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[RP Fermé] Toute innocence se souille inéluctablement...

Dante.tommaso
[Quelque part dans le Royaume de France - Mai 1460]


- Tiens mon gars, il y a assez dans cette bourse pour toi, te nourrir et prendre soin de ta monture. Pas besoin d’attendre une réponse, quand tu reviendras, je ne serais déjà plus là…

Posant la bourse de cuir dans l’une des mains du cavalier, Dante prit le temps de tendre le vélin à l’autre, hésitant encore un instant avant de toutefois lâcher prise. Le courrier écrit le matin même devait trouver sa destinataire et le Vénitien le savait que trop bien. Il regarda le cavalier prendre le chemin que lui-même suivrait un peu plus tard dans la soirée avant d’aller panser son cheval. La solitude avait du bon ces derniers temps et Dante la recherchait plus que de raison.

Balloté entre des sensations qu’il ne maitrisait pas et son imagination qui venait souvent le titiller, Dante se sentait un tantinet égaré, ce qui n’était guère un sentiment répandu chez lui. Il avait perdu de sa hargne légendaire surtout depuis qu’il avait, à nouveau, blessé Ellis. Un énième coup du sort ou l’envie de la pousser à bout afin qu’elle fasse tomber les barrières qui la protégeaient une bonne fois pour toute, il n’aurait su le dire.... La jeune fille était une énigme pour lui et bien qu’elle ait tendance à s’ouvrir un peu dernièrement, il suffisait d’un rien pour que tout dérape entre eux… Et son emportement avait eu l’effet escompté. La blonde s’était retranchée dans un silence qui finissait par punir le Vénitien et largement l’énerver. Et pourtant, il aurait souhaité être autrement avec elle, elle qui avait pris soin de lui alors qu’il était seul et désemparé, elle qui était resté à ses côtés, à le soigner et l’aider à retrouver ses souvenirs perdus, elle qui avait essuyé bien des tempêtes quand Dante, impatient, explosait de ne pouvoir mettre un nom sur une situation ou simplement un banal mot, voir son nom mais à croire que c’était impossible entre eux car en retour, il l’avait humiliée une fois de plus.

Passant et repassant la brosse sur les flancs de son cheval, le Vénitien revoyait encore clairement la scène. Une taverne, un soir, paumée à Nevers. Une conversation qui avait fini par tourner autour d’un sujet bien récurrent entre eux… Depuis qu’ils faisaient route ensemble, depuis qu’Ellis était venue se mettre entre les pattes du vieux loup, Dante n’avait eu de cesse de tourmenter l’oisillon autant physiquement que moralement. Et cela faisait des semaines qu’il ne s’approchait plus vraiment de la douce innocente. Non pas qu’il se désintéressait d’elle mais… Mais quoi ? Il ne le savait plus lui-même. L’accident, la mémoire perdue puis retrouvée… tout ceci avait contribué à changer certains de ses comportements mais son appétit pour les femmes s’était réveillé doucement. Mais Ellis avait de l’entêtement et à ce petit jeu là, elle ne cédait pas d’un pouce si bien qu’il avait fini par dire tout haut ce qu’il pensait tout bas et devant témoin. Et là les réflexions fusèrent. Peu enclin à lui accorder un quelconque soutien, Dante s’était complètement désintéressé des moqueries dont l’oisillon était l’objet. Mais depuis, la blondine était silencieuse et jouait les absentes, rongeant son frein, échafaudant certainement une façon de lui faire payer cette cuisante soirée. Mais peu lui importait. Il lui avait demandé pourquoi rester à ses côtés si c’était pour agir ainsi et sans laisser le temps à la jeune femme de s’exprimer, il lui avait montré le chemin droit devant elle en lui affirmant qu’elle était libre de son destin. Mais l’obstination d’Ellis avait une fois de plus offert une réponse négative au voyageur. Dante avait haussé les épaules et comme une réflexion bien connue, s’en était lavé les mains.

