Ayena
[Date : Le 23 février 1460. Veille du mariage comtal.
Lieu : Montpellier, dans un hotel particulier, loué pour un Contrat à Durée Déterminée.]
Nerveusement, Ayena froissa le mouchoir qu'elle tenait entre ses mains blanches et délicates et soupira, presque de rage.
Elle était assise sur le lit, les jambes battantes, sans chausses. Son regard ne cessait d'aller vers le sol où un plateau encore garni de victuailles reposait là, désolé de n'avoir pu réjouir l'estomac auquel il était destiné. L'odeur du ragout de mouton embaumait la chambre alors même qu'une couche de graisse commençait à se figer au sommet de l'écuelle. D'Alquines, qui était à la veille du jour de ses épousailles, avait perdu l'appétit depuis un moment. A coups surs, il faudrait serrer un peu plus la ceinture que prévu demain. Sa robe boufferait.
Dans un coin de la pièce, la demoiselle de compagnie d'Ayena brodait maladroitement. Ou faisait semblant. Ou peut importe, mais cela agaçait Ayena. Car tout lagaçait ce jour d'hui. Elle était dans un état tout simplement lamentable, et le mariage n'était pas pour rien dans tout cela.
Indéniablement, au fur et à mesure que le grand jour approchait, la future épouse avait perdu le sommeil autant que le rose de ses joues. La fatigue accumulée par son nouvel office de Porte Parole et par la préparation du mariage, avait eu raison du peu d'entrain qui lui restait. Mais le Conseil Comtal avait alloué au couple quelques jours de repos et ce n'était donc plus que l'incertitude de ce qui l'attendait dans l'avenir qui rongeait Ayena.
L'incertitude. Car ce mariage lui rappelait l'autre. Celui qu'elle avait fait à ses 14 ans. Quand son père, avare d'une réputation avait vendue sa fille à un noble déchu dans l'espoir de pouvoir se gargariser d'une particule en plus d'une richesse honorable. Un mari repoussant, brutal, sadique. Lui qui avait fait d'Ayena une poupée maléable, que l'on pouvait battre à souhait. Même si elle était enceinte. Ha, les grossesses... Comment accepter qu'un enfant de monstre grandisse en soit ? Ils ne pouvaient-être que des monstres eux même. Et d'ailleurs, n'avaient-ils pas mis à mal la vie de leur mère, volontairement, en voulant sortir avec tant de violence ? Comment avouer à Adrien qu'elle ne souhaitait pas subir de nouveau cela ?
Ayena se leva, boita jusqu'à la porte qu'elle ouvrit sèchement et cria, par delà l'escalier en direction de son intendante de maison, la si attentive Saurelà :
- Maaayhri !
Et la Boiteuse, ne sachant comment calmer la tempête qui rugissait en elle, se mit à faire les cent pas. Plus qu'une nuit. Plus qu'une nuit avant le grand jour.
Sa dernière journée de veuve inavouée était passée. Beaucoup, beaucoup trop lentement : il aurait été plus agréable pour notre angoissée de se réveiller un beau jour et pouf ! d'être déjà mariée. Mais Dieu aimait à jouer avec ses sujets et avait fait durer cette ultime journée comme cent. Ayena avait réussit à prendre sur elle, alors que le jour était encore là. Elle avait fait semblant de s'occuper, semblant de manger, semblant de s'inquiéter de sa vesture. Mais là, alors que la nuit été tombée depuis une bonne heure, tout la pression accumulée venait de la prendre d'assaut. Et, comme une petite fille qui se retrouve tout à coup sans parents, elle se prenait à avoir peur du noir
- Ha ! Mais que fait-elle !? Catarina, allez donc voir où est passée cette Mhayri qui ne répond jamais quand on a besoin d'elle !
C'était donc au tour de la demoiselle de compagnie d'en prendre pour son grade. La mauvaise humeur d'Ayena avait ça de particulier qu'elle se transformait vite en foudre... Et d'ailleurs, par la Foudre elle semblait bien avoir été frappée : elle qui tenait habituellement tant de soin à ses cheveux, à sa coiffe surtout, qui cachait sa tignasse épaisse et revêche à l'abri des regard, avait ce soir, les cheveux libres et fous.
