avant, cette personne qui prévoyait tout... Ainsi, elle savait qu'elle pouvait prendre son ultime chemin en paix. Ce qu'elle souhaitait serait réalisé. Le second, qui est une lettre explique tout à la famille, toute son histoire du début à la fin, ces choses inavouables qu'elle ne pouvait confier de son vivant, ces excuses si simples pour ce qu'il allait advenir. Une lettre qui l'avait faite pleurer, qui l'avait faite reconsidérer ses projets... Mais la douleur, toujours si présente, cette douleur sourde qui vous assome était revenue, forte, insoutenable, pour martyriser le frêle corps de la Vicomtesse de Domfront. La troisième était une lettre destinée à sa fille, des excuses et des conseils, des souhaits et encore des excuses, des mots d'amours et des encouragements à lever le menton, fièrement, et à avancer. L'Estelle n'avait partagé ses sentiments à haute et intelligible voix qu'avec deux êtres : celui qu'elle pleure, et celle qui porte ses traits, son sang, sa Nolen. Et enfin, le quatrième parchemin était destiné à Valère d'Arezac, Coms do Béarn et indiquait le sous-sol de Monein ou étaient cachées les économies de la Blonde... Là-bas, il trouverait des écus pour le Béarn, qu'elle offrait à cette terre qui plus qu'une autre avait su la séduire, lui faire éprouver des sentiments profonds pour un Comté à qui vous vous êtes donnée, et qui a quant lui fait encore plus à son égard... Elle ne pouvait plus avoir peur maintenant. Tout était en ordre. Elle partait sereine, elle allait arpenter ce chemin difficile qui mène à d'autres sphères l'esprit clair.
On dit souvent que c'est à l'approche de la mort que notre esprit est le plus clair.
Le bruit d'une porte qui se ferme. Puis, ceux de pas foulés tantôt sur les tapis, tantôt sur le pierre rugueuse. Le calme est maître des lieux à cette heure tardive. Tout le monde doit dormir, du garde au palfrenier en passant par la servante. Peut-être rêvent-ils, peut-être tuent-ils dans leurs rêves, peut-êtres pleurent-ils les yeux fermés, le rêve libère souvent nos pulsions les plus secrètes ou nos peurs les plus enfouies. La Blonde s'en fiche, elle. Elle marche, résolue, laissant son odeur de mûre derrière elle, descend le grand escalier, passe la porte du château. A l'extérieur la lune joue son éternel jeu de séduction avec les nuages : ils se touchent, se frôlent, se mèlent puis elle triomphe une fois de plus, bien accrochée au plus haut du ciel. Les arbres, par leurs feuilles mutines applaudissent leurs instants d'osmose par des bruissements. Les pieds nus de la Blonde foulent la terre gelée. L'hiver est difficile en Alençon, la terre est comme paralysée, la vie semble avoir cessé ailleurs que dans son corps... Elle n'a pas froid. Elle ne ressent plus, il n'y a qu'une seule chose dans son esprit, qu'un seul objectif : le retrouver. La flamme de la bougie vascille dangereusement sous l'effet du vent. Au loin, on entend presque plus les gorges de la Varenne : elle s'est calmée elle aussi, en adéquation avec l'humeur de la maîtresse des lieux. La nature aussi l'a mise en sourdine, elle attend, patiente, le dénouement de tant de mois de souffrance. Un conte de fées de prépare t-il ? La fin sera t-elle heureuse ou bien... Tragique ? Une nuit étrangement calme... Quelques marches gravies, la bougie est posée tout près de la lourde porte de la chapelle. Avant de pousser cette dernière, notre Blonde se retourne pour embrasser une ultime fois ce paysage famillial, ce lieu qui avait abrité autant de joies que de peines, cet endroit ou elle était née, avait été chassée, puis était revenue dans un cocon d'amour aux côtés d'un frère chérrit. Et maintenant, il allait être théâtre de sa disparition...