Caressant le chanfrein de son cheval, Dante remontait lentement ses doigts jusqu’entre les deux oreilles, laissant sa paume onduler sur le velours de l’animal jusqu’au toupet qu’il lissa légèrement entre ses doigts. Fermant les yeux, le Vénitien apprécia le soyeux de la robe de l’animal tandis que ce dernier s’ébrouait à plusieurs reprises. Dante rit doucement en recommençant sa caresse.


- Et bien toi au moins, tu es content de me voir… ça devient rare les gens qui m’apprécient ces derniers temps ! Je vais finir par croire que je suis plus doué avec les bêtes qu’avec les hommes…

Et Dante posa son front contre celui de son cheval, lui flattant doucement l’encolure de sa dextre avant de faire quelques pas en arrière puis de prendre la direction de l’auberge qui les accueillaient, lui et ses compagnons pour quelques heures. Un bon bain, une chemise propre et il serait frais et disponible pour reprendre la route. Vérification d’usage, le Vénitien chercha les courriers qu’il échangeait avec sa marquise et dont il ne se séparait jamais. Il les trouva enroulé précieusement les uns dans les autres, entouré d’un ruban de satin bleu vénitien. Il n’avait pas le temps de se replonger dans l’une de ses lectures mais il n’avait qu’à fermer les yeux pour relire mentalement l’un des courriers de la jeune femme. Ses mots restaient gravés dans sa tête, le touchant plus que de raison. Les semaines qu’il venait de passer l’avait rendu plus sensible et plus à l’écoute des autres… trop sans aucun doute, il devait se reprendre et vite. Entre une innocente au cœur pur qui l’ignorait avec maestria et une Marquise au cœur tendre qui avait déjà quelqu’un dans sa vie, il était bien loti ! Il était temps pour lui de reprendre la direction des femmes aux mœurs plus légères, évitant ainsi de cogiter plus longuement sur ce qu’il pourrait avoir ou qu’il aurait pu connaitre… Les regrets n’étaient pas des sentiments dont il s’encombrait d’ordinaire alors que diable, oublier les tourments d’un temps et regarder devant lui allait devenir sa nouvelle devise. Ellis n’aurait qu’à bien se tenir, quant à la douce Marquise, il serait pour elle ce qu’il aurait toujours dû être, un ami et rien d’autre.
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Ellisabeth.
    Si la rencontre est un hasard, la rupture est toujours une nécessité.
      De Suzanne Robert


[Fin Mai 1460 – Rennes]

Et elle la relue … Une énième fois …

Assise sur le bord du lit, seule dans sa chambre, la jeune fille replia le vélin. Pas un cri, pas une larme, elle en aurait aimé pourtant si cela avait pu la soulager un tant soit peu… Chaque respiration lui donné l’impression d’être un effort tant sa poitrine lui semblait comprimé. Un étau invisible qui l’avait enlacé dès la première lecture et ne la quittait plus, l’empêchant de trouver le sommeil le soir, la réveillant la nuit, la rendant hagarde la journée. Mais la délivrance par les larmes n’étaient pas venue et qu’importe le nombre de fois où ces yeux se posaient sur le vélin désormais froissé, cela ne changeait rien : Elle était vidée.

Vidée de toutes envies et de toutes émotions, de toutes protections, ressentant la douleur à vif sans savoir la contenir, ni la gérée. Elle était vide tout simplement. Encore une fois, son regard parcouru le parchemin écrit.


Citation:


Bonjour Ellis,

    Je ne sais pas si tu es sortie de chez les nonnes mais j'ai laissé quelques instructions pour que le confort te soit accordée le temps que tu voudras. J'ai fais le nécessaire afin que ces pauvres femmes ne souffrent pas trop d'une bouche supplémentaire à nourrir donc tu as tout le temps que tu veux devant toi.

    Maintenant, si je prends la plume aujourd'hui pour t'écrire c'est surtout afin de te dire que ce n'est pas la peine de me chercher à Rennes pour le moment. Il me faut t'avouer une chose qui jusqu'à maintenant je gardais jalousement pour moi. Si je suis partie c'est pour rejoindre une femme. Tu me diras que ce n'est pas la première, tu sais que j'aime charmer les demoiselles mais là c'est différent. Moi qui me targuais de ne jamais éprouver des sentiments et bien... ils sont là. J'en suis tombé amoureux Ellis et je n'imagine plus ma vie sans elle.