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Héraldique
Lieu : Montpellier, dans un hotel particulier, loué pour un Contrat à Durée Déterminée.]
Nerveusement, Ayena froissa le mouchoir qu'elle tenait entre ses mains blanches et délicates et soupira, presque de rage.
Elle était assise sur le lit, les jambes battantes, sans chausses. Son regard ne cessait d'aller vers le sol où un plateau encore garni de victuailles reposait là, désolé de n'avoir pu réjouir l'estomac auquel il était destiné. L'odeur du ragout de mouton embaumait la chambre alors même qu'une couche de graisse commençait à se figer au sommet de l'écuelle. D'Alquines, qui était à la veille du jour de ses épousailles, avait perdu l'appétit depuis un moment. A coups surs, il faudrait serrer un peu plus la ceinture que prévu demain. Sa robe boufferait.
Dans un coin de la pièce, la demoiselle de compagnie d'Ayena brodait maladroitement. Ou faisait semblant. Ou peut importe, mais cela agaçait Ayena. Car tout lagaçait ce jour d'hui. Elle était dans un état tout simplement lamentable, et le mariage n'était pas pour rien dans tout cela.
Indéniablement, au fur et à mesure que le grand jour approchait, la future épouse avait perdu le sommeil autant que le rose de ses joues. La fatigue accumulée par son nouvel office de Porte Parole et par la préparation du mariage, avait eu raison du peu d'entrain qui lui restait. Mais le Conseil Comtal avait alloué au couple quelques jours de repos et ce n'était donc plus que l'incertitude de ce qui l'attendait dans l'avenir qui rongeait Ayena.
L'incertitude. Car ce mariage lui rappelait l'autre. Celui qu'elle avait fait à ses 14 ans. Quand son père, avare d'une réputation avait vendue sa fille à un noble déchu dans l'espoir de pouvoir se gargariser d'une particule en plus d'une richesse honorable. Un mari repoussant, brutal, sadique. Lui qui avait fait d'Ayena une poupée maléable, que l'on pouvait battre à souhait. Même si elle était enceinte. Ha, les grossesses... Comment accepter qu'un enfant de monstre grandisse en soit ? Ils ne pouvaient-être que des monstres eux même. Et d'ailleurs, n'avaient-ils pas mis à mal la vie de leur mère, volontairement, en voulant sortir avec tant de violence ? Comment avouer à Adrien qu'elle ne souhaitait pas subir de nouveau cela ?
Ayena se leva, boita jusqu'à la porte qu'elle ouvrit sèchement et cria, par delà l'escalier en direction de son intendante de maison, la si attentive Saurelà :
- Maaayhri !
Et la Boiteuse, ne sachant comment calmer la tempête qui rugissait en elle, se mit à faire les cent pas. Plus qu'une nuit. Plus qu'une nuit avant le grand jour.
Sa dernière journée de veuve inavouée était passée. Beaucoup, beaucoup trop lentement : il aurait été plus agréable pour notre angoissée de se réveiller un beau jour et pouf ! d'être déjà mariée. Mais Dieu aimait à jouer avec ses sujets et avait fait durer cette ultime journée comme cent. Ayena avait réussit à prendre sur elle, alors que le jour était encore là. Elle avait fait semblant de s'occuper, semblant de manger, semblant de s'inquiéter de sa vesture. Mais là, alors que la nuit été tombée depuis une bonne heure, tout la pression accumulée venait de la prendre d'assaut. Et, comme une petite fille qui se retrouve tout à coup sans parents, elle se prenait à avoir peur du noir
- Ha ! Mais que fait-elle !? Catarina, allez donc voir où est passée cette Mhayri qui ne répond jamais quand on a besoin d'elle !
C'était donc au tour de la demoiselle de compagnie d'en prendre pour son grade. La mauvaise humeur d'Ayena avait ça de particulier qu'elle se transformait vite en foudre... Et d'ailleurs, par la Foudre elle semblait bien avoir été frappée : elle qui tenait habituellement tant de soin à ses cheveux, à sa coiffe surtout, qui cachait sa tignasse épaisse et revêche à l'abri des regard, avait ce soir, les cheveux libres et fous.
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Héraldique