La lourde porte est poussée et se referme dans un claquement. Elle n'entend pas, la Blonde. Les mirettes grises sont accrochées au fond de la petit chapelle, tout au bout de la nef, derrière l'autel, dans cette alcôve aux murs de vitraux par lesquels la lune innonde de sa lumière blanchâtre les lieux. Il est là... Les lèvres vermeils s'entrouvent, elle est fascinée. Enfin... Elle attendait cet instant depuis tant de temps ! Elle se presse, court presque jusqu'à lui, jusqu'à sa dernière demeure. L'austère cerceuil de bois avait été déposé sur une table de fortune alors qu'à même le sol trônait un moulage du corps du Duc. Quelques jours plus tard, la famille de Varenne s'apprêterait à enterrer Richard. Se doutaient-ils ? Certainement pas... Qui pourrait se douter qu'un être en apparence si fort allait se montrer en l'espace de quelques minutes si lâche ? Naturellement, elle se retrouve à genoux et ses mains, vides, caressent la scultupre. Puis dans un geste tout aussi vif et brusque elle se lève pour que ses mains parcourent le couvercle du cerceuil. Il est là... Ils sont à nouveau réunis... C'est une frénésie presque obsessionelle, une passion qu'ont donnerait plus à des amants qui animent les caresses de la Blonde sur le bois, et qui voilent ces yeux d'une couleur sombre. Voilà si longtemps qu'elle attendait d'être là, à ses côtés, à jamais... Comment pouvait-elle vivre sans lui ? Dans quels bras allait-elle se jetter après une énième crise ? Vers qui ses mirettes grises allaient se lever en quête d'une approbation ? Qui pourrait la connaître après qu'il l'ait apprise, amadouée, à un point que personne n'avait jamais atteint ? Il était son Tout... Ils étaient venus au monde ensemble, ils devaient le quitter ensemble. Cette obsession la fait trembler, dans un geste saccadé elle recule. Les yeux se lèvent vers la voute du petit édifice religieux. De la buée sort de sa bouche, il fait froid... Jamais Estelle de Varenne n'avait été aussi belle. Non pas d'une beauté commune faite de proportions harmonieuses, de traits fins, d'éclat de peau, de subtilité dans le regard, de formes subtiles. Non. Non. Loin de tout ceci. Elle semble... Evasnescante. Vêtue de blanc, la lune jouant de transparence avec le tissus, ses cheveux blonds brillant étrangement et le visage si... Déterminé. Jamais un individu n'est aussi beau que lorsqu'il sait ce qu'il veut, le chemin qu'il veut emprunter. Et à ce jour, elle qui avait si souvent fait la nique aux généralités se retrouve plongée dans une d'entre elles. Les mirettes grises brillent à nouveau mais ce n'est ni de pleurs, ni de tristesse, ni d'ibriété, juste de détermination.
La respiration s'accélère et gonfle sa poitrine de façon saccadée.
- Seigneur... Je ne peux plus. Je m'excuse. La vie n'est plus ce qu'elle était, elle ne mérite plus d'être vécue. Je ne suis pas assez forte... Je m'excuse.
Sa main droite se lève, presque tremblante.
Le regard se pose sur le poignard qui fermement coincé dans sa paume, brille à la lumière de la lune. Celui que Cerridween lui avait donné à Ryes, celui de Richard... Comme possédée. Omnibulée par ce qu'elle s'apprête à faire, omnibulée par cette lame si brillante qui va enfin l'arracher à ce corps si gênant pour lui permettre de le rejoindre... Un dernier regard vers le moulage au sol qui allait acceuillir, dessous, le cerceuil de son Tout. Et... Elle sourit. Un de ces sourires rares qu'on ne lui à jamais vu. Simple, extrêmement simple, mais qui exprime tant de bonheur... Le bonheur que tout le monde cherche à atteindre durant son passage sur terre, celui qui ne vous transporte pas mais qui innonde chaque partie de votre corps d'une sérénité et d'un calme exceptionnel. Une drogue douce. " J'arrive... ". Elle déglutit. Le regard se pose une dernière fois sur la lame. Puis son bras s'avance, doucement, dangereusement vers son coeur. La respiration s'accèlère, c'est la dernière fois, oui la dernière qu'elle peut sentir ses poumons se remplir, son coeur battre, son sang circuler.
La lame touche le lin. Puis le transperce pour caresser la peau. La pointe s'enfonce, doucement, du sang perle.Lancinante lenteur. La lame plonge un peu plus profond. Elle a mal mais ne grimace pas, c'est un mal qui vous fait du bien. Eternelle masochiste qui trouve un additif dans la douleur. Un mal qui vous libère... Elle sent le métal froid sous sa poitrine. Elle suffoque. Les mirettes grises se lèvent une dernière fois vers le ciel, emplies de larmes, alors que son corps se courbe sous cette douleur bienfaisant... Regard qui se voile. Elle tombe.
L'odeur du sang chaud se mêle à celle de la mûre.
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