    Je sais que tu vas m'en vouloir et c'est tout à fait légitime mais nos silences dernièrement m'ont fait comprendre que j'avais besoin d'autre chose dans ma vie, d'autre chose que ces non dits et ces frustrations que je ressens.

    Toutefois, je comprends que tu sois perdue aussi tu pourras toujours compter sur moi ou sur Lupino. Je pense qu'il saura t'aider tout autant que moi, je sais qu'il t'apprécie beaucoup. Quoi qu'il advienne de ta vie l'oisillon, n'hésite pas à me faire signe, je serais jamais bien loin pour toi.

    Avec toutes mes pensées.


Dante


    Je suis tombé amoureux …


Ces quatre mots étaient les plus durs pour elle … Lentement, elle posa le feuillet sur la couverture prêt d’elle et se leva. En quelques pas, elle fut près de la fenêtre. Ces bras s’enroulèrent autour d’elle … Elle avait froid, et ceux malgré le printemps bien entamé, malgré le soleil qui brillait à l’extérieur, malgré le feu qu’elle avait demandé au tavernier étonné … Elle avait froid. Un long soupir lui échappa. Qu’elle belle idiote elle faisait ! Qu’avait-elle seulement été imaginée ? Trop, beaucoup trop de chose. En quelques secondes, ces projets … leurs projets … avaient été balayés et elle n’arrivait même pas à lui en vouloir. Comment l’aurait-elle pu ? Elle n’était … Rien finalement, qu’une enfant complétement paumé qui s’était entêté à le suivre et c’est une femme qui lui fallait …

Sans qu’elle ne s’en rende bien compte, elle se mit à tracer des arabesques sans sens ni véritable forme sur la buée qui recouvrait la vitre. Oui, elle n’était qu’une enfant et à cette instant, elle comprit la résistance farouche bien que silencieuse et distante qu’elle lui avait imposé face à son innocence … Elle n’avait, au moins, pas le regret d’avoir été sotte jusqu’au bout … Mais le pensait-elle vraiment ? Pas sûr, mais elle tentait s’en convaincre. Elle avait conservé son honneur pour elle et ceux malgré l’envie qui avait été le siens de le lui offrir, elle l’avait toujours s’était l’essentielle ...

Enfin, elle quitta son poste d’observation pour aller s’installer dans un fauteuil. Qu’allait-elle faire à présent ? Lui courir après ? Certainement pas. Il avait été clair sur ces souhaits et l’avoir près de lui n’en faisait pas partie. Rester ici alors ? Dans cette ville inconnue dont elle connaissait mieux le couvent que les rues ? Pourquoi pas … Qu’avait-elle de mieux à faire de toute façon ? Rien. Si, rentrer à Paris, rentrer à Hôtel Dieu. Retrouvé sa petite vie là-bas et se perdre dans les taches qu’elle avait à y faire, aussi ingrates soient-elles pour certaine. Plus elles le seraient et moins elle aurait à penser. Puis il y avait tous ces enfants qui ne demandaient rien de plus que quelques soins et un peu d’attention, à présent, ils auraient toutes la siennes …

Et de songé aux petits malades, imposa l’image d’un bambin de quelques mois à l’esprit de la jeune fille alors que sa main venait rejoindre le pendentif de bois qu’elle gardait toujours autour du cou. Elle savait qu’il avait grandi et approchait bientôt des deux ans mais elle n’arrivait pas à se le visualisé autrement. Ou plutôt, elle ne souhaitait pas. La crainte que son souvenir ne se ternisse était trop grande … Elle n’avait plus que cela de lui : Zachary. L’espoir de l’avoir près d’elle, d’aller le chercher, de le voir grandir, s’était envolé en même temps que ceux d’avoir un avenir commun avec le Vénitien. Il lui avait suggéré la possibilité que … Elle s’y était opposé avant d’oser, enfin, l’effleurer du bout des doigts … Pour mieux la voir s’éteindre … Sa gorge se noua et pour la première fois, sa vision se brouilla alors qu’une pointe de rancune naissait dans le cœur de l’adolescente envers son ancien mentor … le nommé autrement était trop dur. Que de promesse mais que cela …


- Menteur ... Menteur ... Menteur !

Vivement, la colère aidant, elle se leva et rassembla le peu d'effet qu'elle avait. La journée était bien entamé, elle ne ferait pas long de route, elle le savait. Mais marcher l’aiderait à se fatigué et avec un peu de chance, épuiser, elle réussirait enfin à dormir la nuit venu. Puis, elle devait rentrer à Paris, reprendre le court de sa vie. Une fois là-bas, elle écrirait à Lupino pour s’assurer que son frère ne serait pas à la boutique quand elle irait chercher le peu d’affaire qu’elle y avait laissé.

    Et alors seulement, elle l’oublierait …

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Dante.tommaso
Des jours qu’il avait envoyé ce pigeon à l’innocente, des jours qu’il s’en était séparé et dans sa plus grande bonté, il l’avait laissé sans aucun doute avec sa peine, avec son mal de vivre. Il savait comment Ellis allait réagir… mal. Il connaissait la jeune fille sur le bout des doigts pour avoir si souvent regardé en elle et il se faisait l’effet d’être une belle ordure quand il pensait encore à comment il avait préféré la rendre à sa vie…

Il n’avait pas eu le courage de lui dire en face, pas eu le courage de regarder l’oisillon avoir le cœur déchiré. Pendant des mois il lui avait tourné autour, il avait quitté sa sœur et s’était vers elle qu’il s’était tourné… jamais il n’aurait dû faire une chose pareille sachant qu’il ne tiendrait pas en place. Les femmes étaient son péché et la brune avait su allumer le feu qui couvait dans ses veines pour l’attirer. Mais l’amour ne se construit pas sur des braises même si on tente d’attiser le feu… Il devient vite incontrôlable et c’était ce qu’il s’était passé entre les deux. La balafrée avait osé montrer un visage que Dante n’avait pas apprécié du tout… Interdit, supplique, jalousie… Il l’avait admis de sa sœur et il avait vu où ça l’avait mené alors malgré l’attachement qu’il avait pour le brune, il avait mis un point final à leur passion… Et puis qui disait passion disait éphémère…

Après plusieurs jours de silence voulu, il était reparti d’où il venait… seul. Courriers échangés, explications douloureuses, le Vénitien comprenait que des deux c’était Lynng qui tenait à lui bien plus que l’inverse, il fallait bien l’avouer alors il avait rompu avec les lettres aussi et s’était muré dans un silence parfait. Et la route s’était enchainée pour le ramener vers son port d’attache, Rennes. Oh bien entendu, il n’y resterait pas, il le savait. Mais sa nièce devait s’y trouver et si une personne pouvait assurer qu’elle recevait de Dante la meilleure partie de sa personne c’était bien cette gamine. Pour elle, il aurait traversé les mers, il aurait guerroyé, il aurait tué… Pour l’enfant qu’elle était, il aurait offert sa vie pour la protéger et lui offrir une vie des plus belles. Et le Vénitien espérait qu’elle y soit encore alors courageusement, il prenait son mal en patience et marchait, marchait, marchait…

Rennes lui avait ouvert les portes au petit jour et Dante n’avait pas caché sa joie mais aussi sa fatigue. Alors doucement, il s’était rendu dans la première auberge qu’il avait trouvé ne voulant pas importuner son amie la Marquise en revenant à Cucé et s’y était installé. Déballant quelques affaires de sa besace, ses doigts agrippèrent une étole fine qu’il avait ramenée d’un de ses voyages. Il pensait l’avoir laissé à Paris pour qu’elle soit vendue puis il se rappela pourquoi il l’avait sur lui… C’était un présent qu’il comptait faire à Ellis au temps où tous les deux, ils faisaient route commune. Inspirant profondément, le Vénitien s’installa devant la petite table de la minuscule chambre, sortit son nécessaire à courriers et se lança.


Citation:

L’oisillon,

Avant toute chose, je te prie de ne pas brûler ce vélin avant d’avoir lu jusqu’au bout ces quelques mots. Tu as toujours fais ce que je te demandais, pour une fois, ne déroge pas à la règle !

Je sais que je t’en demande beaucoup et je sais aussi qu’un jour, si nos pas nous amènent à nous recroiser, je recevrais sans aucun doute toute la peine que je t’ai causé en pleine face mais pour le moment nous n’y sommes point alors aiguise tes crocs Bella en attendant de pouvoir me mordre à ton tour…

Maintenant, je sais que la douleur est loin d’être passée. Je te connais l’oisillon, j’ai vu ce qu’il y avait de meilleur en toi et je ne t’aide pas à m’effacer de ta mémoire en prenant contact avec toi mais je voulais te mettre les points sur les i avant que tu ne fasses quoi que ce soit. Il est hors de question que tu rembourses ce que tu penses me devoir… Je te préviens que j’ai déjà donné des ordres à Lupino et s’il accepte, tu auras sur ta conscience la mort de mon frère. Si j’ai voulu te garder près de moi c’était par égoïsme pur et simple Ellis. Je ne te demande pas de payer pour avoir tenu à m’accompagner dans mes voyages… Tu as assez donné de ta personne au vieux fou que je suis pour avoir la conscience tranquille.

Ellis, à ce vélin un cadeau te sera transmis. Je sais il arrive un peu tard mais… j’ai pas eu le temps… pas eu l’occasion au bon moment… bref, il était pour toi. Ce n’est pas grand-chose tu sais mais… accepte-le Ellis… De toute manière, tu n’as pas le choix et Lupino serait vexé si tu refusais… Alors garde-le et si tu préfères, oublie-moi Ellis et pense que c’est mon frère qui voulait te faire plaisir. Tu sais qu’il t’appréciait énormément.

Sois en colère contre moi l’oisillon, haïs-moi si cela peut te faire du bien et te permet de te reconstruire mais n’oublie pas une chose, les Ceresa sont toujours là pour toi, quoi que tu fasses, quoi que tu dises… Garde-le en mémoire, ça pourra toujours te servir un jour et puis donne-moi une adresse bon sang que je puisse te faire envoyer tes affaires si tu tiens vraiment à les récupérer. Je ne voudrais pas que tu te déplaces au risque de tomber sur moi… notre rencontre n’est pas faite pour maintenant.
Je vais essayer de ne plus venir te tourmenter Ellis… je pense que pour ta paix intérieure c’est le mieux que je puisse faire… prends soin de toi l’oisillon et….



Avant de trouver le repos dont il avait besoin, il chercha un coursier… Ellis avait été domiciliée quelques temps ici, avec quelques écus en plus, le coursier la retrouverait. Ordre fut donné de lui remettre en mains propres et de ne pas attendre de réponse.
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Ellisabeth.
    [Début juin 1460En la baronnerie de La Haye du Puit]


    - D’moiselle un coursier d’mande après vous …
    - Êtes-vous sur ? Il doit y avoir une erreur.
    - Non non d’moiselle, y’a pas d’erreur …
    - Très bien … J’arrive … Briana, continuez ainsi, je reviens dans un instant.

Ellis suivit la petite bonne qui était venue la quérir hors de la pièce après s’être assurée, d’un coup d’œil, que Carenza, la rigide gouvernante, était toujours installer dans un coin de la pièce, tricot en main et en silence. Dédale de couloir qu’elle commençait à connaitre, les deux jeunes filles gardèrent le silence aux plus grands soulagements de la petite blonde. Son esprit était en ébullition et faire deux choses en même temps, penser et suivre une conversation, aurait été impossible. Et elle avait besoin de penser …

Qui pouvait bien lui écrire ?

La liste des possibilités était courte. Son père ? Non. Il n’aurait jamais utilisé de coursier. Est-ce des nouvelles de l’Hotel Dieu et de ces petits malades ? Aucune chance. Elle n’était pas médecin là-bas, juste une aide, deux petites mains capables de faire de menues tâches ingrates mais indispensables. Si une quelconque urgence s’y était produite, ce n’est pas à elle que l’on enverrait une missive, mais bien à la rectrice des lieux. En parlant de la baronne, ce ne pouvait pas être elle non plus, écrivant pour prendre des nouvelles de sa cadette puisqu’elle était de retour chez elle depuis plusieurs jours … Qui donc alors ? Elle n’avait toujours pas écrit à Lupino, ce n’était donc surement pas lui. Elle allait devoir remédier très vite à cela … Elle devait beaucoup à l’ainé des Italiens et son silence n’était vraiment une manière de le remercier … Quoi qu’à y réfléchir, s’était peut-être lui.

Elle allait bientôt le savoir …

Et c’est ragaillardi par l’idée de peut-être lire celui qu’elle avait fini par apprécier comme un ami que la jeune fille se retrouva à l’extérieur. Le coursier, gris de poussière et visiblement fatigué se tenait à quelques pas d’elle et, quand il la vit, ne perdit pas une minute à lui confier le plie qu’il lui devait ainsi qu’un petit colis, remplissant ainsi sa mission. Mais l’étonnement de le voir faire demi-tour aussitôt après, fut grand. Pauvre garçon, elle ne pouvait pas le laisser repartir si ainsi …


    - Ne désirez-vous pas manger quelques chose et vous reposer un peu … Je suis sûr qu’ils pourront vous trouver un encas, vous semblez épuisé …

Rassurée, elle le vit accepté et se fut la petite bonne, restait sur le pas de la porte qui l’y conduit. L’histoire de vous dira pas s’ils se comptèrent fleurettes … En revanche, ce ne fut seulement à cet instant, que la jeune fille pu baisser les yeux sur la missive qu’elle tenait. Cette écriture …Elle aurait pu la reconnaitre entre mille.

L’italien …

Oui mais pas celui auquel elle avait songé. Celui-ci était, en vérité, la dernière personne dont elle s’attendait à avoir des nouvelles … Soudain, elle sentit son sang reculer et un vertige la pris l’obligeant à s’assoir sur l’une des marches du perron. Que lui voulait-il ... ? Perdu, son regard passa du plie au colis et un instant, elle fut tentée de n’ouvrir ni l’un ni l’autre. Pourtant, elle savait déjà qu’elle n’en ferait rien … Fébrile, main tremblante et les gestes incertains, elle finit par décacheter la cire qui maintenait la lettre fermée.

Elle ne devrait pas la lire … Non, elle ne devrait pas …

Les battements de son cœur se firent irréguliers à mesure qu’elle le faisait. L’oisillon … Il n’y avait décidemment encore que lui pour la nommer ainsi. Ne pas le bruler … Elle présentait déjà qu’elle aurait due … Et elle lue et relue …. Une fois, deux fois, trois fois. Plus. Moins. Elle n’aurait su le dire … Les mots, traçaient d’une écriture fine et masculine qui le caractérisait si bien, n’avait rien de dur. Et pourtant … pourtant … Ils furent comme un poignard pour elle. Elle avait cherché à se persuadé que tout ceux-ci n’avait été qu’un rêve, une illusion, donc la seule instigatrice était elle-même, qu’elle n’avait pas à avoir mal puisque rien n’avait été et donc … Rien ne pouvait faire mal. Elle avait presque réussit, elle y avait presque cru … Mais ces quelques lignes la rattrapèrent dans ces mensonges pour la ramener à la réalité … Tout avait bel et bien existé.

Avisant le palefrenier dans le fond de la cour qui l’observait, la jeune fille s’obligea à se relever, se retenant de pleurer. Elle ne devait rien laisser paraitre, faire comme si … juste comme si … Sans attendre, elle se réfugia à l’intérieur. Ce lieu, ces terres étaient devenues son cocon, son refuge, ce qui la maintenait debout. Un instant, elle fut tenté de rejoindre son élève, oubliant lettre et colis pour reprendre la vie qu’elle tentait de la construire ici. Mais cela était perdu d’avance … Elle qui peinait déjà à ne pas penser à lui en temps normal, ne se fatiguerait pas, pas plus qu’elle ne l’était déjà, à tenter aujourd’hui. Néanmoins, elle prit quand même la direction de la salle d’étude. Être en présence de l’enfant la calmerait peut-être, tout du moins, l’obligerait à se contenir … Et là, elle avait besoin d'un cataliseur.

Sans un mot la jeune préceptrice pénétra dans la salle et, avec un simple hochement de tête vers la nourrice, reprit sa place. Que faire ? Elle n’avait toujours pas ouvert le paquet mais n’avait pas l’intention de le faire … D’un geste nerveux, elle le posa sur un coin de la table. Plus il serait loin d’elle et mieux se serait … Et maintenant ? Allait-elle l’ignorer ? Lui répondre ? Et pour dire quoi ? Qu’elle avait mal ? Qu’il lui manquait ? Hors de question ! Il vivait son idylle et elle n’allait pas lui donner se plaisir … Néanmoins, une ébauche de fit dans son esprit. Alors, enfin, elle prit plume et vélin pour lui répondre.


      Citation:


      Signore,


        Comme vous pouvez le constater, je vous ai obéie une nouvelle fois … Une dernière fois. Mais je ne m’attarderais pas. Et par pitié, ne me nommez plus comme vous venez de le faire, l’oisillon n’est plus, c’est ainsi.

        La douleur est toujours là, c’est aussi un fait et votre lettre n’y a rien arrangé. Ouvrir les yeux et réaliser ce que l’on est, est rarement positif n’est-ce pas ? Je doute que cela se termine demain, si cela se termine un jour …

        Tout fois, comme je l’ai dit plus haut, je vous ai écouté une fois, une dernière fois en lisant vos mots, je ne le ferais donc pas une fois de plus pour votre nouvelle injonction. Vous trouverez ci-joint à se plie, une petite bourse contenant le début de ce que je vous ai promis. En plus d’être idiote, je ne veux pas que l’on puisse me reprocher de manquer de parole … De plus, passant ainsi directement par vous, vous ne pourrez faire porter aucun blâme à votre frère.

        Quant à la haine, elle ne peut faire aucun bien, je n’ai donc pas l’intention d’en usé.

        Pour les adresses, il y en a deux auxquelles il est possible de me trouver actuellement : l’Hotel Dieu à Paris, ou la baronnerie de La Haye du Puit, comme votre coursier vous le confirmera surement puisque c’est ici qu’il m’a trouvé. Ne soyez pas surpris de ma présence sur les terres de la Rectrice, je suis depuis peu, la préceptrice de sa fille Briana. Mais il est inutile de me faire parvenir quoi que ce soit, je n’ai rien laissé d’important à Paris. Seulement quelques tenues qui n'ont ou n'auront pas leur place, dans le cadre de mon rôle actuelle d’enseignante ou dans celui qui sera le mien à mon retour chez les sœurs à Moulin quand la baronne me congédiera. Voyez avec dame Frédégonde, elle trouvera surement quelques chose à en faire ...

        Oh et ne prenez pas cette air irrassible, vous avez parfaitement quel était mes projets. Je vous doit au moins le fait de savoir où est véritablement ma place et pour cela, je vous dois surement des remerciements.


      Qu’Aristote vous garde,




Il ne l’avait gardé prêt de lui que par égoïsme pure et simple …

Oui, comment avait-elle pu croire un seul instant, à l’époque que la raison pouvait être tout autre ? Il ne le lui avait pourtant jamais caché … Elle ne pouvait certainement pas lui faire le reproche d’être un menteur … Pas sur ce point en tout cas.

Ravalant les larmes une nouvelle fois, elle laissa à peine le temps à l’encre de sécher et scella la missive avant de partir en direction des cuisines, lettre dans une main, bourse dans l'autre, les confié à celui qui saura la remettre à son destinataire.

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